CHAPITRE
29 : EN ROUTE POUR JÉRUSALEM JÉSUS
PRÉDIT DE NOUVEAU SA MORT ET SA RÉSURRECTION[1] Chacun des trois auteurs synoptiques a rapporté le
dernier voyage à Jérusalem et des incidents qui s'y rapportent. La
grande solennité des événements qui étaient maintenant si proches et
du sort vers lequel il se dirigeait affecta tellement Jésus que même ses
apôtres furent surpris de son air absorbé et de sa tristesse évidente,
ils restèrent en arrière, étonnés et craintifs. Puis il s'arrêta,
appela les Douze auprès de lui, et dit, dans un langage parfaitement
clair, sans métaphore ni images: «Voici: nous montons à Jérusalem; et
tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme
s'accomplira. Car il sera livré aux païens; on se moquera de lui, on le
maltraitera, on crachera sur lui et, après l'avoir flagellé on le fera
mourir; et le troisième jour il ressuscitera.» Pour
nous il est stupéfiant que les Douze n'aient pu comprendre ce qu'il
voulait dire; cependant Luc affirme formellement: «Mais ils n'y
comprirent rien; ces paroles leur restaient cachées; ils ne savaient pas
ce que cela voulait dire.» C'était la troisième fois que le Seigneur
annonçait confidentiellement aux Douze sa mort et sa résurrection
proches comme une certitude; et malgré cela ils ne pouvaient se résoudre
à accepter cette terrible vérité[2]. Selon le récit de
Matthieu, ils apprirent la manière exacte dont le Seigneur mourrait - que
les Gentils le crucifieraient - et pourtant ils ne le comprenaient pas. Pour eux il y avait quelque
incongruité terrible, quelque manque de logique atroce ou une
contradiction inexplicable dans les paroles de leur Maître bien-aimé.
Ils savaient qu'il était le Christ, le Fils du Dieu vivant; comment
quelqu'un de pareil pouvait-il être arrêté et tué! Ils ne pouvaient
manquer de se rendre compte qu'un événement sans précédent dans sa vie
était sur le point de se produire; ils ont pu concevoir vaguement que c'était
la crise qu'ils attendaient, la proclamation ouverte de sa dignité
messianique, son couronnement comme Seigneur et Roi. Et c'était ce qui
allait être, bien que d'une manière extrêmement différente de ce
qu'ils attendaient. C'est la prédiction culminante - que le troisième jour il ressusciterait -
qui semble les avoir le plus intrigués; et, en même temps, l'assurance
de son triomphe ultime a pu faire paraître tous les événements intermédiaires
comme d'importance secondaire et passagère. Ils repoussaient avec
persistance la pensée qu'ils suivaient leur Seigneur à la croix et au sépulcre. DE NOUVEAU LA QUESTION DE PRÉSÉANCE[3] En dépit de toutes les instructions que les apôtres
avaient reçues sur l'humilité, et bien qu'ils eussent devant eux
l'exemple suprême de la vie et de la conduite du Maître qui montrait
abondamment que le service était le seul critère de la vraie grandeur,
ils continuaient à rêver et de rang et d'honneurs dans le royaume du
Messie. C'est peut-être à cause de l'imminence du triomphe du Maître
qui s'imposait à ce moment-là à leur esprit, bien qu'ils fussent
ignorants de sa véritable signification, que certains des Douze adressèrent
au Seigneur, au cours de ce voyage, une requête extrêmement ambitieuse.
Les solliciteurs étaient Jacques et Jean, bien que, d'après le texte de
Matthieu, c'était leur mère[4] qui fut la première à faire la
demande. Il fut demandé que lorsque Jésus entrerait en possession de son
royaume, il fît au couple d'ambitieux l'insigne honneur de les installer
à des postes suprêmes, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Au lieu
de réprimander vertement pareille présomption, Jésus demanda doucement
mais d'une manière impressionnante: «Pouvez-vous boire la coupe que je
vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé?»
La réponse était pleine de confiance en soi inspirée par une méprise
due à l'ignorance. «Nous le pouvons», répliquèrent-ils. Alors Jésus
dit: «Il est vrai que vous boirez la coupe que je vais boire, et que vous
serez baptisés du baptême dont je vais être baptisé; mais pour ce qui
est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de le
donner, sinon à ceux pour qui cela est préparé par mon Père.» Les dix apôtres furent indignés contre les deux frères,
moins peut-être parce qu'ils désapprouvaient l'esprit qui les avait
poussés à faire cette demande que parce que ces deux-là avaient devancé
les autres en demandant les postes de distinction principaux. Mais Jésus,
tolérant patiemment leurs faiblesses humaines, attira les Douze autour de
lui et les instruisit comme un père aimant pourrait instruire et exhorter
ses enfants querelleurs. Il leur montra comment les souverains terrestres,
comme les princes parmi les Gentils, dominent sur leurs sujets,
manifestant leur suzeraineté et exerçant arbitrairement l'autorité de
leur office. Mais il ne devait pas en être ainsi parmi les serviteurs du
Maître; quiconque voulait être grand devrait être un serviteur, disposé
à servir ses semblables; le serviteur le plus humble et celui qui
manifesterait le plus de bonne volonté serait le chef des serviteurs. «C'est
ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour
servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup[5].» UN AVEUGLE RECOUVRE LA VUE PRÈS DE JÉRICHO[6] Au
cours de son voyage, Jésus arriva à Jéricho, ville dans laquelle ou près
de laquelle il exerça de nouveau son merveilleux pouvoir d'ouvrir les
yeux des aveugles. Matthieu déclare que deux aveugles furent guéris et
que le miracle fut accompli au moment où Jésus quittait Jéricho; Marc
ne parle que d'un aveugle, qu'il appelle Bartimée ou fils de Timée, et
s'accorde avec Matthieu pour dire que la guérison se produisit alors que
Jésus quittait la ville; Luc ne spécifie qu'un bénéficiaire de la miséricorde
guérisseuse du Seigneur, «un aveugle», et rapporte le miracle comme un
incident qui se produisit au moment où le Christ s'approchait de Jéricho.
Ces légères variantes témoignent du fait que chacun des documents a un
auteur indépendant, et les divergences apparentes n'ont pas d'effet
direct sur les faits principaux ni ne diminuent la valeur pédagogique de
l’œuvre du Seigneur. Comme nous avons vu que c'était
le cas lors d'une occasion antérieure, deux hommes furent cités bien
qu'un seul figure dans le récit détaillé[7]. L'homme dont il est parlé plus particulièrement,
Bartimée, était assis au bord de la route, demandant l'aumône. Jésus
s'approcha, accompagné des apôtres, de beaucoup d'autres disciples et
d'une grande multitude de gens, constituée probablement en grande partie
de voyageurs en route pour Jérusalem pour assister à la fête de la Pâque,
qui était dans une semaine environ. Entendant le piétinement d'un si
grand nombre de personnes, le mendiant aveugle demanda ce que tout cela
voulait dire, et on lui répondit que: «Jésus de Nazareth passait.»
Impatient, craignant de perdre l'occasion d'attirer l'attention du Maître,
il s'écria immédiatement d'une voix forte: «Jésus, Fils de David, aie
pitié de moi.» Son appel, et surtout le fait qu'il utilisa le titre Fils
de David, montre qu'il avait entendu parler du grand Maître, avait
confiance en son pouvoir de guérir et avait la foi qu'il était le Roi et
Libérateur promis d'Israël[8]. Ceux qui se trouvaient en avant
de Jésus dans le groupe essayèrent de réduire l'homme au silence, mais
plus ils le réprimandaient, plus il criait fort et avec insistance: «Fils
de David, aie pitié de moi!» Jésus s'arrêta et ordonna qu'on lui amenât
l'homme. Ceux qui, un instant auparavant encore, auraient arrêté l'appel
ardent de l'aveugle, étaient désireux de lui rendre service maintenant
que le Maître l'avait remarqué. Ils apportèrent la bonne nouvelle à
l'aveugle: «Prends courage, lève-toi, il t'appelle.» Et lui, jetant son
manteau, de crainte qu'il ne l'embarrassât, se hâta de s'approcher du
Christ. A la question du Seigneur: «Que veux-tu que je te fasse?» Bartimée
répondit: «Seigneur, que je recouvre la vue!» Alors Jésus prononça
les mots tout simples remplis de puissance et de bénédictions: «Recouvre
la vue; ta foi t'a sauvé.» L'homme, plein de reconnaissance et sachant
que seule l'intervention divine avait pu lui ouvrir les yeux, suivit son
Bienfaiteur, glorifiant Dieu en de sincères prières d'actions de grâce,
auxquelles un grand nombre de ceux qui avaient été témoins du miracle
se joignirent avec ferveur. ZACHÉE,
CHEF DES PEAGERS[9] Jésus se trouvait dans une ville d'une
importance considérable; parmi les fonctionnaires qui y résidaient se
trouvait une équipe de péagers, ou collecteurs d'impôts, dont le chef
était Zachée[10], que les revenus de son office avaient rendu
riche. Il avait indubitablement entendu parler du grand Galiléen qui n'hésitait
pas à se mêler aux péagers, quelque détestés qu'ils fussent des Juifs
en général; il savait peut-être aussi que Jésus avait placé un de
cette classe des péagers parmi les principaux disciples. Le nom Zachée,
variante de «Zacharie», indique qu'il était juif. Il devait être
particulièrement détesté de son peuple à cause de la haute position
parmi les péagers, qui étaient tous à la solde des Romains. Il avait un grand
désir de voir Jésus; ce sentiment n'était pas de la simple curiosité;
ce qu'il avait entendu au sujet de ce Maître de Nazareth l'avait frappé
et l'avait fait réfléchir. Mais Zachée était un homme de petite taille, et ordinairement il lui était
impossible de voir par-dessus la tête des autres; aussi courut-il en
avant de la compagnie et grimpa-t-il sur un arbre qui se dressait au bord
de la route. Lorsque Jésus parvint à
cet endroit, à la grande surprise de l'homme qui se trouvait dans
l'arbre, il leva les yeux et dit: «Zachée, hâte-toi de descendre; car
il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison.» Zachée descendit en
hâte et reçut avec joie le Seigneur comme hôte. La multitude qui avait accompagné
Jésus semble avoir été en général amicale à son égard; mais lorsque
les affaires prirent cette tournure, ils murmurèrent et critiquèrent,
disant du Maître: «il est allé loger chez un homme pécheur»; car tous
les péagers étaient pécheurs aux yeux des Juifs, et Zachée admit que
dans son cas il était probable que l'opprobe était méritée. Mais ayant
vu Jésus et ayant parlé avec lui, ce chef des péagers crut et fut
converti. Pour prouver le changement de son cœur, Zachée promit sur-le-champ de
faire amende honorable et de restituer si cela s'avérait nécessaire. «Voici,
Seigneur», dit-il: «je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si
j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.»
C'étaient des œuvres qui prouvaient le repentir. L’homme se rendait
compte qu'il ne pouvait changer son passé; mais il savait qu'il pouvait
du moins en partie expier certains de ses méfaits. Sa promesse de
restituer au quadruple ce qu'il avait mal acquis était conforme à la loi
mosaïque de la restitution mais dépassait de loin la compensation
requise[11]. Jésus accepta la profession de repentir de cet homme et
dit: «Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci
est aussi un fils d'Abraham.» Une autre brebis égarée était revenue au
bercail; un autre trésor perdu avait été retrouvé; un autre fils
prodigue était rentré dans la maison du Père[12]. «Car le Fils de l'homme
est venu chercher et sauver ce qui était perdu.» ON
DONNERA À CELUI QUI A[13] Comme
la multitude s'approchait de Jérusalem, Jésus se trouvant au milieu
d'elle, on s'interrogea vivement sur ce que le Seigneur ferait lorsqu'il
arriverait dans la capitale du pays. Beaucoup de ceux qui étaient avec
lui s'attendaient à ce qu'il proclamât son autorité royale et «on
pensait que le royaume de Dieu devait apparaître à l'instant». Jésus leur
raconta une histoire; nous l'appelons la parabole des mines: «Un
homme de haute naissance s'en alla dans un pays lointain, pour recevoir la
royauté et revenir ensuite. Il appela dix de ses serviteurs, leur donna
dix mines et leur dit: Faites-les valoir, jusqu'à ce que je revienne.
Mais ses concitoyens le haïssaient, et ils envoyèrent une ambassade après
lui, pour dire: Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous.
Lorsqu'il fut de retour, après avoir reçu la royauté, il fit appeler
auprès de lui les serviteurs auxquels il avait donné l'argent, afin de
connaître comment chacun l'avait fait valoir. Le premier vint et dit:
Seigneur, ta mine a rapporté dix mines. Il lui dit: C'est bien, bon
serviteur; parce que tu as été fidèle en peu de chose, reçois le
gouvernement de dix villes. Le second vint et dit: Seigneur, ta mine a
produit cinq mines. Il lui dit: Toi aussi, sois établi sur cinq villes.
Un autre vint, et dit: Seigneur, voici ta mine que j'ai gardée dans un
linge, car j'avais peur de toi, parce que tu es un homme sévère; tu
prends ce que tu n'as pas déposé, et tu moissonnes ce que tu n'as pas
semé. Il lui dit: Je te jugerai sur tes paroles, mauvais serviteur; tu
savais que je suis un homme sévère; que je prends ce que je n'ai pas déposé,
et moissonne ce que je n'ai pas semé; pourquoi donc n'as-tu pas placé
mon argent dans une banque, et à mon retour je l'aurais retiré avec un
intérêt? Puis il dit à ceux qui étaient là: Otez-lui la mine et
donnez-la à celui qui a les dix mines. Ils lui dirent: Seigneur, il a dix
mines. Je vous le dis, on donnera
à celui qui a, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a. Au
reste, amenez ici mes ennemis qui n'ont pas voulu que je règne sur eux,
et égorgez-les en ma présence. » Le détail
de l'histoire et l'application de la parabole étaient tous deux plus
faciles à comprendre à la multitude juive qu'à nous. Le départ d'un
homme de haute naissance d'une province vassale pour la cour du suzerain
pour obtenir l'investiture de l'autorité royale, et la protestation des
citoyens sur qui il prétendait régner étaient des incidents de
l'histoire juive encore frais à l'esprit du peuple à qui le Christ
parlait[14]. L’explication de la parabole est la
suivante: le peuple ne devait pas attendre l'établissement immédiat du
royaume dans son pouvoir temporel. Celui qui allait être roi était représenté
étant parti pour un pays lointain dont il retournerait certainement.
Avant de partir, il avait donné à chacun de ses serviteurs une somme
d'argent bien déterminée; et c'est par le succès avec lequel ils
l'utiliseraient qu'il jugerait de leur capacité à remplir des postes de
confiance. Lorsqu'il revint, il demanda des comptes, dans lesquels les cas
des trois serviteurs sont typiques. L’un d'eux avait utilisé la mine de
manière à en produire dix autres; il fut félicité et reçut une récompense
que seul un souverain pourrait donner, le gouvernement de dix villes. Le
deuxième serviteur, qui avait reçu le même capital, ne l'avait accru
que cinq fois; il reçut donc la récompense proportionnée en étant nommé
gouverneur de cinq villes. Le troisième rendit ce qu'il avait reçu sans
accroissement, car il ne l'avait pas utilisé. Il n'avait aucune raison et
seulement une très mauvaise excuse à présenter pour sa négligence. Il
fut justement réprimandé avec sévérité, et l'argent lui fut enlevé.
Lorsque le roi ordonna que la mine ainsi perdue par le serviteur infidèle
fût donnée à celui qui en avait déjà dix, certains qui se trouvaient
là manifestèrent une certaine surprise; mais le roi expliqua que «on
donnera à celui qui a»; car il tire parti de ce qui lui est confié,
tandis que «à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a», car il a
prouvé qu'il était totalement incapable de posséder et d'utiliser
convenablement. Cette partie de la parabole, bien que d'application générale,
dut être frappante pour les apôtres; car chacun d'eux avait reçu par
son ordination une investiture égale, et chacun devrait rendre des
comptes de son administration. Il est clair que le Christ était l'homme
de haute naissance qui devait recevoir la royauté et qui reviendrait réclamer
des comptes des serviteurs auxquels il avait fait confiance[15]. Mais un grand nombre de
citoyens le haïssaient et protestèrent contre son investiture disant
qu'ils ne voulaient pas qu'il régnât sur eux[16]. Lorsqu'il reviendra avec
puissance et autorité, ces citoyens rebelles recevront certainement le châtiment
qu'ils méritent[17]. CHEZ
SIMON LE LÉPREUX[18] Six
jours avant la fête de la Pâque, c'est-à-dire avant le jour où
l'agneau pascal devait être mangé[19], Jésus arriva à Béthanie, ville natale de
Marthe et Marie, et de Lazare qui était mort récemment et avait été
rappelé à la vie. La chronologie des événements, tels qu'ils se présentent
au cours de la dernière semaine de la vie de notre Seigneur, soutient la
croyance généralement acceptée que cette année-là, le 14 nisan, date
à laquelle la fête de Pâque commençait, tombait un jeudi; ceci étant,
le jour où Jésus parvint à Béthanie était le vendredi précédent,
veille du sabbat juif. Jésus savait parfaitement que ce sabbat était le
dernier qu'il verrait dans la mortalité. Les évangélistes ont tiré le
voile d'un silence respectueux sur les événements de ce jour-là. Il
semble que Jésus passa son dernier sabbat dans la retraite de Béthanie. Le voyage à pied
depuis Jéricho n'avait pas été une promenade facile, car la route
montait à une altitude de près de neuf cents mètres et était
d'ailleurs par elle-même une route fatigante. Le
samedi, probablement le soir, après la fin du sabbat, un repas fut préparé
pour Jésus et les Douze chez Simon le lépreux. L'Ecriture ne dit rien
d'autre de ce Simon. S'il vivait à l'époque où le Seigneur fut reçu
dans la maison qui porte son nom, et s'il était là, il avait dû déjà
être guéri de sa lèpre, sinon on ne lui aurait pas permis de résider
à l'intérieur de la ville et encore moins de se trouver parmi les invités
d'une fête. Il est raisonnable de penser que l'homme avait jadis été
victime de la lèpre, ce qui lui avait valu le nom de Simon le lépreux,
et qu'il était l'une des nombreuses personnes qui souffraient de cette
terrible maladie et qui avaient été guéries par l'intervention du
Seigneur. En
cette occasion mémorable, Marthe était chargée des préparatifs pour le
repas, et sa sœur Marie était avec elle, tandis que Lazare était à
table avec Jésus. Beaucoup ont pensé que la maison de Simon le lépreux
était la résidence familiale des deux sœurs de Lazare, auquel cas il
est possible que Simon ait été le père des trois jeunes gens, mais nous
n'en avons aucune preuve[20]. Aucune tentative ne fut
faite d'obtenir une intimité particulière à ce repas. A cette époque,
ce genre d'événement était ordinairement marqué de la présence d'un
grand nombre de badauds non invités; et nous ne sommes donc pas surpris
d'apprendre que beaucoup de gens étaient là et qu'ils étaient venus «non
pas seulement à cause de Jésus, mais pour voir aussi Lazare qu'il avait
ressuscité d'entre les morts». Lazare était pour le peuple un sujet très
intéressant et sans aucun doute un objet de curiosité et, à l'époque où
il avait le privilège d'être en rapports étroits avec Jésus à Béthanie,
les principaux sacrificateurs complotaient pour le mettre à mort à cause
de l'effet que sa résurrection avait eue sur le peuple, dont un grand
nombre croyait en Jésus à cause du miracle. Ce souper de Béthanie était un événement qui
devait être inoubliable. Marie, la plus contemplative et la plus empreinte de
spiritualité des deux sœurs, celle qui aimait s'asseoir aux pieds de Jésus
et écouter ses paroles, et qui avait été félicitée d'avoir ainsi
choisi la seule chose nécessaire qui manquait à sa sœur plus pratique[21],
sortit de parmi ses trésors un vase d'albâtre contenant une livre d'un
parfum de nard de grand prix, rompit le vase et en déversa le contenu
parfumé sur la tête et les pieds de son Seigneur, et lui essuya les
pieds de ses tresses dénouées[22]. Oindre d'huile ordinaire
la tête d'un invité, c'était lui faire honneur; lui oindre également
les pieds, c'était montrer une considération extraordinaire et insigne;
mais oindre la tête et les pieds de nard, et en telle abondance, était
un acte d'hommage respectueux rarement rendu même aux rois[23]. L’acte de Marie était
une expression d'adoration; c'était l'exubérance parfumée d'un cœur
plein de dévotion et d'affection. Mais
ce splendide tribut de l'amour d'une femme pieuse fut le sujet d'une
protestation désagréable. Judas Iscariot, trésorier des Douze mais
malhonnête, cupide et mesquin, laissa libre cours à ses murmures,
disant: «Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour
les donner aux pauvres[24]?» Cette sollicitude
apparente pour les pauvres était pure hypocrisie. C'était un voleur, et
il se plaignait de ne pas avoir reçu le précieux parfum à vendre, ou
que le prix n'en eût pas été versé dans l'escarcelle dont il était le
gardien intéressé. Marie avait utilisé si abondamment le précieux
parfum que d'autres que Judas avaient laissé leur surprise se transformer
en murmures; mais c'est à lui qu'est attribuée la distinction d'être le
principal mécontent. La nature sensible de Marie fut affligée de la méchante
désapprobation, mais Jésus s'interposa, disant: «Pourquoi faites-vous
de la peine à cette femme? Elle a accompli une bonne action à mon égard.»
Puis continuant à les réprimander et en guise d'instruction solennelle,
il poursuivit: «Car vous avez toujours les pauvres avec vous, mais moi,
vous ne m'avez pas toujours. En répandant ce parfum sur mon corps, elle
l'a fait pour ma sépulture. En vérité, je vous le dis, partout où
cette bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera
aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait.» On
ne nous dit pas avec certitude si Marie savait qu'avant quelques jours son
Seigneur bien-aimé serait au tombeau. Il se peut qu'elle en ait été
informée, étant donné l'intimité sacrée qui existait entre Jésus et
la famille; il se peut aussi qu'elle ait déduit des réflexions du Christ
aux apôtres qu'il était sur le point de faire le sacrifice de sa vie; ou
peut-être est-ce inspirée par l'intuition qu'elle fut poussée à rendre
ce tribut d'amour dans lequel son souvenir a été enchâssé dans le cœur
de tous ceux qui connaissent et aiment le Christ. Jean nous a conservé la
réflexion de Jésus dans la réprimande provoquée par les grognements de
l'Iscariot: «Laisse-la; c'est pour le jour de mon ensevelissement qu'elle
l'a gardé» [version du roi Jacques - N.d.T.]; et la version de Marc suggère
de même que Marie avait une intention bien déterminée et solennelle: «elle
a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture.» L'ENTRÉE TRIOMPHALE DU
CHRIST À JÉRUSALEM[25] Tandis qu'il se trouvait encore à Béthanie ou
dans le village voisin de Bethphagé et, selon le récit de Jean, le
lendemain du repas chez Simon, Jésus ordonna à deux de ses disciples de
se rendre en un certain lieu où, leur dit-il, ils trouveraient une ânesse
attachée et avec elle un ânon sur lequel nul ne s'était jamais assis.
Ils devaient les lui amener. Si on les arrêtait ou si on les
questionnait, ils devaient dire que le Seigneur avait besoin des animaux. Matthieu est le seul à parler de l'ânesse et de l'ânon;
les autres écrivains ne parlent que du dernier; il est très
vraisemblable que la mère suivit lorsqu'on emmena le petit, et la présence
de la mère servit probablement à tenir l'ânon tranquille. Les disciples trouvèrent tout
comme le Seigneur l'avait dit. Ils amenèrent l'ânon à Jésus, étendirent leurs manteaux sur le dos du
doux animal et y firent asseoir le Maître. Le groupe se mit en route pour Jérusalem, Jésus chevauchant au milieu
d'eux. Or,
comme c'était l'habitude, un grand nombre de personnes s'étaient rendues
à la ville plusieurs jours avant le commencement des rites de la Pâque,
afin de régler les questions de purification personnelle et de payer
leurs arriérés dans l'offrande des sacrifices prescrits. Bien que le
grand moment où la fête devait commencer ne fût que quatre jours plus
tard, la ville était bondée de pèlerins; parmi ceux-ci on se demandait
beaucoup si Jésus s'aventurerait à paraître publiquement à Jérusalem
au cours de la fête, étant donné les plans bien connus de la hiérarchie
de le faire arrêter. Le commun du peuple s'intéressait à toutes les
actions et à tous les mouvements du Maître, et la nouvelle qu'il avait
quitté Béthanie le devança, de sorte que lorsqu'il se mit à descendre
la partie la plus élevée de la route, au flanc du mont des Oliviers, de
grandes foules s'étaient assemblées autour de lui. Le peuple jubilait de
voir Jésus se diriger vers la ville sainte; les gens étendirent leurs vêtements
et jetèrent des feuilles de palmiers et d'autres feuillages sur son
chemin, tapissant ainsi la route tout comme pour le passage d'un roi. Pour
le moment il était le roi et eux ses sujets adorateurs. Les voix des gens
résonnaient en un écho harmonieux: «Béni soit le roi, celui qui vient
au nom du Seigneur! Paix dans le ciel, et gloire dans les lieux très
hauts!» Et encore: «Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient
au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts[26].» Mais au milieu de toute cette allégresse, Jésus était
triste lorsqu'il arriva en vue de la grande ville où se trouvait la
Maison du Seigneur, et il pleura à cause de la méchanceté de son
peuple, de son refus de l'accepter comme Fils de Dieu; en outre, il prévoyait
les scènes terribles de destruction à cause de laquelle la ville et le
temple allaient tous deux tomber bientôt. Dans son angoisse et ses
larmes, il apostropha ainsi la ville condamnée: «Si tu connaissais, toi
aussi, en ce jour, ce qui te donnerait la paix! Mais maintenant c'est caché
à tes yeux. Il viendra sur toi des jours où tes ennemis t'environneront
de palissades, t'encercleront et te presseront de toutes parts; ils t'écraseront,
toi et tes enfants au milieu de toi, et ne laisseront pas en toi pierre
sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée.»
La multitude s'augmentait de foules nouvelles qui se joignaient à
l'imposante procession à chaque croisement de chemins; et les cris de
louange et d'hommage se faisaient entendre à l'intérieur de la ville
tandis que la compagnie était encore loin des murs. Lorsque le Seigneur
traversa le massif portail et entra dans la capitale du grand Roi, la
ville tout entière était en émoi. A la question de ceux qui n'étaient
pas informés. «Qui est celui-ci?», la multitude criait: «C'est Jésus,
le prophète, de Nazareth en Galilée.» Il se peut que les pèlerins
galiléens furent les premiers à répondre et les plus forts à faire la
joyeuse proclamation; car les orgueilleux judéens tenaient la Galilée en
piètre estime, et ce jour-là, Jésus de Galilée était le personnage le
plus important de Jérusalem. Les Pharisiens, jaloux des honneurs ainsi
donnés à quelqu'un dont ils complotaient la mort depuis si longtemps, se
lamentèrent impuissants les uns auprès des autres de l'échec de tous
leurs plans hostiles, disant: «Vous voyez que vous ne gagnez rien, voici
que (tout) le monde est allé après lui.» Incapables d'arrêter
l'enthousiasme débordant des multitudes ou de réduire au silence les
joyeuses acclamations, certains des Pharisiens se frayèrent un chemin
dans la foule jusqu'à Jésus, et firent appel à lui, disant: «Maître,
reprends tes disciples.» Mais le Seigneur répondit: «Je vous le dis,
s'ils se taisent, les pierres crieront[27]!»
Descendant de l'ânon, il entra à pied dans l'enceinte du temple; des
cris d'adulation l'y accueillirent. Les principaux sacrificateurs, les
scribes et les Pharisiens, les représentants officiels de la théocracie,
la hiérarchie du judaïsme, étaient en rage; il était indéniable que
le peuple rendait les honneurs messianiques à ce Nazaréen gênant; et
cela dans l'enceinte même du temple de Jéhovah. Le
but du Christ en cédant ainsi pour ce jour aux désirs du peuple et en
acceptant son hommage avec une grâce royale, notre esprit limité ne peut
peut-être pas le comprendre pleinement. Il est clair que l'événement n'était
pas une occasion accidentelle ou fortuite dont il profitait sans intention
préconçue. Il savait d'avance ce qui serait et ce qu'il ferait. Ce n'était
pas une mise en scène sans signification, mais l'arrivée réelle du Roi
des rois. Il entra, chevauchant un ânon, en signe de paix, acclamé par
les cris de Hosanna des multitudes, non sur un destrier caparaçonné avec
la panoplie de combat ni aux accents de coups de trompe et de fanfares de
trompettes. Le fait que le joyeux événement ne suggérait aucunement de
l'hostilité physique ou des troubles séditieux est suffisamment démontré
par le désintéressement indulgent avec lequel les fonctionnaires romains
le considérèrent, eux qui étaient ordinairement prompts à envoyer
leurs légionnaires se déverser du haut de la forteresse d'Antonia au
premier signe d'émeute, et ils étaient particulièrement vigilants à
supprimer tous les prétendants messianiques, car de faux messies s'étaient
déjà levés, et on avait versé beaucoup de sang pour dissiper de force
leurs prétentions trompeuses. Mais les Romains ne voyaient rien à
craindre, et peut-être beaucoup de choses qui prêtaient à sourire dans
le spectacle d'une roi monté sur un âne et accompagné de sujets qui,
quoique nombreux, ne brandissaient pas d'armes mais agitaient au contraire
des palmes et des rameaux de myrte. L’âne a été désigné dans la
littérature comme «l'antique symbole de la royauté juive», et celui
qui chevauche un âne comme le modèle de la marche pacifique. Pareille entrée triomphale de Jésus dans la
principale ville des Juifs aurait été absolument contraire à la teneur
générale de son ministère dans ses premiers stades. Même lorsqu'il
avait laissé entendre qu'il était le Christ, il l'avait fait avec
beaucoup de soin, s'il l'avait jamais fait, et il avait étouffé dans l'œuf
toute manifestation de considération populaire dans laquelle il aurait pu
figurer comme chef national. Mais maintenant, l'heure de la grande
consommation était proche; le fait d'accepter publiquement l'hommage de
la nation et de reconnaître les deux titres de roi et de Messie, c'était
proclamer ouvertement et officiellement son investiture divine. Il était
entré dans la ville et dans le temple de la manière royale qui convenait
au prince de la paix. Les chefs de la nation l'avaient rejeté et s'étaient
moqués de ses prétentions. La manière dont il entra aurait dû frapper les savants
docteurs de la loi et les prophètes; car la prédiction impressionnante
de Zacharie dont Jean, l'évangéliste, voit l'accomplissement dans les événements
de ce dimanche mémorable[28], était fréquemment citée
parmi eux: «Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Lance des clameurs, fille de Jérusalem!
Voici ton roi, il vient à toi; il est juste et victorieux [la version du
roi Jacques dit: «détenteur du salut» - N.d.T.], il est humble et monté
sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse[29].» DES
GRECS RENDENT VISITE AU CHRIST[30] Parmi
les multitudes qui se rendaient à Jérusalem à l'époque de la Pâque
annuelle, il y avait des gens de nombreuses nations. Certains d'entre eux,
bien que n'étant pas d'ascendance juive, avaient été convertis au judaïsme;
ils étaient admis dans l'enceinte du temple mais n'avaient pas la
permission de dépasser la cour des Gentils[31]. Pendant la dernière semaine que notre Seigneur
passa dans la mortalité, probablement le jour de son entrée royale dans
la viIle[32], certains Grecs, qui
comptaient de toute évidence parmi les prosélytes puisqu'ils étaient
venus «pour adorer pendant la fête», demandèrent un entretien avec Jésus.
Justement remplis d'un sentiment de bienséance, ils hésitaient à
aborder directement le Maître et s'adressèrent au lieu de cela à
Philippe, l'un des apôtres, disant: «Seigneur, nous voudrions voir Jésus.»
Philippe consulta André, et les deux hommes en informèrent alors Jésus
qui, comme nous pouvons le déduire raisonnablement du contexte, bien que
le fait ne soit pas déclaré explicitement, reçut favorablement les
visiteurs étrangers et leur donna des préceptes d'une très grande
valeur. Il est évident
que le désir que ces Grecs avaient de rencontrer le Maître n'était pas
basé sur de la curiosité ou une autre impulsion mauvaise; ils désiraient
vivement voir et entendre le Maître dont la réputation était parvenue
jusqu'à leur pays et dont les enseignements les avaient frappés. Jésus leur attesta que l'heure de sa mort était
proche, l'heure à laquelle «le Fils de l'homme doit être glorifié».
Ils furent surpris et affligés des paroles du Seigneur et demandèrent
probablement si pareil sacrifice était nécessaire. Jésus expliqua en
citant une illustration frappante tirée de la nature: «En vérité, en vérité,
je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il
reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit[33].» La comparaison est excellente,
et en même temps magistralement simple et belle. Un fermier qui néglige
ou refuse de semer son blé en terre, parce qu'il veut le garder, ne peut
avoir d'accroissement; mais s'il sème le blé dans un sol bon et riche,
chaque grain vivant peut se multiplier de nombreuses fois, bien que la
semence doive nécessairement être sacrifiée dans ce processus. C'est
ainsi, dit le Seigneur, que «celui qui aime sa vie la perd, et celui qui
a de la haine pour sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle».
Ce que le Maître veut dire est clair; celui qui aime sa vie au point de
ne pas vouloir la mettre en danger ou, si c'est nécessaire, la sacrifier
au service de Dieu, perdra son occasion d'acquérir l'accroissement
abondant de la vie éternelle, tandis que celui qui considère l'appel de
Dieu comme à ce point supérieur à la vie que son amour de la vie est
comme de la haine en comparaison, trouvera la vie qu'il abandonne
librement ou est disposé à abandonner, même si pour le moment elle
disparaît comme le grain enfoui dans la terre; et il se réjouira de
l'abondance d'un développement éternel. Si cela est vrai de l'existence de chaque homme, combien cela était-il éminemment vrai de
la vie de celui qui était venu mourir afin que les hommes vivent?
C'est pourquoi il était nécessaire qu'il mourût, comme il avait dit
qu'il était sur le point de le faire; mais sa mort, loin d'être une vie
perdue, devait être une vie glorifiée. LA
VOIX DU CIEL[34] La conscience des expériences atroces qu'il était
sur le point de connaître, et en particulier la contemplation de l'état
de péché qui rendait son sacrifice impérieux pesaient tellement sur
l'esprit du Sauveur qu'il fut profondément affligé. «Maintenant mon âme
est troublée», gémit-il. «et que dirai-je?» s'exclama-t-il avec
angoisse. Dirait-il: «Père sauve-moi de cette heure» alors qu'il savait
que «c'est pour cela» qu'il était venu «jusqu'à cette heure»? Ce n'était
qu'à son Père qu'il pouvait s'adresser pour trouver du soutien et du réconfort,
non pour être soulagé de ce qui allait venir, mais pour avoir la force
de l'endurer; et il pria: «Père, glorifie ton nom!» C'était une âme
puissante qui s'apprêtait à affronter l'épreuve suprême, qui pour le
moment semblait écrasante. A cette prière dans laquelle le Fils se
soumettait de nouveau à la volonté du Père: «Une voix vint alors du
ciel: je l'ai glorifié et je le glorifierai de nouveau.» La voix
était réelle; ce n'était pas un murmure subjectif de consolation pour
la conscience intérieure de Jésus mais une réalité extérieure et
objective. Des gens qui se trouvaient tout près entendirent le
bruit et l'interprétèrent de différentes manières; certains dirent que
c'était le tonnerre, d'autres, dont le discernement spirituel était
meilleur, dirent: «Un ange lui a parlé»; et certains peuvent avoir
compris les paroles comme Jésus les avaient comprises. Complètement sorti maintenant du
nuage d'angoisse qui l'enveloppa passagèrement, le Seigneur se tourna
vers le peuple, disant: «Ce n'est pas à cause de moi que cette voix
s'est fait entendre; c'est à cause de vous.» Puis, conscient que son
triomphe sur le péché et la mort était assuré, il s'exclama avec des
accents de joie divine, comme si la croix et le sépulcre étaient déjà
dépassés: «Maintenant c'est le jugement de ce monde; maintenant le
prince de ce monde sera jeté dehors.» Satan, prince du monde, était
condamné[35]. «Et moi», poursuivit le
Seigneur, «quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous (les
hommes) à moi.» Jean nous assure que cette dernière parole avait trait
à la manière dont le Seigneur mourrait; c'est ce que le peuple comprit,
et il demanda l'explication de ce qui lui semblait être un manque de
logique. En effet, les Ecritures, comme on lui avait appris à les interpréter,
déclaraient que le Christ devait demeurer éternellement[36],
et maintenant voilà que lui, qui se prétendait être le Messie, le Fils
de l'homme affirmait qu'il devait être élevé. «Qui est ce Fils de l'homme?» demandèrent-ils. Soucieux comme toujours
de ne pas jeter de perles là où elles ne seraient pas appréciées, le
Seigneur s'abstint de répondre directement mais les exhorta à marcher
dans la lumière tant que la lumière était avec eux, car les ténèbres
suivraient certainement; et, comme il le leur rappelait, «celui qui
marche dans les ténèbres ne sait pas où il va». En conclusion le Seigneur les exhorta de cette manière: «Pendant que vous
avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous deveniez des
enfants de lumière[37].» A la fin de ce discours, Jésus
quitta le peuple «et se cacha loin d'eux». Voici comment Marc termine le rapport du premier
jour de ce qui a pris le nom de la semaine de la passion de notre Seigneur[38]: «Quand il eut tout
regardé, vu l'heure tardive, il s'en alla à Béthanie avec les douze[39].» NOTES
DU CHAPITRE 29 1. La mère de Jacques et
de Jean : La mère de ces deux fils de Zébédée (Mt 20:20, comparer avec 4:21) est généralement
considérée comme la Salomé citée parmi les femmes qui assistaient à
la crucifixion (Mc 15:40, comparer avec Mt 27:56 où il est parlé de «la mère
des fils de Zébédée», et où le nom «Salomé» est omis), et l'une de
celles qui arrivèrent les premières au tombeau le matin de la résurrection
(Mc 16:1). Du fait que Jean parle de la mère de Jésus et de «Ia sœur
de sa mère» (19:25) et omet de mentionner le nom de Salomé, certains exégètes
prétendent que Salomé était la sœur de Marie, mère de Jésus, et par
conséquent la tante du Sauveur. Cette parenté ferait de Jacques et de
Jean les cousins de Jésus. Bien que les Ecritures ne contestent pas cette
prétendue parenté, elle ne les affirment certainement pas. 2. Jéricho : C'était une ville antique, située au nord-est
de Jérusalem, à un peu moins de vingt-quatre kilomètres en ligne
droite. Au cours de l'exode, le peuple d'Israël la captura par
l'intervention miraculeuse de la puissance divine (Jos 6). La fertilité
de la région est indiquée par une appellation descriptive «Ia ville des
palmiers» (Dt 34:3, Jg 1:16, 3:13, 2 Ch 28:15). Le nom Jéricho veut dire
«lieu de parfum». Son climat était semi-tropical, conséquence de sa
basse altitude. Elle se trouvait dans une vallée située à plusieurs
dizaines de mètres en dessous du niveau de la Méditerranée; cela
explique la déclaration de Luc (19:28) que, lorsque Jésus eut prononcé
la parabole des mines tandis qu'il était sur le chemin de Jéricho, il «prit
les devants et monta vers Jérusalem». A l'époque du Christ, Jéricho
était une ville importante; du fait de l'abondance de ses produits
commerciaux, en particulier le baume et les épices, un bureau de péage y
était installé, que Zachée semble avoir dirigé. 3. L’homme de haute naissance et le royaume : Le cadre local de la partie de la
parabole des mines qui a trait à un homme de haute naissance s'en allant
dans un pays lointain recevoir un royaume avait son parallèle dans
l'histoire. A Rome pour demander à l'empereur la confirmation de son
statut royal. Une protestation du peuple s'y opposa. Farrar (p. 493, note)
dit de cet événement dans la parabole: «Un homme de haute naissance se
rendant dans un pays lointain pour recevoir un royaume» serait totalement
incompréhensible, si par chance nous ne savions que c'est ce qu'avaient
fait Archélaüs et Antipas (Jos, An. XVII, 9:4). Et dans le cas d'Archélaüs,
les Juifs avaient effectivement envoyé à Auguste une députation de
cinquante personnes pour faire le récit de ses cruautés et s'opposer à
ses prétentions, députation qui, bien qu'échouant cette fois-là, réussit
ultérieurement (Josèphe, Ant. XVII, 13:2). En l'absence d'Archélaüs,
Philippe défendit les biens de celui-ci contre les empiétements du
proconsul Sabinus. Le splendide palais qu'Archélaüs avait construit à Jéricho
(Jos. Ant. XVII, 13: 1) devait tout naturellement rappeler ces événements
à l'esprit de Jésus, et la parabole est un exemple supplémentaire
frappant de la manière dont il utilisait les événements les plus
ordinaires qui se passaient autour de lui comme base de ses enseignements
les plus élevés. C'est aussi une indication supplémentaire insoupçonnée
de l'authenticité et de la véracité des évangiles.» 4. «Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous» : Trench (Miracles, p. 390) note très
justement à propos de cette partie de la parabole: «Deux fois avant
qu'il ne s'en fût allé recevoir son royaume, cette déclaration même
fut exprimée officiellement de leurs lèvres: une fois lorsqu'ils crièrent
à Pilate: «Nous n'avons de roi que César»; et de nouveau lorsqu'ils réclamèrent
de lui: «N'écris pas: Roi des Juifs» (Jn 19:15, 21; comparer avec Ac 17:7).
Mais on trouvera un accomplissement plus littéral de ces paroles dans le
comportement des Juifs après son ascension, leur hostilité féroce au
Christ dans sa jeune Eglise (Ac 12:3, 13:45, 14:18, 17:5, 18:6, 22:22,
23:12; 1 Th 2:15). 5. Le jour du repas de Béthanie : Jean place cet événement
le jour suivant l'arrivée du Christ à Béthanie, car comme nous pouvons
le voir dans 12:12, l'entrée triomphale à Jérusalem se produisit le
lendemain du repas et, ainsi que nous l'avons dit dans le texte, Jésus
arriva à Béthanie très probablement le vendredi. La joyeuse procession
à Jérusalem n'eut pas lieu le jour qui suivit le vendredi, car c'était
le sabbat juif. Matthieu (26:2-13) et Marc (14:1-9) situent l'incident du
repas après le récit de l'entrée triomphale et d'autres événements,
ce dont certains ont conclu que ces deux auteurs placent le repas deux
jours avant la Pâque. Cette déduction n'est pas confirmée. Dans ce
domaine, l'ordre chronologique donné par Jean semble être le véritable. 6. La maison familiale de Béthanie : La maison de Marthe, Marie et Lazare semble avoir été le lieu de résidence
habituel de Jésus lorsqu'il était à Béthanie. Il ne fait aucun doute
qu'il avait des rapports étroits et affectueux avec tous les membres de
la famille, même avant la résurrection de Lazare, et cet événement
suprême et heureux dut intensifier l'estime dans laquelle on tenait notre
Seigneur dans ce foyer et la transformer en un respect adorateur. Le récit scripturaire ne dit pas si cette maison était identique à
celle de Simon le lépreux. Jean, qui donne un récit assez détaillé du
repas servi par Marthe, ne parle ni de Simon ni de sa maison. Il est à
remarquer que les écrivains synoptiques parlent très peu de cette maison
de Béthanie. Farrar a bien remarqué (p. 483): «Il semble que nous
trouvions chez les Synoptiques une réticence particulière à propos de
la famille de Béthanie. La maison dans laquelle elle assure une position
importante est appelée «la maison de Simon le lépreux»; Marie est
appelée simplement «une femme» par Matthieu et Marc (Mt 26:6, 7, Mc
14:3), et Luc se contente d'appeler Béthanie «un village» (Lc 10:38),
bien qu'il en connût parfaitement le nom (Lc 19:29). 7. Le nard : C'était l'un des parfums orientaux les plus estimés.
Celui avec lequel Marie oignit Jésus, Matthieu l'appelle «très cher»,
et Marc et Jean «de grand prix». Dans l'original on trouve l'adjectif «pistic»;
certains le traduisent par «liquide» mais d'autres lui donnent le sens
de «authentique». Il y avait beaucoup d'imitations inférieures du véritable
nard; mais il ne fait pas l'ombre d'un doute que le don précieux de Marie
était du meilleur. La plante dont l'extrait odoriférant est tiré est
une espèce d'herbe barbée indigène de l'Inde. Le nard est mentionné
dans le Cantique des Cantiques 1:12, 4:13, 14. 8. Hosanna! : «Hosanna» est la forme grecque de l'expression hébraïque
«Sauve-nous maintenant», ou «Sauve-nous, nous t'en prions», que l'on
trouve dans l'original du psaume 118:25. On ne le trouve nulle part dans
la Bible anglaise, si ce n'est dans les exclamations du peuple lors de
l'entrée triomphale à Jérusalem et dans les cris joyeux des enfants au
temple (Mt 21:9, 15). Remarquez que le «cri de Hosanna» est poussé dans
l'Eglise rétablie du Christ dans la dispensation actuelle en des
occasions où l'on se réjouit tout particulièrement devant le Seigneur
(voir La Maison du Seigneur). «Hallélujah»,
traduit littéralement, signifie «louez Jéhovah». On le trouve sous sa
forme grecque «Alléluia» dans Ap 19:1, 3, 4, 6. 9. Le premier jour de la semaine de la Passion : Si l'on compare
les récits de l'entrée triomphale du Seigneur à Jérusalem et de
certains événements qui s'ensuivirent, tels que les trois synoptiques
les rapportent, on trouvera qu'il y a au moins une possibilité de
divergence dans la chronologie. Il semble certain que Jésus se rendit dans les
cours du temple le jour de l'arrivée royale dans la ville. On a conclu de
Mt 21:12 et de Luc 19:45 ainsi que du contexte qui précède ces passages,
que la deuxième purification du temple se produisit le jour de l'entrée
en procession; tandis que d'autres interprètent Mc 11:11 et 15 comme
signifiant que cet événement se produisit un jour ultérieur. Il est
reconnu que la question reste ouverte; et l'ordre de présentation qui a
été suivi dans le texte a été adopté pour faciliter l'analyse et sur
la base d'une probabilité qui est raisonnable.
[1] Mt 20:17-19, Mc 10:32-34,
Lc 18:31-34. [2] Les prédictions précédentes étaient:
(1) celle qui fut faite peu avant la Transfiguration (Mt 16:21, Mc
8:31) et (2) celle qui suivit, en Galilée (Mt 17:22, 23, Mc 9:31; cf.
Lc 9:44). [3] Mt 20:20-28, Mc 10:35-45. [4] Note 1, fin du chapitre. [5] On trouvera,
pages 422 et 511, des leçons plus anciennes sur la grandeur de
l'humilité; pour le sens du titre Fils de l'homme, voir pages 152-157. [6] Mt 20:30-34, Mc 10:46-52, Lc 18:35-43. [7] Voir
l'histoire des deux démoniaques, Mt 8:28; cf. Mc 5:1, Lc 8:27. Voir
aussi page 340 supra. [8] Cf. Mt 9:27, 15:22; page 92 supra. [9] Lc 19:1-10. [10] Note 2, fin du chapitre. [11] Ex 22:1-9. [12] Cf. pages 425 et 494 à 501. [13] Lc 19:11-27. [14] Note 3, fin du chapitre. [15] Cf. Mc 13:34. [16] Note 4, fin
du chapitre. [17] Nous comparerons les ressemblances
et les différences entre cette parabole et celle des talents (Mt
25:14-30) au chapitre 32, pages 624 à 629. [18] Jn 12:1-8, Mt 26:6-13, Mc 14:3-9. [19] Voir Ex 12:1-10 ainsi que page 123
supra. [20] Note 6, fin du chapitre. [21] Lc 10:40-42;
page 471 supra. [22] Il ne faut
pas confondre cet événement avec la scène plus ancienne où une pécheresse
repentante oignit Jésus chez Simon le Pharisien (Lc 7:36-50) en Galilée.
Voir page 286 supra. [23] Note 7, fin
du chapitre. [24] Trois cents deniers romains équivaudraient
approximativement à quarante-cinq dollars. [25] Mt 21:1-11, Mc 11:1-11, Lc 19:29-44,
Jn 12:12-19. [26] Note 8, fin du chapitre. [27] Cf. Ha 2:11. [28] Beaucoup
d'Eglises chrétiennes célèbrent le dimanche précédant Pâques,
qu'elles appellent le dimanche des Rameaux, en souvenir de l'entrée
triomphale de notre Seigneur à Jérusalem. [29] Za 9:9. [30] Jn 12:20-26. [31] Voir La Maison du Seigneur, page 46. [32] Jean rapporte cet événement immédiatement
après l'entrée triomphale du Seigneur, quoique sans indiquer
exactement le moment où il se produisit. [33] Cf. 1 Co 15:36. [34] Jn 12:27-36. [35] Cf. Jn 14:30,16:11. [36] Voir p. ex. Es 9:7, Dn 7:14, 27,
Ez 37:25. [37] Cf. Jn 1:9, 3:19, 8:12, 9:5,
12:46; voir page 444. [38] Ac 1:3. [39] Mc 11:11. Note 9, fin du chapitre.
|
l Accueil l
Écritures l Livres
l Magazines l Études
l Médias l Art
l |