La spoliation des mormons au Missouri ou l’art de joindre l’hostile à l’agréable…

LES PERSECUTEURS DES MORMONS ONT PROFITE DE LA SAISIE DES TERRES

Par Kimberly Reid et James T. Summerhays
Meridian Magazine

De nouvelles découvertes révèlent que plusieurs persécuteurs en vue au comté de Daviess (Missouri) ont fait d'immenses bénéfices sur les terres d’où les colons mormons avaient été chassés. Les nouvelles recherches donnent aussi à penser que le moment choisi pour lancer l'Ordre d'Extermination a facilité cette saisie des terres.
En 2005, Jeffrey N. Walker travaillait comme directeur de la Legal and Business Series pour le projet des Papiers de Joseph Smith quand il découvrit des documents importants qui éclairaient d’un jour nouveau le conflit de 1838 entre les mormons et les Missouriens dans le comté de Daviess. Walker a publié ses constatations dans BYU Studies volume 47, n°1, 2008:
«L'histoire populaire a décrit la persécution comme motivée par la religion, mais les faits mettent en évidence une raison plus vile: la cupidité, sous sa forme la plus hideuse et la plus insatiable.»
Les lois agraires décrétées en 1830 stipulaient que «la préemption était le processus par lequel les personnes obtenaient le droit d’acquérir les terres publiques qu’ils avaient cultivées et habitées». Une fois les terres mesurées, une date de vente était annoncée, et si les occupants ne payaient pas les terres qu'ils avaient habitées au plus tard à la date limite publiée, des tiers pouvaient acheter les terres exploitées au prix du non exploité.
Les géomètres arpenteurs avaient du mal à suivre tant ils avaient du travail. «Un colon pouvait introduire une demande pour sa terre et puis attendre des mois, parfois même des années que l’arpentage ait lieu», explique Walker.
Pendant ce temps-là, les colons travaillaient la terre et gagnaient l'argent pour l'acheter. En outre, une fois les maisons, les moulins et les cultures en activité, le terrain prenait une plus-value immense – ce qui était le cas de la plupart des propriétés mormones au comté de Daviess.
Le droit de préemption — et le paiement différé pour les terres revendiquées — influencèrent directement la décision des mormons en matière de colonisation après le crash financier de Kirtland. «Le comté de Caldwell fut officieusement désigné pour recevoir les mormons» et les saints fondèrent leur localité principale, Far West, au comté de Caldwell mais s’étendirent aussi dans le comté de Daviess.
Ce n'était pas parce que «le comté de Caldwell débordait de mormons» comme certains l’ont prétendu. Beaucoup de saints de Kirtland avaient vendu leurs terres et leurs biens pour aider à payer les dettes de l'Église et arrivaient donc au Missouri sans être en mesure d’acheter des terrains. Beaucoup de ces saints s’installèrent au comté de Daviess parce que les droits de préemption leur donnaient le temps de cultiver et de gagner l'argent avant de devoir payer la terre.
Walker affirme que certains Missouriens du comté de Daviess étaient motivés par leurs intérêts financiers quand ils persécutèrent leurs voisins mormons. Comme les colons mormons avaient les premiers le droit d’acheter les terres cultivées et maintenant valorisées au prix original, «certains Missouriens orchestrèrent soigneusement la persécution en octobre et novembre 1838 expressément pour s’emparer des droits de préemption des mormons. Ils n'ont pas eu un coup de chance inespéré quand ils ont acheté les terres exploitées par les mormons. Au contraire, ils ont orchestré la mainmise délibérée» sur les droits de préemption des mormons.
Walker apporte des preuves convaincantes en décrivant la chronologie des événements pendant l’automne de 1838. Le 21 octobre, un avis fut publié annonçant le 12 novembre comme date de vente des terres du comté de Daviess. «Ce n’est pas par hasard que A. P. Rockwood rapporte le 24 octobre 1838 que le courrier des saints avait cessé d’arriver à Far West», écrit Walker.
L'infâme Ordre d'Extermination lancé par Lilburn Boggs, gouverneur du Missouri, n’arriva que six jours après la publication de la date de vente des terres du comté de Daviess. Peu après, le 1er novembre, Far West se rendait aux troupes du Missouri qui avaient assiégé la ville. Les miliciens empêchèrent par la force quiconque de quitter Far West ou d’y entrer et ils limitèrent les communications en provenance de l'extérieur.
En plus, explique Walker, John B. Clark, général de la milice du Missouri «entreprit l'arrestation systématique des principaux mormons. Dès le début du mois de novembre, il avait arrêté plus de cinquante membres de l’Église. Ces hommes étaient non seulement des dirigeants ecclésiastiques, ils étaient également les principaux propriétaires fonciers du comté de Daviess.»
L'audience préliminaire pour déterminer s'il y avait assez de preuves pour garder les hommes arrêtés pour la poursuite du procès prit deux semaines. «Ce n’est sûrement pas par coïncidence que l'audience débuta le 12 novembre — précisément le jour où les ventes de terres en préemption du comté de Daviess commençaient», dit Walker.
Les ventes eurent lieu pendant deux semaines, «justement celles au cours desquelles se tenait l'audience préliminaire. Ces deux semaines critiques étaient la dernière occasion que les mormons avaient d'exercer leur droit de préemption.»
Walker a découvert que quand le droit de préemption des mormons furent périmés, «les principaux acteurs des activités antimormones des mois précédents achetèrent immédiatement plus de sept mille hectares de terres du comté de Daviess.» Mais pas n’importe quelles terres ; ces Missouriens obtinrent «les terres mormones exploitées qui avaient le plus de valeur.»
Walker résume les racines du conflit au Missouri en citant Parley P. Pratt: «Les antimormons étaient décidés à ce que les mormons cèdent et abandonnent le pays. De plus, les ventes de terres approchaient et il était avantageux qu'ils soient chassés avant de pouvoir faire valoir leur droit de préemption. De cette façon, leurs précieuses exploitations — le fruit de leur diligence et de leur esprit d'entreprise — passeraient aux mains d’hommes qui auraient le plaisir de la jouissance sans devoir fournir le dur travail requis pour l’acquérir.»