Un témoignage du massacre de Haun's Mill

 

Edward W. Tullidge

The Women of Mormondom", pp. 121-24

Amanda Smith fait la description suivante de l'attaque :

« J'étais assise dans ma tente. Je levai les yeux et vis soudain les émeutiers arriver, ceux-là mêmes qui nous avaient enlevé nos armes. Ils arrivaient comme autant de démons...

« Avant même que je fusse arrivée à la porte du forgeron pour alerter les frères, qui étaient en train de prier, les balles sifflaient au milieu d'eux.

« Je saisis mes deux petites filles et m'enfuis en traversant l'étang du moulin sur un gué fait de dalles. Une autre sœur s'enfuit avec moi. Bien que nous fussions des femmes, ayant de tendres enfants et fuyant pour sauver notre vie, ces démons tirèrent rafale sur rafale pour nous tuer.

« Un certain nombre de balles entrèrent dans mes vêtements, mais je ne fus pas blessée. Mais la sœur qui m'accompagnait cria qu'elle était touchée. Nous venions d'atteindre le tronc d'un arbre tombé, que je la poussai à escalader, lui disant de s'y abriter parce que les balles ne pourraient pas l'y atteindre, tandis que je poursuivais ma fuite vers un creux de terrain.

« Quand les coups de feu eurent cessé, je retournai à la scène du massacre, car mon mari et mes trois fils, dont je ne connaissais pas encore le sort, étaient là...

« ... Je découvris un tableau plus terrifiant encore pour l'épouse et mère que j'étais. De la forge sortait mon fils aîné, portant sur ses épaules son petit frère Alma.

« Oh ! Mon Alma est mort! m'écriai-je, horrifiée.

« Non, Maman, je pense qu'Alma n'est pas mort. Mais papa et notre frère Sardius sont morts !

« Quelle réponse terrifiante pour moi ! Mon mari et mon fils assassinés ; un autre petit garçon apparemment blessé mortellement, et peut-être qu'avant que la terrible nuit ne soit passée, les assassins reviendraient achever leur œuvre !

« Mais je ne pouvais pas pleurer à ce moment-là. La fontaine de larmes était tarie ; le cœur écrasé par cette calamité, et tous mes sentiments maternels absorbés dans leur anxiété pour le précieux petit garçon que Dieu seul pouvait sauver par son aide miraculeuse.

« Toute l'articulation de la hanche de mon fils blessé avait été arrachée par les balles. La chair, l'os de la hanche, et l'articulation avaient été labourés par le canon du fusil que le voyou avait placé sur la hanche de l'enfant au travers des rondins de la forge avant de tirer délibérément.

« Nous posâmes le petit Alma sur un lit dans notre tente et j'examinai la blessure. C'était un spectacle affreux. Je ne savais que faire. C'était la nuit maintenant...

« Les femmes sanglotaient, désespérées ; les enfants hurlaient de peur et de chagrin à la perte de leurs pères et de leurs frères ; les chiens hurlaient sur leurs maîtres morts et le bétail était terrorisé par l'odeur du sang des assassinés.

« Et moi, je restais là, toute cette longue et terrible nuit, avec mes morts et mes blessés, et personne d'autre que Dieu comme médecin et comme aide.

« O mon Père céleste, m'écriai-je, que vais-je faire ? Tu vois mon pauvre garçon blessé et tu connais mon manque d'expérience. O Père céleste, montre-moi ce que je dois faire !

« Alors je fus dirigée comme par une voix qui me parlait.

« Les cendres de notre feu couvaient encore. Nous avions brûlé l'écorce du noyer blanc. Je fus poussée à prendre ces cendres, à en faire une bouillie et à mettre en plein dans la blessure un tissu après l'avoir saturé du produit. Cela fit mal, mais le petit Alma était trop proche de la mort pour y faire fort attention. Je saturai de multiples fois le tissu et le mis dans le trou où l'articulation de la hanche avait été labourée, et chaque fois de la charpie et des esquilles d'os revenaient avec le tissu; et la blessure devint aussi blanche qu'une chair de poule.

« Ayant fait ce qui m'était commandé, je priai de nouveau le Seigneur et reçus de nouveau des instructions, aussi distinctement que si un médecin s'était tenu à côté de moi pour me parler.

« Il y avait tout près un orme. Il me fut dit d'en faire un cataplasme et d'en remplir la blessure.

« J'envoyai mon fils aîné prendre l'orme à partir des racines, je fis le cataplasme et pansai convenablement la blessure pour laquelle il me fallut vingt-cinq centimètres de tissu pour la couvrir, tellement elle était grande.

« C'est alors que je laissai libre cours à mes larmes et me laissai aller à l'angoisse du moment. »

Une sorte de cartilage se développa à l'endroit où les os avaient été abîmés, la peau se referma et le petit Alma guérit miraculeusement de ses blessures. Des années plus tard, appelé en mission pour le Seigneur, il parcourut à pied tout le pays sans jamais être gêné par sa jambe.