L’exode de Léhi dans un contexte de
Pâque Don Bradley
Interpreter : A Journal of Latter-day Saint Faith and Scholarship 34
(2020) : 119-142
Résumé : Plus tard dans sa vie, Fayette
Lapham, ancien résident de Palmyra, a raconté avec force détails un
entretien qu’il avait eu avec Joseph Smith, père, au sujet de la parution
du Livre de Mormon. Entre autres détails, il rapporte que l’exode de Léhi
hors de Jérusalem a eu lieu lors d’un « grand festin ». Ce détail, qui ne
se trouve pas dans le Livre de Mormon publié, pourrait révéler une partie
de ce que Joseph, père, savait des cent seize pages perdues. En examinant
le récit des petites plaques dans 1 Néphi 1-5, nous voyons non seulement
qu’un tel festin était possible, mais également que l’exode de Léhi et les
efforts de Néphi pour se procurer les plaques d’airain ont eu lieu lors de
la Pâque. Ce contexte de la Pâque aide à comprendre pourquoi Néphi a tué
Laban et d’autres traits distinctifs de l’exode de Léhi. Lue dans le
contexte de la Pâque, l’histoire de Léhi n’est pas simplement l’histoire
de la délivrance d’un homme, mais aussi de la délivrance de l’humanité par
l’Agneau de Dieu. Le contexte de Pâque dans lequel il commence jette une
lumière sur la signification de l’ensemble du Livre de Mormon.
[Note de la rédaction : Cet article est extrait du chapitre 7 du nouveau
livre de l’auteur, The Lost 116 Pages : Reconstructing the Book of
Mormon’s Lost Stories (Salt Lake City, Kofford Books, 2019).]
Ce
chapitre examine le récit de 1 Néphi 1-5 comme une série d’événements se
déroulant pendant la saison de la Pâque, en commençant par la théophanie
(vision de Dieu) de Léhi au début du mois de Pâque de nisan et trouvant
son point culminant avec la mise à mort de Laban par Néphi le dernier jour
de la célébration de la Pâque juive [1]. Bien que ce texte comporte cinq
chapitres dans l’édition actuelle du Livre de Mormon, il ne constitue
qu’un chapitre, le chapitre 1 Néphi 1 de la première édition du Livre de
Mormon, et fait essentiellement le récit de la fuite de la famille de Léhi
pour échapper à la destruction de Jérusalem et du début de son exode vers
une nouvelle terre promise. Lu dans le contexte de la saison de la Pâque,
le récit de l’exode de Léhi n’est pas simplement le récit de la délivrance
d’une famille d’une destruction temporelle, mais également un récit
typologique de la rédemption de l’humanité par l’Agneau divin de Dieu.
L’entretien de Fayette Lapham avec Joseph Smith, père
Au début de 1830 [2], peu de temps avant la parution du Livre
de Mormon sous la presse Grandin, Fayette Lapham, homme d’affaires de
Palmyra, et son beau-frère, Jacob Ramsdell, se rendirent au domicile de
Joseph Smith, père, à Manchester pour obtenir des informations sur le
futur livre. En tant que résidents de Palmyra, Lapham et Ramsdell avaient
entendu parler du Livre de Mormon dans toute la ville, mais n’avaient pas
encore pu satisfaire leur curiosité en le lisant. Au lieu de cela, les
deux jeunes hommes eurent le privilège rare d’entendre le père du prophète
raconter l’histoire de la parution du Livre de Mormon et ils eurent un
aperçu oral de son contenu. Quatre décennies plus tard, Lapham publia un
compte-rendu détaillé de cette interview dans un numéro de 1870 du journal
The Historical Magazine [3]. En dépit du temps écoulé et de confusions
occasionnelles, le récit de Lapham est rempli d’informations de première
main qui démontrent qu’il s’appuie sur une source primaire au courant des
informations et des événements réels, ce qui indique qu’il a peut-être
écrit son article de journal à partir de notes détaillées de son entretien
avec Joseph, père [4]. Que la source de Lapham ait été des notes prises
lors de l’entretien ou une mémoire extraordinaire, sa précision dans de
nombreux détails obscurs mais vérifiables, tels que l’ordre dans lequel
Joseph Smith traduisit l’abrégé de Mormon et les petites plaques de Néphi
après la perte du manuscrit, donne de la crédibilité aux détails uniques
supplémentaires qu’il fournit [5].
Dans sa narration de l’histoire
néphite, le récit de Lapham raconte essentiellement des histoires bien
connues du Livre de Mormon. Pourtant, à des moments clés, il ajoute
également au récit existant des éléments d’histoire qui ne figurent pas
dans le Livre de Mormon publié. Ces récits néphites supplémentaires, bien
qu’ils soient nouveaux ou inconnus, s’intègrent parfaitement dans le récit
qui nous est familier, suggérant qu’ils ne sont pas des erreurs mais des
échos du récit des pages perdues. Chose surprenante, le récit de
l’entretien accorde près de cinq fois plus d’espace à la période couverte
par les pages perdues qu’à celle qui la suit. On peut se demander si le
père du prophète, réalisant que ses intervieweurs ne seraient pas en
mesure de lire le récit néphite plus complet donné dans le manuscrit
perdu, n’avait pas tenté de fournir davantage de ce récit ancien que celui
fourni par le livre publié. Cela semble être l’explication la plus
probable des récits néphites supplémentaires donnés dans le compte rendu
de Lapham.
En dépit de son intérêt intellectuel, Lapham n’a jamais
vu en Joseph, fils, un prophète et il ne semble même pas avoir lu le Livre
de Mormon. En fait, il est sorti de son entretien avec Joseph, père, en
estimant que le Livre de Mormon était un canular, ce qui lui évitait de le
lire. Compte tenu de cette méconnaissance du livre, et en particulier de
ses pages manquantes, il est peu probable que Lapham ait pu identifier ce
qui manquait dans le manuscrit perdu et dans les reconstitutions qui
comblent ces lacunes et correspondent à la technique narrative du Livre de
Mormon.
Le récit de Fayette Lapham sur les efforts de
Néphi pour obtenir les plaques d’airain
Parmi les
histoires racontées par Fayette Lapham à partir du récit de Joseph Smith,
père, figurent celles de la fuite de Léhi de Jérusalem et les efforts de
Néphi pour obtenir les plaques d’airain. Le compte rendu de ces événements
tels que racontés lors de l’interview est le suivant :
« En
réponse à notre question sur le sujet de la traduction, il dit que
c’étaient les annales d’un certain nombre de Juifs qui, au moment de
traverser la mer Rouge, avaient quitté le groupe principal et s’en étaient
allés seuls, étaient finalement devenus une nation riche et prospère et,
au fil du temps, devinrent si méchants que le Seigneur décida de les
balayer de la surface de la terre. Mais il y avait parmi eux un homme
vertueux que le Seigneur avertit dans un rêve de prendre sa famille et de
partir, ce qu’il fit ; et, après avoir voyagé trois jours, il se souvint
qu’il avait laissé des papiers dans le bureau où il avait été officier,
papiers qu’il pensait devoir lui être utiles dans ses voyages. Il renvoya
son fils en ville les chercher; et quand son fils arriva en ville, il
faisait nuit et il s’aperçut que les citoyens avaient fait un grand festin
et étaient tous ivres. Quand il alla au bureau chercher les papiers de son
père, on lui dit que le commis en chef n’était pas là et qu’il devait le
trouver pour pouvoir avoir les papiers. Il se rendit alors dans la rue à
sa recherche; mais comme tout le monde était ivre, il ne pouvait obtenir
que très peu d’informations sur l’endroit où il se trouvait, mais, après
de longues recherches, il le trouva étendu dans la rue, ivre mort, vêtu de
ses vêtements officiels, son épée ayant une poignée et une chaîne d’or,
couchée à côté de lui – et c’est elle qui a été trouvée avec les plaques
d’or. Constatant qu’il ne pouvait rien faire avec lui dans cette
situation, il dégaina l’épée, coupa la tête de l’officier, se débarrassa
de ses propres survêtements et, s’étant revêtu de ceux de l’officier,
retourna au bureau où il obtint facilement les papiers, papiers avec
lesquels il retourna là où son père l’attendait. La famille voyagea
ensuite pendant plusieurs jours jusqu’à recevoir l’ordre de s’arrêter et
de se procurer du matériel pour fabriquer des plaques d’airain sur
lesquelles tenir les annales de leur voyage [6]. »
Le lecteur qui
connaît bien le début du présent Livre de Mormon notera immédiatement
plusieurs éléments confus dans cette histoire bien connue : (1) elle
identifie par erreur la famille de Léhi comme étant dès le commençant du
récit déjà séparée du corps principal des Juifs ; (2) tout en affirmant
correctement la présence de « plaques d’airain » dans l’histoire, elle
désigne l’objet des efforts de Néphi comme étant des « papiers » plutôt
que ces plaques ; (3) elle ne décrit qu’un des quatre fils de Léhi (de
toute évidence Néphi) comme étant à la recherche de ces annales ; (4) elle
implique que le possesseur des annales était le « greffier en chef » d’un
« bureau » ; (5) elle implique que Léhi avait précédemment travaillé dans
ce bureau ; et (6) elle rapporte que Laban était absent lorsque Néphi alla
lui demander les annales.
Dans les erreurs qu’il commet, Lapham
réagit souvent à des éléments authentiques de l’histoire. Sa première
erreur, où il voit dans le Livre de Mormon l’histoire d’un groupe de Juifs
qui se sont séparés du corps principal des Juifs à l’époque de l’Exode
biblique, confond deux récits différents d’exode. Alors que le Livre de
Mormon est en effet « les annales d’un certain nombre de Juifs, qui. . .
avaient quitté le groupe principal et s’en étaient allés seuls », le
calendrier de Lapham est confus parce qu’il confond l’exode de Léhi près
de la mer Rouge avec l’ exode de Moïse qui la traverse. La troisième
erreur de Lapham, celle de dire qu’un seul fils a recherché les annales,
n’a rien de particulier, étant donné que l’un des fils joue le rôle
principal dans cette histoire et acquiert les annales à lui seul. Et la
quatrième erreur de Lapham, qui fait du possesseur des annales un «
greffier en chef », n’est probablement pas une erreur d’identification
flagrante, mais une fusion des deux détenteurs des annales, Laban et
Zoram. Alors que Laban, qui était le propriétaire des annales, semble être
un « officier » de type militaire, un homme qui peut en « commander
cinquante » (1 Né. 3:31) Zoram, qui était le gardien du dossier, pourrait
être identifié à juste titre comme étant un « greffier ».
Même
avec ses confusions évidentes, l’essence du récit de Lapham et un certain
nombre de ses détails font clairement écho à une rencontre avec l’histoire
exacte. Ce texte et le texte actuel du Livre de Mormon partagent ce récit
essentiel : une nation israélite perverse est sur le point d’être
détruite, mais Dieu avertit un homme juste de cette nation par un rêve de
prendre sa famille et de fuir dans le désert. Notamment, dans les deux
cas, il y a des débuts de trajets près de la mer Rouge. Ils voyagent trois
jours dans le désert. Dieu lui ordonne alors de renvoyer son fils, mettant
ici en relief le protagoniste principal, Néphi, récupérer un document. Le
fils tente à plusieurs reprises d’obtenir le document et réussit lorsqu’il
trouve le possesseur actuel du document en état d’ébriété dans la rue. Il
tire l’épée de l’homme, en note la finition et la garde en or, puis, par
nécessité, s’en sert pour décapiter l’homme. Il prend ensuite l’épée et
s’habille avec les vêtements de l’homme. Sous ce déguisement, il obtient
les annales, qu’il porte à son père dans le désert, immédiatement après
quoi le narrateur parle des « plaques d’airain ».
Le récit de
Lapham ajoute un nouvel élément crucial à l’histoire qui suggère que
l’officier qui possédait les plaques d’airain était en état d’ébriété
lorsque Néphi le trouva, à cause d’un festin célébré à l’époque, qui
correspondrait à la description d’une fête juive. Bien que le Livre de
Mormon publié ne mentionne pas qu’une telle fête soit célébrée au moment
du départ de Léhi de Jérusalem, il fournit des détails qui s’intégreraient
tout naturellement à un tel contexte de fête :
• Laban était sorti
cette nuit-là avec « les anciens des Juifs » avant que Néphi ne le trouve
ivre dans la rue (1 Néphi 4:22). • Zoram semble ne rien trouver de
suspect au fait que Laban (en fait, Néphi dans les vêtements de Laban)
souhaite sortir tard cette nuit-là, cette fois-ci avec les précieuses
annales sacrées, pour rencontrer les anciens aux portes de la ville (1
Néphi 4:26). • Léhi offre des sacrifices – une exigence pour de
nombreuses fêtes – à la fois avant que ses fils aillent récupérer les
plaques d’airain et après leur retour (1 Néphi 2:7; 5:9).
Chacun
de ces détails s’intégrerait parfaitement à un contexte de fête tel que
signalé par Lapham. Le contexte plausible d’une fête mentionné par
Lapham dans le récit d’ouverture du Livre de Mormon (1 Néphi 1-5 et son
équivalent dans les pages perdues) soulève la question de savoir quelle
fête correspond le mieux à ce récit. Les indices présentés ci-dessous
démontreront que c’est la célébration de la Pâque qui cadre parfaitement
avec les détails de ce récit, ce qui nous permet de tirer de nouvelles
informations sur le texte disponible du Livre de Mormon et sur ses pages
perdues. La valeur de ces nouvelles connaissances confirmera à son tour
l’un des principes centraux du présent livre [le livre de Don Bradley dont
cet article est tiré, NdT] : le fait qu’exploiter les sources du XIXe
siècle à la recherche du contenu du texte perdu du Livre de Mormon
contribue à éclairer le texte que nous avons déjà.
Au départ de
notre examen, une question se pose tout naturellement : si le récit de 1
Néphi 1−5 se déroule pendant la période de la Pâque, pourquoi le texte ne
mentionne-t-il pas explicitement une telle fête? Le « grand festin » du
récit de Lapham suggère que le manuscrit perdu mentionne effectivement
cette fête. Selon Terrence L. Szink et John W. Welch, le Livre de Mormon
existant omet peut-être la mention explicite de fêtes juives en raison de
la perception que ses auteurs ont de ses lecteurs :
« Si le Livre
de Mormon ne mentionne jamais nommément la Pâque, la Fête des Tabernacles
ou toute autre fête religieuse, on peut avancer plusieurs raisons pour
expliquer cette omission. Les auteurs antiques ont pu supposer que leurs
lecteurs comprendraient tout naturellement. On n’a pas besoin de dire le
mot Noël pour désigner implicitement ce jour spécial. La simple mention
occasionnelle de « mages » ou de « décorer un arbre » suffit. De la même
manière, il n’est pas nécessaire que les mots Pâque ou Pentecôte
apparaissent dans le Livre de Mormon pour évoquer des images faisant
allusion aux fêtes israélites [7]. »
Cependant, bien que le récit
existant de Léhi et de Néphi ne mentionne jamais explicitement la
célébration de la fête de la Pâque, il y fait référence implicitement par
le biais d’une action dans le récit. Les indices fournis par le récit des
petites plaques de Néphi cadrent parfaitement avec le manuscrit perdu qui
situe l’acquisition des plaques d’airain par Néphi dans le contexte d’une
fête juive et aide à l’identifier comme étant la Pâque. Pour reconnaître
ces indices, il convient de garder à l’esprit certaines caractéristiques
de la célébration de la Pâque juive et de son origine dans l’exode des
Israélites hors d’Égypte, comme décrit dans la Bible hébraïque.
Contexte historique et biblique de la Pâque
La
Pâque est une fête de printemps qui commémore l’exode d’Israël d’Égypte.
En prélude à l’Exode, Moïse se retrouve face à Dieu au buisson ardent du
mont Sinaï, qui lui dit d’aller demander à Pharaon de laisser les
Israélites voyager trois jours dans le désert pour faire des sacrifices.
Moïse et Pharaon négocient la requête à plusieurs reprises, mais Pharaon
refuse de céder malgré une série de malédictions divines sur son pays (Ex.
8-10). Il est enfin persuadé par la dernière malédiction, la venue de «
l’ange de la mort » pour chaque premier-né masculin du pays. Les
Israélites sont priés de se protéger et de protéger leurs enfants en
offrant, comme commandé par Dieu, le sacrifice d’un agneau sans défaut et
en marquant leurs poteaux de porte avec le sang de l’agneau. L’ange de la
mort passe à côté de ceux qui ont obéi, mais ceux qui n’ont pas obéi
voient leur premier-né mourir. Pharaon finit par céder à Moïse et au
Seigneur et par donner aux Israélites la permission de partir (Ex. 11-12).
Avant de partir, les Israélites vont profiter de la situation et
implorent leurs anciens maîtres égyptiens de leur donner de l’or et de
l’argent, ce que les Égyptiens, désireux de se débarrasser d’eux, seront
disposés à donner (12:35). La capitulation égyptienne ne sera cependant
que momentanée, et lorsque Pharaon aura changé d’avis et aura ordonné à
ses armées de poursuivre les Israélites, Dieu séparera la mer Rouge pour
que les Israélites puissent passer à pied sec, mais la refermera sur les
armées de Pharaon, les engloutissant. (Ex. 12-14).
Pour commémorer
le rachat, par le Seigneur, d’Israël de l’esclavage égyptien, Dieu
commande que les célébrations suivantes de la Pâque commencent le
quinzième jour du premier mois du calendrier, nisan, et durent ensuite
sept jours (Ex. 13:3-4). Chaque famille devait prendre un agneau sans
tache « le dixième jour de [nisan] » et le conserver jusqu’à ce que vienne
le moment de le sacrifier le « quatorzième jour du même mois » (12:3, 6).
L’agneau devait être tué, le sang devait être badigeonné sur les poteaux
de la porte et, à son tour, l’ange de la mort passerait de nouveau sur
Israël (v. 5-13, 23). Enfin, pour souligner l’urgence de la Pâque
originale, le repas devait être mangé « à la hâte » pour que les
participants puissent être prêts à partir au premier signal (v. 11),
symbolisant la délivrance immédiate d’une destruction subite.
La fête des pains sans levain
Si la fête de la
Pâque devait être observée à perpétuité, elle ne l’était pas toujours de
la même manière. Le roi Josias (qui régna environ 641–609 av. J.-C.), qui
lança les premières étapes de la réforme deutéronomique, organisa une
vaste célébration de la Pâque qui marqua apparemment une innovation dans
la manière dont la fête était célébrée (2 Ch. 35:1−19). Un peu plus de
deux décennies avant que la famille de Léhi ne quitte Jérusalem, la
remarquable Pâque de Josias fut scrupuleusement inspirée de la Loi,
centrée sur la célébration de « la parole de l’Éternel prononcée par Moïse
» (v. 6). Malgré la focalisation si scrupuleuse sur la Loi pour célébrer
la délivrance d’Israël d’Égypte, Josias n’obtint tragiquement pas une
délivrance aussi miraculeuse. Dans un retournement ironique par rapport à
la délivrance d’Israël des armées de Pharaon à la mer Rouge, Josias mourut
finalement face aux armées égyptiennes (v. 19−27). Toutefois, la Pâque de
Josias elle-même resta dans les mémoires comme un succès sans précédent :
« Aucune Pâque pareille à celle-là n’avait été célébrée en Israël
depuis les jours de Samuel le prophète ; et aucun des rois d’Israël
n’avait célébré une Pâque pareille à celle que célébrèrent Josias, les
sacrificateurs et les Lévites, tout Juda et Israël qui s’y trouvaient, et
les habitants de Jérusalem. » (2 Ch. 35:18)
C’est cette Pâque et
les réformes deutéronomiques dont elle faisait partie qui constitueront le
fond biblique le plus immédiat pour la Pâque de Léhi et de Néphi une
vingtaine d’années plus tard.
L’exode de Léhi dans le
contexte de la Pâque
Bien qu’un contexte de Pâque ne soit
jamais explicitement mentionné dans notre Livre de Mormon actuel, un
examen attentif du texte de 1 Néphi 1−5 montre que cela annonce déjà que
l’appel de Léhi par Dieu se caractérise à la fois par un contexte de Pâque
et un contenu de Pâque. Le contexte chronologique dans lequel se situe la
vision lors de laquelle Léhi reçoit son appel, contexte révélé par une
lecture attentive du texte, est celui de la saison de la Pâque. Et le
contenu que Léhi reçoit dans cette vision révèle le sens ultime du Livre
de Mormon derrière la Pâque : le sacrifice de l’Agneau messianique de
Dieu. Après cette vision sur le thème de la Pâque, le récit de l’exode de
Léhi, ainsi que celui de la quête des plaques d’airain par Néphi
continuent de refléter leur contexte de Pâque en reproduisant les
événements de la Pâque originale, reflétant l’observance de la fête de la
Pâque et renvoyant verbalement aux événements de la Pâque dans la Bible.
Tous ces échos de Pâque soutiennent le récit de Lapham selon
lequel « une grande fête » était en cours à Jérusalem lors des premiers
événements de ce premier récit du Livre de Mormon.
Le
contexte pascal de la vision de Léhi
Une attention
particulière au détail de l’appel initial et de la théophanie de Léhi dans
1 Néphi 1 situe cet événement, et donc le début du Livre de Mormon
lui-même, au commencement du mois de nisan, mois de la Pâque, ce qui place
la vision de Léhi et les événements suivants dans la saison de la Pâque.
Le récit bien connu de la théophanie dans laquelle Léhi reçoit son
appel, dans les premiers versets de notre Livre de Mormon, le situe « au
commencement de la première année du règne de Sédécias » (1 Néphi 1:4). Le
fait que ce bout de phrase est si bien connu des lecteurs du Livre de
Mormon peut en masquer la signification. Quand se situe « le commencement
de la première année du règne de Sédécias » et comment son règne
commence-t-il au juste? Dans les récits bibliques, le règne de Sédécias
commence lors de l’invasion de Jérusalem par les forces de l’empereur
babylonien Nebucadnetsar II, et lorsque Jérusalem sera tombée sous le
siège de Babylone en adar, douzième mois du calendrier juif. En
conséquence, Jojakin, roi de Juda au moment du siège, fut détrôné et
remplacé par les Babyloniens à la fin de l’année civile. Comme le dit le
Chroniqueur, « L’année suivante [La KJV dit : « quand l’année eut expiré »
NdT], le roi Nebucadnetsar le fit emmener à Babylone avec les ustensiles
précieux de la maison de l’Éternel. Et il établit roi sur Juda et sur
Jérusalem Sédécias » (2 Ch 36:10). L’inauguration de la première année du
règne de Sédécias devait donc coïncider avec le début de la nouvelle année
civile, avec le mois de nisan.
Le Livre de Mormon offre de
multiples indices pour déterminer quand l’avertissement et l’appel
prophétique de Léhi ont eu lieu. On peut dégager le sens exact de
l’expression « au début de la [nième] année » par la façon dont elle est
utilisée ailleurs dans le Livre de Mormon et, en fait, il y a un cas où
l’expression est utilisée conjointement avec une date de calendrier
précise, ce qui nous permet de discerner à quel point « au commencement »
peut être pris littéralement : Alma 56:1 rétrécit « le commencement de la.
. . année » à une date précise : « le deuxième jour du premier mois »
(c’est-à-dire le deuxième jour de l’année civile), ce qui donne à penser
que pareille formulation est censée être prise à la lettre. Lorsque le
récit place la vision dans laquelle Léhi est averti et appelé « au
commencement de » la première année de Sédécias, cela doit être pris au
pied de la lettre : cela signifie dès les premiers jours du règne de
Sédécias, qui sont, par coïncidence, les tout premiers jours de la
nouvelle année civile. (2 Ch. 36:10 [toujours selon la KJV, NdT]). Ainsi,
comme elle se produit « au commencement » de cette année, la théophanie de
Léhi dans laquelle il reçoit son appel a dû avoir lieu peu de temps avant
la Pâque, laquelle commençait le 14 nisan [8].
Une datation
supplémentaire dans le Livre de Mormon fournit un support de plus à ce
timing. Le moment de l’exode de Léhi pendant la saison de la Pâque est
impliqué par la date à laquelle Jésus a été crucifié selon le système du
calendrier néphite. Selon 3 Néphi 8:5, cela s’est produit « le premier
mois, le quatrième jour du mois ». La meilleure façon de comprendre ce que
cela signifie est de rassembler diverses données du Livre de Mormon à
propos du calendrier néphite.
1. Les dates du calendrier néphite
ont été marquées à partir du moment où Léhi a quitté Jérusalem (Jacob 1:1;
Énos 1:25; Mosiah 6:4, 29:46; 3 Né. 1:1, 2:6, 5:15) [9]. 2. Le moment
de l’exode de Léhi sert également de repère pour prédire la venue du
Messie et, dans un langage de Pâque qui relie symboliquement l’exode de
Léhi à la naissance de Jésus, « l’Agneau de Dieu » (par exemple, 1 Né.
10:4–10) [10]. 3. Le moment de la crucifixion de Jésus – lors de la
Pâque – s’aligne étroitement sur le début de l’année civile néphite. Dans
l’évangile de Jean, la crucifixion a lieu le quatrième et dernier jour de
la période préparatoire de la Pâque (Jean 19:14); dans 3 Néphi, cela se
produit le quatrième jour de l’année civile néphite (3 Né. 8:5).
Ensemble, ces trois points établissent que l’année civile néphite
commençait avec la saison de la Pâque : si la crucifixion de Jésus était
le quatrième jour de la période préparatoire précédant la Pâque et le
quatrième jour de l’année civile néphite, cela signifierait que le
calendrier néphite commençait avec l’ouverture des quatre jours de
préparation en vue de la Pâque. Et étant donné que le calendrier néphite
était basé sur le départ de Léhi de Jérusalem, cela signifierait à son
tour que Léhi et sa famille ont commencé leur exode de Jérusalem au début
de la préparation de la Pâque [11].
Une lecture moins technique et
plus typologique des Écritures et de l’histoire sainte implique de la même
manière que l’exode de Léhi a eu lieu lors de la Pâque : dans une série
d’événements rédempteurs précédant et suivant l’exode de Léhi, la Pâque
est le moment où le Seigneur rachète son peuple. Les événements de
rédemption cruciaux de l’histoire d’Israël partagent ce même timing
précis.
• L’exode mosaïque. L’exode de Léhi fait écho aux contours
de l’Exode de Moïse dans la Bible. Cet exode, l’ exode, a commencé par la
Pâque. Il n’y a donc plus de temps naturel pour que l’exode de Léhi
commence. • La crucifixion du Christ. L’ultime événement rédempteur, la
crucifixion de l’Agneau de Dieu, a eu lieu à l’époque de la Pâque. • La
venue d’Élie au temple de Kirtland. Comme Stephen Ricks l’a souligné, la
restauration par Élie des clés de scellement le 3 avril 1836 a eu lieu
précisément au moment où les Juifs invitaient Élie à se joindre à la
célébration de la Pâque [12].
La Pâque originale a été le moment
où le Seigneur est entré en action pour délivrer Israël de l’esclavage en
Égypte. Beaucoup plus tard, la Pâque qui a suivi l’intronisation de
Sédécias, a dû se situer, selon notre argumentation ici, au moment où le
Seigneur se mit en devoir de délivrer à nouveau Israël en emmenant la
famille de Léhi, à titre préventif, loin de l’esclavage à Babylone.
Quelque six siècles plus tard, la Pâque a eu lieu lorsque le Christ,
l’Agneau de Dieu, a été offert comme agneau de la Pâque. Et c’est à
nouveau lors de la Pâque en 1836 que les clés pour sceller et racheter les
vivants et les morts ont été restaurées dans le temple de Kirtland. Encore
et encore, la Pâque a été un moment où Dieu délivre son peuple.
Le contenu pascal de la vision de Léhi
Le contenu
visionnaire de la théophanie de Léhi porte des thèmes de la Pâque,
révélant que la réalité divine derrière les symboles de la Pâque est
l’Agneau messianique de Dieu, plaçant ainsi encore plus l’exode de Léhi
dans le contexte du mois de la Pâque. Le texte du Livre de Mormon dont
nous disposons commence par le fait que Léhi voit Dieu assis sur son trône
entouré d’anges et montre la destruction imminente de Jérusalem (1 Néphi
1:8-14). Peu de temps après cette vision, Léhi va prêcher au peuple qu’il
a vu dans sa vision non seulement la disparition prochaine de Jérusalem,
mais également « la venue d’un Messie et aussi la rédemption du monde » (1
Néphi 1:19). En outre, il y eut de nombreuses autres choses que Léhi vit
que Néphi n’inclut pas dans son résumé de la vision de son père (v. 16).
Une de ces choses que Léhi a vues est traitée plus tard dans ses sermons à
ses enfants et est presque certainement plus détaillée dans le Livre de
Léhi perdu : le Messie en tant qu’agneau de la Pâque.
Le fait que
l’Agneau de Dieu fasse partie du récit plus complet de la vision de Léhi
est révélé subtilement plus tard dans le récit, lorsque Léhi explique à
ses fils le contenu de sa vision et lorsque Néphi cherche à obtenir sa
propre répétition de cette vision. Après avoir raconté à ses fils un songe
de l’arbre de vie, Léhi leur explique de nouveau ce qu’il avait appris
dans sa vision, en utilisant un langage presque identique à cette
théophanie : que Jérusalem serait détruite et que le Seigneur susciterait
« ce Messie dont il avait parlé, ou ce Rédempteur du monde » (10:2−5).
Bien que Léhi, dans le compte-rendu succinct de son discours, n’identifie
pas sa vision d’appel comme source de ses informations, le compte rendu de
la vision lui-même indique clairement qu’elle était la source : « les
choses qu'il avait vues et entendues, et aussi les choses qu'il avait lues
dans le livre, annonçaient clairement la venue d'un Messie et aussi la
rédemption du monde » (1:18-19).
Dans la suite de son exposé, Léhi
explique à ses fils comment un futur prophète « baptiserait d’eau le
Messie » et comment « lorsqu'il aurait baptisé d'eau le Messie, il verrait
et témoignerait avoir baptisé l'Agneau de Dieu qui allait ôter les péchés
du monde » (10:9-10). Étant donné que Léhi n’a pu apprendre de tels
détails que par une vision ou une révélation comparable, et que Léhi a
jusqu’à présent utilisé ce discours pour expliquer à ses fils le contenu
de la vision qui contenait son appel, il continue probablement ici à
exposer le contenu de sa vision – notamment le baptême du Messie et son
identité d’Agneau sacrificiel de Dieu.
Quelque chose qui confirme
également que ces thèmes de « l’Agneau de Dieu » font partie de la vision
de Léhi, c’est la répétition de cette vision par Néphi. Immédiatement
après que Léhi a fini d’instruire ses fils à propos de la destruction de
Jérusalem, du Rédempteur du monde et du baptême de l’Agneau de Dieu, Néphi
adresse une demande à Dieu : « Je désire voir les choses que mon père a
vues » (1 Né 11:3). La réponse est révélatrice : « Vois l’Agneau de Dieu »
(v. 21). On lui montre plus que la simple destruction de Jérusalem ; il
reçoit également une vision de la vie du Messie explicitement identifié
comme étant l’Agneau. La vision de Néphi, donnée pour qu’il puisse voir «
les choses que [son] père a vues » (v. 1), sont si profondément imprégnées
de thèmes de la Pâque, faisant quelque cinquante-six fois allusion à
l’Agneau, qu’un auteur, ignorant le contexte de Pâque dans ces événements,
a suggéré que la vision de Néphi « pourrait être qualifiée de vision
pascale [c.-à-d. de Pâque] [13] ».
Si l’écho que l’on trouve chez
Néphi des expériences visionnaires de son père peut être qualifié de
vision pascale, il semble d’autant plus certain que l’expérience initiale
de son père était elle-même une vision pascale. Et le meilleur endroit où
ce contenu pascal peut se situer, c’est dans un contexte de Pâque.
L’identification visionnaire du Messie par Léhi comme étant « l’Agneau de
Dieu qui allait ôter les péchés du monde » (1 Né. 10:10) s’inscrit dans le
contexte du mois pascal de nisan. Au moment où les habitants de Jérusalem,
y compris la famille de Léhi, se préparaient à choisir un agneau sans
tache à sacrifier en tant que leur Pâque, ce qui a été révélé à Léhi,
c’était que le Messie était « l’Agneau immolé dès avant la fondation du
monde » (Ap. 13:8 KJV).
Le fait que cette vision de Léhi, pendant
la saison de la Pâque, identifie le Messie à l’Agneau de Dieu pourrait
aider à expliquer une caractéristique déroutante du récit de Léhi. Quand
Léhi annonce à ses concitoyens de Jérusalem la venue d’un Messie, ils sont
curieusement en colère et cherchent à le tuer (1 Néphi 1:19–20), une
réaction étrange à la promesse d’un Messie et d’une rédemption. Mais si
Léhi enseignait, au moment de la saison de la Pâque, que ce futur
rédempteur était l’agneau de Dieu, impliquant clairement que son rôle
serait d’être sacrifié plutôt que de délivrer Israël de Babylone, cela
pourrait expliquer leur colère contre lui. Au lendemain d’une invasion
babylonienne qui avait humilié les Juifs en détrônant leur roi, en pillant
leur temple et en déportant leurs nobles en exil à Babylone, ils auraient
voulu que Léhi promette un Messie conquérant libérateur et non un agneau
sans tache destiné à la mise à mort.
Enfin, il y a une troisième
manière dans laquelle la théophanie de Léhi a pu impliquer l’Agneau
céleste de Dieu. La vision de Léhi suit le modèle des théophanies
d’ascension et d’accès au trône céleste, dans lesquelles quelqu’un voit
Dieu assis sur son trône entouré d’anges qui chantent en adoration, un
modèle signalé non seulement par Léhi , mais aussi par Énoch, Ézéchiel,
Jean le Révélateur, et Joseph Smith et Sidney Rigdon. Notez la
ressemblance entre les visions de Léhi, de Jean et de Joseph Smith :
Léhi : « Et étant ainsi accablé par l'Esprit, il fut ravi en vision,
au point même de voir les cieux s'ouvrir, et il pensa voir Dieu assis sur
son trône, entouré d'un concours innombrable d'anges, qui paraissaient
chanter et louer leur Dieu. Et il arriva qu'il vit un Être descendre du
milieu du ciel, et il vit que son resplendissement surpassait celui du
soleil à midi. Et il en vit aussi douze autres… et le premier vint se
tenir devant mon père, et lui donna un livre, et lui commanda de lire. »
(1 Néphi 1:8-11).
Jean le Révélateur : « Et je vis au milieu du
trône . . . un agneau qui était là comme immolé . . . et voici, il y avait
une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de
toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le
trône et devant l’agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans
leurs mains. Et ils criaient d’une voix forte, en disant : Le salut est à
notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l’agneau. Et tous les anges se
tenaient autour du trône. . . et ils se prosternèrent sur leurs faces
devant le trône, et ils adorèrent Dieu, en disant : Amen ! La louange, la
gloire, la sagesse, l’action de grâces, l’honneur, la puissance, et la
force, soient à notre Dieu, aux siècles des siècles ! » (Ap. 5:6, 7:9-12)
Joseph Smith : « Et nous vîmes la gloire du Fils, à la droite du
Père, et reçûmes de sa plénitude; nous vîmes les saints anges et ceux qui
sont sanctifiés devant son trône, adorant Dieu et l'Agneau, lui qu'ils
adorent pour toujours et à jamais » (D & A 76:20-21). Ces théophanies
d’ascension céleste suivent toutes le même schéma. Dans chacune d’elles on
voit Dieu assis sur son trône entouré d’anges en adoration. Notez
cependant que les théophanies de Joseph Smith et de Jean le Révélateur
incluent non seulement Dieu sur ce trône et les anges, mais également
l’Agneau de Dieu, tout comme ce fut le cas de la théophanie de Léhi
d’après le tableau qu’il en fait à ses fils. De plus, immédiatement après
avoir eu sa théophanie du trône, Léhi voit « un Être » descendre porteur
d’un livre. Ceci, bien sûr, est parallèle à la révélation de Jean, dans
laquelle il voit dans le ciel le porteur d’un livre qu’il identifie
également comme étant l’Agneau (Ap. 5:1-9 ; 21:27). La théophanie de
l’appel de Léhi fait ainsi écho à trois autres théophanies centrées sur
l’Agneau de Dieu. Ainsi, lorsque Léhi lui-même expose sa théophanie
céleste en décrivant à ses fils l’Agneau de Dieu, il ne passe pas à
quelque chose qui n’a rien à voir avec le sujet : ce qu’il fait, c’est
relater l’un des aspects de l’expérience de Léhi dont Néphi n’a pas fait «
le récit complet » dans son abrégé (1 Néphi 1:16).
Thèmes
de la Pâque dans l’Exode de Léhi
Après la vision de Léhi,
le récit de Léhi, de Néphi et de Laban dans le Livre de Mormon continue de
fournir des indices de son contexte pascal (1) en reproduisant la Pâque
originale dans leur vie (2), en reflétant ainsi leur observance de la fête
de la Pâque en cours de célébration à ce moment-là et (3) en répétant les
mots échangés qui évoquent la Pâque. Ces échos divers de la Pâque
parsèment les récits de l’exode de Léhi et des efforts de Néphi pour
obtenir les plaques d’airain.
L’histoire reprend avec l’exode de
Léhi, qui ne tarde pas à faire écho à certaines des circonstances de la
Pâque biblique. Lorsque Léhi arrive chez lui après avoir vu une colonne de
feu ressemblant à celle de l’Exode descendre sur le rocher devant lui, le
Seigneur vient à lui en songe et l’avertit qu’il doit faire sortir sa
famille de Jérusalem afin d’éviter la destruction et les gens de la ville
qui cherchent à le tuer (1 Néphi 2:1). Léhi ne tarde pas à appliquer ce
commandement, quittant tout si vite qu’ils n’emportent pas leurs biens les
plus précieux (3:22). Cette fuite hors de la ville les conduit ensuite
vers la mer Rouge (2:2, 5).
L’exode de Léhi récapitule et inverse à
la fois l’Exode biblique et le contexte de la Pâque originale. Avec Léhi
comme Moïse, sa famille s’éloigne de la Terre promise biblique plutôt que
de se diriger vers elle. De même, inversant le récit de l’Exode, Léhi et
sa famille ne vont pas recevoir d’or et d’argent au début de leur voyage ;
partant plutôt à la hâte et ne prenant que l’essentiel, ils vont laisser
derrière eux l’or et l’argent qu’ils avaient déjà. Leur « voyage de trois
jours » dans le désert va ensuite les conduire vers la mer Rouge – la
dernière frontière franchie par les Israélites pour se libérer de
l’Égypte. Après avoir ainsi évoqué le récit original de l’Exode, le récit
de Léhi le décrit alors en train d’offrir un sacrifice à Dieu. La raison
du sacrifice n’est pas spécifiée, mais elle est compatible avec
l’observance de la Pâque. Peu de temps après, Léhi va recevoir le
commandement de renvoyer ses fils à Jérusalem pour se procurer les plaques
d’airain contenant les écritures hébraïques écrites en écriture égyptienne
(Mosiah 1:2–4).
Dans le récit biblique de l’Exode, les frères Moïse
et Aaron négocient avec Pharaon pour qu’il leur permette d’emmener les
Israélites dans le désert en emportant avec eux les restes du patriarche
Joseph. Dans le même esprit, les fils de Léhi vont chercher à négocier
avec Laban pour qu’il leur permette d’emporter les plaques d’airain dans
le désert – des plaques que Laban possède en tant que descendant de Joseph
(1 Néphi 5:16). Ils vont jusqu’à lui offrir leur or et leur argent comme
monnaie d’échange, inversant la demande faite par les Israélites aux
Égyptiens lors de la Pâque de leur donner leurs richesses avant qu’ils ne
quittent l’Égypte. Ils vont échouer et Laban va s’emparer de leur or et de
leur argent, conserver les plaques d’airain et chasser Néphi et ses frères
de la ville. Cachés dans une grotte hors des murs de Jérusalem, Néphi
exhorte ensuite ses frères découragés en ayant recours à l’histoire
sacrée. Dans la tradition juive, le premier jour de la semaine de la fête
de la Pâque commémore le « passage » de l’ange de la mort par-dessus les
Israélites et le dernier jour de la Pâque commémore le « passage » de la
mer Rouge par les Israélites [14]. Néphi utilise directement ce dernier
passage ou dernière délivrance à la mer Rouge pour persuader ses frères
que Dieu les délivrera comme il a délivré leurs ancêtres :
«
Montons, soyons forts comme Moïse, car, en vérité, il a parlé aux eaux de
la mer Rouge, et elles se sont séparées çà et là, et nos pères ont
traversé et sont sortis de captivité à pied sec, et les armées du Pharaon
ont suivi et ont été noyées dans les eaux de la mer Rouge. Or voici, vous
savez que cela est vrai, et vous savez aussi qu'un ange vous a parlé;
pouvez-vous donc douter? Montons: le Seigneur est capable de nous
délivrer, comme il a délivré nos pères, et de faire périr Laban, comme il
a fait périr les Égyptiens. » (1 Néphi 4:2−3)
Comme nous l’avons
vu, l’histoire racontée dans 1 Néphi relie implicitement Laban à Joseph et
à l’Égypte du fait qu’il a hérité des plaques d’airain égyptiennes en tant
que descendant de Joseph d’Égypte. Laban joue ainsi un double rôle dans
l’histoire en tant que Juif et Égyptien.
De même, l’exode de Léhi a
le double rôle de recréer l’exode antique mais en l’inversant dans des
détails à la fois particuliers et thématiques. Les deux « passages » qui
sont célébrés pendant la fête se retrouvent dans les événements parallèles
que sont le sacrifice fait par Léhi (qui pourrait être l’agneau de la
Pâque) suivi plusieurs jours plus tard par Néphi, qui assimile Laban aux
Égyptiens dans la mer Rouge et qui le tue plus tard cette nuit-là. Si le
sacrifice de Léhi dans le désert était celui d’un agneau pascal, alors
l’événement où Néphi assimile Laban aux Égyptiens dans la mer Rouge et le
tue ensuite se serait produit vers la fin de la semaine de la Pâque – au
moment où les Juifs célébraient la délivrance des Israélites des Égyptiens
à la mer Rouge.
Les efforts de Néphi pour obtenir les
plaques d’airain vus dans un contexte de Pâque
Après
avoir exhorté ses frères, Néphi est « conduit par l’Esprit » tandis qu’il
entre à la dérobée dans la ville à la recherche de Laban, qu’il découvre
ivre mort dans la rue. Selon Fayette Lapham, c’est à cause d’une grande
fête célébrée à ce moment-là dans la ville. Selon le récit de Néphi, Laban
est « ivre de vin » après être « sorti de nuit parmi [les anciens] » (1
Néphi 4:7, 22). La Pâque n’était pas seulement une fête de famille mais
une célébration communautaire. Ce fut particulièrement le cas après le
règne de Josias, qui changea la nature de la célébration pour mettre
davantage l’accent sur la Pâque en tant que rite communautaire avec la Loi
au centre de la célébration (2 Rois 23:21-23). Comme Karen Armstrong
résume le changement : « La Pâque avait été une fête familiale privée,
célébrée à la maison. Maintenant, elle était devenue une manifestation
nationale. » [15] Un homme éminent comme Laban, qui pouvait « commander
cinquante » (1 Néphi 3:31), aurait en effet célébré la Pâque avec d’autres
anciens et membres de l’élite juive.
Dans ce cas-ci, le lien de
Laban avec la Pâque devait se situer au-delà de la simple occasion de
faire la fête et de boire. Laban est mort à la Pâque, et cela fait écho à
la Pâque biblique originale sous Moïse, lorsque Dieu a détruit ceux qui
tentaient de s’opposer à son peuple. Laban avait célébré avec les anciens
de Jérusalem, vêtu d’une tenue militaire complète et portant une épée
finement ciselée. Dans le commandement du Livre de l’Exode instituant la
célébration de la Pâque, l’observance de la fête comprend deux occasions
cérémonielles ou « saintes convocations » (Exode 12:16). L’une était le
premier jour de la Pâque, jour où l’ange de la mort passe par-dessus les
enfants d’Israël et s’abat plutôt sur les premiers-nés des Égyptiens,
l’autre était le dernier jour de la fête, lié au passage de la mer Rouge
et à la destruction des Égyptiens [16]. Si Le sacrifice de Léhi avant
d’envoyer ses fils pour les plaques était une célébration de la Pâque
accompagnant la première convocation, commémorant la délivrance des
premiers-nés des Israélites, alors l’événement où Laban fait la fête avec
les anciens devait être la convocation finale, commémorant la délivrance
des Israélites au bord de la Mer Rouge et la destruction des Égyptiens.
Du point de vue des fidèles choisis par Dieu, la Pâque était une
délivrance miraculeuse – le fait d’échapper à la calamité, à l’ange de la
mort. Mais vu du point de vue des oppresseurs égyptiens, ce fut une
occasion de destruction. Lors de la Pâque biblique sous Moïse, les
familles des Égyptiens n’échappèrent pas à la mort, mais furent frappées
de plein fouet, douloureusement : le premier-né de chaque famille périt.
Si le premier-né dans ce récit biblique a subi un sort peu enviable, le
fait d’être un premier-né était généralement une chose enviable dans la
Bible : le premier-né ou le fils du droit d’aînesse était l’héritier
spécial des biens familiaux. En tant qu’héritier des plaques d’airain de «
ses pères », Laban lui-même devait probablement être le fils aîné de sa
famille (1 Néphi 5:16). À ce titre, il partage le sort des premiers-nés
des oppresseurs des Israélites. En tant qu’héritier premier-né, chef
militaire et, symboliquement parlant, représentant de Pharaon et des
armées égyptiennes (1 Néphi 4:3), Laban constitue le parallèle des deux
groupes d’Égyptiens détruits lors de la première Pâque : ceux mis à mort
par l’ange de la mort le premier soir et ceux détruits à la mer Rouge le
dernier jour.
Lorsque nous lisons 1 Néphi dans un contexte de fête
de Pâque, les paroles de l’Esprit à Néphi deviennent plus claires : «
Voici, le Seigneur fait mourir les méchants pour accomplir ses justes
desseins. Il vaut mieux qu'un seul homme périsse que de laisser une nation
dégénérer et périr dans l'incrédulité » (1 Néphi 4:13). En entendant cela,
Néphi s’est rappelé « les paroles que le Seigneur [lui] avait dites dans
le désert : Si ta postérité garde mes commandements, elle prospérera dans
la terre de promission » (v. 14). Tout comme le premier-né des Égyptiens
devait mourir pour que le peuple du Seigneur soit délivré, Laban devait
maintenant mourir pour que le peuple de Léhi soit délivré. Néphi apprend
que Laban doit être détruit « comme les Égyptiens », puis devient « l’ange
de la mort » pour Laban, tuant le premier-né afin de conduire le peuple de
Dieu hors de la servitude et vers la Terre Promise.
Un dernier
indice, un indice crucial permettant de situer le récit des plaques
d’airain dans un contexte de Pâque découle des paroles prononcées lors de
la mise à mort de Laban par Néphi. Les termes utilisés par l’Esprit quand
il dit à Néphi qu’il vaut mieux « qu'un seul homme périsse que de laisser
une nation dégénérer et périr dans l'incrédulité » sont frappantes parce
qu’elles font écho aux paroles de Caïphe dans le Nouveau Testament à
propos de Jésus au début de la semaine de la Pâque durant laquelle Jésus a
été crucifié. Caïphe, agissant en tant que grand prêtre, « prophétisa que
Jésus devait mourir pour la nation » des Juifs, en disant : « Il est dans
votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation
entière ne périsse pas. » (Jean 11:50).
La juxtaposition implicite
dans ces phrases parallèles du méchant Laban et de Jésus, l’agneau sans
péché de la Pâque de l’humanité, laisse perplexe. Pourtant, un parallèle
clair existe entre les passages de 1 Néphi 4 et de Jean 11. La
justification donnée pour la décapitation de Laban par Néphi est la même
que celle donnée par Caïphe pour la crucifixion de Jésus : il vaut mieux
qu’un seul homme meure pour qu’une nation entière ne périsse pas. Le
parallèle réside donc dans le rôle de bouc émissaire, ou de celui qui se
substitue à tous. Bien qu’il soit clair que Laban ne doit pas être vu
comme un « sacrifice » de la Pâque, il joue néanmoins un rôle dans la
Pâque de Léhi et Néphi qui fait écho à la Pâque de Moïse et peut être un
parallèle avec la justification par Caïphe de la mort de Jésus. Si Caïphe
– un sceptique de la mission divine de Jésus – avait l’intention de
comparer Jésus à un être quelconque du récit de la Pâque, ce n’aurait pas
été à l’agneau. Au contraire, ç’aurait été le premier-né des Égyptiens qui
devait mourir pour que la nation d’Israël ne périsse pas. Comme pour ces
premiers-nés égyptiens, ici, selon les mots de l’Esprit, c’est Laban qui
doit mourir pour sauver une nation.
Lorsque l’ivresse de Laban, qui
permet à Néphi d’acquérir les plaques d’airain, est placée dans le
contexte d’une fête de la Pâque, alors on peut considérer la nation
néphite comme sauvée de la dégénérescence et de la mort grâce à la Pâque.
C’est parce que Laban a fêté la Pâque de cette façon que la nation de
Néphi a été délivrée. La Pâque n’était pas seulement l’occasion de la
délivrance des Néphites, elle a également rendu leur délivrance possible.
Implications d’un contexte de Pâque pour l’exode de Léhi
Pour en revenir au thème de la Pâque, les indices contenus
dans 1 Néphi, ainsi que le récit de Lapham d’une « grande fête » célébrée
à l’époque, sont de solides indications que l’histoire manuscrite perdue
de l’exode léhite contenait plus d’informations sur son contexte de Pâque.
La lecture des premiers chapitres du Livre de Mormon à la lumière de cette
fête de la Pâque peut ainsi donner plus de signification à ces récits, au
Livre de Mormon dans son ensemble, et même à la Pâque elle-même.
La
grande célébration de la Pâque sous le règne du roi Josias était centrée
sur la Loi. La Pâque, telle qu’elle se profile dans le livre de Léhi,
semble également avoir mis l’accent sur la Loi, en ce sens qu’il s’agit
principalement d’acquérir la Loi écrite sur les plaques d’airain.
Pourtant, le texte léhite introduit également quelques contrastes majeurs
par rapport à la Pâque de Josias. Premièrement, la saison de la Pâque de
Léhi commence par une vision assimilant l’agneau de la Pâque au Messie,
faisant de ce dernier « l’Agneau de Dieu ». Cela aurait contrasté avec
l’effort de la réforme de Josias pour réprimer l’idolâtrie en Israël et
mettre l’accent sur un monothéisme strict – quelque chose qui aurait
interdit l’existence de plusieurs personnes divines, comme un Fils divin
ou un Agneau messianique de Dieu. Deuxièmement, si la famille de Léhi a
cherché la Loi contenue dans les plaques d’airain, elle ne l’a pas fait
parce qu’elle privilégiait la Loi avant tout, mais parce qu’elle en avait
reçu le commandement par révélation prophétique par l’intermédiaire de
l’Esprit et de la « sagesse en Dieu » (1 Néphi 3:19; 4:10-12). L’un des
commandements les plus fondamentaux de la loi était « Tu ne tueras pas »;
pourtant l’Esprit l’a emporté, ordonnant à Néphi de violer la Loi afin de
l’acquérir pour ses descendants, afin qu’ils puissent conserver leurs
alliances avec Dieu.
La signification de la Pâque pour les
réformateurs sous Josias fait ainsi fortement contraste avec celle de la
Pâque dans le Livre de Mormon. La Pâque de Josias était fortement et
littéralement centrée sur la Loi, « la parole de l’Éternel prononcée par
Moïse » (2 Ch. 35:6), tandis que la Pâque de Léhi et de Néphi était
centrée sur l’acquisition de la Loi en accordant une plus grande
importance à l’Esprit, qui, dans ce cas, a ordonné que la loi soit
apparemment violée. La Pâque léhite comprenait également la Loi comme un
système de signes annonçant, au-delà d’elle-même, la rédemption du monde
par un Messie divin, qui était aussi « l’Agneau de Dieu » sacrificiel.
Ainsi, alors que la Pâque de Josias était centrée sur la parole divine
– la Loi – la Pâque de Léhi et de Néphi était centrée, non pas sur la Loi
divine, mais sur les Personnes divines. À l’approche de la Pâque, Léhi a
vu Dieu assis sur son trône – c’est-à-dire le Père – puis le Fils
descendant sur la terre (cf. Actes 7:55-56). Et pendant cette Pâque, Néphi
a reçu de l’Esprit du Seigneur le commandement de contrevenir à la Loi. La
Pâque de Léhi et Néphi n’était pas une Pâque de la Loi de Dieu, mais une
Pâque de l’Esprit de Dieu et, plus pleinement, une Pâque du Père, du Fils
et de l’Esprit, les personnes de la Divinité qui « sont un seul Dieu » (2
Né 31:21; D&A 20:27-28).
Ainsi donc, paradoxalement, Léhi et Néphi
s’appuient sur la Loi mais la transcendent également. C’est un processus
que nous verrons répété plus tard, comme dans la construction d’un temple
sans sacerdoce lévitique et dans l’histoire du roi Mosiah – que le Livre
de Mormon fait écho à la pratique de Josias dans la forme mais en diffère
par l’accent et le fond. Cette pratique d’adopter et de transcender
simultanément la loi de Josias dans les récits du Livre de Mormon est
cruciale. Elle révèle un processus clé et une contribution importante du
Livre de Mormon en tant qu’optique d’interprétation de la Bible. C’est
peut-être l’une des caractéristiques les plus importantes du Livre de
Mormon qui réside ici, à savoir qu’en tant que livre d’Écriture, il
embrasse et transcende la Bible. Il le fait en magnifiant et en
clarifiant, en réitérant et en compliquant, en revisitant et en
approfondissant, en recréant et en expliquant les messages dans la Bible…
d’une manière complexe, sophistiquée et sans égale.
Le contexte de
Pâque de la vision de Léhi ouvre également une nouvelle fenêtre sur le
Livre de Mormon lui-même. La vision de Léhi de l’Agneau de Dieu dans le
contexte de la préparation de la Pâque fournit un pont narratif à partir
d’une christologie basse – une vision relativement ordinaire du Messie que
l’on peut, à tort ou à raison, retirer de la Bible hébraïque – vers la
christologie incontestablement haute du Livre de Mormon – sa vision
pleinement divine du Messie, d’un Christ qui « est LE DIEU ÉTERNEL » (Page
de titre). Si Léhi et Néphi venaient du même contexte que les Juifs juste
avant l’Exil, pourquoi avaient-ils une conception précoce d’un Messie,
d’un Messie divin en plus? La vision de Léhi du Messie comme Agneau à la
saison de la Pâque offre une explication. Dans le contexte de la Pâque, la
vision de Léhi a dû inspirer à Léhi et à sa famille une notion claire d’un
Messie divin qui se sacrifie. La révélation que le Messie était l’Agneau
divin de Dieu, la substance dont l’agneau pascal était une simple ombre, a
dû donner aux Néphites la compréhension radicale d’un Messie divin et de
la Pâque et de la loi entière de Moïse comme symboles pointant vers ce
divin Messie.
Le cadre de la Pâque dans lequel se situe le récit
d’ouverture du Livre de Mormon refond également le message d’ouverture du
livre. Le Livre de Mormon commence par l’histoire de la délivrance
temporelle personnelle de Léhi, délivrance d’une captivité et d’une mort
potentielles. Vu dans le contexte de son cadre de Pâque, ce récit de la
délivrance de Léhi devient également un écho ou une répétition de la
délivrance d’Israël lors de la Pâque originale. Et vu dans le contexte de
la révélation de Léhi concernant l’Agneau messianique de Dieu, cela
devient encore plus : un symbole de la délivrance spirituelle que devra
accomplir le Messie. Encadrée par la fête de la Pâque et par une
révélation de ce que cette Pâque signifie, l’histoire de la délivrance
temporelle d’une famille de Juifs pré-exiliques devient une représentation
de la délivrance plus grande de l’humanité, célébrée dans une Pâque qui
pointe vers l’Agneau de Dieu.
Le Livre de Mormon n’est pas
seulement un livre sur une famille particulière. Comme le livre céleste
que Léhi a vu dans sa théophanie originale, le Livre de Mormon manifeste
d’emblée « clairement la venue d’un Messie et aussi la rédemption du monde
» (1 Néphi 1:13−16, 19). Notre bref abrégé actuel des événements
d’ouverture du Livre de Mormon, fortement condensé du manuscrit initial,
peut sembler simplement concerner la famille d’un certain Israélite du VIe
siècle av. J.-C. et sa délivrance de la destruction temporelle. Cependant,
lorsque ces récits sont placés dans leur contexte d’origine, celui proposé
par le compte rendu plus complet voulu par Mormon dans le Livre de Léhi,
la signification des événements change radicalement.
Lus à la
lumière de leur contexte de Pâque, ces récits s’avèrent ne pas être
simplement ou même principalement concernant la délivrance temporelle d’un
homme; ils concernent la délivrance spirituelle de tous les hommes, de
l’humanité dans son ensemble, à travers « l’Agneau immolé dès avant la
fondation du monde » (Apocalypse 13:8). Le Messie divin attend que six
siècles soient passés dans l’histoire néphite pour faire son apparition
physique, mais dès ses débuts « au commencement de la première année du
règne de Sédécias » (1 Néphi 1:4), le Livre de Mormon est déjà un témoin
de Jésus-Christ.
Notes
1. Je remercie mes
amis Joe Spencer et Kirk Caudle de m’avoir aidé à faire le lien entre la
fête mentionnée par Fayette Lapham et la Pâque. Kirk a également fourni
une aide précieuse dans les recherches sur la Pâque biblique et
l’élaboration des premiers efforts pour présenter ces recherches. 2.
Lapham date son entretien avec Joseph Smith, père, à 1830 mais ne précise
pas le mois. Cependant, son récit nous permet de situer l’interview de
manière plus précise. Il nous dit que sa curiosité pour le Livre de Mormon
a été éveillée par le brouhaha entourant son impression à Palmyra. Le fait
qu’il soit allé jusqu’à Manchester pour en savoir plus plutôt que
d’examiner l’un des cinq mille exemplaires imprimés du livre à Palmyra
indique que ces exemplaires n’étaient pas encore disponibles, de même
qu’il ne nous montre pas Joseph père en train d’essayer de lui vendre ou
lui montrer un exemplaire. En racontant l’apparition et le contenu du
Livre de Mormon, Joseph père respectait les instructions contenues dans
une révélation donnée précédemment à son intention. Comme l’explique Colby
Townsend, la révélation de février 1829 (D&A 4) qui lui commande de lancer
sa faucille et de récolter des âmes pour le Seigneur « a poussé Joseph
père à s’engager dans le travail de diffusion de l’histoire de la
découverte des plaques par Smith et le livre à paraître basé sur ces
plaques. » Colby Townsend, « Rewriting Eden with the Book of Mormon :
Joseph Smith and the Reception of Genesis 1–6 in Early America » (mémoire
de maîtrise, Utah State University, 2019). Le lien de Doctrine et
Alliances 4 avec l’entretien entre Fayette Lapham et Joseph père m’a été
suggéré par Colby Townsend, communication personnelle, le 19 juillet 2019.
3. Fayette Lapham, « Interview with the Father of Joseph Smith, the Mormon
Prophet, Forty Years Ago. His Account of the Finding of the Sacred Plates
», The Historical Magazine and Notes and Queries Concerning the
Antiquities, History, and Biography of America [deuxième série] 7 (mai
1870) : 305−309, in Vogel, Early Mormon Documents 1:462. 4. Le
chercheur qui a soumis le compte-rendu de Lapham au meilleur niveau
d’analyse est Mark Ashurst-McGee, qui repère quelques erreurs dans son
compte rendu mais conclut à partir du rapport qu’il fait de « détails
remarquables (dont plusieurs peuvent être corroborés) quatre décennies
plus tard » que « Lapham devait avoir quelques notes de sa conversation
avec Joseph Smith, père », Mark Ashurst-McGee, message électronique
personnel à l’auteur, 26 septembre 2017. 5. Le récit de Lapham est
remarquable dans les détails qu’il fournit concernant l’apparition du
Livre de Mormon et dans sa précision surprenante dans un certain nombre de
points de ce récit. Par exemple, il rapporte qu’après le vol du manuscrit,
Joseph Smith, fils, a recommencé à traduire à l’endroit du récit « où ils
s’étaient arrêtés », plutôt que de remplacer immédiatement le manuscrit
volé par les petites plaques de Néphi. La critique textuelle moderne
confirme le rapport de Lapham, à savoir que Joseph a recommencé à traduire
là où commence le Livre de Mosiah actuel plutôt que de recommencer avec le
Premier Livre de Néphi au début des petites plaques. L’interview de Lapham
avec Joseph, père, qui est la première des deux sources historiques qui
signalent ce détail de l’ordre dans lequel le processus de traduction
s’est déroulé (l’autre étant un autre membre de la famille, la sœur du
prophète, Katharine Smith Salisbury), cette interview semble avoir en
effet été influencée par un proche bien informé. Kyle R. Walker, «
Katharine Smith Salisbury’s Recollections of Joseph’s Meetings with Moroni
», BYU Studies Quarterly 41, no. 3 (2002) : 16. 6. Lapham, « Interview
with the Father of Joseph Smith», 305−9. 7. « Terrence L. Szink and
John W. Welch, “King Benjamin’s Speech in the Context of Ancient Israelite
Festivals,” in King Benjamin’s Speech: That Ye May Learn Wisdom, ed. John
W. Welch and Stephen D. Ricks (Provo, UT: FARMS, 1998), 153. 8. Étant
donné que le commencement du règne de Sédécias est communément daté à 597
av. J.-C, la Pâque en question aurait commencé le 26 avril de cette
année-là, ce qui situerait le dernier jour de la Pâque le 3 ou le 4 mai
597 av. J.-C, selon que la célébration était terminée ou non le septième
jour biblique ou un huitième jour traditionnel ultérieur. 9. Voir
Randall P. Spackman, « The Jewish/Nephite Lunar Calendar,” Journal of Book
of Mormon Studies 7, no. 1, (1998): 48–59. 10. John P. Pratt,
“Passover: Was It Symbolic of His Coming?” The Ensign, January 1994,
38−45n7; John P. Pratt, “Lehi’s 600-year Prophecy of the Birth of Christ,”
Meridian Magazine (March 31, 2000), accessible sur
http://johnpratt.com/items/docs/lds/meridian/2000/lehi6apr.html; John P.
Pratt, “The Nephite Calendar,” Meridian Magazine (January 14, 2004),
accessible sur
https://www.johnpratt.com/items/docs/lds/meridian/2004/nephite.html#4.2.
11. Ce calendrier est compliqué par la question de savoir si le calendrier
néphite a été recentré sur un nouveau jour initial lorsque son décompte
des années a été remis à zéro au moment où la naissance de Jésus a été
annoncée par l’apparition d’une nouvelle étoile. Cependant, 3 Néphi
indique que, malgré le nouveau décompte des années, le temps, y compris le
temps pour calculer le moment où le Messie viendra, était toujours marqué
« depuis que Léhi avait quitté Jérusalem » (3 Néphi 1:1-9; cf. 1 Né 10:4;
19:8; 2 Né 25:19). Il semble remarquable pour l’évaluation du moment de
l’exode de Léhi par rapport à la Pâque que l’indice donné dans 1 Néphi
place le début du récit de Léhi « au commencement » de l’année civile
juive traditionnelle (c’est-à-dire juste avant la Pâque) et que le nouvel
an néphite a commencé quelques jours avant la Pâque au cours de laquelle
Jésus a été crucifié. 12. Stephen D. Ricks « The Appearance of Elijah
and Moses in the Kirtland Temple and the Jewish Passover,” BYU Studies 23,
no. 4 (1983): 1−4. Comme suggéré au le chapitre 3, un autre événement
majeur dans la rédemption d’Israël qui pourrait avoir été programmé pour
coïncider avec la Pâque est le début du travail de Joseph Smith pour
traduire le Livre de Mormon en mars 1828. 13. George S. Tate, « The
Typology of the Exodus Pattern in the Book of Mormon,” in Literature of
Belief: Sacred Scripture and Religious Experiences, ed. Neal E. Lambert
(Provo, UT: BYU Religious Studies Center, 1981), 249. 14. Eliyahu
Kitov, The Book of Our Heritage: The Jewish Year and its Days of
Significance (Jerusalem: Feldheim Publishers, 1978), 666−68. 15. Karen
Armstrong, The Great Transformation : The Beginning of our Religious
Traditions (New York : Knopf, 2006), 195. 16. Kitov, The Book of Our
Heritage, 666−68. |