La sagesse et l’intelligence d’Ève
Meridian, 1/08/2010
Tiré de Our Glorious Mother
Ève, de
Vivian
McConkie Adams
Ève mérite un nom plus long. Dans l’ancien temps, quand des princes ou des
nobles se distinguaient, on leur donnait des surnoms qui décrivaient les
grands exploits ou les traits de personnalité qui les distinguaient. Les
chefs militaires et les stratèges politiques étaient souvent ce que l’on
se rappelait le plus : Guillaume le Conquérant, Ivan le Terrible et
Catherine la Grande.
D’autres étaient caractérisés par leurs vertus particulières : Philippe le
Hardi, Charles l’Affable, Edouard l’Éloquent, Guillaume le Sage et Louis
le Bon.
Parfois on affublait les princes de surnoms qui n’étaient pas tellement
flatteurs : il y avait Ethelred le Malavisé, Charles le Chauve, Vassili le
Bigleux, Ivailo le Chou et John George le Pichet à Bière.
Dans la tradition de l’Évangile tant ancienne que moderne, nous utilisons
cette pratique d’attribution de noms, mais avec un peu plus de respect :
il n’y a Joseph le Voyant et Brigham le Lion du Seigneur. Jésus appelait
affectueusement ses deux disciples, Jacques et Jean, les « fils du
tonnerre » (Marc 3:17).
Souvent les noms sont donnés pour décrire de vraies doctrines. Les
noms-titres de Jésus-Christ mentionnés dans les écritures ont des
significations doctrinales profondes : Sauveur, Rédempteur, Avocat et
Cohéritier, pour n’en citer que quelques-uns. Parlant des noms qui
décrivent avec précision une vraie doctrine, il y a un nom descriptif plus
long qui convient bien à Ève. Ce nom a une base dans la tradition
scripturaire et décrit plus précisément la véritable doctrine d’Ève, une
doctrine qui a été perdue au cours des siècles.
Dans le monde chrétien d’aujourd'hui, nom d’Ève est associé au péché.
L’histoire traditionnelle d’Ève dit
ceci : le serpent, Satan, siffle et chuchote des mensonges subtils
à Ève ; et Ève, étant une sorte d’enfant crédule ou même une idiote,
écoute la doctrine persuasive perverse du serpent et prend du fruit de
l’arbre de la connaissance du bien et du mal en contradiction directe avec
Dieu. C’est ainsi que le péché est introduit dans le monde et que la
malédiction du péché est transmise à sa descendance. Augustin et d’autres
penseurs du début du christianisme ont promulgué cette théologie du péché
originel. En un mot, elle dit : « L’homme est maudit par le péché
originel, et Ève est la mère du péché. »
Presque toutes les cultures et traditions intellectuelles, depuis le péché
originel du catholicisme jusqu’à la fable grecque de la boîte de Pandore,
ont pour fondement une histoire qui dit en gros : « La première femme a
tout gâché. » Ce paradigme est tellement omniprésent dans la façon dont
les institutions et les sociétés fonctionnement aujourd'hui, que les
saints des derniers jours ont besoin d’une formation approfondie sur
l’interprétation et l’explication de l’histoire d’Ève, afin d’être prêts à
défendre son vrai nom.
Par exemple, dans Genèse 3:13 Ève admet : « Le serpent m’a séduite, et
j’en ai mangé. » Mais quand on regarde le sens de l’hébreu originel et les
écritures du Rétablissement, il apparaît clairement qu’Ève ne dit pas
qu’elle a été dupée. La spécialiste de l’hébreu, Nehama Aschkenasy, fait
observer que le mot hébreu original qui a été traduit par séduite est un
verbe rare qui est riche en significations et en connotations. Séduire
suggère qu’Ève a subi un processus interne profond ; avant de s’exécuter,
elle a soupesé, médité et réfléchi aux ramifications que cela allait avoir
si elle prenait du fruit [1]. Les traducteurs de la King James, eux-mêmes
héritiers de l’idée préconçue culturelle du péché originel, utilisent le
mot presque exclusivement dans le sens de tromperie. Ils n’en ont pas
saisi la richesse originelle.
Un deuxième témoignage du sens originel de séduire est donné par le
prophète Léhi, qui fait des commentaires sur l’histoire d’Adam et Ève
d’après un document beaucoup plus ancien que tout ce sur quoi les
traducteurs de la King James devaient travailler, à savoir, les plaques
d’airain. Léhi explique qu’Ève a été tentée par l’arbre de la connaissance
du bien et du mal qui se trouvait en opposition à l’arbre de vie (2 Néphi
2:15–16). En d’autres termes, elle le voulait, elle l’a choisi plutôt que
l’autre. Et c’était un bon arbre, pas foncièrement mauvais en soi. Notez
tous les termes positifs dans Genèse 3:6 : La femme vit que l’arbre était
bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir
l’intelligence ; elle prit de son fruit, et en mangea. »
Ève a vu, dit le texte, elle ne s’est pas simplement demandé ou a cru ou
espéré que l’arbre était bon. Vivian McConkie Adams, spécialiste de
l’histoire d’Ève, explique que « le mot ‘vit’ dans ce verset vient de
l’hébreu ra'ah, qui a une relation et une racine directes avec l’hébreu
ro’ê, qui signifie prophète ou vision »
[2].
Ce genre de jeu de mots, qui est courant en hébreu, suggère qu’Ève avait
un esprit prophétique et a pu recevoir une révélation visionnaire de Dieu
dans le cadre de sa formation dans le jardin.
Quelle qu’ait été la source de son intuition, Ève a discerné avec sagesse
que Dieu lui avait donné des commandements contradictoires. Elle a examiné
et soupesé un profond paradoxe : si elle mangeait le fruit de l’arbre de
la connaissance, elle transgresserait la parole de Dieu, mais si elle ne
le faisait pas, elle ne pourrait pas apprendre le bien et le mal ; elle ne
pourrait pas passer par le chagrin ; elle ne pourrait pas avoir de
postérité.
Ève, qui peut à juste titre être perçue comme une prophétesse et une
voyante sage, s’est rendu compte que toutes ces choses — la connaissance
du bien et du mal, la douleur de l’épreuve, la capacité d’enfanter —
étaient nécessaires pour recevoir la sagesse des Dieux et devenir comme
eux (2 Néphi 2:22-24 ; 3:22). Elle a donc mangé du fruit et, d’un point de
vue technique, a transgressé la parole de Dieu. Mais en réalité, elle
avait lu dans l’esprit de Dieu. Elle a vu, après avoir mangé, qu’il avait
prévu dès le départ qu’elle mange du fruit défendu (Moses 5:11).
Adam se plie à la sagesse d’Ève
Nous avons donc ici
un nom plus approprié pour la première femme : Ève la Sage. Margaret
Barker, une spécialiste qui a beaucoup à dire au sujet de la sagesse
féminine, démontre soigneusement, documents à l’appui, que les Israélites
de retour d’exil n’étaient pas monothéistes mais comprenaient Élohim comme
étant à la fois masculin et féminin ; ils comprenaient qu’il y avait non
seulement un Père mais aussi une Mère divine, et ils l’appelaient Sagesse.
Cette mère a participé à la création du monde et à la création d’Adam et
Ève [3].
Cette figure maternelle s’aligne sur la traduction d’Abraham par Joseph
Smith qui fait une allusion évidente aux créateurs (au pluriel) masculin
et féminin : « Ainsi
donc les Dieux descendirent organiser l'homme à leur image, le former à
l'image des Dieux, former l'homme et la femme »
(Abr 4:27).
Comme c’est à propos que la femme divine, appelée Sagesse, ait créé une
fille à son image, Ève la Sage ! Ève a suivi le modèle féminin divin en
mangeant de l’arbre de la connaissance. L’arbre lui-même est un symbole
très féminin, celui de donner la vie. Ève a de nouveau suivi le modèle de
sa Mère divine sage et est devenue « la mère de tous les vivants » (Ge
3:20).
Il est très intéressant que, dans la tradition hébraïque ancienne, leur
symbole particulier, la sagesse, soit fortement associée au féminin, pas
au masculin. Quand on regarde l’histoire de la Chute, la sagesse d’Ève lui
donne plus d’une fois une longueur d’avance sur Adam. Lorsque Dieu lui
commande de ne pas manger de l’arbre de la connaissance, Adam prend
simplement la parole de Dieu au pied de la lettre et s’en va jouir des
plaisirs du jardin. Mais l’instinct féminin d’Ève et son intuition de mère
lui permettent d’avoir un aperçu de choses nuancées et cachées, de choses
que l’homme ne voit pas dès l’abord. Elle détecte des choses sous la
surface et voit le noyau central de la vérité.
Quand elle prend du fruit, Ève doit expliquer à Adam que parce qu’elle a
mangé, elle va être chassée du jardin et qu’il restera seul. Comment
vont-ils garder les grands commandements de Dieu de rester ensemble et de
multiplier et remplir la terre, si Adam ne mange pas, lui aussi ? En y
réfléchissant, Adam voit la sagesse de son point de vue et la suit. Elle
ouvre la voie et donne le fruit « aussi
à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea »
(Moïse 4:12).
Ce modèle d’une femme sage montrant à l’homme le vrai chemin présente une
contradiction apparente lorsque Dieu explique les conditions de la Chute à
Ève : « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi »
(Moïse 4:22). C’est ici que le paradigme du péché originel et de la boîte
de Pandore fait de grands ravages. Beaucoup d’hommes interpréteront ce
verset comme les autorisant à ne pas tenir compte de la sagesse de la
femme et à subordonner les désirs de la femme aux leurs.
L’hébreu original machal (règne) signifie « avoir » ou « avoir
domination », mais il signifie aussi « ressembler à », et « devenir
comme » [4].
Cela implique que le règne d’Adam voulait dire qu’il ne présidait que
selon les principes d’unité et d’égalité, et qu’il devait s’efforcer de
« ressembler » aux vertus d’Ève et ainsi « devenir comme » elle. Le
président Hinckley a en outre expliqué que la domination d’Adam sur Ève
mentionnée dans la Genèse signifie « pourvoir de façon responsable, pour
protéger, renforcer et protéger [sa] femme. » Le président Kimball a dit
en plaisantant : « Nous avons entendu parler d’hommes qui disaient à leurs
épouses : « Je détiens la prêtrise et tu dois faire ce que je dis. » Des
hommes comme ça devraient être exclus de l’Église [5]. »
Le président Kimball a également contesté les interprétations modernes du
texte de la Genèse : « J’ai une question à propos du mot dominer. Il donne
une fausse impression. Je préfère utiliser le mot présider, parce que
c’est ce qu’il fait. Un mari préside en justice sur sa femme et ses
enfants [6]. »
Mais même le sens plus doux de machal et l’expression du Président Kimball
« présider sur sa femme » peuvent être pris dans le mauvais sens.
« Présider sur » implique diriger et la compréhension que le monde a du
mot diriger est absolument fausse et diamétralement opposée au sens que le
Christ donne à cette notion. Comme il le fait si souvent, le Christ
retourne complètement notre compréhension naturelle.
Quand Jacques et Jean demandent s’ils peuvent être les plus grands parmi
les disciples dans le royaume des cieux, Jésus leur dit qu’ils ne
comprennent pas ce qu’ils demandent. Il explique la vraie grandeur et le
véritable leadership : « Jésus les appela, et leur dit : Vous savez que
ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les
grands les dominent. Il n’en est pas de même au milieu de vous. Mais
quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et
quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. »
(Marc 10:42-45).
C’est comme si Dieu disait ici : « Désolé, Adam, mais je crains que je
vais devoir te placer à la tête de la femme, ce qui signifie bien sûr que
tu es le serviteur de la femme et un doulos — un esclave de la femme. » En
fait, le Christ continue en définissant de la même façon sa propre
situation dans la vie : « Le fils de l’homme est venu, non pour être
servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs »
(Marc 10:45).
Quand des hommes reçoivent une intendance pour présider dans la prêtrise,
ils pensent souvent qu’ils ont autorité sur les autres. Mais l’écriture
implique qu’ils ne doivent « rien supposer » : « Nous
avons appris par triste expérience qu'il est de la nature et des
dispositions de presque tous les hommes de commencer à exercer une
domination injuste aussitôt qu'ils reçoivent un peu d'autorité ou qu'ils
croient en avoir. C'est pour cela que beaucoup sont appelés, mais peu sont
élus. »
(D & A 121:39–40). De même, il semble que peu d’hommes comprennent le vrai
contexte associé au nom d’Ève.
Il s’avère qu’Ève a effectivement un nom plus long — beaucoup de noms plus
longs. Elle est « notre glorieuse mère Ève » (D & A 138:39) et « la mère
de tous les vivants ». Son nom est Sagesse. Elle est Ève la Voyante, Ève
la Visionnaire, Ève l’Intuitive, Ève la Perspicace et Ève l’Archétype des
femmes.
Parce que les hommes président l’Église et la famille, ils doivent servir
et à bien des égards s’asservir à la femme. Comme Adam, ils doivent
écouter attentivement l’avis de la femme, car ils finiront par
s’apercevoir, tout comme Adam, que la femme possède une certaine forme de
sagesse et de pouvoir dont les hommes ont besoin pour obtenir la vie
éternelle.
Hommes, essayez-le, faites profil bas, comme le Christ l’a dit.
Raccrochez-vous aux paroles de la femme. Traitez-la comme un sujet
traiterait sa reine. Vous verrez que, même si cela peut ne pas sembler
être intuitif, cette façon de faire vous donnera en réalité une place de
plus grand honneur et de plus grande égalité avec elle. C’est le processus
que le Christ a énoncé ; c’est la moralité de l’histoire d’Adam et Ève.
C’est la réalité que recouvrent les nombreux noms d’Ève.
Notes
1 Nehama Aschkenasy,
Woman at the
Window: Biblical Tales of Oppression and Escape (Wayne State
University Press, 1998), p. 127.
2 Vivian McConkie Adams à l’auteur, 5 janvier 2010; voir aussi
NAS Exhaustive
Concordance of the Bible with Hebrew-Aramaic and Greek Dictionaries,
rubriques 7200 et 7203.
3 Margaret Barker,
The Great Angel:
The Study of Israel’s Second God, Louisville, Westminster/John
Knox Press, 1992, p. 48–67.
4 Strong’s Exhaustive Concordance, rubriques 4910–4911.
5 James T. Summerhays et Kimberly Webb Reid, “Is It a Question of Power?”
http://www.meridianmagazine.com.
6 Spencer W. Kimball, “The Blessings and Responsibilities of Womanhood,”
Ensign,
mars 1976, p. 72.
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