Dans leur campagne pour le discréditer, les
détracteurs de Joseph Smith se sont efforcés de faire croire qu’il se
livrait à l’occultisme et à la magie populaire, courants à son époque.
Nous avons déjà abordé le sujet à propos du talisman de Jupiter et des
procès de South Bainbridge. Disons-le tout de suite : Il n’existe aucune
preuve directe permettant d’accréditer pareille affirmation. Mais quand on
n’a pas de preuves on peut toujours en inventer. C’est ce qu’a fait Mark
Hofmann avec la « Lettre à la salamandre », également mentionnée dans
notre article sur le talisman de Jupiter, que nous invitons le lecteur à
lire ou à relire, et une « Lettre de Joseph Smith à Josiah Stowell ». Il
nous a donc paru intéressant de donner quelques détails sur la vie de ce
faussaire de génie, mormon antimormon de surcroît.
Le texte suivant est tiré d’un article d’Edward L. Kimball, intitulé
The Artist and the Forger : Han Van Meegeren and Mark Hofmann, paru
dans BYU Studies, vol. 27 n° 4, automne 1987, mettant en parallèle les
destins curieusement semblables de Hofmann, contrefacteur de textes et de
Van Meegeren, contrefacteur hollandais de peintures. Nous ne reproduisons
que les parties relatives à Hofmann, qui donnent un bon résumé de ses
exploits et de ses motivations.
L'AFFAIRE MARK HOFMANN
En 1987, Mark Hofmann fut condamné pour faux, usage de faux et meurtre à
la suite de ce qui est sans doute la plus grande histoire de falsification
de documents historiques [1]. À l'âge de quatorze ans, il se sentit déçu
de la religion mormone dans laquelle il avait été élevé [2]. Il en vint à
la conclusion que le monde s'explique scientifiquement, pas
spirituellement et que ses parents et les gens de l'Église étaient dans
l'erreur. À ses yeux, il n'y avait pas de Dieu [3] et les histoires de
visions et de plaques d'or de Joseph Smith étaient fausses [4]. Il mena
une double vie, professant extérieurement ce en quoi il ne croyait pas
[5]. Certains de ceux qui étaient proches de lui se rendaient compte qu'il
n'était pas le croyant que d'autres voyaient en lui, mais personne ne le
considérait comme capable d'aucun des crimes qu'il commit, que ce soit de
faux, de vol et encore moins de meurtre délibéré [6].
Il commença tôt. Il affirme que dans son adolescence il avait utilisé un
procédé de galvanoplastie sur une pièce de monnaie pour contrefaire une
marque inhabituelle apparue lors de la fabrication, que les experts
acceptèrent comme authentique [7] et qu’il se servit du même procédé pour
contrefaire des sceaux de notaire [8]. Mais au bout de quelques années, il
était passé à la falsification de documents. Il étudia suffisamment
l’histoire américaine et l’histoire mormone pour faire de nombreux faux
convaincants. Il le fit pour de l'argent, par vanité et dans le but de «
réécrire » l'histoire mormone en jetant le doute sur ses prétentions à une
origine miraculeuse par la visitation de messages célestes : « Je ne crois
pas que Joseph Smith ait eu la Première Vision ni qu'il ait reçu les
plaques de l'ange Moroni... J’ai écrit les documents d’après la façon dont
j’estime que les événements se sont réellement produits. En d'autres
termes, je crois que Joseph Smith se livrait à de la magie populaire [9].
» Il cherchait à montrer que le prophète était un imposteur.
Il étudia et mit au point des méthodes permettant de simuler le
vieillissement de documents, que les tests de contrefaçon habituels ne
pouvaient détecter. Il utilisa du vieux papier, en découpant les pages
finales de livres trouvés chez les antiquaires [10]. Il découvrit la
formule d'encres du genre que l'on utilisait au cours des siècles
précédents [11]. Il inventa même du noir de carbone obtenu en brûlant du
papier du XVIIe siècle pour déjouer les tests de datation au carbone 14
[12] et passa des plumes d’oie aux plumes d’acier dans les circonstances
qui s'indiquaient [13]. Il apprit à donner de la patine à ses faux à
l'aide de produits chimiques [14], de la chaleur [15] et de l'exposition à
l'ozone [16]. Il affirma même avoir utilisé des moisissures rouges [17],
de la moisissure de pain [18] et des insectes [19] pour causer des dégâts
faisant croire au vieillissement et à la négligence.
En dépit de son athéisme, il était fortement préoccupé par la religion. Le
fait que tant de documents qu'il a contrefaits ont trait à Joseph Smith,
le prophète, implique davantage que la simple volonté de se faire de
l’argent. Dans une certaine mesure, il essayait délibérément de réécrire
l’histoire mormone à l'image de son incroyance [20] et d'embarrasser
l’Église [21]. Il inventa des documents dont on savait qu'ils avaient
existé autrefois, comme la transcription Anthon [22], des devises mormones
[23] et une lettre au général Dunham [24]. Il créa aussi des documents
qui, étant donné leur auteur présumé et leur sujet, auraient pu exister,
comme la bénédiction donnée à Joseph Smith III [25] [N.d.l.r. :
Bénédiction dans laquelle Joseph Smith aurait ordonné son fils aîné,
Joseph Smith III, pour lui succéder à la tête de l’Église]. Il combla les
lacunes des débuts de l'histoire mormone avec des documents de son
invention auxquels il donnait de la valeur en y mettant des informations
sujettes à controverse.
Autant qu'on le sache, il n'avait pas de complices, ne se fiant
apparemment même pas à sa femme, Dori [26]. Il cachait ses faux en se
retranchant derrière les pratiques légitimes du courtage en documents. Et
ses faux n'étaient pas des copies, mais des variations dans lesquelles il
faisait preuve d'imagination. Par exemple, la transcription Anthon, sa
première grande « découverte », avait des caractères qui allaient de haut
en bas plutôt qu’horizontalement comme dans la copie grossière qui existe
actuellement, et comportait des éléments supplémentaires qui
correspondaient à la description de Charles Anthon, ainsi qu'un faux
olographe de Joseph Smith. Il inventa aussi une lettre de Joseph Smith au
général Dunham l’appelant à une rescousse qui confirmait les suppositions
de certains historiens [27]. [N.d.l.r. : Selon des sources non fiables,
Joseph Smith, emprisonné à Carthage, aurait envoyé à Jonathan Dunham,
commandant de la Légion de Nauvoo, une lettre lui demandant de faire
intervenir la Légion pour le sauver. Dunham n’aurait donné aucune suite à
cette demande. Lorsque Hofmann lut cette fausse information dans le livre
antimormon de Fawn Brodie, No Man Knows My History, cela lui donna l’idée
d’inventer cette lettre. En réalité, nous savons par John Taylor que le
prophète refusa pareille intervention lorsqu’elle lui fut suggérée].
Il impliqua d'autres personnes dans la découverte [28] et la vente de
documents [29], en veillant à ce que son rôle soit ou bien caché ou bien
secondaire [30]. Par exemple, il porta la transcription Anthon, toujours
scellée, à un archiviste de l'université de l'État d'Utah pour qu'il
l’aide à l'ouvrir [31]. Il avait parfois une histoire toute prête pour
expliquer l'origine de ses documents [32]. En d'autres occasions, il
affirmait que le caractère secret du courtage en documents l'empêchait de
révéler pleinement leur origine [33]. Il parlait même à ses clients des
risques de falsification et de la façon de la démasquer [34].
Tout en se disant motivé essentiellement par l'argent [35], il réussit à
mêler la satisfaction de fomenter des controverses religieuses à celle de
faire du profit [36], ravi de réaliser les deux objectifs en même temps.
Sur une période de six ans, il produisit en grand nombre de faux documents
acceptés comme authentiques, sauf par quelques sceptiques [37]. Il se
justifiait en disant que si les experts authentifiaient un document, il
était « authentique par définition [38]. » Il prétendit : « Je ne trompais
pas la personne à laquelle je le vendais, parce que l'on ne découvrirait
jamais que le document était une falsification [39] » et qu’il
continuerait à avoir la valeur que l’acquéreur avait payée pour l’avoir.
Qui avait été lésé ?
On trouve dans le procès Hofmann d'autres explications de ce genre sur la
façon dont il trompait les experts. Il anticipait les tests habituels de
papier, d'encre et d'écriture appliqués aux faux. En fait, il était déçu
par le caractère superficiel des tests [40], parce que cela ne justifiait
pas tout le mal qu'il s’était donné. Hofmann était habile de ses mains,
mais les autres ne le savaient pas et le croyaient incapable de faire des
faux [41]. Il s'occupait aussi de documents légitimes, activité qui lui
assurait une protection. Et le fait que l'on acceptait un document rendait
plus facile l'acceptation d'autres documents [42].
Il comblait les lacunes de l'histoire à l'aide de documents plausibles. Il
s’écartait suffisamment de la version orthodoxe pour intriguer les
spécialistes, mais pas au point que l'on puisse les rejeter d'emblée. Il
prétendait trouver des documents à côté desquels d'autres personnes
étaient passées, réussissant à force de persévérance et en étant disposé à
dépenser d'importantes sommes d'argent pour remonter une piste [43]. Les «
trouvailles » prouvaient davantage l'efficacité de ses méthodes qu'elles
n’éveillaient les soupçons [44].
Il mentait effrontément et de manière convaincante. « Je peux regarder
quelqu’un dans les yeux et mentir », disait-il [45]. Avec un sang-froid
incroyable, il était capable, expliquait-il, de mentir sans hésitation
parce qu'il avait étudié les mécanismes de biofeedback et avait pratiqué
l’auto-hypnose [46]. Il avait une explication toute faite et convaincante
au fait qu'il ne pouvait pas donner l'origine de ses documents, en citant
les coutumes de la profession ou le désir du vendeur de garder l'anonymat.
Mais il lui arrivait parfois d'inventer tout simplement une fausse
provenance pour le document principal [47].
Il recevait des sommes d'argent importantes pour ses faux, mais il se
laissa entraîner dans une spirale qu’il ne put se résoudre à arrêter. Il
alla jusqu'à vendre des documents avant de les avoir créés [48]. Ses faux
devinrent de plus en plus gros, allant finalement jusqu'à comprendre des
collections inexistantes de Brigham Young et de William McLellin ainsi que
« The Oath of a Free Man ». Les dettes s’accumulaient plus vite que les
revenus et tous les mensonges se mirent finalement à transparaître [49].
Il dit qu'il tenta de se suicider [50], mais beaucoup accueillirent cette
affirmation avec scepticisme en disant que ce n'était pas dans sa nature.
En 1985, Mark Hofmann assassina Steven Christensen dans l'espoir de
dissimuler ses nombreuses falsifications [51]. Ensuite il assassina
Kathleen Sheets simplement pour mener la police sur une fausse piste [52].
Et il se préparait sans doute à assassiner une troisième personne, bien
qu'il prétende que lorsque la troisième bombe explosa, il essayait de se
suicider [53]. La recherche du mobile des meurtres conduisit les
investigateurs à remonter aux documents et aux soupçons de falsification.
Mais ce ne fut que tardivement que la contrefaçon fut envisagée parce que
les documents avaient déjà passé l’épreuve d'un examen soigneux. La police
se sentit très vite sûre de son suspect, mais les charges contre Hofmann
souffraient de faiblesses graves. Il avait réussi un test soigneux au
détecteur de mensonge [54] avec ce commentaire de l'examinateur : «
J'étais tout à fait convaincu qu'il était innocent [55]. » Les gens qui
croyaient bien le connaître protestèrent que ce jeune homme présentant
bien et sans casier judiciaire était tout simplement incapable de
commettre un meurtre. De plus il avait été, lui aussi, victime d'une
bombe. Bien que les documents eussent paru authentiques, en fin de compte
tous les documents mormons importants que Hofmann avait « découverts »
furent démasqués par de nouveaux tests plus sophistiqués qui montrèrent
sur la surface de l'encre des documents Hofmann des fissures
microscopiques qui n'existaient pas dans les documents véritablement
anciens [56]. Les documents révélèrent aussi une diffusion
unidirectionnelle de l'encre parce qu'ils avaient été pendus pour sécher
après le vieillissement chimique [57]. Devant ces nouvelles preuves, les
experts précédents se rétractèrent. L'enquête prouva la fausseté des
soi-disant provenances. Et finalement, dans le cadre d'une négociation
pour revoir à la baisse les chefs d’inculpation, Hofmann confessa avec
certains détails, faisant même des démonstrations pour les témoins de sa
capacité d'imiter l’écriture de personnalités mormones historiques [58].
Les experts qui avaient accepté des documents comme authentiques et qui
avaient cru qu’il disait la vérité, se hâtèrent d'expliquer pourquoi les
faux de Hofmann étaient trop subtils pour être détectés par les techniques
que l'on avait précédemment considérées comme adéquates [59].
Mark Hofmann plaida coupable de meurtre sans préméditation et de
contrefaçon et dans une négociation pour revoir à la baisse les chefs
d’inculpation, qui lui évita la condamnation pour meurtre avec
préméditation et la peine de mort. Il promit aussi, dans cette négociation,
de donner le détail de ses crimes [60]. Il fut écroué à la prison de
l'État d'Utah en 1987 pour une peine de prison à vie. Lors des interviews,
il révéla une partie mais pas la totalité de son projet criminel [61].
Lorsque la transcription fut publiée, un certain nombre de personnes
proches de l'affaire se montrèrent très sceptiques à l’égard de ses
déclarations sur ses motivations et sur les effets (autres que le
mécanisme des contrefaçons dans lesquelles il mettait un orgueil
professionnel). « Étant donné tous les mensonges qu’il a reconnus,
demandèrent-elles, pourquoi devrions-nous croire ce que Hofmann dit ?
[62]. » Ses déclarations au comité des mises en liberté conditionnelle
d’Utah, qui vota de ne jamais lui accorder de liberté conditionnelle [63]
mirent en évidence sa conception qu’ôter la vie à quelqu’un n'avait pas
grande importance. Étant donné qu'il croyait qu'il n'y avait rien au-delà
de cette vie, il ne lui restait plus qu'à se glorifier de son court
instant sous les feux de la rampe.
Cet homme tourna son grand talent vers le crime pour cause de vanité, de
colère et de cupidité. On aurait pu ne jamais le démasquer, mais l'amour
de l'argent le maintenait captif. Il faillit à diverses reprises être
démasqué et emprisonné, incapable de s'arrêter en chemin. Pendant des
années ses falsifications échappèrent à toute détection mais elles
finirent par apparaître lorsque la police se mit à enquêter sur lui pour
un tout autre crime.
La Lettre à la salamandre
Voici le contenu de la Lettre à la salamandre, censée avoir été écrite, le
23 octobre 1830, par Martin Harris à William W. Phelps. Elle est
reproduite dans « New Documents and Mormon Beginnings » par Dean C. Jessee,
BYU Studies, vol. 24 (1984), n° 4, automne 1984.
« J’ai reçu votre lettre d’hier et je me
hâte d’y répondre aussi complètement que je le peux—J’ai eu
l’attention attirée sur Joseph Smith en 1824 au cours de l’été de
cette année-là j’ai passé un contrat avec son père pour construire une
clôture sur mon terrain au cours de ce travail j’aborde Joseph & je
lui demande comment il se fait qu’en un demi-jour vous arrivez à faire
ce qui prend une journée de travail complète à votre père et à vos 2
frères en travaillant ensemble il dit je n’ai pas été sans aide mais
je ne peux en dire plus seulement c’est à vous de trouver le lendemain
je prends le père Smith par le bras & il dit que Joseph peut voir tout
ce qu’il veut en regardant dans une pierre Joseph voit souvent des
esprits ici avec de grandes marmites pleines de pièces c’étaient des
Esprits qui ont fait remonter des rochers parce que Joseph ne faisait
aucune tentative sur leur argent je rêve plus tard que je converse
avec des esprits qui me laissent compter leur argent quand je
m’éveille j’ai dans ma main une pièce d’un dollar que je prends pour
un signe Joseph décrit ce que j’ai vu dans tous les détails il dit que
les esprits sont affligés alors je rejette le dollar À l’automne de
l’année 1827 j’apprends que Joseph a trouvé une bible d’or je prends
Joseph à part & il dit que c’est vrai je l’ai trouvé il y a quatre ans
avec ma pierre mais je viens seulement de l’avoir à cause de
l’enchantement le vieil esprit vient me trouver 3 fois dans le même
rêve & dit déterre l’or mais quand je le sors le lendemain matin
l’esprit s’est transfiguré d’une salamandre blanche dans le fond du
trou & m’a frappé 3 fois & a gardé le trésor & n’a pas voulu me le
donner parce que je l’ai déposé pour couvrir le trou alors que
l’esprit dit ne le dépose pas Joseph dit quand est-ce que je peux
l’avoir l’esprit dit d’ici un an à partir de ce jour si tu m’obéis
regarde la pierre après quelques jours il regarde l’esprit dit amène
ton frère Alvin Joseph dit il est mort est-ce que je dois apporter ses
restes mais l’esprit est parti Joseph va pour prendre la bible d’or
mais l’esprit dit tu n’as pas amené ton frère tu ne peux pas l’avoir
regarde la pierre Joseph regarde mais ne peut pas dire qui il doit
amener l’esprit dit je t’ai eu de nouveau regarde la pierre Joseph
regarde & voit sa femme le 22e jour de sept 1827 ils obtiennent la
bible d’or je donne à Joseph $50 pour le déménager [p. 1] vers la Pa
Joseph dit quand vous me rendrez visite je vous donnerai un signe il
me donne des hiéroglyphes je les emporte à Utica Albany & New York
dans le dernier endroit le Dr Mitchell me donne une lettre
d’introduction pour le Professeur Anthon il dit c’est de la
sténographie égyptienne ce dont on se servait dans les temps anciens
apportez-moi le vieux livre & je traduirai je dis il est en or
précieux & il est scellé à la vue il dit je ne peux pas lire un livre
scellé—Joseph a trouvé des lunettes géantes en argent avec les plaques
il les met dans un vieux chapeau & dans le noir lit les mots & et de
cette façon tout est traduit & écrit—vers la mi-juin 1829 Joseph
m’emmène avec Oliver Cowdery & David Whitmer pour voir les plaques nos
noms sont attachés au livre de Mormon que j’avais imprimé avec mon
propre argent—l’espace & le temps m’empêchent tous deux d’en écrire
davantage en ce moment s’il y a quelque chose d’autre que vous voulez
demander je m’en occuperai. » |
La lettre de Joseph Smith à Josiah Stowell
Cette prétendue lettre est reproduite dans le même article de Dean C.
Jessee, qui l’introduit comme suit : « En 1825, Josiah Stowell, fermier
aisé du sud de l’État de New York, habitant près de South Bainbridge, dans
le comté de Chenango, organisa un groupe d’hommes pour localiser une
vieille mine espagnole dont on croyait qu’elle contenait des pièces
d’argent et des lingots d’or ou d’argent. Ayant entendu dire que Joseph
Smith était un « célèbre voyant capable de trouver des trésors perdus ou
cachés », Josiah Stowell engagea le jeune homme de Palmyra (New York) pour
l’aider à localiser la mine [1]. Isaac Hale, qui devint plus tard le beau-père
de Joseph Smith, déclara qu’il avait rencontré celui-ci pour la première
fois en novembre 1825. Il écrivit que Joseph Smith était employé par un
groupe de ‘chercheurs d’argent’, que Joseph pouvait localiser des trésors
en regardant dans une pierre placée dans son chapeau et que Joseph, son
père, et plusieurs autres avaient logé chez les Hale, à Harmony, pendant
qu’ils étaient employés à rechercher la mine [2]. Dans la History of the
Church de 1838, Joseph Smith confirme avoir travaillé pour Josiah Stowell,
ajoutant qu’au bout de peu de temps il avait réussi à persuader Stowell de
mettre fin à ses recherches [3]. À part cela, on ne trouve rien d’autre
dans la History à propos de l’incident ni sur la localisation d’objets ou
de trésors par Joseph Smith.
« À partir de 1983, des copies d’une lettre datée du 18 juin 1825,
prétendument écrite par Joseph Smith depuis Canandaigua (New York) à
Josiah Stowell à Harmony (Pennsylvanie), commencèrent à circuler dans la
communauté mormone. Selon un récit, la lettre avait été obtenue dans l’Est
des États-Unis par le collectionneur Mark Hofmann, de Salt Lake City,
authentifiée par le courtier en manuscrits bien connu de New York Charles
Hamilton et vendue à l’Église [4]. La lettre, ayant pour objet les
recherches de Stowell pour trouver la mine de Pennsylvanie, met en
évidence des contacts antérieurs entre lui et la famille Smith et révèle
que Joseph Smith était un expert dans l’art de trouver des trésors cachés,
ce qui est sans doute la raison pour laquelle Stowell alla si loin de
l’emplacement de ses fouilles pour demander l’aide de Joseph. »
Ce qui suit est la traduction de la lettre :
Canandaigua, 18 juin 1825
Monsieur,
Mon père m’a montré votre lettre l’informant des succès que vous dites
avoir obtenus dans la recherche de la mine mais nous sommes d’avis que
puisque vous ne pouvez pas faire davantage de fouilles tant que vous
n’aurez pas découvert s’il reste des valeurs vous savez que le trésor
doit être gardé par un esprit subtil et si l’on découvre celui-ci, on
découvrira aussi le trésor faites donc ceci prenez une baguette de
coudrier neuve longue d’un mètre coupez-la et fendez-la juste au
milieu et déposez les deux moitiés sur la mine pour que les deux
parties intérieures de la baguette soient en face l’une de l’autre à
une distance d’un pouce et s’il y a un trésor au bout d’un certain
temps vous les verrez se rapprocher et se rejoindre d’elles-mêmes
faites-moi savoir ce qu’il en est Depuis que vous êtes venu ici j’ai
presque décidé d’accepter votre offre et si cela peut vous arranger de
passer par ici je serai prêt à vous accompagner si rien d’autre ne se
passe à ma connaissance respectueusement vôtre
Joseph Smith Jr
Mr Josiah Stowell
Harmony Pa |
Jessee, qui croit en l’authenticité de la lettre (Hofmann n’a pas encore
été démasqué), d’autant plus qu’elle porte le genre de timbre qui avait
cours à l’époque avec la valeur requise pour ce genre d’envoi, fait ce
commentaire : « Ses écrits personnels ne nous montrent pas l’homme du fond
des bois illettré que certains ont vu en lui. Un aspect important de la
lettre est que, aussi jeune qu’il ait été, Joseph paraissait avoir une
grande réputation et être l’objet d’un grand respect pour ses capacités de
voyant et qu’il avait bien en mains la situation qu’on lui présentait. »
Le fait qu’un historien aussi éminent que Jessee, qui avait une
connaissance approfondie des écrits, de l’écriture et du style de Joseph
Smith, ait pu se laisser tromper de cette façon, donne une idée du talent
de Hofmann, lequel invente ici un Joseph Smith qui, à l’âge de 19 ans,
sait s’exprimer par écrit et a une réputation bien établie de voyant. La
réalité est tout autre : Emma Smith, qui, en tant qu’épouse de Joseph,
était bien placée pour savoir de quoi elle parlait, devait déclarer plus
tard que son mari « ne pouvait ni écrire ni dicter une lettre cohérente et
bien formulée [5] » et Jessee n’a aucun argument convaincant pour
expliquer la contradiction.
On peut facilement imaginer la jubilation des antimormons pendant la
période qui a précédé la condamnation de Hofmann. Mais la promesse faite
par Dieu il y a plus d’un siècle et demi reste d’actualité :
« En vérité, ainsi vous dit le Seigneur, toute arme forgée contre vous
sera sans effet. Et si quelqu'un élève la voix contre vous, il sera
confondu lorsque je le jugerai bon » (D&A 71:9-10).
NOTES SUR L’AFFAIRE HOFMANN
[1] Le premier livre à traiter de la question est Linda Sillitoe et Allen
Roberts, The Story of the Mormon Forgery Murders, Salt Lake City,
Signature Books, 1988. Je voudrais remercier Linda Sillitoe d’avoir relu
le brouillon de cet article. Les autres sources principales sont Mitchell
Pacella, « The Case of the Latter-day Bomber », American Lawyer 79, juin
1987, pp. 79-87, et Mark Hofmann Interviews: Interviews Conducted at Utah
State Prison between February 11 and May 27, 1987, 2 vols., Salt Lake
City, Office of Salt Lake County Attorney, 1987.
[2] Hofmann Interviews 1:112.
[3] Hofmann a dit au comité de probation qu’avant de commettre les deux
meurtres il a eu un moment de doute: « Et s’il y avait réellement un Dieu?
Que va-t-il arriver si je me trompe? », voir Jan Thompson, « Calm Hofmann
Accepts Life-in-Prison Decision », Deseret News, 30 janvier 1988.
[4] Hofmann Interviews 2:425.
[5] Id. 1:130.
[6] Id. 2:421.
[7] Id. 2:409.
[8] Id. 1:177.
[9] Id. 2:425-427.
[10] Id. 1:54.
[11] Id. 1:21-22.
[12] Id. 1:236.
[13] Id. 1:20-21, 165, 2:414.
[14] Id. 1:24-25.
[15] Id. 1:29-32.
[16] Id. 2:363-367.
[17] Id. 1:283.
[18] Id. 2:462.
[19] Id. 2:305.
[20] Id. 1:113.
[21] Id. 1:148, 2:451-456, 474-484; comparer avec 2:358-359, 426-427. En
fait, une minorité seulement des faux de Hofmann étaient des documents
mormons. Lors de sa confession il a affirmé qu’il avait collé “des
dizaines, peut-être même des centaines” de fausses pages dans des livres,
id. 1:229, créé des notes de Jim Bridger, id. 1:288-94, et vendu une
lettre de Daniel Boone et des faux pour une valeur de cinq cent mille
dollars à des courtiers de l’Est des États-Unis, id. 1:SS-14. Son faux le
plus important que l’on connaisse est “The Oath of a Free Man », une
soi-disant copie du premier document imprimé dans les colonies américaines,
id. 1:230-288, 2:302-309, qu’il proposa de vendre à la Bibliothèque du
Congrès pour un million et demi de dollars.
[22] Id. 1:3-132.
[23] Id. 1:182-222.
[24] Id. 2:387-402.
[25] Id. 1:133-172, 2:296-302.
[26] Hofmann dit cependant qu’elle soupçonnait beaucoup de ses découvertes
d’être des faux, Hofmann Interviews 1:SS-14 et aussi que « elle ne
connaissait pas l’étendue de [ses] transactions frauduleuses », id. 2:421.
[27] Id. 2:389.
[28] Id. 1:94-97.
[29] Id. 2:46-73.
[30] « Stalking the Wild Document: An Interview with Lyn Jacobs »,
Sunstone 10 août 1985, pp. 15-16.
[31] Hofmann Interviews 1:96-97.
[32] Id. 1:165-73, 232-234.
[33] Id. 2:418-420; comparer avec « Stalking the Wild Document », p. 16.
[34] « The Victims: A Legacy of Bitter Hindsight », Deseret News, 31
juillet 1987.
[35] Hofmann Interviews 1:96.
[36] Id. 1:113, 133.
[37] Au printemps de 1985, Rhett James, dans un article non publié, en
date du 1er octobre 1984, intitulé « Christian Cultural Religious
Superstition: The 1825, 1830 Letters and Related Documents with
Suggestions for Methodological Examination and Presentation », mit en
doute l’authenticité de la lettre de Martin Harris, en basant sa thèse sur
l’étude de la syntaxe en utilisant quatorze points grammaticaux, article
rendu public en avril 1985. Comparer avec Dean Jessee, « New Documents and
Mormon Beginnings », Brigham Young University Studies 24, automne 1984,
pp. 397-416.
[38] Hofmann Interviews 2:410, 425.
[39] Id. 2:407.
[40] Hofmann Interviews 1:125, 2:417-418.
[41] Id. 2:430, Lyn Jacobs, un des contacts de Hofmann, parlant avant la
confession de celui-ci, dit: “Si vous prétendez que Mark a fait un faux,
ce n’est pas possible. Mark Hofmann n’est pas un faussaire. Je ne pense
même pas qu’il sache comment on fait”, « Stalking the Wild Document », p.
9.
[42] Hofmann Interviews 2:310, 455.
[43] « Stalking the Wild Document », pp. 11-13.
[44] Par exemple, Hofmann inventa de faux talismans magiques à l’aide de
caractères semblables à ceux de la transcription Anthon, Hofmann
Interviews 2:506-507. Ils auraient pu être vus comme des preuves de ses
falsifications ou comme preuves de ce que Joseph Smith avait copié les
caractères sur le talisman.
[45] Hofmann Interviews 1:99.
[46] « Cash Losses Will Run at Least $1.5 Million », Deseret News, 18 août
1987; « Hypnosis Helped Hofmann Beat Test », [Provo] Herald, 24 août 1987.
[47] Hofmann Interviews 1:100-107, 116-124, 168-173.
[48] Id. 2:394-395.
[49] Id. 2:399-407. Bien que, selon une estimation, les falsifications de
documents mormons n’aient constitué que le quart de tous les faux de
Hofmann, les pertes en ce qui concerne les objets mormons s’élevaient à
plus de $1,500,000, voir « Victims », Deseret News, 31 juillet 1987.
[50] Hofmann Interviews 1:SS-11 to SS-12, 2:424.
[51] Id. 1:SS-7.
[52] Id. 1:SS-8.
[53] Id. 1:SS-12, 2:424.
[54] « Hypnosis », Herald, 24 août 1987.
[55] « Mark Hofmann Is in an Elite Group: He Completely Fooled the Machine
», Deseret News, 18 août 1987.
[56] Hofmann Interviews 1:131-132.
[57] Id. 1:163-164.
[58] Id. 1:31, 2:415.
[59] Pacella, « Latter-day Bomber », p. 85.
[60] Id., p. 87.
[61] Allen Roberts, Brent Ashworth et George Throckmorton sont cités dans
ce sens dans « Hofmann: Believe It or Not » et Al Rust est cité dans «
Modern-day King Richard III Lived and Operated Inside a Private World of
His Own Making », deux articles parus dans le Deseret News du 16 août
1987.
[62] Avant que les meurtres n’aient été traités complètement, les
interviews furent interrompues parce qu’il y avait désaccord sur le point
de savoir qui pouvait y assister. Voir les trois pages qui suivent la page
2:537 de la transcription des interviews. De ce fait on ne sait pas si
Hofmann avait rempli les conditions pour bénéficier d’une remise de peine.
[63] La décision n’engage cependant pas un futur comité de probation.
NOTES SUR LA LETTRE DE JOSEPH SMITH À JOSIAH STOWELL
[1] William D. Purple, Historical Reminiscences, Greene, New York, 28
avril 1877, 4, MS, Moore Memorial Library, Greene, New York. [N.d.l.r. :
Il convient de noter que la valeur des informations de Purple a été
contestée par Hugh W. Nibley, dans « The Myth Makers », Tinkling Cymbals
and Sounding Brass, The Collected Works of Hugh Nibley, vol. 11, pp.
247-254].
[2] Déclaration d’Isaac Hale, 20 mars1834, cité dans Eber D. Howe,
Mormonism Unvailed, Painesville, Ohio, publié par l’auteur, 1834, pp.
262-263. [N.d.l.r. : Pour juger du crédit que l’on peut accorder aux
déclarations de Hale, il faut tenir compte de l’hostilité de Hale envers
Joseph Smith et du caractère antimormon du livre de Howe.]
[3] Joseph Smith – Histoire 1:56-57.
[4] John Dart, « Letter Revealing Mormon Founder's Belief in Spirits,
Occult Released », Los Angeles Times, 10 mai 1985.
[5] Joseph Smith, III, « Testimony of Sister Emma », Saints' Herald 26 (1
October 1879); 289-90.
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