CHAPITRE QUATRE : Coutumes et lieux du désert

L’autel de Léhi

Le premier acte de Léhi, une fois sa tente  dressée pour son premier camp important, fut de construire « un autel de pierres, [de faire] une offrande au Seigneur et [de rendre] grâces au Seigneur... » (1 Néphi 2:7), à croire qu’il avait lu Robertson Smith : « Le signe artificiel ordinaire d’un sanctuaire sémitique (c’est-à-dire aussi bien hébreu qu’arabe) est le pilier du sacrifice, tumulus de pierres, ou autel grossier... sur lequel on présente des sacrifices au dieu... En Arabie… nous ne trouvons pas d’autel proprement dit, mais à sa place un pilier grossier ou entassement de pierres à côté duquel on met à mort la victime[1]. » C’est à ce même « autel de pierres » que Léhi et sa famille « offrirent au Seigneur un sacrifice et des holocaustes ... et ils rendirent grâces au Dieu d’Israël » (1 Néphi 5:9), après le retour à bon port de ses fils de leur dangereuse expédition à Jérusalem. Lorsque Raswan rapporte: « On amena un petit de chameau à la tente de Misha’il comme offrande sacrificatoire en l’honneur du retour sain et sauf de Fouaz[2] », nous ne pouvons nous empêcher de penser à une scène de ce genre devant la tente de Léhi lors du retour à bon port de ses fils.  C’est ce que les Arabes appellent un dhabihat-al-kasb, sacrifice pour célébrer le retour couronné de succès de guerriers, de chasseurs et de maraudeurs dans le camp. « Ce sacrifice, écrit Jaussen, est toujours en l’honneur d’un ancêtre[3] », et Néphi mentionne à deux reprises l’ancêtre tribal, Israël, dans son court récit.  Exactement à la manière du désert, Léhi, immédiatement après les rites d’actions de grâces, se met à examiner le « butin » (1 Néphi 5:10).

Aujourd’hui encore, le Bédouin fait des sacrifices à toutes les occasions importantes, pas pour des raisons magiques ou superstitieuses, mais parce qu’il « vit sous l’impression constante d’être entouré par une force supérieure...[4] ». St-Nil, dans le plus vieux récit de témoin oculaire connu sur la vie chez les Arabes du Tih, dit: « Ils sacrifient sur des autels de pierres grossières empilées les unes sur les autres[5]. »  Le fait que celui de Léhi était un autel de ce genre découle non seulement de l’antique loi exigeant des pierres non taillées (Exode 20:25), mais également de l’expression du Livre de Mormon « un autel de pierres », qui n’est pas la même chose qu’un « autel de pierre ». Ces petits entassements de pierres, survivances de toutes les époques, sont encore visibles un peu partout dans le désert du sud.

Contacts dans le Désert

Le Livre de Mormon ne mentionne aucune rencontre entre le peuple de Léhi et un autre groupe au cours de leurs huit années d’errance. Les rencontres accidentelles avec des familles de Bédouins errants ne méritaient alors aucune attention particulière, pas plus que maintenant, mais comment purent-ils éviter des contacts importants pendant huit ans et quelque quatre mille kilomètres d’errance ?

Un « à côté » révélateur de Néphi explique tout. Ce n’est que lorsqu’ils furent parvenus au bord de la mer, dit-il, que son peuple fut à même de faire du feu sans danger, « car le Seigneur n’avait pas permis jusqu’alors que nous fassions beaucoup de feu, durant notre voyage au désert, car il disait: « Je rendrai votre nourriture tendre, pour que vous ne la cuisiez pas, et je serai aussi votre lumière dans le désert...  » (1 Néphi 17:12-13). Cela dit tout. « Je me souviens bien, écrit Bertram Thomas, avoir pris part à une discussion sur l’insalubrité des feux de camp la nuit; nous les cessâmes immédiatement en dépit du froid piquant[6]. » Le guide du major Cheesman ne lui permettait même pas d’allumer une lampe minuscule pour noter des observations d’étoiles, et ils n’osaient jamais faire du feu en terrain découvert, car il y « attirerait sur de grandes distances l’attention de bandes de maraudeurs en train de rôder et inviterait à une attaque de nuit[7] ». De temps à autre, dans une dépression favorablement abritée, « nous osions faire un feu que l’on ne pouvait voir d’un endroit plus élevé », écrit Raswan[8]. Ce qui veut dire que les feux ne sont pas absolument hors de question, mais rares et risqués – pas beaucoup de feu, telle était la règle de Léhi. Et les feux pendant la journée sont presque aussi risqués que la nuit: Palgrave raconte comment sa compagnie fut forcée, « de peur que la fumée de [son] feu ne soit repérée par quelque pillard lointain, de [se] contenter de dattes sèches », au lieu de nourriture cuite[9].

Bien sûr, l’absence de feu signifie de la nourriture crue. Et que doit-on faire lorsque le menu est de la viande ? « D’un bout à l’autre du désert, écrit Burckhardt, lorsque l’on tue un mouton ou une chèvre, les personnes présentes mangent souvent crus le foie et les rognons, en y ajoutant un peu de sel. Certains Arabes du Yémen ont la réputation de manger crues, non seulement ces parties, mais également des tranches entières de viande, ressemblant ainsi aux Abyssiniens et aux Druses du Liban [sic], qui consomment souvent de la viande crue, ces derniers à ma connaissance certaine[10]. » St-Nil, écrivant quatorze siècles plus tôt, raconte que les Bédouins du Tih vivent de la viande d’animaux sauvages, à défaut de quoi « ils abattent un chameau, une de leurs bêtes de bât, et se nourrissent de cette viande crue comme des animaux », ou bien saisissent rapidement la chair sur un petit feu pour l’attendrir suffisamment afin de ne pas devoir la mâcher « comme des chiens »[11]. Cet état de choses ne correspond que trop bien à la sombre économie de Léhi: « Elles souffrirent beaucoup du manque de nourriture » (1 Néphi 16:19). « Nous vivions de viande crue dans le désert » (1 Néphi 17:2).

Tout ceci emporte la conviction, soutenue à la fois par l’expérience moderne et les preuves de l’archéologie, que Léhi se déplaçait dans un monde dangereux. Dans les temps anciens, les marchands juifs voyageant dans le désert tombaient si souvent entre les mains de pillards bédouins qu’au commencement de l’ère chrétienne leur mot pour « ravisseur » signifiait normalement tout simplement « Arabe »[12] ! Des inscriptions arabes datant de l’ époque de Léhi montrent que « dans la péninsule . . . il y avait une agitation constante », tout comme à l’époque moderne[13]. Les temps ordinaires dans le désert sont des temps mauvais lorsque, pour employer les termes d’un des plus anciens poètes arabes, «  l’homme honorable n’osait pas rester en terrain découvert, et la fuite ne sauvait pas le lâche...  »[14]. « C’est une vie solitaire, écrit Philby, ... une vie de peur constante ... la faim est la règle du désert[15]. » La faim, le danger, la solitude, la peur – le peuple de Léhi connut tout cela.

Quel était le danger au fait ? « Les tribus arabes sont en état de guerre presque perpétuel les unes contre les autres... Surprendre l’ennemi par une attaque soudaine, et piller un camp, sont les objectifs principaux des deux parties[16]. » « Pour eux, marauder est le piment de la vie ... c’est le droit du plus fort, et l’homme a constamment peur pour sa vie et ses biens[17]. » Léhi ne pouvait guère se permettre de se laisser mêler à ces conflits éternels du désert, et pourtant il était partout un intrus – pour lui, le seul moyen d’éviter les ennuis, c’était d’observer une règle qu’énonce Thomas pour tous ceux qui voyagent dans le désert, même aujourd’hui: « Un groupe qui s’approche peut être ami, mais on présume toujours qu’il est  ennemi[18]. » Pour employer les termes de l’antique poète Zuhair : «  Celui qui voyage doit considérer son ami comme un ennemi[19]. » Dans les descriptions de St-Nil, les Bédouins en marche au cinquième siècle étaient possédés par cette même nervosité froussarde et cette même tension insupportable qui rendent si passionnante la lecture des récits de Cheesman, Philby, Thomas, Palgrave, Burckhardt et autres. Au moindre signe d’un homme armé, dit-il, son Bédouin fuyait, « comme s’il était saisi d’une peur panique » et continuait à fuir « car la peur les fait exagérer le danger et les amène à s’imaginer des choses qui dépassent de loin la réalité, augmentant leur terreur dans tous les cas[20] ». De même leurs descendants modernes « vivent constamment sous l’impression qu’une invasion est en route, et toute ombre ou mouvement suspect à l’horizon attire Ieur attention », remarque finement Baldensperger. Cet état d’appréhension presque hystérique est en réalité une condition essentielle de survie dans le désert: « Un Bédouin ne dit jamais son nom, dit l’auteur que nous venons de citer, ni sa tribu, ni ce qu’il fait, ni le lieu où habitent les siens, même s’il est dans une région amie… Ils sont et doivent être très circonspects... un mot de trop peut causer mort et destruction[21]. » Lorsque les Bani Hilal émigrent, c’est « à la faveur des ténèbres de la nuit, du voile obscurcissant de la pluie » passant, dans le noir et le silence, à côté des lieux habités. Qu’est ce qui peut mieux décrire pareil état de choses que l’expression du Livre de Mormon « un peuple solitaire et solennel » (Jacob 7:26) ? Doughty disait qu’il n’avait jamais rencontré d’homme « joyeux » chez les Arabes – et il n’y a pas d’humour dans le Livre de Mormon. Ce tempérament n’est guère accidentel: si l’Hébreu tire son humeur mausade de ses ancêtres du désert, pourquoi pas les Lamanites?

Sir Richard Burton, une des rares personnes qui aient à la fois connu l’Indien américain et l’Arabe bédouin par  expérience personnelle, a été profondément impressionné par la parfaite ressemblance des deux, une ressemblance si frappante qu’il se sent obligé d’avertir son lecteur qu’il ne doit pas l’attribuer à une origine commune, expliquant le parallélisme parfait de tempérament et de comportement comme dus à « l’indépendance presque absolue » de leur mode de vie[22]. Et pourtant beaucoup de tribus tout aussi indépendantes dans d’autres parties du monde ne ressemblent en aucune manière à ces deux-là. Un des meilleurs amis de l’auteur est un Libanais vénérable mais entreprenant, qui a passé de nombreuses années autant parmi les Bédouins du désert que chez les Indiens du Nouveau-Mexique, comme colporteur et marchand; il affirme qu’il n’y a absolument aucune différence entre les deux races en ce qui concerne les us et coutumes. Les Arabes vivant actuellement en Utah qui ont eu des contacts avec les Indiens américains affirment la même chose en y insistant fortement. Voilà un beau problème pour le sociologue, et nous n’en parlons que parce que notre attention a été attirée là-dessus d’innombrables fois. Il peut y avoir quelque chose là-dessous.

La compagnie de Léhi, nous l’avons remarqué, était, comme les Bani Hilal, intruse partout où elle passait. Le moindre centimètre carré de désert est revendiqué par l’une ou l’autre tribu qui exige la vie de tout intrus[23]. « Il n’existe pas d’indications de frontières, et il est naturel que les questions de propriété soient réglées par les armes, ce qui devient un événement annuel, tandis que le pillage des chameaux devient une habitude », selon Chessman[24]. De là la nécessité pour Léhi de faire preuve d’une prudence extrême et d’éviter tout contact. « Dans la plupart des cas, dit Jennings-Bramley, les Arabes ne croient pas qu’il soit prudent de laisser les arrivants s’approcher suffisamment pour que l’on puisse voir s’ils sont amicaux ou pas », et il décrit une rencontre typique dans le désert: « Nous faisions, eux et nous, de notre mieux pour ne pas être vus[25] ». Ce genre de chose conduit évidemment à des situations comiques, des paniques honteuses et des dénouements ridicules, mais quand on joue sa vie on ne peut tout simplement pas prendre de risques, et l’enjeu de Léhi était des plus élevés. Il nous reste donc l’image d’une troupe errante, restant sombrement isolée des années d’affilée; ce qui, aussi impossible que cela nous paraisse, est chose normale dans le désert, où le Bédouin, susceptible, dangereux et insociable, apparaît comme une des êtres les plus difficiles, les plus complexes et les plus fascinants de la terre[26].

Affaires de famille

Mais comment les membres d’un groupe aussi fermé s’entendent-ils entre eux ? C’est l’histoire domestique qui est la  véritable difficulté pour quiconque veut écrire une histoire de la vie bédouine. Pour traiter de pareil sujet de manière convaincante, il faudrait mettre à contribution les connaissances du meilleur psychologue, et malheur à lui s’il ne connaît pas les coutumes étranges du désert oriental, qui surprennent et prennent au piège l’Occidental non averti à tous les tournants.

La famille hébraïque ancienne était une organisation particulière, indépendante et ne supportant aucune autorité extérieure à la sienne: « Ce sont là de toute évidence les conditions mêmes, écrit Nowack, que nous pouvons encore observer chez les Bédouins[27]. » Ainsi donc, que nous allions puiser nos informations aux sources hébraïques ou arabes, le Livre de Mormon doit s’y conformer. Léhi n’éprouve aucun scrupule de conscience à abandonner Jérusalem, et lorsque ses fils pensent à leur patrie, c’est essentiellement au pays de leur héritage, à la propriété familiale à laquelle ils aspirent. Même Néphi ne montre pas la moindre loyauté envers les « Juifs qui étaient à Jérusalem » (1 Néphi 2:13), divisés comme ils l’étaient en groupes d’intérêts en conflit. En fait, Néphi dit de son histoire que c’est le récit de « [s]es actions, [s]on règne et [s]on ministère » (1 Néphi 10 :1), comme si la famille errante ne reconnaissait pas d’autre gouvernement que celui de son propre chef. Cela rappelle les termes qu’utilise un des tout premiers poètes bédouins, Ibn Kulthum pour parler de « maint chef de tribu à qui celle-ci avait confié la couronne de l’autorité et qui protège ceux qui cherchent refuge auprès de lui », comme si tous les cheiks étaient véritablement des rois[28].

De son vivant, Léhi fut évidemment le cheik, et les rapports existant entre lui et sa famille, tels que les décrit Néphi, sont exacts dans le moindre détail. Avec la sûreté et la précision adroites qui le caractérisent, le livre nous montre Léhi dirigeant – et non pas gouvernant – son peuple uniquement par son éloquence persuasive et son ascendant spirituel, tandis que ses fils suivent en murmurant, exactement à la manière des Bédouins de Philby : « un courant profond de tension dans nos rangs toute la journée » et de grandes difficultés pour « apaiser leur âme mauvaise et envieuse[29]. » « Nous quittâmes Suwaykah, dit Burton, tous d’une humeur massacrante. Mes compagnons étaient tellement ‘mal embouchés’ qu’au coucher du soleil, Omar Effendi, fut le seul de tout le groupe à vouloir souper. Le reste s’assit par terre, faisant la moue et ronchonnant... J’ai rarement vu, même des Orientaux, jouer à ce point aux sales gosses...  »[30].

La personnalité et le comportement de Laman et de Lémuel sont calqués sur le modèle normal. Comme ils sont bien bédouins, leurs longues ruminations hargneuses et leurs dangereux éclats ! Comme ils ressemblent parfaitement aux Arabes de Lawrence, de Doughty, de Burton et des autres dans leurs revirements soudains et complets après que leur père les a sermonnés, la colère ardente cédant temporairement à une grande impulsion d’humilité et à un repentir total, bientôt suivis d’un regain de ressentiment et de nouvelles et tristes chamailleries ! Ils ne peuvent pas tenir leur mécontentement pour eux, mais ne cessent pas un instant de « murmurer » : « Le fait que tout ce qui arrive dans un camp est connu, que l’on peut dire que tout est interdépendant, rend les intrigues pour ainsi dire impossibles[31]. » « Nous ne faisions qu’une seule famille, et tous les yeux étaient amicaux », se rappelle Doughty, mais alors il décrit l’envers de la médaille: « Les enfants arabes sont gouvernés par supplications… J’ai vu un enfant au mauvais caractère frapper à coups de bâton sur le dos de sa mère aimante… et les Arabes disent: ‘Nombreux sont les gamins méchants parmi nous qui, s’ils sont suffisamment forts, battent leur propre père[32] !’ » Le fait que Laman et Lémuel étaient des enfants adultes n’arrangeait pas les choses. « Les querelles quotidiennes entre parents et enfants dans le désert constituent le pire trait de la mentalité bédouine », dit Burckhardt et il décrit ainsi la source ordinaire des ennuis: « Le fils, arrivé à l’âge adulte, est trop fier pour demander à son père du bétail ... le père se sent blessé de voir que son fils le traite avec hauteur, et c’est ainsi que souvent un fossé se creuse. » Le fils, particulièrement l’aîné, estime qu’il ne reçoit pas ce qui lui est dû et se conduit comme l’enfant gâté qu’il est. L’attitude du père est décrite par Doughty, disant comment un grand cheik traitait son fils: « Il réprimandait le garçon qui désobéissait souvent, disant qu’il était le tourment de sa vie, le traitant de Sheytan, mais ne le menaçant jamais, car pareille chose serait étrangère à l’esprit d’un père bédouin[33]. » Il est courant, dit Burckhardt, que mère et fils fassent bloc dans leurs fréquentes querelles avec le « vieux », dans lesquelles le fils « est souvent expulsé de la tente paternelle pour avoir défendu la cause de sa mère[34] ». De la même façon, Sariah prend fait et cause pour ses fils et réprimande son mari, formulant contre lui les mêmes plaintes qu’eux (1 Néphi 5:2-3) et elle le tance vertement quand elle pense qu’il a été la cause de leur perte.

Faut-il donc s’étonner que Laman et Lémuel donnent libre cours à leur contrariété rentrée en battant leur frère cadet à coups de bâton un jour qu’ils étaient cachés dans une caverne ? Tout homme libre en Orient porte un bâton, insigne immémorial d’indépendance et d’autorité; et tout homme affirme son autorité sur ses inférieurs grâce à son bâton qui « montre que le détenteur est un homme d’un certain rang, supérieur à l’ouvrier ou au journalier. Les fonctionnaires du gouvernement, les officiers supérieurs, les collecteurs d’impôts et les maîtres d’école utilisent cette courte baguette pour menacer – ou si c’est nécessaire pour battre – leurs inférieurs, quels qu’ils soient. » Cet usage est très ancien. « Un coup pour un esclave », telle est l’antique maxime à Ahikar, et le terme qui désigne un subalterne est ‘abd-aI-’asa, « serviteur du bâton ». C’est exactement dans ce sens-là que Laman et Lémuel voulaient donner leur petite leçon à Néphi, car lorsqu’il retourna la situation, l’ange leur dit: « Pourquoi frappez-vous votre frère cadet avec un bâton ? Ne savez-vous pas que le Seigneur l’a choisi pour être votre gouverneur... ? (1 Néphi 3:29).  La seule chose qui sauva un jour la vie à Néphi, ce fut l’intervention d’une fille d’Ismaël et de la mère de celle-ci – encore un coup de pinceau authentique – puisque l’orgueilleux Sémite ne peut céder, sans perdre la face, qu’aux supplications d’une femme: Burton raconte que même les pillards épargnent une victime qui fait appel à eux au nom de sa femme, la fille de son oncle[35]. Dans toute l’histoire, Laman, fils aîné, est le plus méchant acteur: « Quand il n’y a qu’un seul garçon dans la famille, il est le tyran et sa volonté domine tout[36]. » C’est ainsi que nous voyons Laman toujours occupé à vouloir dominer tout le monde et rendu furieux de ce qu’un frère cadet montre des talents supérieurs. La rivalité entre ses fils « mène souvent à des tragédies sanglantes dans la maison du cheik »[37], et Néphi l’échappa belle plus d’une fois.

La nature de l’autorité de Léhi est clairement révélée dans le Livre de Mormon. À propos du cheik arabe, nous avons noté la réflexion de Burckhardt: « Ses ordres seraient traités avec mépris, mais on a de la déférence pour ses conseils. On peut dire que le gouvernement réel des Bédouins consiste en la force séparée de leurs familles respectives... L’Arabe ne peut être persuadé que par sa famille... » On « n’obéit jamais aux ordres du cheik, mais on suit généralement son exemple ». Ceci est particulièrement vrai en voyage; lorsque la tribu est en route, le cheik « assume toute la responsabilité et tout le pouvoir du gouvernement[38] ». Cependant, quand il conduit, il ne donne pas d’ordres; lorsque sa tente est démontée « c’est la rahlah » et les autres, sans mot dire, démontent la leur; et « lorsqu’on arrive à l’endroit du camp, le cheik enfonce sa lance dans le sol, et immédiatement on monte les tentes[39] ».

C’est dans la tente du cheik que se tiennent les conseils de la tribu et que l’on prend toutes les décisions concernant le voyage (1 Néphi 9:1 ; 15:1-2), mais « un cheik ou un conseil d’Arabes ne peut pas condamner un homme à mort, ni même infliger un châtiment ; il peut seulement [lorsqu’on fait appel à lui], infliger une amende; il ne peut même pas obliger au paiement de cette amende[40] ». Pourquoi donc, s’il n’y avait aucun pouvoir pour les obliger, Laman et Lémuel n’abandonnèrent-ils tout simplement pas le camp pour partir tout seuls, comme le font parfois les Arabes mécontents[41] ? En fait, c’est exactement ce qu’ils essayèrent de faire (1 Néphi 7:7) et à la fin ils en furent empêchés par les deux choses qui, selon Philby, assurent la cohésion de tout groupe bédouin errant:  la peur et la cupidité. Car ils étaient cupides: ils espéraient une terre promise et lorsqu’ils arrivèrent à la mer sans la trouver, ils se plaignirent violemment: « Voici, ces nombreuses années nous avons souffert dans le désert, temps pendant lequel nous aurions pu jouir de nos possessions  » (1 Néphi 17:21). Et leur position était précaire: Néphi leur fit remarquer le danger qu’il y avait à retourner à Jérusalem (1 Néphi 7:15), et où iraient-ils s’ils abandonnaient leur père? Comme nous l’avons vu, pour ces gens la famille était tout, et l’Arabe et le Juif s’accrochent « aux leurs » parce qu’ils sont tout ce qu’ils ont au monde[42]. La famille est l’organisation sociale, civile et religieuse de base, avec, à sa tête, le père[43]. Être sans tribu ni famille, c’est perdre son identité sur la terre; rien n’est plus terrible que d’être « retranché », et c’est exactement le sort qui est promis à Laman et à Lémuel s’ils se rebellent (1 Néphi 2:21). « Dans son pays, dit un proverbe arabe, le Bédouin est un lion, hors de son pays c’est un chien[44]. »

Lorsque le Seigneur a une tâche à accomplir, il choisit l’homme qui, par son tempérament et sa formation, convient le mieux au travail. Lorsque Moïse s’enfuit à Madian, il parcourut à pied les déserts mêmes au travers desquels il allait plus tard mener les enfants d’Israël, et il vécut et se maria parmi les gens du désert dont il devait apprendre plus tard le mode de vie à son peuple[45]. Léhi n’était pas moins préparé ou qualifié pour sa grande tâche: richement doté de moyens et d’expérience, expert dans les coutumes du désert, ferme, ingénieux, prudent et pondéré, indépendant et ne se laissant pas intimider (1 Néphi 1:18-20, 2:1-4), ne provoquant jamais quoique terriblement provoqué lui-même, il est l’exemple de ce que Philby disait dans un passage émouvant: que seule la plus grande force de caractère chez un chef peut permettre à un groupe de traverser en sécurité un dangereux désert:

Il y avait maintenant pas mal de jours que je supportais la friction constante et inévitable entre mon objectif fixé et inaltérable et le poids lourd de l’inertie nationale innée que le front uni de mes compagnons mettait dans la balance contre moi. Pas à pas nous nous étions de plus en plus éloignés de leurs foyers, mais chaque pas n’avait été accompli qu’à la force du poignet, l’impulsion d’un esprit décidé triomphant à chaque étape de la masse inerte toujours prête à reculer devant tout objectif ardu[46].

On aurait pu dire cela pour décrire l’exploit de Léhi. Si le Seigneur l’avait souhaité, il aurait pu transporter toute la colonie dans les airs; en réalité il voulait apparemment qu’elle fasse le plus de choses possible d’elle-même avec un minimum d’intervention miraculeuse. De tous les justes de Jérusalem, Léhi seul fut choisi pour une tâche exigeant un ensemble de qualifications et un degré de foi que peu d’hommes ont jamais atteints. Mais quoique Léhi ne fût pas un homme ordinaire, il y a un fait chez lui qui doit commencer à se dégager à ce stade de notre étude: c’est que c’était une personne réelle, de chair et d’os, dans une situation réelle, et pas un personnage synthétique et exagéré tiré de l’imagination romantique et évoluant sur le fond de décors fantasmagoriques que l’on croyait autrefois représenter le fastueux Orient.

Personnalités et couleurs de peau

Les autorités orientalistes ont souvent observé que la personnalité arabe et, dans une moindre mesure, la personnalité juive, sont remarquables par leurs deux aspects : D’une part, le Sémite est fondamentalement fier et noble, l’honorabilité incarnée, l’homme de famille impeccable, le véritable ami, fidèle jusqu’à la mort; et d’autre part, le vagabond vil et rusé, l’assassin subtil, le compagnon dangereux et le gredin imprévisible. Toutes les pages de Doughty mettent en évidence cet étrange paradoxe du personnage du désert, qui a reçu son traitement classique au troisième chapitre des Sept piliers de la Sagesse de Lawrence: de l’or pur mélangé avec le rebut le plus vil, le tout dans une même famille[47]. Et où peut-on trouver de meilleure illustration de ceci que dans la propre maison de Léhi ? C’est d’ailleurs presque le leitmotiv du Livre de Mormon.

Cette étonnante rencontre des extrêmes c’est le heurt du noir et du blanc. Chez les Arabes, être blanc de visage, c’est être béni ; être noir de visage, c’est être maudit; il y a des expressions parallèles en hébreu et en égyptien. Que dire du peuple de Léhi ? Il est extrêmement significatif que la malédiction contre les Lamanites est celle-là même dont on prétendait couramment en Orient qu’elle flétrissait les fils d’Ismaël, qui, aux yeux des gens à peau claire des villes, semblent être « un peuple sombre, et repoussant, et souillé, rempli d’indolence et de toutes sortes d’abominations... indolent, plein de malfaisance et d’astuce », etc. (1 Néphi 12:23 ; 2 Néphi 5:24). Il convient de remarquer que tous les descendants de l’Ismaël du Livre de Mormon tombent sous la malédiction (Alma 3:7), comme si leur atavisme bédouin les y prédisposait. Le Livre de Mormon parle toujours de la malédiction de la peau sombre à propos et dans le cadre d’un contexte plus vaste: «Après avoir dégénéré dans l’incrédulité, ils devenaient un peuple sombre, et repoussant, et souillé » etc.; « à cause de la malédiction qui était sur eux, ils devinrent un peuple indolent... et cherchèrent des bêtes de proie dans le désert » (2 Néphi 5:24). La déclaration que « Dieu fit venir sur eux une peau sombre (2 Néphi 5:21) décrit le résultat, et non la méthode, qui est décrite ailleurs. Nous apprenons ainsi (Alma 3:13, 14, 18) que s’il est vrai que ces gens déchus « se mirent la marque sur eux-mêmes », ce n’en était pas moins Dieu qui les marquait: « Je mettrai une marque sur eux », etc... Le processus fut si naturel et si humain qu’il ne suggéra rien de miraculeux à l’observateur ordinaire, et « les Amlicites ne savaient pas qu’ils accomplissaient les paroles de Dieu lorsqu’ils commencèrent à se marquer... il était nécessaire que la malédiction tombât sur eux » (Alma 3:18). Ici Dieu met sa marque sur les hommes comme malédiction, et cependant c’est un signe artificiel qu’en réalité ils mettent sur eux-mêmes. La marque n’était pas une question raciale, mais était acquise par « quiconque se laissait entraîner par les Lamanites » (Alma 3:10); en outre Alma définit comme Néphite quiconque observe « Ies traditions de leurs pères » (Alma 3:11), ce qui fait que la différence entre Néphite et Lamanite est culturelle et non raciale. Cela s’applique-t-il également à la peau sombre ? Remarquez que celle-ci n’est jamais mentionnée seule mais toujours en relation avec un mode de vie généralement dépravé, lequel est également déclaré être le résultat direct de la malédiction. Lorsque les Lamanites redeviennent « blancs », c’est en vivant chez les Néphites comme Néphites, c’est-à-dire en adoptant le mode de vie néphite (3 Néphi 2:15-16). Le contexte culturel n’est peut-être pas toute l’explication de la peau sombre des Lamanites, mais c’est une partie importante de cette histoire, et le Livre de Mormon lui-même y insiste fortement. Soit dit en passant, il n’est nulle part question de peau rouge, mais seulement de noir (ou sombre) et de blanc, les termes étant utilisés comme les utilisent les Arabes.

Noms de lieux dans le désert

Léhi donne au cours d’eau près duquel il dresse son premier camp le nom de son fils aîné; à la vallée, celui de son deuxième fils (1 Néphi 2:8). « Nous appelâmes... Shazer » l’oasis dans laquelle son groupe dressa son camp important suivant (1 Néphi 16:13). « Nous appelâmes Abondance » Ia terre féconde au bord de la mer et « nous appelâmes Irréantum » la mer elle-même (1 Néphi 17:5).

De quel droit ces gens rebaptisent-ils les cours d’eaux et les vallées à leur convenance ? Jamais un Occidental ne tolérerait pareille arrogance. Mais Léhi ne s’intéresse pas aux goûts occidentaux; il suit une bonne vieille coutume orientale. Parmi les lois « que nul Bédouin ne songerait à transgresser », la première, selon Jennings-Bramley, est que « toute eau que vous découvrez, que ce soit sur votre propre territoire ou sur le territoire d’une autre tribu, reçoit votre nom[48] ». C’est comme cela qu’il se fait qu’en Arabie un grand oued (vallée) aura, à différents endroits de sa configuration, des noms différents, un nombre respectable de noms étant « tous utilisés pour une seule et même vallée ». Un seul et même endroit peut avoir plusieurs noms, et l’oued qui passe tout près ou la montagne qui s’y rattache recevront tout naturellement des noms différents de la part de chaque clan », selon Canaan[49], qui raconte comment les Arabes « inventent souvent un nouveau nom pour une localité pour laquelle ils n’ont jamais utilisé de nom propre, ou dont ils ne connaissent pas le nom », le nom donné étant ordinairement celui d’une personne. Cependant, les noms ainsi conférés par des tribus errantes « ne sont ni généralement connus ni couramment utilisés »; de sorte que nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’aucun des noms de Léhi survive[50].

Parlant du désert « plus bas que le Néguev proprement dit », c’est-à-dire la région où Léhi dressa son premier camp, Wooley et Lawrence disent : « Les pics et les crêtes ont des noms différents parmi les diverses tribus arabes, et de différents côtés »[51], et à propos du Tih tout proche, Palmer dit : « Dans toutes les localités, tout objet, que ce soit un rocher, une montagne, un ravin ou une vallée, a un nom qui lui est propre[52] », tandis que Raswan nous rappelle que « chaque colline, chaque vallon portait miraculeusement un nom[53] ». Mais quelle confiance peut-on faire à de tels noms ? Philby nous donne un cas typique: « Zayid et Ali parlaient en termes  assez vagues de la nomenclature de ces régions et ce n’est que grâce au processus irritant de questions continuelles et de triage de leurs réponses souvent illogiques et contradictoires que je pus finalement constituer la topographie de la région[54] ». Plus loin à l’est Cheesman rencontra la même difficulté : « Je fis la réflexion que c’était la troisième colline à laquelle il donnait le même nom. Il le savait, répondit-il, mais c’est comme cela qu’on les appelait[55]. » Cette coutume irréfléchie de rebaptiser tout sur place semble remonter aux temps les plus reculés, et « il est probable que la plupart du temps les Israélites donnaient leur nom à leurs propres camps, ou confondaient inconsciemment un nom local dans leur négligence[56] ». Et cependant, en dépit de son indubitable antiquité, seuls les explorateurs les plus récents ont fait des commentaires sur cette étrange pratique, qui semble avoir échappé à l’attention des voyageurs jusqu’au moment où les explorateurs de notre époque ont commencé à dresser des cartes.

Une chose qui doit sembler encore plus farfelue et déraisonnable pour un Occidental, c’est l’idée de Léhi de donner le nom d’un de ses fils à un cours d’eau et le nom d’un autre à sa vallée. Mais les Arabes ne voient pas les choses comme cela. En pays mahra, par exemple, « comme c’est couramment le cas dans ces montagnes, l’eau porte un autre nom que l’oued »[57]. De même, nous pourrions croire qu’après avoir donné au cours d’eau le nom de son premier-né, il donnerait à l’emplacement de son camp à côté de ces eaux, comme le ferait un Occidental, le nom du cours d’eau. Au lieu de cela, le Livre de Mormon suit le système arabe, qui consiste à donner au camp non pas le nom du cours d’eau (qui un jour ou l’autre peut facilement s’assécher), mais le nom de la vallée (1 Néphi 10:16; 16:6).

Encore une surprise: Plus d’une fois Néphi dit que la rivière Laman « se déversai[t] dans la source de la mer Rouge », Depuis quand la mer Rouge est-elle une source ? Tout d’abord, nous devons remarquer que Néphi ne qualifie pas la mer Rouge de source, mais donne à une étendue d’eau le nom de « source de la mer Rouge ». De quoi peut-il bien parler? « En hébreu, écrit Albright, le mot yam signifie ‘(grand) fleuve’ et ‘lac d’eau fraîche’ aussi bien que ‘mer’ dans le sens français du terme. Cependant, dans notre cas, nous ne pouvons pas être sûrs si la désignation yam provient, à l’orgine, de l’intérieur des terres, pour désigner l’eau fraîche et pure comme source de vie, ou... si elle désignait la Méditerranée, source principale de l’économie cananéenne[58] ». Dans le premier cas, source est la meilleure traduction du mot, et c’est certainement dans ce sens « intérieur des terres » que Néphi l’utilise, car il emploie une expression tout à fait différente, comme nous le verrons, lorsqu’il parle de l’océan. Le Nil et l’Euphrate étaient autrefois appelés yams, et l’on a expliqué que c’était « probablement une espèce d’hyperbole poétique, basée sur le fait qu’ils inondent annuellement leurs rives[59] ». Or, la largeur moyenne du golfe d’Akaba n’est que d’environ dix-neuf kilomètres, et Musil rapporte que l’on peut regarder de l’autre côté et « voir sur la péninsule du Sinaï non seulement les montagnes du sud de la péninsule, mais également la plaine s’étendant vers le nord. Vers le sud, nous avions vue sur la plus grande partie du rivage d’at-Tihama (sud du Sinaï)[60] ».

Ainsi donc, depuis le côté arabe, le long prolongement de la mer Rouge en direction du nord-est couvrant plus de cent cinquante kilomètres, c’est-à-dire le secteur où le groupe de Léhi rencontra probablement pour la première fois la mer (1 Néphi 2:5), n’est pas du tout la pleine mer et n’est pas la mer Rouge; c’est un large bras de mer allongé, semblable au Nil et à l’Euphrate en temps de crue, et comme eux, ce n’est pas de l’eau renfermée – ce n’est pas un grand lac – mais donne, à son embouchure, sur la mer, s’écoulant le long de deux canaux larges chacun d’environ huit kilomètres. Un coup d’oeil sur la carte montrera qu’il y a également un prolongement de la mer Rouge en direction du nord-ouest, ressemblant fortement à celui du nord-est. Ce bras occidental portait autrefois le nom mystérieux et très discuté de Yam Suph, « mer » (ou source) des Roseaux ». Si l’on donnait à cela de nom de yam, quoi de plus naturel que son jumeau à l’est soit appelé de la même façon ? Celui-ci était certainement ce que, d’après la définition d’Albright, les anciens appelaient un yam, le mot ayant, qu’il soit appliqué à de l’eau salée ou à de l’eau fraîche, le sens fondamental de source.  Lorsque le groupe de Léhi vit pour la première fois cette étendue d’eau, c’était un affluent de la mer Rouge, dans lequel se déversaient les torrents du printemps (1 Néphi 2:9), un yam, c’est-à-dire dans ce sens même où le Nil et l’Euphrate, en temps de crue, étaient des yams.

Lorsque les voyageurs arrivèrent à l’océan proprement dit, « nous vîmes la mer, dit Néphi, que nous appelâmes d’Irréantum, ce qui signifie, par interprétation, de nombreuses eaux » (1 Néphi 17:5). Pourquoi ne l’appelèrent-ils pas tout simplement la mer sans plus d’histoires ? De toute évidence parce qu’il ny avait pas, dans leur langue, de nom pour désigner cette mer particulière. Les anciens ont régulièrement recours à des épithètes lorsqu’ils parlent des océans extérieurs, comme « le grand vert » des Égyptiens et le « grand abîme » des Hébreux. En copte, dernière forme de l’égyptien, la mer Rouge proprement dite était appelée fayum nehah (phiom nhah), littéralement « de nombreuses eaux ». Si l’on voulait faire des conjectures, il serait facile de faire remonter Irréantum à une dérivation contenant l’égyptien wr (grand) et n.t (copte nout « eau stagnante ») , ou identifier le -um final avec le mot courant (égyptien, copte, hébreu) yem, yam, yum, « mer » et le reste du mot avec le copte ir-n-ahte, « grand ou nombreux ». Mais il n’y a pas besoin d’aller si loin. Il suffit de savoir que du temps de Léhi l’océan était désigné par des épithètes et que la mer à l’est était appelée « de nombreuses eaux » par les Égyptiens[61]. Le premier arrêt important après que la compagnie de Léhi eut quitté son camp de base fut un endroit qu’ils appelèrent Shazer (1 Néphi 16:13-14). Le nom intrigue. La combinaison shajer est très courante dans les noms de lieux palestiniens ; c’est un collectif signifiant « arbres », et beaucoup d’Arabes (surtout en Égypte) le prononcent shazher. On le trouve dans Thoghret-as-Sajur (la passe des arbres), qui est l’antique Shaghur, écrit Segor au sixième siècle[62]. On peut le confondre avec Shaghur « suintement », que l’on pense être identique à Schichor, le « fleuve noir » de Josué 19:26[63]. Ce dernier prend, dans l’ouest de la Palestine, la forme Sozura, suggérant le nom d’un point d’eau célèbre en Arabie du Sud[64], appelé Shisur par Thomas et Shisar par Philby[65]. C’est un « taillis minuscule » (Thomas) et l’un des lieux les plus solitaires du monde entier[66]. Nous avons donc Schichor, Shaghur, Sajur, Saghir, Segor (et même Tsoar), Shajar, Sozura, Shisur et Shisar, tous plus ou moins rattachés les uns aux autres et dénotant soit un suintement – un approvisionnement en eau faible mais sur lequel on peut compter – soit un bouquet d’arbres. Que l’on préfère l’un ou l’autre, il aurait été difficile aux gens de Léhi de trouver un meilleur nom que Shazer pour désigner leur premier arrêt.

Lorsqu’il mourut au cours du voyage, Ismaël « fut enterré à l’endroit qui était appelé Nahom » (1 Néphi 16:34). Remarquez que ce n’est pas « un endroit que nous appelâmes Nahom », mais l’endroit qui était appelé ainsi, un cimetière du désert. Jaussen rapporte que bien que les Bédouins ensevelissent parfois les morts là où ils meurent, beaucoup transportent les restes sur de grandes distances pour les enterrer[67].  La racine arabe NHM a le sens fondamental de « soupirer ou gémir », et on la trouve presque toujours à la troisième personne: « soupirer ou gémir avec quelqu’un d’autre ». L’hébreu Nahum, « consolation », est apparenté, mais ce n’est pas la forme que donne le Livre de Mormon. En cet endroit, nous dit-on, « les filles d’Ismaël se lamentèrent extrêmement », et cela nous rappelle que chez les Arabes du désert, les rites du deuil sont le monopole des femmes[68].

Une note sur les cours d’eau

Avant de quitter le sujet de l’eau, il serait bon de noter que la mention par Néphi d’une rivière dans un endroit extrêmement désolé de l’Arabie a causé pas mal d’étonnement tout à fait inutile. Hogarth dit, il est vrai, que l’Arabie « n’a probablement jamais eu de vraie rivière sur tout son immense territoire[69] », mais des autorités ultérieures, y compris Philby, sont convaincues que la péninsule a connu, même aux temps historiques, quelques rivières très respectables. Néanmoins, ce qu’il faut remarquer, c’est que Léhi a fait sa découverte au printemps de l’année, car l’histoire de Néphi commence « au commencement de la première année du règne de Sédécias » (1 Néphi 1:4) et se déroule très rapidement; chez les Juifs et « partout dans la Bible, le ‘premier mois’ désigne toujours le premier mois du printemps[70] ». Au printemps, les montagnes du désert sont pleines de torrents impétueux. Le fait même que Néphi utilise le terme de « rivière d’eau » (1 Néphi 2:6), pour ne pas parler de l’extase de Léhi lorsqu’il la voit, montre qu’ils sont habitués à penser en termes de rivières asséchées – les « rivières de sable » de l’Orient[71]. L’expression biblique « rivières d’eau » [dans la King James, plus littérale que Segond, NdT] illustre bien l’idée, car le mot pour « rivière » n’est, dans ce cas, pas un des termes conventionnels, mais le rare aphe, signifiant ru ou canal (par ex. Ézéchiel 32:6 ; 35:8); dans un des cas où il est question de « rivières d’eau » dans la Bible, la rivière est en réalité asséchée (Joël 1:20), dans un autre cas elle contient non pas de l’eau mais du moût et du lait (Joël 3:18) et dans un troisième (Cantique des Cantiques 5:12), la bonne façon de le rendre, comme dans beaucoup de traductions modernes, est « ruisseaux d’eau ». On ne parle de « rivières d’eau » que dans un pays où les rivières ne coulent pas tout le temps. Mais au printemps, il n’est pas du tout rare de découvrir des rivières dans les régions que traversait Léhi, comme quelques exemples vont le montrer.

 « Nous... descendîmes... dans le Wady Waleh. Il s’y trouvait un joli ‘seil’, vraiment une petite rivière, sautillant sur le lit rocheux et rempli de poissons... Le cours d’eau est très joli... bordé de massifs de lauriers roses en fleurs. Çà et là il se rétrécit en un torrent profond et impétueux[72]... » Décrivant la grande paroi qui longe tout le côté est de la mer Morte, l’Arabah et la mer Rouge, un voyageur d’autrefois dit: « Plus au sud, la région est absolument inaccessible, car d’immenses gorges de trois cents à cinq cents mètres de profondeur et de près de quinze cents mètres de large par endroits [comparez avec le « gouffre affreux » de Léhi ! (1 Néphi 15:28)] sont creusées par les grands torrents qui coulent en hiver dans des précipices à pic jusque dans la mer[73]. » La mer en question est la mer Morte, mais la même situation se présente tout le long de la grande paroi jusque « dans les régions frontières, près de [la mer Rouge] (1 Néphi 2:8) ». On se rappelle à quel point Léhi fut impressionné lorsqu’il vit la rivière de Laman se déverser « dans la source de la mer Rouge » (1 Néphi 2:9). Sur la route du désert vers Pétra il y a, au printemps, « plusieurs larges cours d’eau à traverser, dont le passage à gué crée une petite excitation agréable[74] ». Un groupe voyageant plus loin au nord rapporte: « Nous arrivâmes bientôt au profond Wady ‘AIIan, qui coupe ici la plaine en deux.  Quel délice que le clapotis et le gargouillement de l’eau vive se précipitant dans son lit rocailleux sous la chaleur torride de cette journée syrienne ![75] »

Ainsi donc, si l’on est dans la bonne saison de l’année – et le Livre de Mormon a l’obligeance de nous la donner – on ne doit pas être surpris de trouver des rivières dans le nord-ouest de l’Arabie. C’est ce phénomène saisonnier qui amena Ptolémée à situer d’une manière tout à fait correcte une rivière entre Yambu et La Mecque[76].

Le remarquable chercheur et  infatigable limier que fut Ariel L. Crowley, a suggéré, avec beaucoup d’astuce, que la rivière de Laman était un cours d’eau extrêmement différent des « rivières d’eau » dont nous avons parlé, n’étant ni plus ni moins que le canal de Néchao allant du Nil à la mer Rouge[77]. Frère Crowley consacre la majeure partie de son étude à prouver que pareil canal a existé, mais ce n’est pas là un problème, puisqu’on n’en disconvient pas. Ce que nous ne pouvons croire, c’est que ce grand fossé ait été la rivière de Laman, et ce pour un certain nombre de raisons dont il nous suffit d’en donner deux ici.

Premièrement, tout en notant que le récit que fait Néphi de l’exode « est formulé d’une manière si précise qu’il porte le cachet d’une composition délibérée et soigneuse », Crowley oublie de remarquer que rien n’est plus précis que les détails que donne Néphi sur la direction de la marche et que, comme nous l’avons vu, il ne parle jamais d’une direction vers l’ouest qu’on aurait dû prendre pour arriver à cet endroit. Frère Crowley suppose que « dans le désert » (1 Néphi 2:2) signifie « par la voie du désert », vers l’Égypte, premièrement « à titre d’hypothèse », ensuite, sans preuves, comme un fait[78]. Il n’y a pas d’expression dans l’Orient qui soit plus courante que « dans le désert », qui ne se limite évidemment pas à une quelconque région de ce genre. Le dernier endroit au monde pour échapper à l’attention des hommes serait la frontière de l’Égypte, qui, à toutes les époques de l’histoire ancienne, a été  puissamment fortifiée et fortement gardée (voir l’histoire de Sinuhé); et Léhi, en tant que membre du parti anti-égyptien, aurait eté le dernier homme au monde à chercher refuge en Égypte.

Deuxièmement, Crowley qualifie le canal de Néchao de « grand fleuve » et dit qu’il se trouvait « à l’antique carrefour des continents, le lieu peut-être le mieux connu de la terre en 600 av. J.-C. »[79]. Alors pourquoi Léhi ne le connaissait-il pas ? C’était le plus grand triomphe du génie civil de l’époque, la voie d’eau purement commerciale la plus importante du monde; il chevauchait la grande route la plus fréquentée de l’Antiquité si pas de l’histoire ; atteint en quelques jours de voyage depuis Jérusalem en suivant une plaine côtière plate, c’était le seul grand cours d’eau proche de Jérusalem à part le Nil, dont il était une branche, et pourtant « Ie cours d’eau était inconnu de Léhi [!], sinon il est improbable qu’il lui aurait donné un nouveau nom. « C’est dans ce fait même, dit Crowley, que se trouve la confirmation de la création récente de l’ouvrage[80]. » Combien de temps faut-il au juste pour que les nouvelles voyagent en Orient ? Le canal avait au moins dix ans, il avait fallu des années pour le construire, c’était une des merveilles du monde, une bénédiction inestimable pour le commerce mondial, situé à moins de trois cents kilomètres de la porte de Léhi en suivant une grande route principale, et cependant à une époque d’allées et venues incessantes et fiévreuses entre l’Égypte et la Palestine, ni le grand marchand avec son excellente éducation égyptienne, ni ses fils entreprenants et ambitieux n’en avaient jamais entendu parler ! Il est impossible de croire que Léhi ne savait pas que si l’on voyageait vers l’Égypte et que l’on traversait un grand fleuve dans un désert absolument vide, ce ne serait pas un cours d’eau inconnu, que personne n’avait découvert, mais un cours d’eau vraiment très important. Si quelqu’un connaissait l’existence du canal de Néchao, c’était bien Léhi. Mais nous sommes d’accord avec Crowley pour dire que la rivière de Laman lui était de toute évidence inconnue. Les deux n’ont par conséquent pas pu être identiques. « Un cours d’eau répondant à la description de Néphi n’aurait pas manqué d’être noté par des historiens dans des ouvrages profanes », dit Crowley[81]. Pourquoi pas ? Il échappa à l’attention de Léhi, tout nourri qu’il était des usages des Égyptiens et des Juifs. Ce ne peut donc pas avoir été un cours d’eau important, et surtout pas un des plus remarquables de la terre, sinon Léhi l’aurait connu. D’autre part, Néphi ne dit jamais ni ne laisse entendre que c’était une grande rivière; ce n’était pas du tout une voie navigable, mais une « rivière d’eau », ce qui est une chose tout à fait différente.

 



[1] W. Robertson Smith, The Religion of the Semites, Burnett Lectures, Londres, Black, 1907, pp. 200-201.

[2] Carl R. Raswan, Drinkers of the Wind, New York, Creative Age Press, 1942, p. 237.

[3] Antonin Jaussen, « Mélanges », RB 3 1906, p. 109

[4] Id., p. 110.

[5] St Nil, Narratio (Narrations) 3, dans PG 79:612.

[6] Bertram Thomas, Arabia Felix, New York, Scribner, 1936, p. 137.

[7] Robert E. Cheesman, In Unknown Arabia, Londres, Macmillan, 1926, pp. 228-29, 234, 240-41, 280.

[8] Raswan, Drinkers of the Wind, p. 200.

[9] William G. Palgrave, Narrative of a Year’s Journey Through Central and Eastern Arabia, Londres, Macmillan, 1865, 1:13.

[10] John L. Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahábys, Londres, Colburn & Bently, 1831; réimpression New York, Johnson Reprint, 1967, 1:242.

[11] Nilus, Narrations 3, dans PG 79:612.

[12] David S. Margoliouth, The Relations between Arabs and Israel Prior to the Rise of Islam, Schweich Lectures, Londres, Oxford University Press, 1924, p. 57.

[13] Id., p. 54.

[14] Frank E. Johnson, tr., Al-Mu’allaqat Bombay, Education Society’s Steam Press, 1893, 218, ligne 38.

[15] Harry S. J. B. Philby, The Empty Quarter New York, Holt, 1933, p. 27.

[16] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahábys, 1:133.

[17] Thomas, Arabia Felix, p. 142.

[18] Id., pp. 172-73.

[19] Johnson, Al-Mu’allaqat, 87, ligne 58.

[20] St Nil, Narrations 6, dans PG 79:669.

[21] Philip J. Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ, 1925, p. 81; la deuxième citation vient de PEFQ, 1922, pp. 168-69.

[22] Richard F. Burton, Pilgrimage to AI-Medinah and Meccah, Londres, Tylston & Edwards, 1893, 2:118.

[23] Par conséquent c’est considéré comme un acte honorable et courageux de camper à l’extérieur de son domaine tribal. Georg Jacob, Altarabisches Beduinenleben, Berlin, Mayer & Müller, 1897, p. 211.

[24] Cheesman, In Unknown Arabia, p. 24. Dans son article original pour le magazine, Nibley note aussi : « Après un raid, la tribu tout entière part se cacher pour éviter les représailles », Hugh W. Nibley, « Lehi in the Desert », IE 53 1950, p. 383. W. E. Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », PEFQ 1912, p. 16, dit que « il n’y avait pas âme qui vive, car les Debur s’étaient temporairement cachés après leur retour d’un raid réussi, s’attendant d’un jour à l’autre à ce que les victimes leur rendent le compliment. »

[25] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », PEFQ 1908, pp . 31, 36.

[26] À propos de la nature anti-sociale de l’Arabe, voir Baldensperger, « The immovable East », PEFQ 1922, pp. 168-170; Antonin Jaussen, « Chronique », RB3, 1906, p. 443; Edward H. Palmer, Desert of the Exodus, Cambridge, Deighton, Bell, 1871, 1:79-81.

[27] Wilhelm Nowack, Lehrbuch der hebräischen Archäologie, Freiburg i/B: Mohr, 1894, p. 152.

[28] Johnson, Al-Mucallaqat, p. 139, ligne 30.

[29] Philby, The Empty Quarter, p. 219.

[30] Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, 1:276.

[31] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », PEFQ, 1905, p. 213.

[32] Charles M. Doughty, Travels in Arabia Deserta, New York, Random House, 1936, 1:272, 282-83.

[33] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahabys, 1:354; Doughty, Travels in Arabia Deserta, 1:258.

[34] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahabys, 1:114.

[35] Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, 2:102.

[36] Philip J. Baldensperger, « Women in the East », PEFQ, 1901, p. 75.

[37] Max von Oppenheimer, Die Beduinen, Leipzig, Harrassowitz, 1939, 1:30.

[38] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahabys, 1:116-17; Jaussen, « Chronique », RB 12, 1903, pp. 107-8; Oppenheim, Die Beduinen, 1:30.

[39] John Zeller, « The Bedawin », PEFQ 1901, p. 194; Jaussen, « Mélanges », RB 12, 1903, p. 254.

[40] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », p. 217

[41] H. H. Kitchener, « Major Kitchener’s Report », PEFQ 1884, p. 215.

[42] Eliahu Epstein, « Bedouin of the Negeb », PEFQ 1939, pp. 61-64; Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ 1906, p. 14. « La tyrannie de la famille est pire... que la descente de l’épée indienne », dit le poète ancien Tarafah. Johnson, Al-Mucallaqat, 57, ligne 81.

[43] Nowack, Lehrbuch der hebräischen Archäologie, p. 154; Jacob, Altarabisches Benduinenleben, p. 212.

[44] Jaussen, « Chronique », RB 12 1903, p. 109.

[45] Philby, The Empty Quarter, p. 216.

[46] Id.

[47] Thomas E. Lawrence, Seven Pillars of Wisdorn, New York Garden City Publishing, 1938, ch. 3.

[48] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula, PEFQ 1908, p. 257.

[49] Taufik Canaan, « Studies in the Topography and Folklore of Petra », JPOS 9, 1929, p. 139; cf. David G. Hogarth, The Penetration of Arabia, Londres, Lawrence & Bullen, 1904, p. 162.

[50] Canaan, « Studies in the Topography and Folklore of Petra », p. 140. C’est l’ouvrage de référence sur les noms de lieu du désert. Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah 1:250, n. 3: « Un volume in-folio ne pourrait contenir un recueil de trois mois » de ces noms, tellement ils sont nombreux.

[51] C. Leonard Woolley & Thomas E. Lawrence, The Wilderness of Zin, Londres, Cape, 1936, p. 70.

[52] Palmer, Desert of the Exodus, 1:20.

[53] Raswan, Drinkers of the Wind, p. 131.

[54] Philby, The Empty Quarter, p. 39.

[55] Cheesman, In Unknown Arabia, p. 261.

[56] Woolley & Lawrence, The Wilderness of Zin, pp. 86-87, cf. Claude R. Conder, « Lieut. Claude R. Conder’s Reports, XXXII », PEFQ ,1875, p. 126.

[57] Thomas, Arabia Felix, pp. 50-51.

[58] William F . Albright, Archaeology and the Religion of Israel, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1942, p. 149.

[59] Joseph Offord, « The Red Sea », PEFQ, 1920, p. 179.

[60] Tel que cité by William J. T. Phythian-Adams, « The Mount of God », PEFQ 1939, p. 204.

[61] Wilhelm Spiegelberg, Koptisches Handwörterbuch, pp. 204, 258.

[62] Claude R. Conder, Survey of Eastern Palestine, Londres, Palestine Exploration Fund, 1889, 1:239, p. 241; Edward H. Palmer, « Arabic and English Name Lists », dans Survey of Western Palestine, Londres, Palestine Exploration Fund, 1881, 8:116, 134. Une autre translittération de l’arabe est Thughrat-al-Shajar.

[63] Claude R. Conder, « Notes on the Language of the Native Peasantry in Palestine », PEFQ 1876, p. 134; Edward H. Palmer, The Survey of Western Palestine, Name Lists, Londres, Palestine Exploration Fund, 1881, pp. 29, 93.

[64] Claude R. Conder et H. H. Kitchener, « Memoirs of the Topography, Orography, Hydrography and Archaeology », dans Survey of Western Palestine, Londres, Palestine Exploration Fund, 1881, 2:169.

[65] Thomas, Arabia Felix, pp. 136-37; Philby, The Empty Quarter, p. 231.

[66] Thomas, Arabia Felix, pp. 136-37.

[67] Jaussen, « Chronique », RB 10, 1901, p. 607.

[68] Id.; Taufik Canaan, « Unwritten Laws Affecting the Arab Women of Palestine », JPOS 11 1931, p. 189: « Dans les cortèges funèbres, les femmes ne peuvent pas se mêler aux hommes… Une fois l’enterrement terminé, les femmes se réunissent seules…Lors des visites de la tombe… elles vont toujours seules. » Cf. Baldensperger, « Women in the East », p. 83 et Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahabys, 1:101: « Au moment du décès d’un homme, ses femmes, ses filles et sa parenté féminine s’unissent en cris de lamentations. » Chez les Juifs, les hommes jouent un rôle plus important dans les rites funèbres et même les pleureurs professionnels n’étaient pas inconnus. Nowack, Lehrbuch der hebräischen Archäologie, p. 196. Les racines nhm, gémir, souffrir, se plaindre et la racine similaire nHm, soupirer, se lamenter, consoler, sont toutes deux à leur place ici.

[69] Hogarth, The Penetratiwi of Arabia, p. 3.

[70] Abraham S. Yahuda, The Accuracy of the Bible, Londres, Heinemann, 1934, p. 201.

[71] Cf. Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, 2:72.

[72] Edward H. Palmer, « The Desert of the Tih and the Country of Moab », dans Survey of Western Palestine, Special Papers, Londres, Palestine Exploration Fund, 1881, 4:67.

[73] Conder, « Lieut. Claude R. Conder’s Reports, XXXII », p. 130.

[74] Gray Hill, « A Journey to Petra – 1896 », PEFQ 1897, p. 144.

[75] W. Ewing, « A Journey in the Hauran », PEFQ 1895, p. 175.

[76] Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, 2:154.

[77] Ariel L. Crowley, « Lehi’s River Laman », IE 47, 1944, pp. 14-15, 56,59-61.

[78] Id., pp. 15, 56.

[79] Id., pp. 15, 61.

[80] Id., p. 61, italiques ajoutés.

[81] Id., p. 15.

 

 

 

l Accueil l Écritures l Livres l Magazines l Études l Médias l Art l