CHAPITRE TROIS : Vers le désert

Léhi le rêveur

Léhi possède à un haut degré les traits et les caractéristiques du cheik modèle du désert. Il est généreux, noble, impulsif, fervent, dévot et visionnaire, et il possède une merveilleuse capacité pour l’éloquence et les songes. Pour ce qui est de ceux-ci, lorsqu’ils errent, les Arabes estiment qu’ils doivent être guidés par les songes, et leurs cheiks sont souvent des rêveurs doués[1]. La substance des songes de Léhi est extrêmement significative, puisque les songes des hommes représentent nécessairement, même lorsqu’ils sont inspirés, les choses qu’ils voient le jour, quoique dans des combinaisons étranges et étonnantes. Il est, par exemple, courant que des hommes à toutes les époques rêvent de bateaux, mais un homme du temps de Léhi devait rêver d’espèces particulières de bateaux, et aucune autre espèce ne fera l’affaire.

Dans ses songes, Léhi se voit errer « dans un désert sombre et désolé », une « solitude sombre et désolée » où il doit voyager « pendant l’espace de nombreuses heures dans les ténèbres », perdu et impuissant. (1 Néphi 8:4-8) De toutes les images qui hantent les anciens poètes arabes, celle-ci est de loin la plus courante; c’est le cauchemar classique de l’Arabe; et c’est le triomphe suprême de tout poète de pouvoir dire qu’il a parcouru de longues distances seul dans des déserts sombres et désolés[2]. Invariablement, ce sont les ténèbres qui sont censées être la source principale de terreur (la chaleur et l’éclat du jour, quoique presque toujours mentionnés, ne viennent qu’au second rang), et l’horreur suprême, c’est presque toujours un « brouillard de ténèbres », un mélange déprimant de poussière et de brouillard froid et humide qui, ajouté à la nuit, complète la confusion de quiconque erre dans le désert[3]. Tout au contraire de ce à quoi l’on pourrait s’attendre, ces brouillards humides et froids sont décrits par les voyageurs dans toutes les régions d’Arabie[4], et al-Ajajj, un des plus grands d’entre les anciens poètes du désert, raconte comment un « brouillard de ténèbres » le met dans l’impossibilité de poursuivre un voyage vers Damas[5]. Dans sa nature et son effet, le « brouillard de ténèbres » de Léhi (1 Néphi 8:23) correspond d’une manière extrêmement exacte à cet étrange phénomène.

Lorsque Léhi rêve de la vanité du monde, il voit « un grand et spacieux édifice » en suspension dans l’air, hors de portée et plein de gens élégants et habillés d’une manière extrêmement raffinée (1 Néphi 12:18, 8:26). C’est exactement de cette manière que le Bédouin du désert, pour qui les grandes maisons de pierre de la ville sont une abomination, décrit le monde mauvais; et de même que les Arabes de la ville se moquent toujours de leurs cousins du désert (qu’ils envient secrètement) en leur faisant toutes les démonstrations possibles de mépris public, de même les gens bien habillés de la grande maison « paraissent se moquer et montrer du doigt » (1 Néphi 8:27) le pauvre petit groupe de vagabonds dépenaillés, mangeant avidement les fruits d’un arbre et dûment décontenancés de ce que leur pauvreté soit livrée à la honte publique. Les images de Léhi rappellent les grandes maisons de pierre des Arabes d’autrefois, « gratte-ciel de dix et douze étages qui... représentent les survivances authentiques de l’antique architecture babylonienne »[6], dont les fenêtres commencent, pour des raisons de sécurité, quinze mètres plus haut que le niveau du sol. Le soir, ces fenêtres allumées devaient certainement faire l’effet d’être suspendues au-dessus de la terre.

Il est intéressant que Joseph Smith, père, eut, selon sa femme, presque le même songe ; elle se consola en comparant les errances de sa propre famille à celles de Léhi. Mais ce qui est significatif, ce n’est pas la ressemblance qu’il y a entre les deux songes, mais leur cadre tout à fait différent; lorsque le père du prophète se voyait perdu « dans ce champ du monde », il « ne pouvait voir que du bois mort et tombé », tableau qui rappelle évidemment avec fidélité le paysage américain où il habitait[7]. Lorsque Dante, un autre occidental, se voit perdu au milieu du voyage de la vie (un des songes les plus communs et les plus anciens, nous le répétons, un classique parmi les songes), il erre au travers d’une forêt dense et sombre, la forêt de sa Toscane natale.

Dans une scène plus réjouissante, Léhi voit «  un champ vaste et spacieux comme si cela avait été un monde » (1 Néphi 8:20), tout comme le poète arabe, décrit le monde comme un « maidan » ou champ vaste et spacieux[8]. Lorsqu’il rêve d’une rivière, c’est une vraie rivière du désert, un cours d’eau clair de quelques mètres de large dont la source n’est qu’à une centaine de pas (1 Néphi 8:13-14)[9] ou alors un torrent furieux et boueux, un sayl d’ « eau souillée », qui emporte les gens vers leur perte (1 Néphi 8:32; 12:16. 15:27). Selon Bar Hebraeus, en 960 ap. J.-C., une grande compagnie de pèlerins revenant de la Mecque « campa dans le lit d’un ruisseau où il n’avait plus coulé d’eau depuis longtemps. Pendant la nuit, pendant qu’ils dormaient, un flot d’eau se déversa sur eux tous, et les balaya, eux et tous leurs biens, dans la Grande Mer, et ils périrent tous »[10]. Selon Doughty, même un cavalier, s’il ne fait pas attention, peut se laisser surprendre et emporter par un raz de marée de ce genre[11]. Un des pires endroits où se déchaînent ces torrents de boue liquide balayant le lit des ruisseaux se trouve dans « les montagnes couturées et dénudées qui s’étendent parallèlement à la côte ouest de I’Arabie... les averses torrentielles se brisent contre cette longue chaîne, et provoquent presque instantanément des torrents furieux – le sayl arabe, la crue – qui balaye tous les obstacles sans avertissement et est cause de mort d’hommes et de bétail[12]. » C’est dans cette région-là que Léhi voyagea lors sa grande migration.

La source et le sayl, tels sont les deux seuls types de « rivières » (car il les appelle rivières) que connaît l’Arabe du désert[13]. Lorsque Léhi rêve de gens égarés, ils le sont dans un désert sans piste, « errant sur des routes étranges » (1 Néphi 8:23-32) ou entrant par erreur « sur de larges routes afin qu’ils périssent et se perdent » (1 Néphi 12:17) à cause du « brouillard de ténèbres » (1 Néphi 8:23). Perdre son chemin, c’est évidemment le sort qui hante tout habitant du désert, qu’il dorme ou soit à l’état de veille, et les poètes arabes sont pleins de la terreur des « routes étranges » et de « larges routes[14] ». Pour symboliser ce qui est tout à fait inaccessible, on montre à Léhi « un gouffre grand et terrible » (1 Néphi 12:18), un « gouffre affreux » (1 Néphi 15:28), un abîme gigantesque alors que, supplice de Tantale, on voit de l’autre côté son objectif (I’arbre de vie); tous ceux qui ont voyagé dans le désert connaissent le sentiment d’impuissance et de contrariété totales que l’on éprouve quand on constate soudain que la route est coupée par un de ces terrifiants canyons aux parois verticales. Rien ne pourrait être plus abrupt, plus absolu, plus déroutant dans les plans qu’on a faits, et il en sera ainsi des méchants au jour du réglement des comptes[15].

En quelque autre endroit que I’on puisse trouver des parallèles à ceci, une fois combinés, ils ne pourraient venir que d’un homme qui connaît le désert. Rubah, l’un des poètes du désert, décrit en un unique et court poème la terreur de la solitude, le long voyage, le brouillard de ténèbres (étouffant de chaleur et épais), le « gouffre affreux », les chemins larges et les sentiers qui s’écartent[16]. Le Livre de Mormon, en nous donnant bon nombre d’instantanés clairs et frappants de ce genre (il en viendra encore beaucoup) sur la vie dans un autre monde, fournit une preuve pittoresque mais convaincante de son authenticité La plainte de Néphi: « Ils cherchaient à m’ôter la vie, à me laisser dans le désert pour être dévoré par les bêtes sauvages » (1 Néphi 7:16) est constamment dans la bouche du poète arabe, car laisser son ennemi dans le désert pour être dévoré par les bêtes sauvages est le procédé habituel et correct quand les Arabes se querellent et, en dépit de sa popularité chez les poètes, n’est pas une simple façon de parler[17].

La fuite dans le désert

Qu’un citoyen riche de Jérusalem quitte sur-le-champ le pays de son héritage sans incitation plus concrète qu’un songe peut sembler à première vue hautement improbable, c’est le moins qu’on puisse en dire. Cependant Léhi avait longuement et anxieusernent médité sur le sort de Jérusalem, priant « de tout son coeur, en faveur de son peuple » (1 Néphi 1:5) et lorsque le songe vint, il était prêt. En outre, en partant aussi soudainement, Léhi faisait non seulement quelque chose de sensé mais également quelque chose d’ordinaire. Depuis les temps les plus reculés jusqu’ aujourd’hui, la chose à faire lorsque les choses allaient mal dans les villes et les États du Proche-Orient, c’était simplement de partir et de rechercher la sécurité du désert. Sinuhé, haut fonctionnaire de la cour d’Amenemhet I, craigant une révolution de palais à la mort du roi, se précipita impulsivement dehors dans la nuit et le désert, où il aurait péri de soif s’il n’avait pas été ramassé par des Arabes amicaux qui faisaient commerce avec l’Égypte. Son histoire, de treize cents ans plus vieille que celle de Léhi, montre la facilité avec laquelle les hommes passaient de la ville au désert et vice versa, et nous montre à quel point était naturelle l’impulsion de fuir dans le désert en cas de crise. Moïse et les prophètes, et Abraham lui-même, n’avaient-ils pas cherché à se mettre en sécurité contre leurs ennemis en s’enfuyant dans le désert ? La nation tout entière d’Israël n’avait-elle pas fait la même chose au commencement ? Mais ce qui donne à l’histoire de Léhi un accent de vérité incontestable, c’est la récente découverte que ces mêmes dirigeants des Juifs de Jérusalem, dont la méchanceté avait obligé Léhi à quitter le pays alors qu’il en était encore temps, lorsqu’ils découvrirent, eux, que la ville était au bord de la destruction et qu’ils durent faire eux-mêmes face aux conséquences de leur propre folie, « se cachèrent dans le désert pendant le siège » et, lorsque tout fut perdu, s’enfuirent en Égypte[18]. « Se cacher dans le désert », c’est exactement ce que faisait Léhi, et ce que firent plus tard tous ceux qui purent s’échapper.

Le désert dans lequel s’enfuit Sinuhé était la région située au sud de la Palestine, cachette classique aussi bien des Égyptiens que des Juifs, « où les hommes de toute condition et de toutes nations ... voient dans le camp arabe une retraite et un refuge sûr[19] ». Si le désert syrien est « Ie refuge peu envié des tribus vaincues »[20], la patrie toute trouvée du proscrit, du déserteur et du révolutionnaire discrédité a toujours été Édom et la région du sud, « pays des groupes désorientés et des fugitifs isolés, où des tribus arabes semi-nomades organisées alternent avec le rebut de la société sédentaire, avec des esclaves marrons, des bandits et leurs descendants...[21] » Même les grands marchands qui firent naître l’État nabatéen civilisé mettaient leur confiance, dit Diodore, dans leur capacité de disparaître rapidement et facilement dans le désert - comme tout bédouin ordinaire[22]. Nous ne devons donc pas penser que Léhi était le premier marchand à se retirer dans l’arrière-pays avec sa famille inquiète. Même au siècle actuel, des fermiers et des citadins arabes, pour échapper aux exactions d’un gouvernement turc tyrannique, se sont enfuis dans le désert et ont adopté la vie des bédouins errants[23] et, ces dernières années, on a pu voir des milliers de « fellahin », formés à la vie de la ferme, vivoter dans les sables du désert syrien à la suite d’une fuite hâtive et malavisée de chez eux[24].

N ous avons dit que « Ies Juifs qui étaient à Jérusalem », qui réussirent à s’enfuir lorsque la ville tomba, finirent en Égypte. Beaucoup d’entre eux s’établirent loin en amont du Nil, à Éléphantine ou Yeb[25].  Cette célèbre colonie a été décrite comme « n’étant qu’une déviation excentrique du courant principal de l’histoire hébraique : elle ne menait nulle part, et n’eut aucune influence, même pas sur le développement du judaïsme égyptien[26]. » Voilà en quels termes nous pourrions décrire l’émigration de Léhi lui-même: une déviation excentrique se détachant complètement du courant principal de l’histoire juive, mais, comme la colonie d’Éléphantine, conservant intacte sa version particulière de judaïsme transplanté. L’histoire d’Éléphantine, en démontrant la possibilité d’un développement que les savants pensaient tout d’abord inconcevable et ont longtemps été réticents à croire, confirme la possibilité d’une expédition semblable à celle de Léhi. D’un bout à l’autre de l’histoire, les Juifs manifestent, comme l’observe Montgomery, une tendance constante à « retourner au type » et à revenir au désert, et Léhi n’était certainement pas le premier ni le dernier Juif à le faire[27]. En outre, il n’est pas rare que des gens riches de la ville et de la campagne et même des pauvres fermiers s’en aillent pendant un certain temps au désert et goûtent de temps en temps à la vie nomade, de sorte que le comportement de Léhi, en se faisant bédouin, était tout à fait conventionnel et respectable. Bien entendu, les gens qui s’offrent ce genre de vacances, sont ceux qui ont déjà pas mal d’expérience de la vie dans le désert et y ont pris goût[28].

Pour ce qui est de la direction prise par le groupe de Léhi, le Livre de Mormon est clair et précis. Il prit ce que nous savons maintenant avoir été la seule route possible, compte tenu du danger immédiat menaçant au nord et des territoires à l’est et à l’ouest tenus par des puissances opposées au bord de la guerre. Seul le désert du sud, le seul territoire où les commerçants et les marchands d’Israël s’étaient sentis à l’aise au cours des siècles, restait ouvert –- même après la chute de Jérusalem il en fut ainsi. Et le seul itinéraire pour entrer dans ce désert, c’était la grande route commerciale passant par la dépression brûlante de l’Arabah[29]. Longtemps le groupe se dirigea vers le sud-est puis vira presque en plein vers l’est, passant dans un désert particulièrement terrible, et atteignit la mer à un endroit que nous étudierons plus tard. Néphi prend bien soin de nous tenir au courant de l’orientation principale de chaque étape du voyage et ne parle jamais une seule fois d’une tendance à aller vers l’ouest ou le nord. Le groupe voyagea pendant huit ans dans deux directions principales seulement, sans revenir sur ses pas, et beaucoup de ces marches étaient de longues marches forcées.

Tout ceci exclut entièrement la péninsule du Sinaï comme scène de leurs errances, et correspond parfaitement à un voyage à travers la péninsule arabique. La marche la plus lente possible « dans une direction sud-sud-est » au Sinaï atteindrait la mer et devrait se diriger vers le nord dans les dix jours; or le peuple de Léhi voyagea « de nombreux jours », voire des mois, dans une direction sud-sud-est, en restant, pendant tout ce temps, près de la côte de la mer Rouge. En dix jours, quelqu’un qui voyage à pied parcourt tout la longueur de la côte du Sinaï qui va en direction du sud-sud-est – et qu’adviendrait-il du reste des huit années ?

Ce qui exclut entièrement le fait que le Sinaï soit le territoire des voyages de Léhi, c’est l’absence totale, en tout temps, de bois de charpente pour construire des bateaux, sans parler d’un pays d’Abondance luxuriant et splendide. « Il est tout à fait probable », écrit une autorité de nos jours, « que Salomon dut transporter ses bateaux, ou le matériel pour les construire, depuis la Méditerranée, car où pouvait-on trouver, au bord de la mer Rouge, du bois de charpente pour construire des bateaux ?[30] ».

[Pour désigner le désert, l’anglais dispose de plusieurs mots, dont: « desert », emprunté au français, et « wilderness », d’origine germanique. Ce dernier mot veut dire littéralement lieu sauvage et peut donc désigner un lieu où il y a quand même de la végétation plus ou moins rare, comme dans les montagnes par exemple. En français, nous ne disposons pas d’un mot permettant de faire la distinction avec le mot « désert », d’où l’impossibilité de traduire ces quelques lignes du texte de Nibley, mais en voici l’idée essentielle. Dans le texte anglais, Néphi utilise le mot « wilderness » et Nibley souligne que c’est un choix parfaitement correct, puisque « le désert de Léhi comportait des ‘endroits plus fertiles’ dans lesquels il était possible de survivre (1 Né 16:16)… c’était plutôt, comme l’écrivait Kenyon, ‘un pays du genre où peuvent habiter des nomades, avec des oasis et des oueds où l’on peut faire de la culture’[31]. » – N.d.T.]

Le désert particulier dans lequel Léhi fit son premier camp compte parmi les plus hostiles de la terre; néanmoins, certains observateurs pensent que la région jouissait d’un peu plus de chutes de pluie dans l’Antiquité qu’aujourd’hui, mais tous sont d’accord pour dire que le changement de climat n’a pas été considérable depuis les temps préhistoriques, que le mieux qu’on puisse en dire c’est qu’il était presque aussi mauvais alors que maintenant[32]. Même si Léhi prit la route principale vers le sud à travers l’Arabah, comme il le fit très probablement, comme c’était la route directe vers la mer Rouge, et une route caravanière connue de tous les marchands, il se déplaçait dans un désert si rébarbatif que même les bédouins endurcis l’évitent comme la peste. Nous ne devons pas non plus y chercher le moindre monument de son passage : « Les Égyptiens, les Patriarches, les Juifs, les Romains et les Arabes ont tous passé sur ces pistes et nous ont donné des noms de lieux, rien de plus. Il est probable qu’à leurs yeux la région était trop détestable pour mériter qu’on en dise quoi que ce soit de plus[33]. » Détestable, voilà le mot qui décrit certainement l’endroit aux yeux du peuple de Léhi, qui « murmura » amèrement de ce qu’on le conduisait dans un tel enfer.

Habitants des tentes

Les éditeurs du Livre de Mormon ont consacré tout un verset à la déclaration laconique de Néphi: « Et mon père demeurait sous une tente » (1 Néphi 2:15) et ce à bon droit, puisque Néphi lui-même trouve le fait très significatif et fait constamment de la tente de son père le centre de son univers[34]. Pour un Arabe, « mon père demeurait sous une tente », cela dit tout. « Les habitants actuels de la Palestine, écrit Canaan, comme leurs ancêtres, appartiennent à deux classes: les habitants des villages et des villes, et les Bédouins. Tout comme la vie et les habitudes d’une classe diffèrent de celles de l’autre, de même leurs maisons diffèrent.  Les maisons des villages sont construites en matériaux durables... d’autre part, les demeures bédouines, les tentes, conviennent mieux à la vie nomadique[35]. » Un poète arabe d’autrefois se vante de ce que son peuple est « Ie peuple fier et chevaleresque du cheval et du chameau, les habitants des tentes et pas de minables conducteurs de bœufs[36] ». Cinquante ans à peine après la chute de Jérusalem, un roi perse se vante de ce que tous les rois civilisés « aussi bien que les habitants Bédouins des tentes ont apporté leurs précieux cadeaux et m’ont baisé les pieds[37] », faisant ainsi la même distinction que le poète postérieur. Un des serments les plus courants des Arabes, rapporte Burckhardt, est « par la vie de cette tente et de ses propriétaires », prononcé tandis qu’une main repose sur le mât central de la tente[38]. Si l’on veut déclarer nuls les biens d’un homme après sa mort, « on arrache les poteaux de la tente immédiatement après que l’homme a expiré, et on démolit la tente, » tandis que d’autre part « l’érection d’une nouvelle tente dans le désert est un événement important célébré par une fête et un sacrifice[39] ». Et le culte de la tente était important aussi pour les Hébreux. En effet, l’hébreu « tente » (ohel) et l’arabe « famille » (ahl) étaient à l’origine un même mot[40]. « Le Bédouin a une profonde affection pour sa tente, dit Canaan. « Il ne l’échangerait en aucun cas contre une maison de pierre »[41]. C’est ainsi que Jacob était « un homme tranquille, qui restait sous les tentes » (Genèse 25:27), bien que, empressons-nous de l’ajouter, certainement pas dans des conditions sordides. « Les voyageurs qui ont eu l’occasion de passer en Orient, et qui n’ont vu que les tentes sales et misérables des Bédouins errants et sans tribu... seraient peut-être surpris du caractère spacieux et du luxe simple de la tente d’un grand cheik du désert[42]. »

C’est ainsi qu’en annonçant que son « père demeurait sous une tente », Néphi nous avertit qu’il a adopté le mode de vie du désert, comme il doit forcément le faire pour son voyage. Tout Oriental se rendrait compte du sens et de l’importance de cette déclaration, qui nous paraît, à nous, presque insignifiante. Si Néphi semble considérer la tente de son père comme le nombril de l’univers, il ne fait qu’exprimer le point de vue d’un Bédouin normal pour qui la tente du cheik est l’ancre de salut de l’existence[43]. « Un drapeau blanc, nous dit-on, est parfois hissé au-dessus de sa tente pour guider les étrangers et les visiteurs. Tous les visiteurs sont conduits directement à la tente du cheik[44]. » Lorsqu’il exhorte Zoram, terrifié, à se joindre au groupe dans le désert, Néphi dit: « Si tu veux descendre au désert, vers mon père, tu auras ta place parmi nous » (1 Néphi 4:34). Le caractère correct de la proposition est attesté non seulement par le rôle qui revient à Léhi de recevoir dans la tribu les membres et les invités, mais aussi par l’expression extrêmement caractéristique: « Tu auras ta place parmi nous ». Car, depuis des temps immémoriaux, la formule d’accueil appropriée pour recevoir l’étranger qui entre dans la tente de quelqu’un est ahlan wa sahlan wa marhaban, littéralement (sans doute) « une famille, un lieu doux et une grande place[45] ! ». On trouve des expressions équivalentes dans l’Ancien Testament comme lorsque Abraham invite son visiteur céleste à s’asseoir sous son arbre (Genèse 18:4) et ici aussi de tels détails sont des touches authentiques de la vie bédouine. Mais aucune des expressions bibliques n’est aussi typiquement « arabe » que l’invitation de Néphi.

L’ordre de marche

Le Livre de Mormon nous dit pas mal de choses sur les déplacements de Léhi et de son peuple dans le désert, et le récit peut maintenant être vérifié en comparant avec les récits de première main de la vie chez les Arabes, que les cent dernières années, et tout particulièrement les quarante dernières, ont produits. Tous ces récits seraient d’accord avec Néphi pour dire que la caractéristique fondamentale de la vie en Arabie, ce sont les privations: « La vie est dure, une lutte incessante pour l’existence contre la nature et l’homme[46]. « Ce n’est pas exagérer, écrit une autorité contemporaine, que de dire que le Bédouin est dans un état presque permanent d’inanition[47]. » « Bien souvent, entre leurs points d’eau, rapporte Doughty, il ne reste pas le moindre litre d’eau dans la tente du plus grand cheik[48]. » Les souvenirs de Palgrave sont particulièrement impressionnants : « Ensuite une halte insuffisante pour se reposer ou dormir, deux ou trois heures maximum, bientôt interrompues par l’avertissement souvent répété: ‘Si nous nous attardons ici, nous allons tous mourir de soif’, nous résonnant aux oreilles, et puis remonter sur nos bêtes vannées et les faire avancer dans la nuit noire avec la probabilité constante d’être attaqués et dépouillés par des pillards en maraude... et une heure environ avant le coucher du soleil, nous descendions tant bien que mal, en titubant, de nos chameaux, pour préparer un repas du soir répondant à exactement la même description que celui du matin ou, plus souvent, de peur que la fumée de notre feu n’avertisse de notre présence quelque pillard éloigné, nous contenter de dattes séchées et d’une demi-heure de repos sur le sable[49]. » Il est vrai que dans cette situation le groupe effectuait une marche forcée, mais les conditions: absence de feu, viande crue, « traverser beaucoup d’affliction » (Hélaman 3:34), sont exactement reproduites dans le Livre de Mormon.

On nous décrit la compagnie de Léhi comme avançant quelques jours (trois ou quatre, estimons-nous), puis campant « un certain temps » (1 Néphi 16:17). C’est exactement comme cela que les Arabes se déplacent. Les vitesses des caravanes vont de 3,6 à 6,3 kilomètres à l’heure, cinquante kilomètres étant, selon Cheesman, « une bonne moyenne » pour la journée et cent kilomètres le grand maximum[50]. « Les écrivains arabes estiment ordinairement qu’une bonne journée de marche se situe entre quarante-cinq et cinquante kilomètres; dans des circonstances spéciales ou favorables, elle peut monter jusqu’à près de soixante-cinq kilomètres[51]. » D’autre part, une journée de voyage lent pour un « nomade conducteur d’ânes », avançant beaucoup plus lentement que des chameliers, est d’une trentaine de kilomètres[52].

Le nombre de jours que l’on passe à camper dans un endroit quelconque varie (comme dans le Livre de Mormon) en fonction des circonstances. « La durée moyenne pendant laquelle un camp bédouin de grandeur ordinaire reste au même endroit est de dix à douze jours », selon Jennings Bramley, qui observe néanmoins: « J’en ai connu qui restaient en un seul endroit jusqu’à cinq ou six mois[53]. » Ce que l’on fait ordinairement, c’est camper le plus longtemps possible dans un endroit donné jusqu’à ce que « il soit souillé par les animaux, que la multiplication des puces devienne intolérable et que les environs n’offrent plus de pâture, [alors] on démonte les tentes, et les hommes décampent[54] ». Selon Burckhardt, « sur la plaine syrienne et arabe, les Bédouins campent en été... près des puits, où ils restent souvent pendant tout un mois »[55]. La répartition du temps de Léhi semble donc être assez normale, et les huit années qu’il lui a fallu pour traverser l’Arabie ne révèlent une progression ni très rapide ni très lente – il fallut vingt-sept ans aux Bani Hilal pour parcourir une distance qui n’était pas beaucoup plus grande. Après être arrivé au bord de la mer, le peuple de Léhi y campa tout simplement « pendant de nombreux jours » (1 Néphi 17:7) jusqu’à ce qu’une révélation le mette de nouveau en mouvement.

Le problème des bagages

Les hommes de Léhi étaient-ils des nomades âniers ou des nomades chameliers? Indubitablement des nomades chameliers. L’époque l’exigeait, et c’est tout juste si le Livre de Mormon n’insiste pas pour le dire. Mais avant de considérer les preuves, il serait bon de corriger la théorie, parfois avancée, que le groupe est allé à pied.

Lorsqu’il désigne un homme pour une tâche, le Seigneur lui donne le moyen de l’exécuter, comme  Néphi lui-même le fait remarquer, et il avait en effet donné d’amples moyens à Léhi. La vue d’un riche marchand et de sa famille se mettant en route pour le désert avec une caravane, même d’une certaine splendeur, n’aurait jamais éveillé le moindre commentaire chez les voisins de Léhi. Burckhardt décrit, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, la caravane d’un riche marchand venu de Mascate devant laquelle il passe en plein désert: « Il avait dix chameaux pour porter ses femmes, ses petits enfants, ses serviteurs et ses bagages[56]. » Léhi devait être quelqu’un de ce genre-là. Mais il aurait été aussi impensable à l’époque que maintenant qu’un Hébreu âgé et aristocratique se charge, lui, sa femme et ses enfants, de tentes, d’ustensiles, d’armes, de nourriture et d’autre matériel. « Sans le chameau, écrit une autorité moderne, il serait impossible aux nomades de porter leurs tentes et leur mobilier à travers les immenses espaces sablonneux où les ânes ne peuvent passer qu’avec difficulté et ne porter qu’une très petite charge[57]. » L’indice décisif, c’est le fait que le groupe de Léhi emmena des graines, « toutes sortes de semences, de toute espèce » (1 Néphi 8:1). Les Arabes, comme nous le verrons ci-après, font cela lorsqu’ils émigrent pour de bon, emballant les semences dans de gros sacs noirs de soixante-quinze à quatre-vingt-dix kilos, deux par chameau. Au grand minimum, il doit y avoir au moins assez de grain, soit pour faire quelque part une récolte qui en vaut la peine, soit pour fournir une nourriture substantielle en chemin – et qui pourrait porter pareil fardeau sur son dos ? Pour traverser le cœur de l’Arabie sur le meilleur chameau du monde, il faut une endurance presque surhumaine – inutile de rendre la chose ridicule en portant enfants, tentes, livres, nourriture, mobilier, armes et grain sur son dos !

Raswan nous dit que « les éleveurs de chameaux ne craignent pas les étendues sans eau du désert comme le font les Arabes éleveurs de moutons et de chèvres, et pour cette raison seuls les propriétaires de chameaux restent indépendants et libres[58]. » D’autre part, ils courent souvent le risque de mourir de faim, et lorsque nous lisons que le peuple de Léhi courait constamment ce risque et subvenait à ses besoins uniquement par la chasse, de sorte qu’un arc brisé pouvait signifier la mort par inanition, nous pouvons être sûrs que c’étaient des nomades chameliers sans troupeaux, comme l’exigeait d’ailleurs leur fuite précipitée de Palestine. Parmi la liste du matériel qu’ils emmenèrent avec eux, il n’est jamais question de troupeaux, comme cela aurait été le cas s’ils en avaient eu ; les « troupeaux… de toute espèce » (Éther 1:41) des Jarédites viennent toujours au premier rang de la description de leur émigration, et nous pouvons considérer sans risque de nous tromper que le silence de Néphi sur ce chapitre révèle que son peuple ne voyageait pas comme un peuple de bergers.

Mais Néphi ne parle pas non plus de chameaux. Pourquoi pas? Pour la simple raison qu’on ne parle pas non plus d’eux dans beaucoup de poèmes arabes qui décrivent des voyages dans le désert, et ce simplement parce qu’on considère leur utilisation comme évidente. En Orient, les mots ordinaires pour le voyage sont des termes de chameliers; ainsi rahal et safar, les deux mots de base, signifient tous deux « partir en voyage » et aussi « seller un chameau », la présence des chameaux étant sous-entendue lorsque on n’en parle pas spécialement. Lorsque je dis que je suis allé de Heber à Salt Lake City, il ne viendra à l’idée de personne de demander si c’était « en voiture ». Bien que, autant que le sachent mes auditeurs, j’aurais très bien pu y aller en chariot ou en tricycle. De même lorsque l’Arabe dit qu’il a voyagé dans le désert, il n’ajoute jamais « à dos de chameau », car dans sa langue « voyager » signifie aller à dos de chameau. Si le groupe de Léhi était allé à pied, cela aurait été en effet une merveille des mille et une nuits, et il y aurait été fait allusion à toutes les pages – car on n’a jamais vu ni entendu parler de pareille chose avant ou depuis son temps. Mais lorsque le chameau est le seul moyen de transport, il est aussi inutile de parler de chameaux quand on décrit un voyage que de spécifier qu’on parcourt les mers « en bateau ». Il y a cependant un épisode dans lequel les chameaux jouent un rôle bien déterminé dans le Livre de Mormon.

Depuis leur camp de base de la vallée de Lémuel, les fils de Léhi firent un voyage-éclair à Jérusalem. Ce furent les jeunes gens seuls qui firent ce voyage, qui se révéla être, comme il s’y attendaient (1 Néphi 3:5), dangereux. Or il est de coutume chez les Arabes que quelques jeunes gens d’une tribu recherchent le gain et la gloire en faisant des raids rapides sur les localités et les tribus voisines. Dans de telles expéditions, ils n’emportent jamais de tentes, car leur transport est limité, et la vitesse est essentielle[59]. Néphi veut que nous sachions que ce voyage à Jérusalem n’était pas un raid de ce genre, car ils allaient pour des affaires légitimes et emmenaient leurs tentes (1 Néphi 3:9); ils entrèrent hardiment et ouvertement chez Laban et dirent pourquoi ils étaient venus. Ce n’est que lorsqu’il les traita de brigands qu’ils furent obligés d’agir comme tels, sortant furtivement, comme de vrais Bédouins, par les portes et n’entrant dans la ville que la nuit.

Un épisode typiquement oriental de cette histoire est la poursuite effrénée hors de la ville et dans le désert – combien d’expéditions de héros bédouins en ville ne se sont pas terminées de cette façon ! « Je te chasse et tu me chasses » : telle est, s’il faut en croire Philby, l’essence de la tactique du désert[60]. À propos de cette chasse mouvementée, Néphi rapporte (1 Néphi 3:27): « Et nous nous enfuîmes dans le désert, et les serviteurs de Laban ne nous rattrapèrent pas, et nous nous cachâmes dans la cavité d’un rocher. »  Notez qu’ils furent poursuivis jusqu’à l’intérieur du désert, car en arrivant au désert ils n’étaient pas en sécurité, mais durent se cacher sous un rocher. Les jeunes gens auraient pu fuir sur une courte distance à pied dans la ville, mais fuir « dans le désert » était une autre affaire; ils y auraient rapidement été rattrapés par des cavaliers, à moins d’échapper tout d’abord à leurs regards, mais Néphi nous dit qu’ils ne se cachèrent qu’après avoir semé leurs poursuivants, qui ne réussirent pas à les rattraper. Le puissant et opulent gouverneur militaire avait certainement une écurie de destriers capables de rattraper un chameau, mais avec la fuite soudaine des frères, on n’aurait pas eu le temps de les seller – un ancien poète et roi arabe, Imrul-Qais, parle d’un cheval phénoménal qui « passait la nuit avec une selle et une bride sur lui... sans qu’on l’envoie à l’étable[61] ». Mais les autres chevaux, y compris ceux de Laban, avaient besoin de plus d’attention et perdaient plus de temps à se mettre en route, et nous pouvons dire sans crainte de nous tromper que les poursuivants aussi bien que les poursuivis montaient les chameaux habituels. Quant aux chances que Néphi et ses frères aient monté des chevaux, elles sont minces, car le cheval ne peut supporter de fardeaux dans le désert, et même les Arabes éleveurs de chevaux montent rarement leurs animaux pour de longs voyages mais, lorsque c’est possible, les emmènent entravés à leurs chameaux, sans cavalier ni fardeau. Raswan en donne beaucoup d’illustrations.

L’utilisation des chameaux est sous-entendue à chaque tournant de l’histoire de la mission chez Laban: Le transport sinon insensé de tentes, le voyage à la campagne pour ramener vers le palais de Laban « des biens extrêmement grands » (1 Néphi 3:25) (vraisemblablement pas sur leurs épaules !), la fuite en terrain découvert et la poursuite dans le désert, et finalement le long voyage de retour nécessairement hâtif (car ils étaient signalés, et il se pouvait que la direction de leur fuite ait été remarquée), vers le camp de base secret. Tout comme les saints qui avaient le moyen de l’éviter ne traversèrent jamais les plaines à pied, de même nous considérerions les fils de Léhi comme bien sots s’ils ne profitaient pas du moyen de transport courant que tout le monde utilisait, car les chameaux étaient alors aussi courants que les autos aujourd’hui.

Le problème de la nourriture

Il n’y a pas bien longtemps de cela, le professeur Frankfort écrivait à propos du désert du sud: « Le secret des déplacements dans sa désolation a toujours été gardé par les Bédouins[62]. » Cependant, des explorateurs intrépides de notre temps ont appris ce secret, et Léhi le connaissait aussi. La déclaration que Léhi, sur ordre divin, « nous conduisait dans les parties plus fertiles du désert » (1 Néphi 16:16) est comme une illumination soudaine. Woolley et Lawrence disent de ces « parties plus fertiles » qu’elles « s’étirent sur le sol plat de la plaine en longues lignes semblables à des haies ». Ce sont les dépressions de cours d’eau desséchés, longues parfois de centaines de kilomètres[63]. Elles constituent, selon Bertram Thomas, « Ies artères de la vie dans la steppe, le sentier des mouvements bédouins, l’habitat des animaux en raison de la végétation – aussi rare qu’elle soit – qui ne fleurit que dans leurs lits[64] ». En Arabie, c’est cette pratique qui consiste à suivre « les parties plus fertiles du désert » (1 Néphi 16 :16) qui seule permet aux hommes et aux animaux de survivre. Cheesman appelle « touring » la pratique adoptée par les hommes et les animaux d’aller d’un endroit à l’autre dans le désert à mesure que les coins de fertilité se déplacent avec les saisons[65].

L’Arabe à la recherche de provisions est éternellement occupé à rôder, à partir en éclaireur, à suivre à la trace et à espionner; en fait, certaines personnes croient que la racine originelle des noms Arabe et Hébreu est une combinaison de sons signifiant  « être en embuscade ». « Tout Bédouin est sportif tant par goût que par nécessité », écrit un observateur, qui explique comment, dans de grandes familles, certains jeunes gens sont envoyés en détachement pour passer tout leur temps à chasser[66]. Néphi et ses frères s’occupent de chasser à plein temps et, dans ces fonctions, révèlent l’existence de la tradition du désert dans la famille, car Néphi avait amené de chez lui un excellent arc d’acier. Nous reparlerons de l’acier lorsque nous traiterons de l’épée de Laban, mais il faut d’ores et déjà noter qu’un arc d’acier n’était pas nécessairement un morceau de métal massif, pas plus que les « chars de fer » (Josué 17:16-18 ; Juges 1:19 ; 4:3) des Cananéens n’étaient en fer massif ou que divers instruments mentionnés dans l’Ancien Testament comme étant « de fer », par exemple les instruments de menuisier ou les instruments de battage n’étaient en fer et en fer seulement. C’était, selon toute probabilité, un arc renforcé par de l’acier, puisqu’il se casse vers le moment où les arcs de bois de ses frères perdent « leur ressort » (1 Néphi 16:21). On ne se servait, en Palestine, que d’arcs composites, c’est-à-dire d’arcs de plus d’une pièce, et on appelait arc d’acier un arc renforcé d’acier tout comme on appelait  « char de fer » un char renforcé de fer. À ce propos, le fondateur de la dynastie turque des Seldjoucides en Iran s’appelait Yaqaq, ce qui veut dire en turc « un arc fait de fer[67] ». Le fait que « Flèche de fer » était un nom assez courant dans ces populations et désigne effectivement une flèche à pointe de fer est une forte indication que le nom Arc d’acier puisse aussi désigner une arme réelle.

Aujourd’hui encore la chasse dans les montagnes d’Arabie se fait à pied et sans faucons ni chiens. À l’époque classique, le chasseur de cette région était équipé d’un arc et d’une fronde – exactement comme Néphi[68]. La découverte de Néphi que le meilleur terrain de chasse ne se situait que « au sommet de la montagne » (1 Néphi 16:30) est confirmée par des expériences ultérieures, car l’oryx est « un animal farouche, qui se déplace loin et rapidement dans la steppe et le désert à la recherche de nourriture, mais se réfugie toujours  dans les montagnes sablonneuses presque inaccessibles[69] ». En Arabie occidentale, les montagnes ne sont pas de sable mais de roc, et Burckhardt rapporte que « dans ces montagnes entre Médine et la mer, sur toute l’étendue en direction du nord (et ceci comprend fatalement le secteur de Léhi), on rencontre des chèvres de montagne, et les léopards ne sont pas rares »[70]. Julius Euting nous a laissé des descriptions frappantes des dangers, de l’excitation et de l’épuisement qui accompagnent la chasse au gros gibier, abondant dans ces montagnes, lesquelles sont, soit dit en passant, très escarpées et accidentées[71].

Les perspectives étaient sombres lorsque Néphi brisa son bel arc d’acier, car les arcs de bois de ses frères avaient « perdu leur ressort » (1 Néphi 16:21), et quoique habiles dans l’art de la chasse, ils ne savaient pas grand chose de la fabrication des arcs, ce qui est une technique réservée aux spécialistes, même parmi les primitifs. Soit dit en passant, les experts du tir à l’arc disent qu’un bon arc garde son ressort pendant environ cent mille coups; on peut en déduire qu’au moment de la crise, le groupe voyageait depuis un à trois ans. Il était évidemment hors de question de faire un arc composite d’acier et ce fut quasiment un miracle que Néphi put faire « un arc dans du bois » (1 Néphi 16:23), car il ne viendrait jamais à l’idée d’un chasseur, le plus conservateur de tous les hommes, de passer d’un arc composite à un simple arc. Bien que cela ait l’air tout simple lorsqu’on le lit, c’était un exploit presque aussi grand pour Néphi de faire un arc que de faire un bateau, et c’est à juste titre qu’il est fier de sa réalisation.

Selon les anciens écrivains arabes, le seul bois pour des arcs que l’on puisse obtenir dans toute l’Arabie c’était le nab’ qui ne poussait que « parmi les pics inaccessibles et en surplomb » du mont Jasum et du mont Azd, qui se situent dans la région même où, si nous suivons le Livre de Mormon, se produisit l’incident de l’arc brisé[72]. Combien de facteurs doivent être correctement conçus et coordonnés pour donner un ton de vérité à l’histoire apparemment simple de l’arc de Néphi ! La haute montagne proche de la mer Rouge à une distance considérable le long de la côte, le gibier sur les pics, la chasse avec arcs et frondes, la découverte de bois pour arcs considérée comme une espèce de miracle par le groupe – quelles sont les chances de reproduire pareille situation au jugé ?

Pour ce qui est du grain transporté par Léhi, il ne devait pas être mangé en cours de route, car c’étaient « des semences de toute espèce » (1 Néphi 16:11), souci de variété inutile si l’on n’avait pas l’intention de les semer. Bien que « les voyageurs ordinaires n’emportent pour ainsi dire jamais de grain pour leur nourriture » dans le désert[73], il est de pratique courante chez les Bédouins migrateurs d’emporter des semences, dans l’idée – parfois bien vague – que peut-être, si l’année est bonne, ils trouveront l’occasion de faire des semailles hâtives. Au Sinaï, « Ies Bédouins ensemencent annuellement les lits des oueds, mais ils le font avec peu d’espoir de faire plus d’une récolte en trois ou quatre ans[74] ». Léhi, à la recherche d’une terre promise, ne se serait en aucun cas mis en route sans de telles provisions pour assurer des cultures dans sa nouvelle patrie. Au cours des voyages « le blé est mis dans les sacs en poil de chèvre noir que l’on fait soi-même, les farde(t)… Le farde, hébreu sak (Genèse 42:25), contient environ soixante-quinze à quatre-vingt-dix kilos de blé. On en met deux sur un chameau[75] ». La mention de cette coutume dans la Genèse montre que c’était un usage antique, même à l’époque de Léhi.

 

 

 


[1] W. E. Jennings-Bramley, « The Bedouins of the Sinaitic Peninsula », PEFQ, 1906, p. 106 et 1907; p. 281.

[2] Frank E. Johnson, tr., Al-Mucallaqat, Bombay, Education Society’s Steam Press, 1893, pp. 17-18, lignes 46-49; 42-44, lignes 34, 40-41; 106-7, lignes 40-43; 175-76, lignes 25-28; W. Ahlwardt, Sammlungen alter arabischer Dichter, Berlin, Reuther & Reichard, 1903; dans vol. 2, nos. 3:21-38; 5:58-63; 12:24-26; 15:4049; 22:1-45; 30:9-11* ; 31:47-80*; 40:51-69*; dans vol. 3, nos. 1; 10:37-56; 16:28-44; 18:33-44; 25:91-115; 27:29-36; 31-1-26; 33:48-77; 34:9-36; 40:114; 54:57-77; 55:34-66; 58:44-65. Tous les passages marqués d’un astérisque dans le vol. 2, et tous les passages donnés au vol. 3, parlent de brouillards déplaisants dans le désert. D’autres poètes sont cités dans Carl Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, Leiden, Brill, 1943, pp. 10, 16-17, 19-22, 54, 91.

[3] Toute la section sur les « Voyages », dans  Kabir al-Din Ahmad & Gholam Rabbani, dir. de publ., The Diwan Hammasah of Abu Tammam, Calcutta, n. p., 1856, pp. 206-9,  est consacrée à l’épuisement et à la terreur des voyages dans le noir. Le brouillard de ténèbres est mentionné dans presque tous les passages donnés dans la note précédente.

[4] Dans le pays situé entre l’Égypte et la Palestine, selon Sir Charles Warren, « Notes on Arabia Petraea and the Country Lying between Egypt and Palestine », PEFQ 1887, p. 44, « pendant les mois de novembre, décembre et mars, il y a souvent des brouillards denses... Ces brouillards dépendent du vent et alternent souvent avec d’intenses sécheresses. » Harry S. J. B. Philby, The Empty Quarter, New York, Holt, 1933, pp. 96, 134, 183,  rapporte le même phénomène dans la partie la plus désertique du sud de l’Arabie : « Un épais brouillard s’abattit sur le sol et effaça le paysage après le lever du soleil… Tout était encrassé par le sable, et le soleil était faible à l’extrême… Une brise légère du nord, froide et moite, éventait doucement un brouillard épais et humide... »

[5] Ahlwardt, Sammlungen alter arabischer Dichter, 2, n° 1.

[6] Edward J. Byng, The World of the Arabs, Boston, Little, Brown, 1944, pp. 64-65.

[7] Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, pp. 47-50. Le songe ne doit pas être examiné minutieusement, puisque ce n’est que le souvenir qu’a sœur Smith d’un rêve qui lui fut raconté 34 ans plus tôt, voir « Introduction », pp. vii et ix.

[8] Par exemple, al-Buhturi, cité dans Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, p. 88; cf. Lebid, cité dans id., p. 55. Maydan signifie à la fois « champ vaste et spacieux » et « vie ample » en arabe.

[9] « Le spectacle d’une oasis du désert, avec ses cours d’eau jaillissant miraculeusement de nulle part et se déversant peut-être de nouveau dans les sables du désert. »  James L. Montgomery, Arabia and the Bible, Philadelphie,  University of Pennsylvania Press, 1934, p. 6.

[10] E. A. Wallis Budge, The Chronography of Bar Hebraeus, Londres, Oxford University Press, 1932, 1:167.

[11] Charles M. Doughty, Travels in Arabia Deserta, Londres, Cape, 1926, 2:229.

[12] Montgomery, Arabia and the Bible, p. 85.

[13] « Notre mot ‘rivière’ est une manière imparfaite de rendre l’idée », mais puisque nous n’avons pas d’autre mot en français, le Livre de Mormon doit l’utiliser. Richard F. Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, Londres, Tylston & Edwards, 1893, 1. 250, n. 2.

[14] P. ex., Al-Ajjaj, dans Ahlwardt, Sammlungen alter arabischer Dichter, 2, no. 1; Theodor Nöldeke, Delectus Veterum Carminum Arabicorum, Berlin, 1890, p. 111 ; Psaume 1:6 en est un autre exemple.

[15] En ce qui concerne la présence de ces canyons dans les déserts de Léhi, voir Burton, Pilgrimage to Al-Medinah and Meccah, 1:207 décrivant « des murailles titanesques, tout en haut des donjons, d’immenses bastions en surplomb et des fossés pleins d’une ombre profonde. » Voir « Note sur les rivières », dans le texte ci-dessous.

[16] Dans Ahlwardt, Sammlungen alter arabischer Dichter, 3, n° 1.

[17] Nöldeke, Delectus Veterum Carminum Arabicorum, p. 95, Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, pp. 19, 21 ;  Johnson, Al-Mucallaqat, p. 188, ligne 61.

[18] William F. Albright, « A Brief History of Judah from the Days of Josiah to Alexander the Great », BA 9, février 1946, p. 4.

[19] Philip J. Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ, 1922, pp. 170-71.

[20] C. Leonard Wooley et Thomas E. Lawrence, The Wilderness of Zin, Londres, J. Cape, 1936, p. 34.

[21] William F. Albright, Archaeology and the Religion of Israel, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1942, p. 101.

[22] Diodore XIX, 94, 100.

[23] Antonin Jaussen, « Mélanges », RB 3, 1906, p. 95.

[24] Dans la version qu’il a publiée dans l’Improvement Era, Nibley poursuit: « Pour ce qui est de la fuite de Léhi dans le désert, le Livre de Mormon fait preuve d’un jugement sans faille dans le moindre détail: la façon dont il s’enfuit est rigoureusement conforme aux meilleures conventions et il prend ce que nous savons être la seule direction qu’il aurait pu prendre. » Hugh W. Nibley, « Lehi in the Desert », IE 53, 1950, p. 202. Il est clair qu’à cette date toutes les autres routes auraient été fermées; le danger suprême viendrait évidemment du nord. Voir John L. Myres, « God and the Danger from the North in Ezekiel », PEFQ, 1932, pp. 213-15. Tandis que le désert du sud restait ouvert, jusqu’à la fin, certaines colonies juives qui s’y trouvaient « semblent avoir complètement échappé à la destruction. » Albright, « A Brief History of Judah from the Days of Josiah to Alexander the Great », p. 6.

[25] Albright, « A Brief History of Judah from the Days of Josiah to Alexander the Great », pp. 4-5. La précédente version de « Lehi in the Desert », p. 202, notait: « C’est dans cette région que nous avons localisé dans un précédent article de l’Era quelques noms importants du Livre de Mormon, sans nous rendre compte à l’époque que ces noms appartenaient aux descendants des contemprains de Léhi. » Hugh Nibley, « The Book of Mormon as a Mirror of the East », IE 51, 1948, pp. 202-204.

[26] Stephen L. Caiger, Bible and Spade, Londres, Oxford University Press, 1936, p. 188.

[27] Montgomery, Arabia and the Bible, p. 15.

[28] Carl R. Raswan, Drinkers of the Wind, New York, Creative Age Press, 1942, illustre cette rencontre de la ville et du désert.

[29] « La souche hébraïque était à l’origine apparentée aux tribus de l’est et du sud de la Palestine-Syrie, et surtout vers le sud... L’entreprise maritime par excellence que poursuivait la politique judéenne était le développement de la route de la mer Rouge (p. ex. 1 Rois 9:26 et suiv.); c’est dire que les perspectives commerciales de l’Etat étaient tournées vers l’Arabie » Montgomery, Arabia and the Bible, pp. 12, 51-52, 185.

[30] Stewart Perowne, « Notes on I Kings, Chapter X, 1-1 3 », PEFQ, 1939, p. 200.

[31] Woolley et Lawrence, The Wilderness of Zin,  p. 11.

[32] « Il est, pensons-nous, à la fois naturel et correct de supposer qu’à toutes les époques de l’histoire de l’homme, le désert du sud a été, à peu de chose près, le désert qu’il est aujourd’hui », id., p. 36.

[33] Id., p. 37.

[34] 1 Néphi 2:6, 3:1, 4:38; 7:5, 7:21; 9:1, 10:16, 16:6.

[35] Taufik Canaan, « The Palestinien Arab House », JPOS 12, 1932, p. 255.

[36] Georg Jacob, Altarabisches Beduinenleben Berlin, Mayer & Müller, 1897, p. 226.

[37] Caiger, Bible and Spade, p. 181.

[38] John L. Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahabys, Londres, Colburn & Bently, 1831; réimprimé New York, Johnson Reprint, 1967 1:127.

[39] Jaussen, « Mélanges », pp. 93-94. Si une femme veut divorcer de son mari, elle retourne tout simplement la tente de celui-ci. Jacob, Altarabisches Beduinenleben, p. 212.

[40] Philip J. Baldensperger, « Tent Life », PEFQ 1923, p. 179.

[41] Canaan, « The Palestinian Arab House », JPOS 13, 1933, p. 57.

[42] William B. Seabrook, Adventures in Arabia, New York, Harcourt, 1927, p. 6; cf. Grace M. Crowfoot, « The Tent Beautiful », PEFQ (1945), pp. 34-46.

[43] « Ceux qui sont dans les cabanes voisines rergardent, une fois que le jour est levé, si le harem du shaykh replie sa tente ; quand ils le voient, c’est la rahla » Doughty, Travels in Arabia Deserta, 1:257. De même, quand le cheik dresse sa tente, tous l’imitent sans discuter, la tente du chef étant pour ainsi dire le tabernacle qui les conduit dans le désert. On se souviendra que le Liahona a été découvert à l’entrée de la tente de Léhi. Il est à noter que même le cheik le plus riche « n’a jamais plus d’une tente », selon Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahábys 1:42, parlant des Aneze. Dans sa version pour le magazine, Nibley conclut : « Il n’est pas rare, en Orient, que les riches de la ville et de la campagne s’en aillent un certain temps dans le désert, ce qui veut dire que Léhi ne faisait absolument rien d’impossible ou d’extraordinaire ; bien entendu, les gens qui font cela sont ceux qui ont déjà pas mal d’expérience du désert et y ont pris goût. » Hugh W. Nibley, « Lehi in the Desert », p. 276. Ainsi, un cheik aisé “passe l’hiver dans sa ‘maison de pierre’ et l’été dans sa ‘maison de poils’ » Jaussen, « Mélanges », JPOS 13, 1933, p. 55.

[44] Canaan, « The Palestinian Arab House », JPOS 13, 1933, p. 55.

[45] Frederic D. Thornton, Elementary Arabic, Cambridge, Cambridge University Press, 1943, p. 156.

[46] Max von Oppenheim, Die Beduinen, Leipzig: Harrassowitz, 1939, 1:28.

[47] Claude S. Jarvis, « The Desert Yesterday and To-day », PEFQ 1937, 122.

[48] Doughty, Travels in Arabia Deserta, 1:259.

[49] William G. Palgrave, Narrative of a Year’s Journey Through Central and Eastern Arabia, Londres, Macmillan, 1865, 1:12-13.

[50] Robert E. Cheesman, In Unknown Arabia, Londres, Macmillan, 1926, pp. 27, 52.

[51] William J. T. Pythian-Adams, « The Mount of God », PEFQ 1930, 199.

[52] Albright, Archaeology and the Religion of Israel, 97.

[53] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », PEFQ 1907, 30.

[54] Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ 1923, 180.

[55] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahábys, 1:227-28.

[56] John L. Burckhardt, Travels in Arabia Londres, Colburn, 1829; réimpression Londres, Cass, 1968, p. 402

[57] Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ 1922, p. 163.

[58] Raswan, Drinkers of the Wind, p. 129.

[59] Burckhardt, Notes on the Bedouins and Wahábys, 1:157-60.

[60] Philby, The Empty Quarter, pp. 229-30.

[61] Johnson, Al-Mucallaqat, p. 26.

[62] Henri Frankfort, « Egypt and Syria in the First Intermediate Period », JEA 12 1926: 81.

[63] Woolley & Lawrence, The Wilderness of Zin, 32.

[64] Bertram Thomas, Arabia Felix, New York, Scribner, 1932, p. 141.

[65] Cheesman, In Unknown Arabia, pp. 338-39.

[66] W. E. Jennings-Bramley, « Sport among the Bedawin », PEFQ,1900

[67] Ibn ‘Ali al-Husayni, Akhbar ‘al-Dawla al-Saljuqiyya Lahore, University of the Panjab, 1933, p. 1.

[68] Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ 1925, pp. 82-90.

[69] Philby, The Empty Quarter, p. 249

[70] Burckhardt, « Travels in Arabia », p. 403.

[71] Julius Euting, Tagebuch einer Reise in Inner-Arabien, Leiden, 1892, 2:76-80, 92-93.

[72] Jacob, Altarabisches Beduinenleben, pp. 131-33. Le mont Jasum est dans la région de La Mecque; le mont Azd, dans les monts Serat, est plus au sud, mais également près de la côte.

[73] Jennings-Bramley, « The Bedouin of the Sinaitic Peninsula », PEFQ 1907, p. 284.

[74] Id., PEFQ 1914, p. 9.

[75] Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ 1923, p. 181

 

 

 

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