CHAPITRE
40 : LA LONGUE NUIT DE L’APOSTASIE Pendant plus de dix-sept cents ans dans
l'ancien monde et pendant plus de quatorze siècles sur le continent américain,
il semble y avoir eu un silence entre les cieux et la terre[1].
Nous n'avons aucun rapport authentique d'une révélation directe de Dieu
à l'homme pendant ce long intervalle. Comme nous l'avons déjà montré,
la durée du ministère apostolique dans l'ancien monde prit probablement
fin avant l'aube du deuxième siècle de l'ère chrétienne. La
disparition des apôtres fut suivie, comme cela avait été prévu et prédit,
du développement rapide d'une apostasie universelle[2]. Des
causes externes et internes concoururent à l'installation de cette grande
apostasie. Parmi les forces de désintégration qui agirent de l'extérieur,
la plus efficace fut la persécution persistante à laquelle les saints
furent soumis, persécution provoquée aussi bien par l'opposition juive
que par l'opposition païenne. Un très grand nombre de personnes qui
avaient professé être membres et beaucoup de celles qui avaient été
officiers dans le ministère désertèrent l'Eglise, tandis qu'un petit
nombre était porté à un zèle plus grand par le fléau de la persécution.
L'effet général de l'opposition venant de l'extérieur - des
causes externes du déclin de la foi et des œuvres prises dans l'ensemble
- fut le reniement d'individus, provenant de l'apostasie très répandue
au sein de l'Eglise. Mais infiniment plus grave
fut la conséquence de la discorde interne, du schisme et de la
perturbation, lesquels ont déterminé l'apostasie totale de l'Eglise de
la voie et de la parole de Dieu. Le judaïsme
fut le premier oppresseur du christianisme et devint l'instigateur et le
provocateur des atrocités successives qui accompagnèrent les persécutions
païennes. L’hostilité ouverte et active des pouvoirs romains contre
l'Eglise chrétienne se généralisa sous le règne de Néron (vers 64 ap.
J.-C.) et se poursuivit avec des répits occasionnels de quelques
mois ou même de plusieurs années à la fois jusqu'à la fin du règne de
Dioclétien (vers 30 ap. J.-C.). La cruauté inhumaine et la
barbarie qui s'exercèrent contre ceux qui osaient professer le nom du
Christ au cours de ces siècles de domination païenne sont des faits
reconnus par l'histoire[3]. Lorsque Constantin le Grand monta sur le trône,
dans le premier quart du quatrième siècle, un changement radical
s'instaura dans l'attitude de l'Etat vis-à-vis de l'Eglise. L’empereur
fit sur-le-champ de ce que l'on appelait le christianisme de
l'époque la religion de son royaume, et la recommandation la plus sûre
pour obtenir la faveur impériale était de faire preuve d'un dévouement
plein de zèle pour l'Eglise. Mais celle-ci était déjà dans une grande
mesure une institution apostate et, même dans les grands traits de
l'organisation et du service, ne présentait qu'une ressemblance lointaine
avec l'Eglise de Jésus-Christ, fondée par le Sauveur et édifiée par
l'entremise des apôtres. Les quelques vestiges du christianisme
authentique qui avaient pu survivre jusque là dans l'Eglise furent
ensevelis hors de la vue de l'homme par les excès qui s'ensuivirent,
lorsque l'organisation ecclésiastique entra dans les faveurs du domaine séculier,
du fait du décret de Constantin. L’empereur, bien que non baptisé, se
déclara chef de l'Eglise, et on rechercha davantage les offices ecclésiastiques
que les rangs militaires ou les postes dans l'Etat. L’esprit d'apostasie dont l'Eglise s'était imprégnée
avant que Constantin ne l'entourât du manteau de la protection impériale
et la blasonnât des insignes de l'Etat, fut excité à une activité
croissante tandis que le levain de Satan prospérait dans des conditions
extrêmement favorables à cette croissance phénoménale. L’évêque de Rome avait déjà affirmé sa
suprématie sur ses collègues dans l'épiscopat; mais quand l'empereur
fit de Byzance sa capitale, et la renomma en son propre honneur
Constantinople, l'évêque de cette ville se proclama égal au pontife
romain. Cette prétention fut contestée; la dissension qui s'ensuivit
divisa l'Eglise, et le schisme s'est prolongé jusqu'à notre époque,
comme le prouve la distinction qui existe entre les Eglises catholique
romaine et grecque orthodoxe. Le
pontife romain exerça l'autorité séculière aussi bien que spirituelle
et s'arrogea au onzième siècle le titre de pape, signifiant père, en ce
sens qu'il était le gouverneur paternel en toutes choses. Pendant les
douzième et treizième siècles, l'autorité temporelle du pape fut supérieure
à celle des rois et des empereurs, et l'Eglise romaine devint le potentat
despotique des nations et une autocrate placée au-dessus de tous
les Etats séculiers. Cependant cette Eglise, exhalant l'odeur infecte de
l'ambition profane et du goût de la domination, prétendait
audacieusement être l'Eglise rétablie par Celui qui affirmait: «Mon
royaume n'est pas de ce monde.» Les prétentions arrogantes de l'Eglise
de Rome n'étaient pas moins extravagantes dans l'administration
spirituelle que dans l'administration séculière. Dans le contrôle
qu'elle proclamait à haute voix avoir sur les destinées spirituelles des
âmes des hommes, elle prétendait blasphématoirement pardonner ou
retenir les péchés des individus et infliger ou remettre les châtiments
tant sur la terre qu'au delà du tombeau. Elle vendit la permission
de commettre le péché et troqua pour de l'or des chartes permettant de
pardonner avec indulgence des péchés déjà commis. Son pape, se
proclamant le vicaire de Dieu, trônait en grand apparat pour juger comme
Dieu lui-même et accomplit, par ce blasphème, la prophétie que
Paul prononça après avoir donné son avertissement relatif aux
conditions terribles qui précéderaient la seconde venue du Christ: «Que
personne ne vous séduise d'aucune manière; car il faut qu'auparavant
l'apostasie soit arrivée, et que se révèle l'homme impie, le fils de
perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on
appelle Dieu ou qu'on adore, et qui va jusqu'à s'asseoir dans le temple
de Dieu et se faire passer lui-même pour Dieu[4].» Dans
son abandon effréné à la licence que lui permettait l'autorité qu'elle
s'était arrogée, l'Eglise de Rome n'hésita pas à transgresser la loi
de Dieu, à changer les ordonnances essentielles au salut et à rompre
impudemment l'alliance éternelle, souillant ainsi la terre, tout comme
Esaïe l'avait prédit[5]. Elle changea l'ordonnance du baptême, détruisant
son symbolisme et y associant des imitations, des rites païens; elle
corrompit le sacrement du repas du Seigneur en en souillant la doctrine
par les divagations de la transsubstantiation[6] ;
elle prit sur elle d'utiliser les mérites des justes pour pardonner le pécheur
en vertu du dogme non scripturaire et absolument répugnant de la surérogation;
elle favorisa l'idolâtrie sous des formes extrêmement séduisantes et
pernicieuses; elle interdit au public, sous peine de châtiment, d'étudier
les saintes Ecritures; elle imposa à son clergé un célibat contre
nature; elle se délecta dans une union impie avec les théories et les
sophismes des hommes et déforma les enseignements simples de l'Evangile
du Christ au point de produire un Credo bourré de superstitions et d'hérésies;
elle promulgua des doctrines à ce point perverties à propos du corps
humain qu'elles faisaient passer le tabernacle de chair formé par Dieu
pour une chose qui n'était bonne qu'à être torturée et méprisée;
elle proclama que c'était un acte vertueux qui assurerait de riches récompenses
que de mentir et de tromper si cela servait ses propres intérêts, et
elle s'éloigna si complètement du plan original de l'organisation de
l'Eglise qu'elle se donna en spectacle dans un déploiement d'ornements
fabriqués par le caprice de l'homme[7]. Les causes internes les plus importantes qui
provoquèrent l'apostasie de l'Eglise primitive peuvent être résumées
comme suit: (1) La corruption des principes simples de l'Evangile du
Christ par l'adjonction des prétendus systèmes philosophiques de l'époque.
(2) Des ajouts non autorisés aux cérémonies de l'Eglise et
l'introduction de changements essentiels dans des ordonnances. (3) Des
changements dans l'organisation et le gouvernement de l'Eglise[8]. Sous la répression tyrannique qui découla de
la domination usurpée et injuste de l'Eglise romaine, la civilisation fut
retardée pendant des siècles et fut pratiquement arrêtée dans son
cours. Cette période de recul a pris dans l'histoire le nom d'âge des ténèbres.
Le quinzième siècle assista au mouvement appelé la Renaissance ou
renouveau des sciences; il y eut un réveil général et caractéristiquement
rapide parmi les hommes, et un effort net pour s'arracher à
l'engourdissement de l'indolence et de l'ignorance se manifesta dans tout
le monde civilisé. Les historiens et les philosophes ont considéré le
renouveau comme une pression inconsciente et spontanée de «l'esprit des
temps»; ce fut une évolution déterminée à l'avance dans l'esprit de
Dieu pour illuminer les esprits enténébrés des hommes en vue de préparer
le rétablissement de l'Evangile de Jésus-Christ dont
l'accomplissement était prévu pour quelques siècles plus tard[9]. Avec le
renouveau de l'activité intellectuelle et de l'effort en vue de l'amélioration
matérielle, il y eut, accompagnement naturel et inévitable, une
protestation et une révolte contre la tyrannie ecclésiastique de l'époque.
Les Albigeois, en France, étaient entrés en
insurrection contre le despotisme religieux au treizième siècle, et au
quatorzième, John Wyclif, de l'université d'Oxford, avait hardiment dénoncé
la corruption de l'Eglise et du clergé romain, et en particulier les
restrictions que la hiérarchie papale imposait à l'étude des Ecritures
par le peuple. Wyclif
donna au monde une version de la Sainte Bible en anglais. Ces
manifestations d'indépendance de croyance et d'action, l'Eglise papale
essaya de les réprimer et de les châtier par la force. Les Albigeois
subirent des cruautés inhumaines et un massacre impitoyable. Wyclif fut la cible d'une persécution violente et constante; il mourut dans
son lit, mais la vindicte de l'Eglise romaine ne s'apaisa que lorsqu'elle
eut fait exhumer son corps, l'eut fait brûler et fait disperser ses
cendres. Jean Huss et Jérôme de Prague se distinguèrent sur le
continent européen dans l'agitation contre le despotisme papal, et tous
deux moururent martyrs pour la cause. Bien que l'Eglise fût devenue complètement
apostate, il ne manqua pas d'hommes braves de cœur et à l'âme juste, prêts
à donner leur vie pour l'émancipation spirituelle. Une révolte
notable contre la papauté, la Réforme, se produisit au seizième siècle.
Ce mouvement entrepris en 1517 par Martin Luther, moine allemand, se répandit
si rapidement qu'il gagna bientôt le domaine tout entier de la papauté.
Les représentants de certaines principautés allemandes et d'autres délégués
formulèrent des protestations officielles contre le despotisme de
l'Eglise papale à une diète ou conseil général qui se tint à Spire en
1529, et dorénavant les réformateurs furent appelés protestants. Jean,
électeur de Saxe, proposa une Eglise indépendante, et, sur ses
instances, Luther et son collègue Mélanchthon en élaborèrent la
constitution. Les protestants ne s'accordaient pas. Dépourvus d'autorité
divine pour les guider en matière d'organisation et de doctrine
religieuse, ils suivirent les voies diverses des hommes et furent déchirés
à l'intérieur tandis qu'ils étaient assaillis de l'extérieur. L'Eglise
romaine, se trouvant face à des adversaires décidés, ne recula devant
aucune cruauté. Le tribunal de
l'Inquisition, qui avait été établi vers la fin du quinzième siècle
sous le nom sacrilège infâme de «Saint Office», s'enivra de la volupté
d'une cruauté barbare au siècle de la Réforme et infligea des tortures
indescriptibles à des personnes secrètement accusées d'hérésie. Dans les premiers stades de la Réforme provoquée
par Luther, le roi d'Angleterre, Henri VIII, se déclara partisan du pape,
et celui‑ci le récompensa en lui conférant, en guise de
distinction, le titre de «Défenseur de la Foi». Quelques années plus
tard, ce même souverain britannique était excommunié de l'Eglise
romaine pour avoir impatiemment dédaigné l'autorité du pape lorsque
Henri voulut divorcer de la reine Catherine pour pouvoir épouser l'une de
ses dames de compagnie. Le parlement britannique passa, en 1534, l’Act
of Supremacy, en vertu duquel la nation était déclarée affranchie de
toute allégeance à l'autorité papale. Par une loi, le roi fut nommé
chef de l'Eglise sur son propre territoire. C'est ainsi que naquit
l'Eglise d'Angleterre, résultat direct des amours licencieuses d'un roi débauché
et infâme. Avec une indifférence blasphématoire pour l'absence
d'autorité divine, sans aucune apparence de succession sacerdotale, un
souverain adultère créa une Eglise, y établit une «prêtrise» à lui
et se proclama administrateur suprême de toutes les affaires
spirituelles. Celui qui étudie l'histoire connaît bien le
conflit qui fit rage entre le catholicisme et le protestantisme en
Grande-Bretagne. Qu'il nous suffise de dire ici que la haine
mutuelle entre les deux sectes en conflit, le zèle de leurs adhérents
respectifs, leur amour prétendu de Dieu et leur dévouement au service du
Christ, se signalaient surtout par l'épée, la hache et le bûcher. Enivrés
de la conscience d'être au moins partiellement émancipés de la tyrannie
ecclésiastique, les hommes et les nations prostituèrent leur liberté de
pensée, de parole et d'action nouvellement acquise en des excès atroces.
L’Age de Raison, comme on l'a appelé à tort, et les abominations athées,
dont le point culminant fut la Révolution française, sont le témoignage
ineffaçable de ce que l'homme peut devenir lorsqu'il se glorifie de
renier Dieu. Est-il
étonnant qu'à partir du seizième siècle les Eglises inventées par
l'homme se soient multipliées avec une rapidité phénoménale? Les
Eglises et les organisations religieuses professant le christianisme pour
credo peuvent se compter par centaines. De toutes parts on entend
aujourd'hui: «Voici, le Christ est ici» ou «Voici, il est là». Il y a
des sectes qui tirent leur nom des circonstances de leur origine -
comme l'Eglise d'Angleterre; d'autres portent le nom de leurs fondateurs
ou créateurs célèbres: luthérienne, calviniste, wesleyenne; certaines
sont connues par des points particuliers de doctrine ou de leur système
d'administration: méthodiste, presbytérienne, baptiste, congrégationaliste;
mais jusqu'à la troisième décennie du dix-neuvième siècle, il
n'y avait pas sur terre d'Eglise affirmant porter le nom ou le titre
d'Eglise de Jésus-Christ. La seule organisation appelée église
qui existait à l'époque et qui s'aventurait à prétendre à l'autorité
par succession était l'Eglise catholique, qui était apostate depuis des
siècles et entièrement privée d'autorité ou d'acceptation divine. Si
«I'Eglise-mère» était sans prêtrise valide et dépourvue de
puissance spirituelle, comment ses rejetons pouvaient-ils retirer
d'elle le droit d'officier dans les choses de Dieu? Qui oserait affirmer
que l'homme peut créer une prêtrise que Dieu soit obligé d'honorer et
de reconnaître? En admettant que les hommes puissent créer et créent
entre eux des sociétés, des associations, des sectes et même des «Eglises»,
s'ils décident de donner ce nom à leurs organisations, en admettant
qu'ils puissent prescrire des règles, formuler des lois et concevoir des
plans d'action, de discipline et de gouvernement et que toutes ces lois, règlements
et plans d'administration soient imposables à ceux qui s'en prétendent
membres - en admettant tous ces droits et ces prérogatives -
d'où ces institutions humaines peuvent-elles tirer l'autorité de
la Sainte Prêtrise sans laquelle il ne peut y avoir d'autorité d'Eglise
du Christ[10]? La
situation apostate du christianisme a été franchement reconnue par
beaucoup de représentants éminents et consciencieux des diverses Eglises
ainsi que par des institutions religieuses. Même l'Eglise d'Angleterre
reconnait ce fait terrible dans la déclaration officielle de sa dégénérescence,
comme cela est exposé dans la «Homily Against Peril of IdoIatry» (Homélie
contre les dangers de l'idolâtrie) en ces termes: «De sorte que les laïcs et le clergé, les
savants et les ignorants, les gens de tout âge, de toutes confessions, et
tous les genres d'hommes, de femmes et d'enfants de tout le christianisme
- chose horrible et atroce à penser - ont été à la fois
noyés dans une idolâtrie abominable; de tous les autres vices, le plus détesté
de Dieu et le plus condamnable pour l'homme; et ce dans l'espace de huit
cents ans et davantage[11]» Il
ne faut pas en conclure que pendant toute la nuit de l'apostasie
universelle, si longue et ténébreuse qu'elle ait été, Dieu avait oublié
le monde. L'humanité n'avait pas été entièrement abandonnée à
elle-même. L'Esprit de Dieu opérait dans la mesure où l'incrédulité
des hommes le permettait. Jean l'apôtre et les trois disciples néphites[12] œuvraient parmi les
hommes sans qu'on le sût. Mais pendant les siècles de ténèbres
spirituelles, les hommes vécurent et moururent sans le ministère d'un apôtre,
prophète, ancien, évêque, prêtre, instructeur ou diacre contemporain.
Le peu de piété qui existait dans les Eglises établies par l'homme était
dépourvu d'autorité divine. L’époque prévue par l'apôtre inspiré
était pleinement arrivée - l'humanité en général refusait de
supporter la saine doctrine, mais ayant la démangeaison d'entendre des
choses agréables, elle se donnait une foule de docteurs, selon ses
propres désirs, et avait en fait détourné l'oreille de la vérité pour
se tourner vers les fables[13].
Le premier quart du dix-neuvième siècle assista à l'accumulation
des conditions à remplir qui avaient été prédites par le truchement du
prophète Amos: «Voici: les jours viennent, - oracle du Seigneur,
l'Eternel - où j'enverrai une famine dans le pays, non pas une
disette de pain ni une soif d'eau, mais (la faim et la soif) d'entendre
les paroles de l'Eternel. Ils seront alors errants d'une mer à l'autre,
du nord à l'est; ils tituberont à la recherche de la parole de
l'Eternel, et ils ne la trouveront pas[14].» Pendant toute la durée de l'apostasie, les écluses
des cieux avaient été fermées au monde de manière à exclure toute révélation
directe de Dieu et en particulier tout ministère personnel, ou théophanie,
du Christ. L'humanité avait cessé de connaître Dieu et avait entouré
les paroles des prophètes et des apôtres d'autrefois, qui l'avait connu,
d'un manteau de mystère et d'imagination, de sorte que l'on ne croyait
plus en l'existence du Dieu vrai et vivant; à sa place les Eglises
avaient essayé de concevoir un être incompréhensible, dépourvu de «corps,
parties ou passions», un néant immatériel[15]. Mais il
avait été décidé dans le Conseil des Cieux qu'après un grand nombre
de siècles d'ignorance et de ténèbres le monde serait de nouveau éclairé
par la lumière de la vérité. Par le fonctionnement du génie de
l'intelligence, qui est l'esprit de vérité, l'âme du genre humain avait
subi une préparation semblable au labourage profond d'un champ pour que
l'Evangile pût de nouveau être semé. Le principe du compas du marin fut
révélé par l'Esprit; son incarnation matérielle fut inventée par
l'homme, et, avec son aide, les océans inconnus furent explorés. Vers la
fin du quinzième siècle, Colomb fut conduit par l'inspiration de Dieu à
découvrir le Nouveau Monde, sur lequel demeurait la postérité dégénérée
de Léhi, survivante à la peau sombre de la maison d'Israël: les Indiens
américains. En temps voulu, les navires
Mayflower et Speedwell amenèrent les Pères Pèlerins dans le Nouveau
Monde, avant-garde d'une armée de gens fuyant l'exil et cherchant
un nouveau foyer où ils pourraient adorer suivant leur conscience.
L’arrivée de Colomb et l'émigration ultérieure des Pères Pèlerins
avaient été prédites près de six cents ans avant le Christ; leur
mission respective leur avait été aussi réellement confiée que l'envoi
de tout prophète avec un message à remettre et une œuvre à accomplir[16]. La guerre entre les colonies américaines et la
métropole et l'issue victorieuse qu'elle eut pour la nation américaine,
émancipée une fois pour toutes du gouvernement monarchique, avaient été
annoncées comme une étape supplémentaire de la préparation au rétablissement
de l'Evangile. Du temps fut laissé pour qu'un gouvernement stable fut établi,
pour que des hommes choisis fussent suscités et inspirés à élaborer et
à promulguer la Constitution des Etats-Unis, qui promet à tout
homme l'entière liberté politique et religieuse. Il ne convenait pas que
la semence précieuse de l'Evangile rétabli fût lancée sur un sol non
labouré, endurci par l'intolérance et capable de ne produire que les
ronces du fanatisme et les mauvaises herbes abondantes du servage mental
et spirituel. L'Evangile de Jésus-Christ est l'incarnation de la
liberté; il est la vérité qui affranchira tous les hommes et toutes les
nations qui accepteront ses préceptes et y obéiront. Lorsque le moment fut venu, le Père éternel et
son Fils, Jésus le Christ, apparurent à l'homme sur la terre et
ouvrirent la dispensation de la plénitude des temps. NOTES
DU CHAPITRE 40 1.
Cessation de la révélation sur le continent américain : «Le monde oriental avait perdu sa
connaissance du Seigneur avant le monde occidental. En Amérique du Nord, quatre cents ans après la naissance de notre Sauveur
et Maître, il y avait un homme au moins qui savait que le Seigneur Dieu Tout-Puissant était une personnalité distincte, un être capable
de se faire connaître à l'homme. Cet homme était Moroni, fils de
Mormon, dont le témoignage reste maintenant et doit rester à tous les âges
à venir» - (Georges Q. Cannon, Life of Joseph Smith, p. 21. Voir
LM, Moro 10:27-34). 2. Les résultats de la grande apostasie divinement annulés pour donner
finalement du bien : L'étudiant consciencieux ne peut manquer de voir dans la
progression de la grande apostasie et dans ses résultats l'existence
d'une puissance supérieure, qui, quoique ses voies soient impénétrables,
vise un bien ultérieur. Les persécutions navrantes infligées aux saints
dans les premiers siècles de notre ère, l'angoisse, la torture,
l'effusion de sang subies pour défendre le témoignage du Christ, l'essor
d'une Eglise apostate, obnubilant l'intelligence et menant les âmes des
hommes captives, toutes ces scènes terribles étaient connues d'avance
par le Seigneur. Bien que nous ne puissions ni dire ni croire que ces
signes de dépravation et de blasphème humains fussent en accord avec la
volonté divine, il est certain que Dieu voulut accorder le libre arbitre
à l'homme, ce qui permit à certains de remporter la couronne du martyre
et à d'autres de remplir toute la mesure de leur iniquité. La permission
divine n'est pas moins évidente dans les révoltes et dans les réformes
qui se développèrent en opposition à l'influence de l'Eglise apostate
qui allait en empirant. Wycliff et Huss, Luther et Mélanchton, Zwingli et
Calvin, Henri VIII dans son arrogante prétention à l'autorité
sacerdotale, John Knox en Ecosse, Roger Williams en Amérique, tous et une
foule d'autres construisaient mieux qu'ils ne le pensaient en ceci que
leurs efforts posaient en partie les fondations de la liberté religieuse
et de la liberté de conscience, en préparation au rétablissement de
l'Evangile comme cela avait été divinement prédit (La Grande
apostasie, 10:19, 20). 3. La déclaration d'une apostasie générale
par l'Eglise anglicane : Le Livre des Homélies, dont est tirée
la citation donnée dans le texte, fut publié vers le milieu du seizième
siècle. Cette proclamation officielle de l'apostasie universelle fut
rendue éminemment publique, car les homélies étaient «destinées à être
lues dans les églises», dans certains cas, au lieu du sermon. Dans la déclaration
que nous avons citée, l'Eglise anglicane affirme solennellement qu'un état
d'apostasie affectant tous les âges, tous les groupes religieux et tous
les niveaux dans l'ensemble du christianisme avait régné pendant huit
cents ans avant l'établissement de l'Eglise qui faisait cette déclaration.
Cette affirmation garde toute sa valeur aujourd'hui, tant comme confession
que comme profession de l'Eglise anglicane, car l'homélie «Contre le péril
de l'idolâtrie» et certaines autres homélies sont spécialement ratifiées
et approuvées, et il est d'ailleurs prescrit qu'elles sont «à lire
diligemment et distinctement par les ministres dans les églises afin
qu'elles soient comprises du peuple». Voir «Articles of Religion» XXXV,
dans les éditions courantes de l'Eglise anglicane, Book of common Prayer. 4. Le «credo d'Athanase» : Au concile de Nicée, convoqué par l'empereur
Constantin, en 325 ap. J.-C., on adopta une déclaration officielle
de foi concernant la Divinité. Plus tard, on en publia une modification,
appelée le «credo d'Athanase», et bien que l'identité de son auteur
fasse l'objet de doutes, le credo a sa place dans le rituel de certaines
Eglises protestantes. Il n'est pas nécessaire d'apporter de preuve plus
concluante que le credo d'Athanase du fait que les hommes avaient cessé
de connaître Dieu. «Le credo de saint Athanase», tel que l'Eglise
anglicane le confesse aujourd'hui, et tel qu'il est publié dans le rituel
officiel (voir Prayer Book) déclare: «Nous adorons un seul Dieu dans la
Trinité et la Trinité en Unité, sans confondre les personnes ni diviser
la substance, car il y a une personne pour le Père, une autre pour le
Fils, et une autre pour le Saint-Esprit. Mais la Divinité du Père,
du Fils et du Saint-Esprit est tout une; la gloire égale, la majesté
coéternelle. Tel que le Père est, tel est le Fils et tel est le
Saint-Esprit. Le Père incréé, le Fils incréé et le Saint-Esprit
incréé. Le Père incompréhensible, le Fils incompréhensible et le
Saint-Esprit incompréhensible. Le Père éternel, le Fils éternel
et le Saint-Esprit éternel, mais un seul éternel. Et il n'y a pas non
plus trois incompréhensibles, ni trois incréés, mais un seul incréé
et un seul incompréhensible. De même, le Père est Tout-Puissant,
le Fils Tout-Puissant et le Saint-Esprit Tout-Puissant;
et cependant il n'y a pas trois Tout-Puissants, il n'y a qu'un seul
Tout-Puissant. De même, le Père est Dieu, le Fils est Dieu, et le
Saint-Esprit est Dieu, mais cependant il n'y a pas trois Dieux mais
un seul Dieu.» Vient ensuite une confession étrange de ce qui
est à la fois exigé par «Ia vérité chrétienne», et interdit par «la
religion catholique»: «Car de même que nous sommes obligés par la vérité
chrétienne: de reconnaître chaque Personne en elle‑même être
Dieu et Seigneur, de même il nous est interdit par la religion
catholique: de dire, il y a trois Dieux, ou trois Seigneurs.» 5. La
mission de Colomb et ses résultats : A Néphi, fils de Léhi, fut montré
l'avenir de son peuple, y compris la dégénérescence d'une de ses
branches, appelée plus tard Lamanites et, dans les temps modernes, amérindiens.
La venue d'un homme d'entre les Gentils au travers des eaux profondes fut
révélée avec une telle clarté qu'on peut identifier formellement cet
homme comme étant Colomb; et l'arrivée en Amérique d'autre Gentils,
sortis de captivité, est tout aussi explicite. Néphi, à qui la révélation
fut donnée, la rapporte comme suit: «Et je regardai et vis beaucoup
d'eaux; et elles séparaient les Gentils de la postérité de mes frères.
Et l'ange me dit: Voici, la colère de Dieu est sur la postérité de tes
frères. Et je regardai, et je vis un homme parmi les Gentils; il était séparé
de la postérité de mes frères par les grandes eaux; et je vis l'Esprit
de Dieu descendre sur cet homme et agir en lui; et il s'en alla sur les
grandes eaux, et se rendit auprès de la postérité de mes frères qui
vivait dans la terre promise. Et je vis l'Esprit de Dieu agir sur d'autres
Gentils; et ils sortirent de captivité et s'en allèrent sur les grandes
eaux» (1 Né 13:10-13). Le même chapitre expose avec une clarté
tout aussi grande l'établissement d'une grande nation de gentils sur le
continent américain, la subjugation des Lamanites ou Indiens, la guerre
entre la nation nouvellement créée et la Grande-Bretagne, ou «Ies
Gentils dont ils étaient originaires», et le résultat victorieux de
cette lutte pour l'indépendance.
[1] Note 1, fin du
chapitre. [2] Il nous est impossible de tenter
de donner un récit étendu de l'apostasie de l'Eglise primitive; le
lecteur voudra bien se reporter à des ouvrages spéciaux traitant de
cet important sujet. Voir «La Grande apostasie considérée à la
lumière de l'histoire scripturaire et profane», de l'auteur,
ouvrage de 176 pages. [3] Voir La Grande
apostasie, chap. 4 et 5. [4] 2 Th 2:3, 4. [5] Es 24:5. [6] La doctrine
erronée de la «transsubstantiation» affirme que le pain et le vin
administrés comme emblèmes de la chair et du sang du Christ dans le
sacrement du repas du Seigneur sont transformés par la consécration
sacerdotale en véritable chair et sang de Jésus-Christ. Voir La
Grande apostasie, p. 122. Pour ce qui est de la «surérogation»,
voir page 635 supra. [7] La Grande
apostasie, chap. 6, 7, 8. [8] La Grande apostasie, pp. 92, 93; le sujet
est traité dans son ensemble aux chapitres 6 à 9 inclus. [9] Note 2, fin du chapitre. [10] Ce paragraphe est partiellement
une paraphrase de La Grande
apostasie, 10:21, 22. [11] Note 3, fin du chapitre. [12] Pages 746 et 792. [13] Voir 2 Th 4:1-4 et La
Grande apostasie, 2:30. [14] Amos 8:11, 12. [15] Voir le «Book of Common Prayer»,
de l'Eglise anglicane, «Articles of Religion», 1. Note 4, fin du
chapitre. [16] Voir LM, 1 Né 13:10-13.
Note 5, fin du chapitre.
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