CHAPITRE
21 : LA MISSION APOSTOLIQUE ET LES ÉVÉNEMENTS QUI S'Y RAPPORTENT JÉSUS
DE RETOUR À NAZARETH[1] On se souviendra que dans
les premiers temps de son ministère public, Jésus avait été rejeté du
peuple de Nazareth, qui l'expulsa de sa synagogue et essaya de le tuer[2].
Il semble qu'à la suite des événements notés dans notre dernier
chapitre, il soit retourné à la ville de sa jeunesse et ait de nouveau
élevé la voix dans la synagogue, accordant ainsi miséricordieusement au
peuple une autre occasion d'apprendre et d'accepter la vérité. Comme ils
l'avaient déjà fait, les Nazaréens exprimèrent de nouveau à haute
voix leur étonnement devant les paroles qu'il prononçait et les
nombreuses œuvres miraculeuses qu'il avait accomplies; néanmoins ils le
rejetèrent de nouveau, car il ne venait pas comme ils s'attendaient à
voir le Messie venir; et ils refusèrent de le tenir pour quelqu'un
d'autre que «le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de
Joses, de Jude et de Simon», qui étaient des gens ordinaires de même
que ses sœurs. «Et il était pour eux une occasion de chute[3].»
Leur incrédulité l'étonna[4]; et à cause de leur manque de
foi, il fut incapable d'accomplir aucune grande œuvre si ce n'est de guérir
quelques croyants exceptionnels auxquels il imposa les mains. Quittant
Nazareth, il entreprit sa troisième tournée des villes et des villages
galiléens, prêchant et enseignant en chemin[5]. LES
DOUZE CHARGÉS DE MISSION ET ENVOYÉS[6] C'est également vers
cette époque que Jésus commença une expansion notable du ministère du
royaume en envoyant les Douze en mission. Depuis leur ordination les apôtres
avaient accompagné leur Seigneur, s'instruisant auprès de lui lors de
ses discours publics et de ses exposés privés, et acquérant une expérience
et une formation précieuses grâce à cette association privilégiée et
bénie. Il les ordonna «pour les avoir avec lui, et pour les envoyer prêcher[7]».
Voilà des mois qu'ils étaient élèves sous la direction vigilante du Maître;
et maintenant ils étaient appelés à entreprendre les devoirs de leur
appel comme des prédicateurs de l'Evangile et témoins personnels du
Christ. Comme préparation finale, ils reçurent explicitement et
solennellement leurs charges[8]. Certaines des instructions
qui leur furent données en cette occasion avaient particulièrement trait
à la première mission, dont ils reviendraient faire leur rapport en
temps voulu; d'autres directives et exhortations seraient d'application
pendant toute la durée de leur ministère, même après l'ascension du
Seigneur. Ils reçurent l'ordre de
limiter provisoirement leur ministère aux «brebis perdues de la maison
d'Israël» et de ne pas faire de propagande parmi les Gentils[9],
ni même dans les villes samaritaines. C'était une restriction
temporaire, imposée par la sagesse et la prudence; plus tard, comme nous
le verrons, ils reçurent l'ordre de prêcher parmi toutes les nations,
ayant le monde comme champ d'action[10]. Le sujet de leurs
discours devait être ce qu'ils avaient entendu le Maître prêcher: «Le
royaume des cieux est proche.» Ils devaient exercer l'autorité de la
Sainte Prêtrise qui leur avait été conférée par ordination; il
entrait officiellement dans leurs attributions de guérir les malades, de
ressusciter les morts, de purifier les lépreux, de chasser les démons,
selon que les occasions s'en présentaient; et ils reçurent le
commandement de donner gratuitement comme ils avaient reçu gratuitement.
Ils ne devaient pas s'occuper de leur confort personnel ni de leurs
besoins corporels; le désir du peuple de recevoir et d'assister ceux qui
venaient au nom du Seigneur devait être mis à l'épreuve, et les apôtres
eux-mêmes devaient apprendre à se reposer sur une Providence plus digne
de confiance que l'homme; c'est pourquoi ils devaient laisser derrière
eux l'argent, les vêtements de rechange et tout élément de confort.
Dans les diverses villes où ils entreraient, ils devraient se faire
inviter et donner leur bénédiction à toutes les bonnes familles qui les
recevraient. S'ils se trouvaient rejetés par un foyer ou par une ville
entière, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds en partant,
comme témoignage contre les gens[11];
et il était décrété que, le jour du jugement, le sort du lieu ainsi dénoncé
serait pire que celui des villes corrompues de Sodome et de Gomorrhe sur
lesquelles le feu du ciel était descendu. Il fut dit aux apôtres d'être
prudents, de n'offenser personne inutilement mais d'être sages comme des
serpents et simples comme des colombes, car ils étaient envoyés comme
des brebis au milieu des loups. Ils ne devaient pas se confier
imprudemment au pouvoir des hommes, car des méchants les persécuteraient,
chercheraient à les traîner devant les tribunaux et les battraient dans
les synagogues. En outre, ils pouvaient s'attendre à être amenés devant
les gouverneurs et les rois, et dans ces situations extrêmes, ils
devaient se reposer sur l'inspiration divine pour ce qu'ils diraient et ne
pas compter sur leur propre sagesse pour préparer leurs paroles; «car,
dit le Maître, ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père
qui parlera en vous[12]». Ils ne devaient même pas
se fier à leur parenté pour assurer leur protection, car les familles se
diviseraient à cause de la vérité, frère contre frère, enfants contre
parents, et la lutte qui en résulterait serait mortelle. Ces serviteurs
du Christ furent avertis qu'ils seraient haïs de tous les hommes mais reçurent
l'assurance que leurs souffrances seraient pour l'amour de son nom. Ils
devaient se retirer des villes qui les persécutaient et se rendre dans
d'autres; et le Seigneur les suivrait, avant même qu'ils n'eussent pu
terminer la tournée des villes d'Israël. Ils furent exhortés à
l'humilité et devaient toujours se souvenir qu'ils étaient des
serviteurs qui ne devaient pas s'attendre à échapper alors que même
leur Maître était assailli. Néanmoins ils devaient être intrépides et
ne pas hésiter à prêcher clairement l'évangile, car tout ce que leurs
persécuteurs pouvaient faire, c'était tuer le corps, sort qui n'était
rien comparé à celui de subir la destruction de l'âme en enfer. Les apôtres furent assurés
du soin vigilant du Père lorsque Jésus leur rappela simplement que bien
que l'on vendît deux passereaux pour un sou, cependant il n'en pouvait être
sacrifié aucun sans la volonté du Père, et que par conséquent, eux qui
avaient plus de valeur que beaucoup de passereaux ne seraient pas oubliés.
Ils furent solennellement avertis que quiconque confessait librement le
Christ devant les hommes, il le reconnaîtrait en présence du Père,
tandis que ceux qui le renieraient devant les hommes seraient reniés dans
les cieux. Il leur fut dit encore que l'Evangile apporterait des luttes
qui détruiraient les foyers, car la doctrine que le Seigneur avait
enseignée serait comme une épée qui couperait et séparerait. Les
devoirs de leur ministère devaient l'emporter sur leur amour pour leur
famille; ils devaient être disposés à quitter père, mère, fils ou
fille, quel que fût le sacrifice; car, dit Jésus: «Celui qui ne prend
pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi.» La signification de cette
comparaison doit avoir été solennellement frappante et en fait
terrifiante; car la croix était un symbole d'ignominie, de souffrances
extrêmes et de mort. Cependant, s'ils devaient perdre la vie pour l'amour
de lui, ils trouveraient la vie éternelle; tandis que celui qui n'était
pas disposé à mourir au service du Seigneur perdrait la vie dans un sens
à la fois littéral et terrible. Ils ne devaient jamais oublier au nom de
qui ils étaient envoyés, et ils furent consolés par l'assurance que
quiconque les recevrait serait récompensé comme s'il avait reçu le
Christ et son Père, et que même si le don n'était qu'un verre d'eau
froide, le donateur ne perdrait nullement sa récompense. Ainsi chargés de mission
et instruits, les douze témoins spéciaux du Christ se mirent en route,
voyageant deux par deux[13], tandis que Jésus
poursuivait son ministère personnel. LE RETOUR DES DOUZE Nous n'avons aucun
renseignement précis sur la durée de la première mission des douze apôtres
ni l'étendue du territoire qu'ils parcoururent. La période de leur
absence fut marquée de nombreux événements importants dans les travaux
personnels de Jésus. Il est probable que pendant ce temps notre Seigneur
se rendit à Jérusalem, lors de la fête des Juifs dont le nom n'est pas
cité et dont parle Jean[14]. Tandis que les apôtres étaient
absents, Jésus reçut la visite des disciples du Baptiste, comme nous
l'avons déjà vu[15], et le retour des Douze se
produisit vers l'époque de l'exécution infâme de Jean-Baptiste en
prison[16]. Les efforts missionnaires
des apôtres accrurent grandement l'expansion de la nouvelle doctrine du
royaume, et le nom et les œuvres de Jésus furent proclamés dans tout le
pays. Le peuple de Galilée était à l'époque dans un état de mécontentement
qui menaçait de dégénérer en insurrection ouverte contre le
gouvernement; son agitation avait été aggravée par le meurtre du
Baptiste. Hérode Antipas, qui avait donné l'ordre fatal, tremblait dans
son palais. Avec une crainte due à la conviction qu'il avait intérieurement
de sa culpabilité, il entendit parler des œuvres merveilleuses
accomplies par Jésus et affirma, terrifié, que le Christ ne pouvait être
nul autre que Jean-Baptiste revenu du tombeau. Ses courtisans adulateurs
essayèrent d'apaiser ses craintes en disant que Jésus était Elie ou
quelque autre des prophètes dont l'avènement avait été prédit; mais Hérode,
tourmenté par sa conscience, dit: «Ce Jean que j'ai fait décapiter,
c'est lui qui est ressuscité.» Hérode désira voir Jésus; peut-être
était-ce dû à la fascination de la crainte, ou dans le faible espoir
que la vue du prophète renommé de Nazareth pourrait dissiper sa crainte
superstitieuse que Jean assassiné ne fût revenu à la vie. Leur tournée missionnaire
terminée, les apôtres rejoignirent le Maître et lui firent rapport de
ce qu'ils avaient enseigné et de ce qu'ils avaient accompli dans leur
ministère autorisé. Ils avaient prêché l'Evangile de repentir dans
toutes les villes, bourgades et villages où ils s'étaient rendus; ils
avaient oint d'huile beaucoup d'affligés, et la puissance de leur prêtrise
avait été attestée par les guérisons qui avaient suivi; même des
esprits impurs et des démons leur avaient été soumis[17].
Ils trouvèrent Jésus accompagné d'une grande multitude; et ils n'eurent
guère l'occasion d'avoir un entretien privé avec lui, «car beaucoup de
personnes allaient et venaient, et ils n'avaient pas même le temps de
manger». Les apôtres durent entendre avec plaisir l'invitation du
Seigneur: «Venez à l'écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu.»
A la recherche d'un lieu solitaire, Jésus et les Douze se retirèrent de
la foule et montèrent seuls dans un bateau dans lequel ils traversèrent
jusqu'à un endroit dans la campagne, proche de Bethsaïda[18].
Cependant leur départ n'était pas passé inaperçu, et des foules avides
se hâtèrent le long du rivage et en partie autour de l'extrémité
septentrionale du lac pour rejoindre le groupe au lieu de débarquement.
Le récit de Jean nous pousse à conclure qu'avant l'arrivée d'un grand
nombre de personnes, Jésus et ses compagnons étaient montés au flanc de
la colline près de la rive, où ils s'étaient reposés un peu. Lorsque
la multitude se rassembla sur les pentes inférieures, notre Seigneur la
contempla comme on contemple des brebis sans berger; cédant alors au désir
de la foule et à sa propre piété divine, il lui enseigna beaucoup de
choses, guérit ceux qui étaient affligés et réconforta les cœurs avec
une tendresse compatissante. PREMIÈRE
MULTIPLICATION DES PAINS[19] Les gens désiraient si
vivement entendre les paroles du Seigneur et se préoccupaient à tel
point du soulagement miraculeux qui résultait de ses bénédictions guérisseuses,
qu'ils restèrent dans le désert, oubliant l'écoulement des heures,
jusqu'à l'approche du soir. C'était au printemps près du retour de la fête
annuelle de la Pâque, époque de l'herbe et des fleurs[20]. Jésus se rendant compte
que le peuple avait faim, demanda à Philippe, l'un des Douze: «Où achèterons-nous
des pains pour que ces gens aient à manger?» Le but de cette question était
de mettre la foi de l'apôtre à l'épreuve; en effet le Seigneur avait déjà
décidé ce qui devait être fait. La réponse de Philippe montra sa
surprise devant cette question et exprima sa pensée que l'entreprise
proposée était impossible. «Les pains qu'on aurait pour deux cents
deniers ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu», dit-il.
André ajouta qu'il y avait là un garçon qui avait cinq pains d'orge et
deux petits poissons. «Mais, dit-il, qu'est-ce que cela pour tant de
personnes?» Tel est le récit de Jean; les autres auteurs déclarent que
les apôtres rappelèrent à Jésus que l'heure était avancée et
l'exhortèrent à renvoyer les gens se chercher eux-mêmes de la
nourriture et du logement dans les villes voisines. Il semble très
probable que la conversation entre Jésus et Philippe se produisit plus tôt
dans l'après-midi[21], et que, les heures s'écoulant
rapidement, les Douze devinrent soucieux et recommandèrent le renvoi de
la multitude. La réponse du Maître aux apôtres fut: «Elles n'ont pas
besoin de s'en aller: donnez-leur vous-mêmes à manger.» Stupéfaits,
ils répondirent: «Nous n'avons ici que cinq pains et deux poissons»; et
le commentaire désespéré d’André est de nouveau sous-entendu:
Qu'est-ce que cela pour tant de gens? A la demande de Jésus, le
peuple s'assit sur l'herbe en ordre; il se groupa par cinquantaines et
centaines; et on s'aperçut que la multitude se composait d'environ cinq
mille hommes, outre les femmes et les enfants. Prenant les pains et les
poissons, Jésus leva les yeux au ciel et bénit la nourriture; puis, répartissant
les provisions, il en donna aux apôtres respectivement, et à leur tour,
ils firent la distribution à la multitude. La substance des poissons et
du pain s'accrut au contact du Maître, et la multitude festoya dans le désert
jusqu'à ce que tous fussent rassasiés. Jésus dit aux disciples: «Ramassez
les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde»; et on remplit douze
paniers de ce qui restait. La connaissance humaine est incapable
d'expliquer le miracle lui-même. Bien qu'accompli sur une si grande échelle,
il n'est ni plus ni moins inexplicable que n'importe laquelle des autres
œuvres miraculeuses du Seigneur. C'était une manifestation de puissance
créatrice, grâce à laquelle des éléments matériels étaient organisés
et composés de manière à répondre à un besoin présent et pressant.
La partie rompue mais inutilisée dépassait en volume et en poids la
petite réserve originelle tout entière. L’ordre de notre Seigneur de
rassembler les fragments était une leçon par l'exemple impressionnante
contre le gaspillage; et c'est peut-être pour permettre pareille leçon
qu'un excédent fut donné. Le menu était simple et cependant
nourrissant, sain et satisfaisant. Le pain d'orge et les poissons
constituaient la nourriture ordinaire des classes pauvres de la région.
La transformation de l'eau en vin à Cana était une transmutation
qualitative; l'alimentation de la multitude nécessitait un accroissement
quantitatif; qui peut dire que l'un de ces miracles fut plus merveilleux,
et lequel? La multitude, maintenant
nourrie et rassasiée, se mit à réfléchir au miracle. En Jésus, par
lequel une œuvre si grande s'était accomplie, elle reconnaissait
quelqu'un qui avait des pouvoirs surhumains. «Vraiment c'est lui le prophète
qui vient dans le monde», dit-elle: le prophète dont la venue avait été
prédite par Moïse et qui serait semblable à lui. De même qu'Israël
avait été nourri miraculeusement du temps de Moïse, de même maintenant
du pain était fourni dans le désert par ce nouveau prophète. Dans son
enthousiasme, le peuple proposa de le proclamer roi et de le forcer à
devenir son chef. Telle était sa conception grossière du gouvernement
messianique. Jésus ordonna à ses disciples de partir en bateau, tandis
qu'il restait pour renvoyer la multitude maintenant excitée. Les
disciples hésitaient à quitter leur Maître, mais il les y contraignit
et ils obéirent. Son insistance à ce que les Douze les quittent, tant
lui que la multitude, était peut-être due au désir de protéger les
disciples élus contre une contagion possible des desseins matérialistes
et impies de la foule de le faire roi. Par des moyens qui ne sont pas détaillés,
il fit disperser le peuple; comme la nuit avançait, il trouva ce qu'il était
venu chercher, la solitude et la tranquillité. Montant sur la colline, il
choisit un lieu solitaire et y resta en prière pendant la plus grande
partie de la nuit. «C'EST
MOI; N'AYEZ PAS PEUR![22]» Le retour en bateau s'avéra
être un voyage mémorable pour les disciples. Ils rencontrèrent un fort
vent debout, qui rendait naturellement l'usage des voiles impossible;
malgré leurs grands efforts aux rames, l'embarcation échappait
pratiquement à leur contrôle et dansait au milieu de la mer[23]. Bien qu'ils eussent
travaillé toute la nuit, ils avaient avancé de moins de six kilomètres;
faire demi-tour et aller dans la direction du vent, ç'aurait été
provoquer un naufrage désastreux; leur seul espoir était de maintenir
l'embarcation dans le vent à la force du poignet. Jésus, dans sa
retraite solitaire, était conscient de leur pénible situation et, au
cours de la quatrième veille[24], c'est-à-dire entre
trois et six heures du matin, il vint à leur secours, marchant sur l'eau
projetée par la tempête comme s'il marchait sur la terre ferme. Lorsque
les voyageurs le virent approcher du bateau dans la faible lumière de la
nuit presque terminée, ils furent envahis d'une crainte superstitieuse et
se mirent à hurler de terreur, croyant voir un spectre. «Jésus leur dit
aussitôt: Rassurez-vous: c'est moi; n'ayez pas peur!» Soulagés par ces paroles
rassurantes, Pierre, impétueux et impulsif comme toujours, s'écria: «Si
c'est toi[25], ordonne-moi d'aller vers toi
sur les eaux.» Jésus ayant donné son accord, Pierre descendit du bateau
et marcha vers son Maître; mais comme le vent le frappait et que les
vagues s'élevaient autour de lui, sa confiance vacilla et il commença à
s'enfoncer. Bien que nageur puissant[26],
il céda à la peur et s'écria: «Seigneur, sauve-moi!» Jésus le saisit
par la main, disant: «Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?» L'expérience remarquable
de Pierre nous apprend que la puissance qui permettait au Christ de
marcher sur les vagues pouvait opérer chez les autres à la seule
condition que leur foi fût durable. C'était sur la demande même de
Pierre qu'il avait reçu la permission de tenter l'exploit. Si Jésus le
lui avait interdit, la foi de l'homme aurait pu être freinée; sa
tentative, bien qu'échouant partiellement, était une démonstration de
l'efficacité de la foi au Seigneur, qu'aucun enseignement verbal n'aurait
jamais pu transmettre. Jésus et Pierre montèrent dans l'embarcation; immédiatement
le vent cessa, et le bateau parvint bientôt à la rive. L'étonnement des
apôtres, devant cette dernière manifestation du pouvoir du Seigneur sur
les forces de la nature, aurait été plus proche de l'adoration et aurait
ressemblé moins à de la consternation terrifiée, s'ils s'étaient
souvenus des miracles précédents dont ils avaient été témoins. Mais
ils avaient oublié jusqu'au miracle des pains, et leur cœur s'était
endurci[27]. S'étonnant de la puissance
de quelqu'un à qui la mer fouettée par le vent était un sol ferme, les
apôtres se prosternèrent devant le Seigneur en adoration respectueuse,
disant: «Tu es véritablement le Fils de Dieu[28].» Outre les circonstances
merveilleuses dans lesquelles il se produisit, ce miracle est riche en
symbolisme et en suggestions. L'homme est incapable de déterminer en
vertu de quelle loi ou de quel principe l'effet de la gravitation fut
suspendu de sorte qu'un corps humain put se tenir à la surface de l'eau.
Ce phénomène est une démonstration concrète de la grande vérité que
la foi est un principe de puissance, grâce auquel les forces naturelles
peuvent être conditionnées et gouvernées[29].
Tout adulte connaît des expériences semblables à la bataille des
voyageurs balancés dans la tempête contre des vents contraires et des
mers menaçantes; souvent la nuit de luttes et de dangers est fort avancée
avant que le secours n'apparaisse; et alors, trop fréquemment on prend
l'aide salvatrice pour un sujet de terreur plus grande. Comme elle parvint
à Pierre et à ses compagnons terrifiés au milieu des eaux tumultueuses,
de même parvient à tous ceux qui travaillent avec foi, la voix du Libérateur:
«C'est moi; n'ayez pas peur!» AU PAYS DE GÉNÉSARETH Le voyage nocturne au
cours duquel Jésus était parvenu au bateau et à ses occupants terrifiés
tandis qu'ils se trouvaient «au milieu de la mer», prit fin à un
endroit situé dans la région appelée le pays de Génésareth qui, comme
on le croit généralement, embrassait la région riche et fertile des
environs de Tibériade et de Magdala. On a beaucoup écrit sur les beautés
naturelles qui faisaient la célébrité de cette région[30].
La nouvelle de la présence de notre Seigneur se répandit rapidement, et,
de «tous les environs» le peuple s'attroupa autour de lui, amenant ses
affligés pour recevoir ses bienfaits par la parole ou le toucher. Dans
les villes qu'il traversait, on couchait les malades dans les rues afin
que la bénédiction de son passage tombât sur eux; et beaucoup «le
suppliaient afin de toucher seulement la frange de son vêtement. Et tous
ceux qui le touchaient étaient délivrés»[31]. Il donna abondamment de
sa vertu guérisseuse à tous ceux qui vinrent l'implorer avec foi et
confiance. C'est ainsi que, accompagné des Douze, il se rendit vers le
nord à Capernaüm, éclairant la voie de la plénitude de sa miséricorde. À
LA RECHERCHE DE PAINS ET DE POISSONS[32] La multitude qui, la
veille, avait bénéficié de sa générosité de l'autre côté du lac,
et qui s'était dispersée pour la nuit après sa vaine tentative de
l'obliger à accepter la dignité de la royauté terrestre, fut grandement
surprise de découvrir au matin qu'il était parti. Elle avait vu les
disciples s'en aller par le seul bateau qui se trouvait là, tandis que Jésus
était resté sur la berge; et elle savait que la tempête de la nuit
avait exclu toute possibilité que d'autres bateaux parviennent à cet
endroit. Néanmoins les recherches qu'elle entreprit ce matin-là pour le
découvrir furent vaines, et elle en déduisit qu'il avait dû retourner
par voie de terre autour de l'extrémité du lac. Comme le jour avançait,
des bateaux apparurent, se dirigeant vers la côte occidentale; elle les héla
et, ayant obtenu le passage, traversa la mer vers Capernaüm. Les difficultés à
trouver Jésus prirent fin, car sa présence était connue dans toute la
ville. Se dirigeant vers lui, probablement tandis qu'il était assis dans
la synagogue, car ce jour-là il y enseignait, les membres les plus
importants de la foule demandèrent brusquement et presque grossièrement:
«Rabbi, quand es-tu venu ici?» A cette question impertinente Jésus ne
daigna pas répondre directement; les gens n'avaient rien à voir avec le
miracle de la nuit précédente, et le Seigneur ne leur rendit aucun
compte de ses mouvements. Sur un ton de reproche impressionnant, Jésus
leur dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez,
non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé
des pains et que vous avez été rassasiés.» C'était du pain et des
poissons qu'ils se souciaient. Il ne fallait pas perdre de vue quelqu'un
qui pouvait leur fournir de la nourriture comme il l'avait fait. La réprimande du Maître
fut suivie d'exhortations et d'enseignements: «Travaillez, non en vue de
la nourriture qui périt mais en vue de la nourriture qui subsiste pour la
vie éternelle - celle que le Fils de l'homme vous donnera; car c'est lui
que le Père Dieu - a marqué de son sceau.» Ce contraste entre la
nourriture matérielle et spirituelle ne pouvait échapper entièrement à
leur compréhension, et certains d'entre eux demandèrent ce qu'ils
devaient faire pour servir Dieu comme Jésus le demandait. La réponse
fut: «Ce qui est l’œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui
qu'il a envoyé.» Nul ne pouvait douter que Jésus parlât de lui-même;
et ils lui demandèrent directement d'autres preuves de son autorité
divine; ils voulaient voir des prodiges plus grands. Le miracle des pains
et des poissons datait de presque un jour; et cette preuve des attributs
messianiques était en train de perdre de sa force. Moïse avait nourri
leurs pères de manne dans le désert, dirent-ils; et il est clair qu'ils
considéraient un approvisionnement quotidien constant comme un don plus
grand qu'un seul repas de pain et de poisson, même si ce dernier aurait
pu être apprécié à un moment où la faim était pressante. En outre,
la manne était une nourriture céleste[33].
tandis que le pain qu'il leur avait donné était terrestre, et du
vulgaire pain d'orge qui plus est. Il devait leur montrer de plus grands
miracles et leur donner une provende plus riche, avant qu'ils ne
l'acceptent comme Celui pour lequel ils l'avaient pris tout d'abord et
qu'il se déclarait maintenant être. LE
CHRIST, PAIN DE VIE[34] «Jésus leur dit: En vérité,
en vérité, je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain
venu du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain venu du ciel; car le
pain de Dieu c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde.»
Ils se trompaient en pensant que Moïse leur avait donné de la manne; et
après tout, la manne n'était que de la nourriture ordinaire, puisque
ceux qui en mangeaient avaient de nouveau faim; mais maintenant le Père
leur offrait un pain du ciel qui leur assurerait la vie. Comme la
Samaritaine près du puits, en entendant le Seigneur parler d'une eau qui
satisferait une fois pour toutes, avait demandé impulsivement et ne
pensant qu'au confort physique: «Seigneur, donne-moi cette eau, afin que
je n'aie plus soif et que je ne vienne plus puiser ici[35]»,
de même ces gens, vivement désireux d'obtenir une nourriture aussi
satisfaisante que celle dont Jésus parlait, implorèrent: «Seigneur,
donne-nous toujours ce pain-là.» Cette demande n'était peut-être pas
entièrement grossière; il peut avoir existé dans le cœur de certains
d'entre eux au moins un désir réel de nourriture spirituelle. Le
Seigneur répondit à leur appel par une explication: «Moi, je suis le
pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit
en moi n'aura jamais soif.» Il leur rappela que bien qu'ils l'eussent vu,
ils ne croyaient pas en ses paroles; il leur assura que ceux qui
l'acceptaient vraiment feraient ce que le Père ordonnait. Puis, sans métaphore
ni symbolisme, il affirma: «Je suis descendu du ciel pour faire, non ma
volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.» Et la volonté du Père
était que tous ceux qui accepteraient le Fils auraient la vie éternelle. Il y avait dans la
synagogue quelques-uns d'entre les dirigeants - Pharisiens, scribes,
rabbis - et ceux-ci, appelés collectivement Juifs, critiquèrent Jésus
et murmurèrent contre lui parce qu'il avait dit: «Moi, je suis le pain
descendu du ciel.» Ils affirmèrent qu'il ne pouvait rien faire de plus
qu'un autre; ils le tenaient pour le fils de Joseph, et pour autant qu'ils
le sachent, il était de parents terrestres tout à fait ordinaires;
pourtant il avait la témérité d'annoncer qu'il était descendu du ciel.
C'est surtout à cette classe de gens plutôt qu'à la foule mêlée qui
s'était pressée derrière lui que Jésus semble avoir adressé le reste
de son discours. Il leur conseilla de cesser leurs murmures, car il était
certain qu'ils ne pouvaient saisir ce qu'il voulait dire, et par conséquent
ne croiraient en lui que s'ils étaient «enseignés de Dieu» comme les
prophètes l'avaient été[36]; et nul ne pouvait venir à
lui, c'est-à-dire accepter son Evangile sauveur, si le Père ne
l'attirait au Fils; et nul, à moins d'être réceptif, disposé et préparé
ne pouvait être ainsi attiré[37].
Cependant la croyance au Fils de Dieu est une condition indispensable au
salut, comme Jésus le montra en affirmant: «En vérité, en vérité, je
vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle.» Puis, revenant au
symbolisme du pain, il répéta: «Moi, je suis le pain de vie.»
Continuant à expliquer, il dit que si leurs pères mangèrent vraiment la
manne dans le désert, cependant ils étaient morts, tandis que le pain de
vie dont il parlait assurerait la vie éternelle à tous ceux qui en
prenaient. Ce pain, affirmait-il, était sa chair. Les Juifs se
plaignirent de nouveau de cet aveu solennel et discutèrent entre eux,
certains demandant avec dérision: «Comment celui-ci peut-il nous donner
sa chair à manger?» Soulignant la doctrine, jésus continua: «En vérité,
en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme
et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Celui qui
mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et je le
ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et
mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon
sang demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père qui est vivant m'a
envoyé, je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi.
C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n'en est pas comme celui
qu'ont mangé vos pères: ils sont morts. Celui qui mange ce pain vivra éternellement.» Les Juifs n'avaient aucune
excuse de faire semblant de comprendre que notre Seigneur voulait dire
qu'il fallait manger et boire sa chair et son sang. Les paroles auxquelles
ils faisaient des objections, ils les comprenaient beaucoup plus
facilement que nous à première lecture; car le fait de représenter la
loi et la vérité en général comme du pain, et le fait de les accepter
comme de la nourriture et de la boisson étaient des images utilisées
quotidiennement par les rabbis de l'époque[38].
Leur incompréhension du symbolisme de la doctrine du Christ est un acte
de volonté délibérée, non la conséquence naturelle d'une ignorance
innocente. Manger la chair et boire le sang du Christ, c'était et c'est
croire en lui et l'accepter comme Fils littéral de Dieu et Sauveur du
monde, et obéir à ses commandements. Ce n'est que de cette façon que
l'Esprit de Dieu peut devenir de manière durable partie intégrante de la
personne humaine de manière que la substance de la nourriture qu'il
absorbe soit assimilée aux tissus de son corps. Il ne suffit pas
d'accepter les préceptes du Christ comme nous pouvons adopter les
enseignements des hommes de science, des philosophes et des savants,
quelque grande que puisse être la sagesse de ces hommes; car il s'agit là
d'un assentiment mental ou d'un exercice délibéré de la volonté, qui
n'a trait qu'à la doctrine, indépendamment de son auteur. Les
enseignements de Jésus-Christ sont durables à cause de leur valeur
intrinsèque, et beaucoup d'hommes respectent ces aphorismes, ces
proverbes, ces paroles et ces préceptes profondément philosophiques,
tout en rejetant le fait qu'il est le Fils de Dieu, le Fils unique dans la
chair, l'Homme Dieu en qui étaient unis les attributs de la divinité et
ceux de l'humanité, le Rédempteur élu et préordonné de l'humanité,
par l'intermédiaire duquel nous pouvons parvenir au salut. Mais l'image
utilisée par Jésus, celle de manger sa chair et de boire son sang représentant
le fait de l'accepter absolument et sans réserve comme le Sauveur des
hommes, est d'une importance capitale, car elle affirme la divinité de sa
Personne et sa divinité préexistante et éternelle. Le sacrement du
repas du Seigneur, établi par le Sauveur la nuit où il fut trahi, perpétue
le symbolisme contenu dans l'idée de manger sa chair et de boire son
sang, en ce que l'on prend le pain et le vin en souvenir de lui[39].
Accepter Jésus comme le Christ veut dire obéir aux lois et aux
ordonnances de son Evangile, car professer l'Un et refuser l'autre n'est
que nous accuser de manque de logique, de manque de sincérité et
d'hypocrisie. UNE
ÉPREUVE CRUCIALE - BEAUCOUP SE DÉTOURNENT[40] La vérité à son sujet,
telle que l'enseigna le Seigneur dans ce discours qui fut le dernier à la
synagogue de Capernaüm, s'avéra être une épreuve de foi que beaucoup
ne purent pas réussir. Ce ne furent pas seulement les Juifs critiques de
la classe officielle, dont l'hostilité était ouvertement avouée qui en
furent affectés, mais également ceux qui avaient professé une certaine
mesure de foi en lui. «Après l'avoir entendu, plusieurs de ses disciples
dirent: Cette parole est dure, qui peut l'écouter?» Jésus, conscient de
leur désenchantement, demanda: «Cela vous scandalise?» Et il ajouta: «Et
si vous voyiez le Fils de l'homme monter où il était auparavant?» Son
ascension, qui devait suivre sa mort et sa résurrection, est ici
clairement indiquée. Le sens spirituel de ses enseignements était mis
hors de question par l'explication que ce n'était que par l'intermédiaire
de l'Esprit qu'ils pouvaient comprendre. «C'est pourquoi, ajouta-t-il, je
vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne lui a été donné
par le Père.» Beaucoup le désertèrent,
et dès lors ne le recherchèrent plus. L’événement était crucial;
l'effet fut celui d'un passage au crible et d'une séparation.
L’importante prédiction du prophète-Baptiste était entrée dans la
phase de la réalisation: «Il vient, celui qui est plus puissant que
moi... Il a son van à la main, puis il nettoyera son aire, il amassera le
blé dans son grenier, mais brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint
pas[41].» Le van était en
action, et une grande quantité de paille était rejetée de côté. Il semble que même les
Douze furent incapables de comprendre le sens profond de ces derniers
enseignements: ils étaient embarrassés, même si aucun n'alla jusqu'à déserter.
Néanmoins, l'état d'esprit de certains d'entre eux était tel qu'il
arracha de Jésus la question: «Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en
aller?» Pierre parlant pour lui-même et pour ses frères, répondit avec
émotion et conviction: «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles
de la vie éternelle[42].» C'était l'esprit du Saint
Apostolat qui se manifestait dans cette confession. Bien qu'ils fussent
incapables de comprendre la doctrine dans sa plénitude, ils savaient que
Jésus était le Christ et lui restèrent fidèles tandis que les autres
se détournaient dans les sombres profondeurs de l'apostasie. Alors que Pierre parlait
pour l'ensemble du groupe apostolique, il y en avait un parmi eux qui se révoltait
en silence; le traître Iscariot, qui se trouvait dans une condition pire
que celle de quelqu'un qui s'avouait franchement apostat, était là. Le
Seigneur connaissait le cœur de cet homme et dit: «N'est-ce pas moi qui
vous ai choisis, vous les douze? Et l'un de vous est un démon!»
L'historien ajoute: «Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariot; car c'était
lui qui devait le livrer, lui l'un des douze.» NOTES DU CHAPITRE 21 1.
Jésus à Nazareth : Comme aucun des évangélistes
ne nous montre le Seigneur exerçant deux fois son ministère à Nazareth,
et comme les récits séparés que l'on trouve dans les Evangiles
synoptiques se ressemblent beaucoup dans quelques détails, certains
commentateurs affirment que notre Seigneur ne prêcha à ses concitoyens
à Nazareth et ne fut rejeté d'eux qu'une fois. Le récit de Luc
(4:14-30) a trait à un événement qui suivit immédiatement le premier
retour de Jésus en Galilée après son baptême et ses tentations et précéda
directement l'appel préliminaire des pêcheurs-disciples, qui furent
comptés ensuite parmi les apôtres. Matthieu (13:53-58) et Marc (6:1-6)
rapportent une visite de Jésus à Nazareth après l'épisode où il
enseigna pour la première fois en paraboles et les événements qui
suivirent immédiatement celui-ci. Nous avons de bonnes raisons d'accepter
le récit de Luc comme celui d'un incident plus ancien, et les récits
donnés par Matthieu et Marc comme ceux d'une visite ultérieure. 2.
Gentils : D'une manière générale, les
Juifs appelaient tous les autres Gentils, quoique le même mot hébreu ait
des sens divers dans l'Ancien Testament: «Gentils» (Gn 10:5, Juges 4:2,
13, 16, Es 11: 10, etc.), «nations» (Gn 10:5, 20, 31, 32; 14:1,9, etc.),
et «païens» (Né 5:8, Ps 2:1, 8 etc.), l'élément essentiel du sens étant
celui d'étrangers. Dans le Dict. of the Bible, de Smith, nous lisons «il
[le nom «Gentils»] acquit un sens ethnographique et également péjoratif,
car les autres nations étaient idolâtres, grossières, hostiles, etc.
Cependant les Juifs étaient à même de l'utiliser dans un sens purement
technique et géographique lorsqu'on le traduisait ordinairement «nations».
Le Dr Edward E. Nourse, écrivant pour le Standard Bible Dictionnary, dit:
«A l'époque du Nouveau Testament, le Juif répartissait l'humanité en
trois classes: (1) les Juifs (2) les Grecs (les Hellènes, qui
comprenaient les Romains et signifiaient ainsi les peuples civilisés de
l'Empire romain, souvent rendus par «Gentils» dans la version autorisée
anglaise), et (3) les barbares (les non-civilisés, Actes 28:4 Rm 1:14, 1
Co 14:11).» L’ordre que Jésus donna aux Douze: «N'allez pas vers les
Gentils [dans la version du roi Jacques. La version Segond dit: «N'allez
pas vers les païens.» - N. d. T.] avait pour but de les empêcher
temporairement de tenter de faire des convertis parmi les Romains et les
Grecs et de limiter leur ministère au peuple d'Israël. 3.
Secouer la poussière des pieds : Secouer cérémoniellement la
poussière de ses pieds en témoignage contre quelqu'un d'autre
symbolisait chez les Juifs cesser de le fréquenter et refuser toute
responsabilité des conséquences qui pourraient s'ensuivre. Selon les
ordres du Seigneur à ses apôtres, cités dans le texte, cela devint une
ordonnance d'accusation et de témoignage. Dans la dispensation actuelle,
le Seigneur a ordonné de même à ses serviteurs autorisés de témoigner
de cette façon contre ceux qui s'opposent volontairement et méchamment
à la vérité lorsqu'elle est présentée avec autorité (voir D&A
24:15, 60:15, 75:20, 84:92, 99:4). La responsabilité de témoigner devant
le Seigneur par ce symbole accusateur est si grande que ce moyen ne peut
être employé que dans des conditions extraordinaires et extrêmes, sur
les directives de l'Esprit du Seigneur. 4.
Les deux Bethsaïda : Beaucoup de spécialistes de
la Bible affirment que Bethsaïda, dans la région désertique voisine de
laquelle Jésus et les Douze cherchèrent le repos et l'isolement, était
la ville de ce nom qui se trouve en Pérée, sur la rive orientale du
Jourdain, et que l'on appelle plus particulièrement Bethsaïda Julias
pour la distinguer de la Bethsaida de Galilée, laquelle se trouvait tout
près de Capernaüm. Le village péréen de Bethsaïda avait été agrandi
et élevé au rang de ville par le tétrarque Philippe, et c'est lui qui
l'avait appelée Julias en l'honneur de Julia, fille de l'empereur régnant.
Les récits évangéliques du voyage par lequel Jésus et ses compagnons
parvinrent à cet endroit et concernant le retour de celui-ci peuvent
soutenir la théorie que c'est Bethsaïda de Pérée et non Bethsaïda de
Galilée qui fut la ville dont le «lieu désert» dont il est parlé était
la région environnante. 5.
Le premier soir et le soir ultérieur : Matthieu distingue deux soirs dans le jour de la première
multiplication des pains; ainsi «le soir venu» les disciples demandèrent
à Jésus de renvoyer la multitude; et plus tard, après la multiplication
miraculeuse et lorsque les disciples furent partis en bateau et que les
foules s'en furent allées, «et le soir venu» Jésus se trouva seul sur
la montagne (Mt 14:15, 23; comparer avec Mc 6:35, 47). Trench, Notes on the
Miracles (p. 217), dit: «Saint Matthieu et saint Marc donneront deux
soirs à ce jour: un qui avait déjà commencé avant que les préparatifs
pour nourrir la multitude eussent commencé (verset 15), l'autre
maintenant que les disciples étaient montés dans la barque ets'étaient
mis en route pour leur traversée (verset 23). C'était là une manière
ordinaire de parler parmi les juifs, le premier soir correspondant assez
bien à notre après-midi... le deuxième soir étant le crépuscule, ou
de six heures au crépuscule, lequel était suivi de ténèbres absolues.»
Voir le Dict., de Smith, article «Chronology», dont nous tirons
l'extrait suivant: «Entre les deux soirs» (Ex 12:6, Nb 9:3, 28:4) est
une division naturelle entre la fin de l'après-midi où le soleil est bas
et le soir lorsque sa lumière n'est pas encore entièrement disparue, les
deux soirs dans lesquels la soirée naturelle serait divisée par le début
du jour civil s'il commençait au coucher du soleil.» 6.
Les veilles de la nuit : Dans la plus grande partie de
l'époque de l'Ancien Testament, le peuple d'Israël répartit la nuit en
trois veilles, chacune de quatre heures, ces périodes étant des veilles
de sentinelle. Mais avant le commencement de l'ère chrétienne, les Juifs
adoptèrent le système romain de quatre veilles nocturnes, chacune de
trois heures. Celles-ci étaient désignées numériquement, par exemple
la quatrième veille mentionnée dans le texte (voir Mt 14:25), ou encore
minuit, le chant du coq et le matin (voir Marc 13:35). La quatrième
veille était la dernière des périodes de trois heures entre le coucher
et le lever du soleil, ou entre dix-huit heures et six heures, et s'étendait
par conséquent entre trois et six heures du matin. 7.
Le bord du vêtement : La foi de ceux qui croyaient
que, s'ils pouvaient ne fût-ce que toucher le bord du vêtement du
Seigneur ils seraient guéris, est similaire à celle de la femme qui fut
guérie de sa longue maladie en touchant sa robe de cette manière (voir
Mt 9:21. Marc 5:27, 28; Luc 8:44). Les Juifs considéraient que le bord de
leur robe extérieure avait une importance particulière, à cause du
commandement qui avait été donné à l'Israël des temps anciens (Nb
5:38, 39) d'ourler tous les bords des vêtements et d'y placer une bande
bleue pour lui rappeler ses obligations de peuple de l'alliance. Le désir
de toucher le bord de la robe du Christ peut avoir été associé à la
pensée de la sainteté qui se rattachait à la bordure ou à la couture. 8.
Traditions concernant la manne : C'est à juste titre qu'on a
considéré la manne qui fut donnée aux Israélites lors de l'exode et de
leur long voyage dans le désert comme un miracle extraordinaire (Ex
16:14-36; Nb 11:7-9, Dt 8:3, 16, Jos 5:12, Ps 78:24, 25). Beaucoup de
traditions, dont certaines sont pernicieuses et erronées, ont été brodées
autour de cet incident et transmises avec des ajouts inventés d'une génération
à l'autre. A l'époque du Christ, l'enseignement rabbinique était que la
manne dont les pères s'étaient nourris était littéralement la
nourriture des anges envoyée du ciel et qu'elle avait des goûts et des
parfums variés pour convenir à tous les âges, à tous les états et à
tous les désirs; pour l'un elle avait le goût du miel, pour l'autre du
pain, etc.; et dans la bouche de tous les Gentils, elle était amère. En
outre, on disait que le Messie donnerait à Israël une provision
constante de manne lorsqu'il viendrait parmi eux. Ces conceptions erronées
expliquent en partie que les personnes qui avaient reçu en nourriture des
pains d'orge et des poissons aient exigé un miracle qui dépasserait la
manne donnée dans les temps anciens, comme preuve que Jésus était le
Messie. 9.
La foi, don de Dieu : «Bien qu'étant à la portée
de tous ceux qui s'efforcent diligemment de l'acquérir, la foi est néanmoins
un don divin et ne peut être obtenue que de Dieu (Mt 16:17, Jn 6:44, 65,
Ep 2:8, 1 Co 12:9, Rm 12:3, Moro 10:11). Comme il convient à une perle si
précieuse, elle n'est donnée qu'à ceux qui montrent, par leur sincérité,
qu'ils en sont dignes et qui promettent de se conformer à ses
inspirations. Bien que la foi soit appelée le premier principe de
l'Evangile du Christ, quoiqu'elle soit, en réalité, le fondement de la
vie religieuse, elle est, elle-même, précédée par la sincérité des
intentions et par l'humilité de l'âme, grâce auxquelles la parole de
Dieu peut faire impression sur le cœur (Rm 10:17). Aucune coercition
n'est employée pour amener les hommes à la connaissance de Dieu;
cependant, aussitôt que nous ouvrons notre cœur à l'influence de la
droiture, la foi qui mène à la vie éternelle nous est donnée par notre
Père.» - Articles de Foi, p. 135. 10.
Symbolisme spirituel du manger : L'idée de manger, métaphore
pour indiquer la réception des bienfaits spirituels, était bien connue
des auditeurs du Christ, et ils la comprirent aussi facilement que nous
comprenons nos expressions «dévorer un livre», ou «boire» les paroles
de quelqu'un. Les rabbis expliquaient que les mots «toute ressource de
pain» dans Es 3:1, avaient trait à leur propre enseignement, et ils en
firent une règle que, partout où il était fait allusion, dans l'Ecclésiaste,
à la nourriture ou à la boisson, cela signifiait l'étude de la loi et
la pratique de bonne œuvres. C'était un proverbe chez eux: «A l'époque
du Messie les Israélites seront nourris par lui.» Il n'était rien de
plus commun dans les écoles et les synagogues que les expressions portant
sur le manger et le boire dans un sens métaphorique. «Le Messie ne
viendra vraisemblablement pas en Israël, disait Hillel, car on l'a déjà
mangé» - c'est-à-dire qu'on a déjà reçu avidement ses paroles - «du
temps d'Ezéchias». Une expression conventionnelle courante dans les
synagogues était que les justes «mangeraient la schékinah». C'était
une caractéristique des Juifs que cet enseignement dans un langage métaphorique
de ce genre. Leurs rabbis ne parlaient jamais en termes clairs, et il est
dit expressément que Jésus se soumettait au goût populaire, car «il ne
leur parlait pas sans parabole» (Mc 4:34). - Geikie, Life and Words of
Christ, vol. I, p. 184. 11.
La nature cruciale du discours : Commentant l'effet du discours de notre Seigneur (Jn 6:26-71), Edersheim
(vol. II, p. 36) dit: «Nous voici donc à la croisée des chemins; et
c'est justement parce qu'il était temps de se décider que le Christ
exposa si clairement les vérités supérieures qui le concernaient et qui
étaient opposées aux conceptions que la multitude entretenait au sujet
du Messie. Il en résulta encore une autre et plus attristante défection.
En entendant cela, beaucoup de ses disciples firent marche arrière et
cessèrent de l'accompagner. Que dis-je, cette épreuve inquisitrice
toucha même le cœur des Douze. Allaient-ils partir avec eux aussi? C'était
un prélude à Gethsémané, la première expérience de Gethsémané.
Mais une chose les obligea à rester fidèles, l'expérience du passé. C'était
là la base de leur foi et de leur fidélité actuelle. Ils ne pouvaient
retourner à leur ancien passé; ils devaient s'attacher à lui. C'est
ainsi que Pierre dit au nom de tous: «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as
les paroles de la vie éternelle.» Et non seulement cela, à la suite de
ce qu'ils avaient appris: «Et nous avons cru, et nous avons connu que
c'est toi le Christ, le Saint de Dieu.» C'est également ainsi que
beaucoup d'entre nous, dont les pensées peuvent avoir été cruellement
bousculées, et dont les fondements ont pu être terriblement assaillis,
peuvent avoir trouvé leur premier lieu de repos dans l'expérience
spirituelle certaine et inattaquable du passé. Où pouvons-nous aller
pour trouver les paroles de la vie éternelle, si ce n'est au Christ? S'il
nous fait défaut, alors tout espoir de l'éternel disparaît. Mais il a
les paroles de la vie éternelle - et nous avons cru dès qu'elles nous
ont été données; oui, nous savons qu'il est le Saint de Dieu. Et cela
implique tout ce dont la foi a besoin pour en apprendre davantage. Le
reste, il nous le montrera lorsqu'il sera transfiguré sous nos yeux. Mais
parmi ces Douze, le Christ savait qu'il y avait un démon - comme cet
ange, tombé de la hauteur la plus sublime dans l'abîme le plus profond.
L’apostasie de Judas avait déjà commencé en son cœur. Et plus
l'attente et la déception populaires avaient été grandes, plus la réaction
et l'hostilité qui s'ensuivirent furent violentes. L’heure de la décision
était passée, et l'aiguille du cadran pointait vers l'heure de sa mort.
[1] Mt
13:53-58; Mc 6:1-6. [2] Lc 4:28-30. Voir pages 196-198. [3] Pages 279, 299. [4] Note 2, page 298. [5] Note 1, fin du chapitre. [6] Mt
10:5-42; Mc 6:7-13; Lc 9:1-6. [7] Mc 3:14. [8] Mt 10:5-42; Mc 6:7-13; Lc 9:1-6. [9] Note 2, fin du chapitre. [10] Mt
28:19; Mc 16:15. Page 747 infra. [11] Note 3, fin du chapitre. [12] Mt 10:18-20; cf. Mc 13:9; Lc 12:10-12. [13] Mc 6:7. [14] Jn 5; pages 226, 236. [15] Mt 11:2-19; Lc 7:18-34; voir page 276. [16] Page 283 [17] Mc 6:12,13 Lc 9:10. Notez
le témoignage similaire des soixante-dix qui furent envoyés ultérieurement
et revinrent en se réjouissant de l'autorité qui s'était manifestée
dans leur ministère; Lc 10:17. [18] Note 4, fin du chapitre. [19] Jn 6:5-14; cf. Mt 14:15-21; Mc 6:35-44; Lc
9:12-17. [20] Jn 6:4; Mt 14:19; Mc
6:39. [21] Note 5, fin du chapitre. [22] Mt
14:22-23; cf. Mc 6:45-52, Jn 6:15-21. [23] Page 352. [24] Note 6, fin du chapitre. [25] C'est-à-dire «puisque». [26] Cf. le bond impétueux de Pierre dans la
mer pour parvenir au Seigneur ressuscité sur la rive, Jean 21:7. [27] Marc 6:52. [28] Notez que c'est la première
fois que ce titre apparaît dans les Evangiles synoptiques, appliqué
par des mortels à Jésus; comparer un exemple antérieur de son
application par Nathanaël, Jean 1:49. [29] Articles de Foi, pp. 130-133 - «La foi est
un principe de pouvoir». [30] Josèphe, Guerres, Ill,
10:7,8. [31] Marc 6:53-56; cf. Mt
14:34-36. Note 7, fin du chapitre. [32] Jean 6:22-27. [33] Note 8, fin du chapitre. [34] Jean 6:32-59. [35] Jean 4:13-15; page 191 supra [36] Es 54:13, Jr 31:34, Michée 4:2, cf. Hé
8:10,10:16. [37] Note 9, fin du chapitre. [38] Note 10, fin du chapitre. [39] Mt 26:26-28, Marc 14:22-25, Luc 22:19, 20.
Page 640. [40] Jean 6:59-71. [41] Luc 3:16, 17, Mt 3:11, 12. [42] Comparer cette confession
(Jean 6:68, 69) au témoignage ultérieur de Pierre (Mt 16:16). Note
11, fin du chapitre.
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