CHAPITRE 20 : «SILENCE! TAIS-TOI!» INCIDENTS PRÉCÉDANT LE
VOYAGE Vers la fin du jour où Jésus avait instruit
pour la première fois les multitudes par paraboles, il dit aux disciples:
«Passons sur l'autre rive[1].» La destination ainsi indiquée
est la rive est du lac de Galilée. Tandis que l'on préparait le bateau,
un scribe vint trouver Jésus et dit: «Je te suivrai partout où tu iras.»
Jusqu'alors, peu d'hommes appartenant à la classe titrée ou gouvernante
avaient offert de s'allier ouvertement avec Jésus. Si le Maître avait été
un politique, désireux d'être officiellement reconnu, il aurait
soigneusement examiné, sinon accepté immédiatement cette occasion de
s'attacher une personne aussi influente qu'un scribe; mais lui qui pouvait
lire l'esprit et connaître le cœur des hommes, choisissait plutôt qu'il
n'acceptait. Il avait appelé loin de leurs bateaux et de leurs filets de
pêche des hommes qui devaient être dorénavant siens et compté l'un des
péagers ostracisés parmi les Douze; mais il connaissait chacun d'eux et
choisit en conséquence. L’Evangile était offert gratuitement à tous;
mais il ne suffisait pas de demander pour obtenir l'autorité d'y officier
comme représentant officiel; pour cette œuvre sacrée, on devait être
appelé de Dieu[2]. Dans ce cas, le Christ connaissait la
personnalité de cet homme, et sans heurter ses sentiments en le rejetant
sèchement, fit ressortir le sacrifice qui était exigé de quelqu'un qui
voudrait suivre le Seigneur partout où il allait, disant: «Les renards
ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de
l'homme n'a pas où reposer sa tête.» Comme Jésus n'avait pas de lieu
de résidence fixe mais allait là où son devoir l'appelait, il était de
même nécessaire que ceux qui le représentaient, des hommes ordonnés ou
mis à part à son service, fussent prêts à se refuser la jouissance de
leurs demeures et le réconfort des relations familiales, si les devoirs
de leur appel l'exigeaient. On ne nous dit pas si le scribe candidat
maintint son offre. Un autre homme se montra disposé à suivre le
Seigneur mais demanda d'abord le temps d'aller ensevelir son père; Jésus
lui dit: «Suis-moi; laisse les morts ensevelir leurs morts.» Certains
lecteurs ont eu le sentiment que cet ordre était sévère, bien que
pareille déduction ne se justifie guère. C'eût été manifestement un
manque de piété filiale chez un fils de s'absenter, dans des conditions
ordinaires, lors des funérailles de son père; néanmoins, si ce fils
avait été mis à part pour un service dont l'importance transcendait
toutes les obligations personnelles ou familiales, les devoirs du ministère
l'emporteraient à juste titre. En outre, la condition requise par Jésus
n'était pas plus grande que celle qui était exigée de tous les prêtres
pendant la durée de leur service actif et n'était pas plus astreignante
que l'obligation du vœu naziréen[3],
sous lequel beaucoup de personnes se plaçaient volontairement. Les
devoirs du ministère dans le royaume avaient trait à la vie spirituelle;
quelqu'un qui s'y consacrait pouvait très bien laisser à ceux qui négligeaient
les choses spirituelles et qui étaient, dans un sens figuré,
spirituellement morts, le soin d'ensevelir leurs morts. On nous présente un troisième cas; un homme
qui voulait être disciple du Seigneur demanda à recevoir, avant
d'entreprendre ses devoirs, la permission d'aller chez lui faire ses
adieux à sa famille et à ses amis. La réponse de Jésus est devenue un
aphorisme dans la vie et la littérature: «Quiconque met la main à la
charrue et regarde en arrière, n'est pas bon pour le royaume de Dieu[4].» Le texte de Matthieu nous donne l'impression que les deux premiers de ces candidats disciples s'offrirent à notre Seigneur comme il se tenait sur le rivage ou dans le bateau, prêt à traverser le lac pendant la soirée. Luc place ces événements dans un cadre différent et ajoute aux offres du scribe et de l'homme qui désirait rentrer chez lui et puis revenir au Christ. Il peut être profitable d'examiner ces trois incidents ensemble, qu'ils se soient tous produits le soir de ce même jour mouvementé ou à des moments différents. LA TEMPÊTE APAISÉE[5] Jésus donna l'ordre de mettre la barque à
l'eau et de passer de l'autre côté du lac, désirant probablement un répit
après les travaux ardus de la journée. On n'avait perdu aucun temps à
faire des préparatifs inutiles; «ils l'emmenèrent dans la barque où il
se trouvait» et se mirent en route sans retard. Jusque sur l'eau,
plusieurs personnes avides essayèrent de le suivre; car un certain nombre
de petits bateaux, «des barques» comme Marc les appelle, accompagnaient
l'embarcation sur laquelle Jésus se trouvait; mais il se peut que ces
petites barques aient fait demi-tour, peut-être à cause de la tempête
qui s'approchait. Quoi qu'il en soit, nous n'entendons plus parler
d'elles. Jésus trouva un lieu de repos près de la poupe du bateau et
s'endormit bientôt. Une grande tempête se Ieva[6],
et il continuait à dormir. Cet événement est instructif, car il est la
preuve des qualités physiques du Christ et de l'état sain et normal de
son corps. Il était sujet à la fatigue et à l'épuisement corporel pour
d'autres causes, comme le sont tous les hommes; sans nourriture il avait
faim, sans boisson il avait soif, le travail le fatiguait. Le fait qu'après
un jour d'efforts ardus il ait pu dormir calmement, même au milieu des
remous d'une tempête, indique un système nerveux en parfaite condition
et en bonne santé. Nulle part nous ne voyons Jésus malade. Il vivait
selon les lois de la santé et cependant ne permit jamais au corps de
dominer l'esprit, et ses activités quotidiennes, qui étaient de nature
à mettre fortement l'énergie physique et mentale à contribution,
n'entraînèrent aucun symptôme de dépression nerveuse ni de troubles
fonctionnels. Dormir après avoir travaillé est quelque chose de naturel
et de nécessaire. Ayant terminé le travail de la journée, Jésus
dormait. Entre-temps la furie de la tempête augmentait;
le vent faisait perdre le contrôle du bateau, des vagues dépassaient ses
flancs, le navire embarqua tant d'eau qu'il semblait sur le point de
couler par le fond. Les disciples étaient frappés de terreur, et
cependant Jésus continuait à se reposer en paix. Dans la peur extrême où ils se trouvaient, les
disciples l'éveillèrent, s'écriant, suivant les divers récits indépendants:
«Maître, maître, nous périssons!», «Seigneur, sauve-(nous), nous périssons!»
Et «Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons?» Ils étaient
misérablement terrifiés et oublièrent au moins partiellement qu'ils
avaient avec eux quelqu'un à la voix duquel la mort même devait obéir.
Le rappel terrifié n'était pas entièrement dépourvu d'espoir ni de
foi: «Seigneur, sauve», crièrent-ils. Calmement il répondit à leur
pitoyable appel: «Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi?» Puis il se leva; et la voix du Seigneur s'éleva
dans les ténèbres de cette nuit terrifiante, dans le vent rugissant, sur
la mer fouettée par la tempête et «menaça le vent et dit à la mer:
Silence, tais-toi. Le vent cessa et un grand calme se fit». Se tournant
vers les disciples, il leur demanda sur un ton de reproche, doux mais
indubitable: «Où est votre foi?» Et «Comment n'avez-vous pas de foi?»
D'abord pleins de gratitude pour avoir été sauvés de ce qui, un instant
auparavant à peine, avait semblé être une mort imminente, ils furent
pris ensuite d'étonnement et de crainte. «Quel est donc celui-ci,
disaient-ils, car même le vent et la mer lui obéissent?» Parmi les miracles du Christ qui nous sont
rapportés, aucun n'a donné naissance à une diversité plus grande de
commentaires et de tentatives d'explications que cet exemple merveilleux
de maîtrise sur les forces de la nature. La science n'offre aucune
explication. Le Seigneur de la terre, de l'air et de la mer parla et fut
obéi. C'est lui, parmi le sombre chaos des premiers stades de la création,
qui avait commandé avec un effet immédiat: que la lumière soit, qu'il y
ait un firmament au milieu des eaux, que le sec apparaisse, et comme il
l'avait décrété, ainsi en était-il. La domination du Créateur sur la
création est réelle et absolue. Une petite partie de cette domination a
été confiée à l'homme[7]; postérité de Dieu, incarné
à l'image même de son Père divin. Mais l'homme exerce ce contrôle, qui
lui a été délégué, par l'intermédiaire des forces secondaires et au
moyen de mécanismes compliqués. Le pouvoir que l'homme possède sur les
objets qu'il a inventés lui-même est limité. Cela est conforme à la
malédiction qu'entraîna la chute d'Adam, qui fut provoquée par la
transgression et qui veut que ce soit par l'effort de ses muscles, par la
sueur de son front et par l'effort de son esprit qu'il réussisse. Son
ordre n'est qu'une vibration sonore dans l'air, s'il n'est suivi de
travail. C'est par l'esprit qui émane de la personne même de la Divinité
et qui imprègne tout l'espace, que les ordres de Dieu opèrent immédiatement. Ce n'est pas l'homme seulement, mais également
la terre et toutes les forces élémentaires qui s'y rapportaient qui tombèrent
sous la malédiction adamique[8]; et de même que la terre ne
produisait plus seulement des fruits bons et utiles mais donna de sa
substance pour nourrir des ronces et des épines, de même les forces
diverses de la nature cessèrent d'obéir à l'homme et d'être des forces
assujetties à son contrôle direct. Ce que nous appelons forces
naturelles - la chaleur, la lumière, l'électricité, les affinités
chimiques - sont des manifestations de l'énergie éternelle par laquelle
les objectifs du Créateur sont mis à exécution; et ces quelques forces,
l'homme n'est à même de les diriger et de les utiliser qu'à l'aide de
machines et d'adaptations physiques. Mais la terre sera un jour «renouvelée
et recevra sa gloire paradisiaque»; alors la terre, l'eau, l'air et les
forces qui agissent sur eux répondront directement aux ordres de l'homme
glorifié, comme ils obéissent maintenant à la parole du Créateur[9]. LES DÉMONS CALMÉS[10] Jésus et les disciples qui l'accompagnaient
abordèrent sur le côté oriental, péréen, du lac, dans une région que
l'on appelait le pays des Gadaréniens ou des Géraséniens. L’endroit
exact n'a pas été identifié, mais c'était de toute évidence une région
rurale éloignée des villes[11].
Comme le groupe quittait le bateau, deux fous, qui étaient cruellement
tourmentés par des esprits mauvais, s'approchèrent. Matthieu dit qu'il y
en avait deux; les autres écrivains ne parlent que d'un seul; il se peut
que l'un des deux hommes affligés se trouvait dans un état tellement
plus grave que son compagnon, que c'est à lui que l'on fait attention
dans le récit; il se peut encore que l'un d'eux se soit enfui tandis que
l'autre est resté. Le démoniaque se trouvait dans une situation
pitoyable. Sa frénésie était devenue si violente et la force physique
que lui donnait sa folie était si grande que toutes les tentatives que
l'on avait faites de le maintenir captif avaient échoué. On l'avait lié
par des chaînes et des entraves, mais il avait brisé celles-ci grâce à
sa force démoniaque, et il s'était enfui dans les montagnes, dans les
cavernes qui servaient de tombes, et c'était là qu'il vivait, plus comme
une bête sauvage que comme un homme. Nuit et jour on entendait ses
hurlements étranges et terrifiants, et, de peur de le rencontrer, les
gens prenaient d'autres chemins plutôt que de passer près de son
repaire. Il se promenait tout nu, et dans sa folie se blessait la chair de
pierres pointues. Voyant Jésus, la pauvre créature courut à lui
et, poussée par le pouvoir des démons qui la contrôlaient, se prosterna
devant le Christ tout en criant d'une voix forte: «Que me veux-tu, Jésus,
Fils du Dieu Très-Haut?» Lorsque Jésus commanda aux esprits mauvais de
partir, l'un d'eux ou plusieurs d'entre eux le supplièrent, par la voix
de l'homme, de les laisser tranquilles et s'exclamèrent avec une présomption
blasphématoire: «Je t'en conjure (au nom) de Dieu, ne me tourmente pas.»
Matthieu rapporte une autre question qui fut posée à Jésus: «Es-tu
venu ici pour nous tourmenter avant le temps?» Les démons, par lesquels
l'homme était possédé et contrôlé, reconnaissaient le Maître, auquel
ils savaient devoir obéir; mais ils supplièrent qu'il les laissât
tranquilles jusqu'à ce que vint le moment décrété pour leur châtiment
final[12]. Jésus demanda: «Quel est ton nom?» Et les démons
qui se trouvaient à l'intérieur de l'homme répondirent: «Légion est
mon nom, car nous sommes plusieurs.» On voit bien ici que l'homme était
doté d'un conscient double ou d'une personnalité multiple. Il était à
ce point possédé par des esprits mauvais qu'il ne pouvait plus
distinguer entre sa personnalité à lui et la leur. Les démons implorèrent
Jésus de ne pas les bannir de ce pays; ou comme le rapporte Luc en des
termes impressionnants: de ne pas leur ordonner «d'aller dans l'abîme».
Dans leur situation misérable et leur impatience diabolique de trouver
une demeure dans des corps de chair même si ce n'était que des animaux,
ils supplièrent d'avoir la permission, étant obligés de quitter
l'homme, d'entrer dans un troupeau de pourceaux qui paissaient tout près.
Cette permission, Jésus la donna; les démons impurs entrèrent dans les
pourceaux, et le troupeau tout entier, se composant d'environ deux mille têtes,
fut saisi de folie, prit la fuite, terrifié, se précipita au bas d'une
pente abrupte dans la mer et se noya. Les gardiens des pourceaux furent
effrayés, et, se hâtant vers la ville, racontèrent ce qui était arrivé
aux pourceaux. Les gens vinrent en foule pour voir eux-mêmes;
et ils furent tous étonnés de voir l'homme autrefois fou dont ils
avaient tous eu peur, maintenant vêtu et rendu à un état d'esprit
normal, silencieusement et respectueusement assis aux pieds de Jésus. Ils
craignaient celui qui pouvait accomplir de pareils miracles, et,
conscients de leur indignité pécheresse, le supplièrent de quitter leur
pays[13]. L’homme qui avait été débarrassé des démons
ne craignait pas; dans son cœur, l'amour et la gratitude remplaçaient
tous les autres sentiments; et lorsque Jésus retourna au bateau il
demanda à le suivre aussi. Mais Jésus le lui interdit, disant: «Va dans
ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t'a
fait et comment il a eu pitié de toi.» L'homme devint missionnaire, non
seulement dans sa ville natale mais dans toute la Décapole, la région
des dix villes; partout où il allait il racontait le changement
merveilleux que Jésus avait opéré sur lui. Le témoignage rendu par des esprits mauvais et
impurs de la divinité du Christ, Fils de Dieu, ne se limite pas à ce
cas-ci. Nous avons déjà étudié le cas du démoniaque à la synagogue
de Capernaüm[14]; un autre cas se présenta
lorsque Jésus, se retirant des villes de Galilée, se rendit au bord de
la mer et fut suivi d'une grande multitude composée de Galiléens, de Judéens
et de gens de Jérusalem, d'Idumée et d'au-delà du Jourdain (c'est-à-dire
de la Pérée), et des habitants de Tyr et de Sidon, parmi lesquels il en
avait guéri beaucoup de maladies diverses; et ceux qui étaient asservis
à des esprits impurs étaient tombés à genoux et l'adoraient, tandis
que les démons s'écriaient: «Tu es le Fils de Dieu[15].» Au cours du bref voyage étudié dans ce
chapitre, la puissance de Jésus, Maître de la terre, des hommes et des démons
se manifesta en des œuvres miraculeuses du genre le plus impressionnant.
On ne peut classifier les miracles du Seigneur ni comme petits et grands,
ni comme faciles ou difficiles à accomplir; ce que l'un peut considérer
comme un détail peut revêtir l'importance la plus grande pour un autre.
La parole du Seigneur suffisait dans chaque cas. Il n'avait qu'à parler
au vent et aux vagues, et à l'esprit affligé par les démons de l'homme
possédé pour être obéi. «Silence, tais-toi.» LA RÉSURRECTION DE LA FILLE
DE JAÏRUS[16] Jésus et ceux qui l'accompagnaient retraversèrent
le lac, quittant le pays de Gadara pour aborder aux environs de Capernaüm,
où une multitude de gens le reçurent avec acclamations, «car tous
l'attendaient». Tout de suite après son débarquement, Jésus vit
s'approcher de lui Jaïrus, l'un des dirigeants de la synagogue locale,
qui «le supplia instamment en disant: Ma fillette est à toute extrémité;
viens, impose-lui les mains, afin qu'elle soit sauvée et qu'elle vive». Le fait que cet homme soit venu trouver Jésus
dans un esprit de foi et de supplication est une preuve de l'impression
profonde que le ministère du Christ avait faite jusque dans les cercles
sacerdotaux et ecclésiastiques. Beaucoup d'entre les Juifs, gouverneurs
et fonctionnaires aussi bien que le commun du peuple, croyaient en Jésus[17],
bien que peu de ceux qui appartenaient aux classes supérieures fussent
disposés à sacrifier prestige et popularité en se reconnaissant ses
disciples. Le fait que Jaïrus, l'un des gouverneurs de la synagogue, ne
vint que lorsqu'il y fut poussé par la douleur causée par la mort
imminente de sa fille unique, une petite fille de douze ans, ne prouve pas
qu'il ne soit pas devenu croyant avant ce moment-là; il est certain qu'en
ce moment sa foi était réelle et sa confiance sincère, comme le
prouvent les détails du récit. Il s'approcha de Jésus avec le respect dû
à quelqu'un qu'il considérait capable d'accorder ce qu'il demandait et
tomba aux pieds du Seigneur, ou comme Matthieu le dit, l'adora. Lorsque
l'homme avait quitté sa maison pour demander à Jésus son aide, la
petite fille était sur le point de mourir; il craignait qu'elle ne fût
morte entre-temps. Dans le récit très bref que nous donne le premier
Evangile, on lui fait dire à Jésus: «Ma fille est morte il y a un
instant, mais viens, impose-lui les mains, et elle vivra[18].»
Jésus accompagna le père implorant, et beaucoup les suivirent. Sur le chemin de la maison, un incident se
produisit qui les arrêta. Une femme cruellement affligée fut guérie,
dans des circonstances particulièrement intéressantes; c'est cet événement
que nous allons examiner maintenant. Rien n'indique que Jaïrus ait montré
de l'impatience ou du déplaisir à cause de ce retard. Il avait mis sa
confiance dans le Maître et attendait son bon plaisir; et tandis que le
Christ s'occupait de la femme affligée, des messagers vinrent de la
maison du haut fonctionnaire avec la triste nouvelle que la petite fille
était morte. Nous pouvons conclure que même cette nouvelle terrible qui
lui apportait la certitude ne put détruire la foi de cet homme; il semble
avoir continué à attendre l'aide du Seigneur, et ceux qui apportaient le
message demandèrent: «Pourquoi importuner encore le maître?» Jésus
entendit ce que l'on disait et encouragea la foi cruellement mise à l'épreuve
de l'homme par cet ordre encourageant: «Sois sans crainte, crois
seulement.» Jésus ne permit à aucun de ceux qui le suivaient, excepté
à trois d'entre les apôtres, d'entrer dans la maison avec lui et au père
éploré mais confiant. Pierre et les deux frères Jacques et Jean furent
admis. La maison n'était pas le lieu où régnait le
silence respectueux ou le calme forcé que nous considérons maintenant être
de mise au moment et au lieu où la mort a frappé; au contraire, c'était
une scène de tumulte, mais cette situation était coutumière dans
l'observance orthodoxe du deuil à l'époque[19].
Des pleureuses professionnelles, des chanteurs de lamentations étranges
et des ménestrels qui faisaient beaucoup de bruit avec des flûtes et
d'autres instruments avaient déjà été invités dans la maison. Jésus
dit à tous ces gens en entrant: «Pourquoi ce tumulte, et ces pleurs?
L’enfant n'est pas morte, mais elle dort.» C'était de fait une répétition
du commandement qu'il avait prononcé lors d'une occasion récente:
Silence, tais-toi. Ces paroles provoquèrent le mépris et les railleries
de ceux qui étaient payés pour le bruit qu'ils faisaient, et qui, si ce
qu'il disait se vérifiait, perdraient cette occasion d'exercer leur
profession. En outre, ils savaient que la petite fille était morte; les
préparatifs des funérailles, qui, selon la coutume, devaient suivre la
mort aussitôt que possible, étaient déjà en cours. Jésus ordonna à
ces gens de sortir et ramena la paix dans la maison[20].
Il entra dans la chambre mortuaire, accompagné seulement des trois apôtres
et des parents de la petite fille. Prenant la petite fille morte par la
main, il lui dit: Talitha koumi, ce qui se traduit: jeune fille, lève-toi,
je te le dis». A l'étonnement de tous, sauf du Seigneur, la petite fille
se leva, quitta son lit et marcha. Jésus ordonna de lui apporter de la
nourriture, car les besoins corporels, suspendus par la mort, étaient
revenus avec le retour de la petite fille à la vie. Le Seigneur ordonna le silence, commandant à
tous ceux qui étaient là de s'abstenir de raconter ce qu'ils avaient vu.
Les raisons de cet ordre ne sont pas données. Dans d'autres cas, des
instructions semblables furent données à ceux qui avaient été bénis
par le Christ; tandis qu'en de nombreuses occasions où il y eut des guérisons,
aucun ordre de ce genre n'est rapporté, et dans un cas au moins, l'homme
qui avait été soulagé des démons reçut l'ordre d'aller raconter la
grande chose qui avait été faite pour lui[21].
Dans sa sagesse, le Christ savait quand il était prudent d'interdire et
quand il fallait permettre la publication de ce qu'il faisait. Bien que
les parents reconnaissants, la jeune fille elle-même et les trois apôtres
qui avaient été les témoins de la résurrection aient pu avoir été
tous loyaux au commandement du Seigneur de garder le silence, le fait que
la jeune fille avait été ressuscitée ne pouvait être gardé secret, et
le moyen par lequel pareil miracle s'était accompli ferait certainement
l'objet de questions. Les ménestrels et les pleureuses qui avaient été
expulsés du lieu alors qu'il était encore une maison de deuil et qui
avaient ri avec mépris à l'affirmation du Maître que la jeune fille
dormait et n'était pas morte comme ils le pensaient, répandraient
indubitablement la nouvelle. Il n'est donc pas surprenant de lire dans la
brève version que Matthieu fait de l'histoire, que la nouvelle du miracle
se «répandît dans toute la contrée». RENDRE À LA VIE ET RESSUSCITER Il faut faire grande attention à la distinction
fondamentale qu'il y a entre ramener un mort à la vie mortelle et
ressusciter le corps de la mort à un état d'immortalité. Dans chacun
des exemples que nous avons examinés jusqu'à présent - celui de la résurrection
de l'homme mort de Naïn[22]
et celui de la fille de Jaïrus, de même que dans la résurrection de
Lazare, que nous étudierons plus loin - le miracle consistait à réunir
l'esprit au corps pour que tous deux poursuivent le cours interrompu de
l'existence mortelle. Il est certain que le bénéficiaire de chacun de
ces miracles devait mourir par la suite. Jésus-Christ fut le premier de
tous les hommes qui ont jamais vécu sur la terre à se lever du tombeau
en tant qu'Etre immortalisé; il est donc correct de l'appeler «Ies prémices
de ceux qui sont décédés»[23]. Bien qu'Elie et Elisée servissent d'intermédiaires,
de nombreux siècles avant l'époque du Christ, pour rendre des morts à
la vie, l'un, le fils de la veuve de Sarepta, l'autre l'enfant de la
Sunamite[24],
dans ces anciens miracles la résurrection était pour l'existence
mortelle et non pour l'immortalité. Il est instructif d'observer la différence
des procédés employés par chacun des prophètes de l'Ancien Testament
cités et de les comparer à ceux du Christ dans des miracles analogues.
Le changement miraculeux, Elie et Elisée ne le réalisèrent qu'après
des efforts longs et difficiles et en invoquant ardemment la puissance et
l'intervention de Jéhovah; mais Jéhovah, incarné dans la chair sous le
nom de Jésus-Christ, ne faisait extérieurement rien d'autre que
commander, et les liens de la mort étaient immédiatement brisés. Il
parlait en son propre nom et par une autorité inhérente, car la
puissance dont il était investi lui permettait de contrôler tant la vie
que la mort. UNE GUÉRISON REMARQUABLE EN CHEMIN[25] Tandis que Jésus se dirigeait vers la maison de
Jaïrus, une grande foule se pressant autour de lui, la progression du
groupe fut arrêtée par un autre cas d'affliction. Dans la foule il y
avait une femme qui était affligée depuis douze ans d'une grave maladie,
qui provoquait des hémorragies fréquentes. Elle avait dépensé en
traitements médicaux tout ce qu'elle possédait, et «avait beaucoup
souffert entre les mains de plusieurs médecins», mais son état avait régulièrement
empiré. Elle se fraya un chemin à travers la foule et, s'approchant de Jésus
par derrière, toucha son manteau; «car elle disait: Si je puis seulement
toucher ses vêtements, je serai guérie». L’effet fut plus que
magique; immédiatement elle sentit la vague de santé lui traverser le
corps et sut qu'elle était guérie de son affliction. Son objectif ayant
été atteint, la bénédiction qu'elle demandait lui ayant maintenant été
donnée, elle essaya de ne pas se faire remarquer, en se perdant en hâte
dans la foule. Mais son contact n'avait pas échappé au Seigneur. Il se
retourna pour regarder par-dessus la foule et demanda: «Qui a touché mes
vêtements?» Ou pour employer les termes de Luc: «Qui m'a touché?»
Comme le peuple niait, l'impétueux Pierre, parlant pour lui-même et pour
les autres, dit: «Maître, la foule t'entoure et te presse! Mais Jésus répondit:
Quelqu'un m'a touché, car je sais qu'une force est sortie de moi.» La femme, voyant qu'elle ne manquerait pas d'être
reconnue, s'avança en tremblant et, s'agenouillant devant le Seigneur,
confessa ce qu'elle avait fait, la raison pour laquelle elle avait fait
cela et le résultat bienfaisant. Si elle s'était attendue à une réprimande,
ses craintes furent promptement apaisées, car Jésus, s'adressant à elle
par un terme de respect et de bonté, dit: «Prends courage, ma fille, ta
foi t'a guérie», et comme Marc l'ajoute: «Sois guérie de ton mal.» La foi de cette femme était sincère et sans
duplicité, néanmoins, dans un certain sens, il lui manquait quelque
chose. Elle croyait que l'influence de la personne du Christ, et même
celle qui s'attachait à son vêtement, était un pouvoir de guérison
suffisant pour vaincre sa maladie; mais elle ne se rendait pas compte que
le pouvoir de guérir était un attribut inhérent qui ne devait s'exercer
qu'à la volonté de son détenteur et selon que l'influence de la foi le
réclamait. Sa foi, il est vrai, avait déjà été partiellement récompensée,
mais ce qui aurait pour elle une plus grande valeur que la guérison
physique d'une maladie serait l'assurance que le Guérisseur divin lui
avait accordé le désir de son cœur, et que la foi qu'elle avait
manifestée était acceptée de lui. Pour corriger sa méprise et
confirmer sa foi, Jésus la soumit avec douceur à l'épreuve nécessaire
de la confession, qui dut être facilitée par le fait qu'elle se rendait
compte du grand soulagement qu'elle éprouvait déjà. Il confirma la guérison
et la laissa partir avec l'assurance rassurante que sa guérison était
permanente. En contraste avec les nombreux cas de guérison
lors desquels le Seigneur ordonna aux bénéficiaires de ne parler à
personne de la manière dont ils avaient été guéris ni par qui, nous
voyons ici que la publicité était assurée par sa propre action, et ce,
alors même que la bénéficiaire de la bénédiction désirait la discrétion.
Les desseins et les motifs de Jésus peuvent n'être que faiblement
compris de l'homme; mais dans le cas de cette femme, nous voyons le risque
que des histoires étranges et fausses soient inventées, et il semble que
la solution la plus sage était de révéler la vérité sur-le champ. En
outre la valeur spirituelle du miracle était fortement soulignée par la
confession de la femme et par l'assurance gracieuse du Seigneur. Remarquez
l'affirmation significative: «Ta foi t'a guérie.» La foi est en elle-même
un principe de puissance[26]; et sa présence ou son
absence, sa plénitude ou sa parcimonie influençaient et influencent même
le Seigneur, et constituaient et constituent dans une grande mesure le
critère selon lequel il accorde ou refuse les bénédictions; car il le
faisait selon la loi, et non avec caprice ou incertitude. Nous lisons qu'à
un certain moment et en un certain lieu, Jésus «ne put faire là aucun
miracle» à cause de l'incrédulité du peuple[27].
La révélation moderne précise que la foi pour être guéri est l'un des
dons de l'Esprit, analogue aux manifestations de foi lorsque l'on guérit
les autres par l'exercice de la puissance de la Sainte Prêtrise[28]. La question de notre Seigneur par laquelle il
demandait qui l'avait touché dans la foule nous donne un autre exemple de
sa méthode de poser des questions dans un but précis, alors qu'il aurait
facilement pu déterminer les faits directement et sans l'aide des autres.
Cette question avait un but particulier, de même que tout instructeur
voit un moyen d'enseignement dans l'art d'interroger ses élèves[29].
Mais dans la question du Christ: «Qui m'a touché?» il y a un sens plus
profond que n'en pourrait comporter une simple question d'une personne; et
cela est impliqué dans les paroles suivantes du Seigneur: «Quelqu'un m'a
touché, car je sais qu'une force est sortie de moi.» L’action visible
ordinaire par laquelle il accomplissait ses miracles était un mot ou un
commandement accompagné parfois de l'imposition des mains ou de quelque
autre ministère physique, comme lorsqu'il oignit les yeux d'un aveugle[30].
Cet exemple montre clairement que quelque chose de sa propre force passa réellement
dans la personne affligée. Il ne suffit pas au candidat à une bénédiction
de croire passivement; ce n'est que lorsque cette croyance est rendue
vivante par une foi active qu'elle devient une force; il en va de même
pour quelqu'un qui officie en vertu de l'autorité donnée par Dieu: il
faut qu'une énergie mentale et spirituelle opère si l'on veut que ce
service soit efficace. LES AVEUGLES VOIENT ET LES
MUETS PARLENT[31] Matthieu rapporte deux autres cas de guérison
miraculeuse peu après la résurrection de la fille de Jaïrus. Comme Jésus
descendait les rues de Capernaüm, probablement lorsqu'il quitta la maison
du gouverneur de la synagogue, deux aveugles le suivirent, s'écriant: «Aie
pitié de nous, Fils de David!» Ce titre fut donné par d'autres à
diverses époques, et dans aucun cas nous ne voyons notre Seigneur le nier
ou faire objection à son usage[32].
Jésus ne s'arrêta pas pour faire attention à cet appel des aveugles, et
ceux-ci le suivirent, entrant même dans la maison derrière lui. Alors il
leur parla, demandant: «Croyez-vous que je puisse faire cela?» Et ils répondirent:
«Oui, Seigneur.» Leur persistance à suivre le Seigneur était la preuve
qu'ils croyaient que d'une certaine manière, inconnue et mystérieuse
pour eux, il pouvait les aider; et ils confessèrent promptement et
ouvertement cette croyance. Notre Seigneur leur toucha les yeux, disant:
«Qu'il vous soit fait selon votre foi.» L’effet fut immédiat: leurs
yeux s'ouvrirent. Ils reçurent explicitement l'ordre de n'en rien dire à
autrui; mais, se réjouissant de la bénédiction inestimable qu'était la
vue, ils «répandirent sa renommée dans le pays entier». Dans la mesure
où nous pouvons démêler les fils incertains de la chronologie dans les
œuvres du Christ, c'est ici le premier cas, rapporté en détails, où il
ait rendu la vue aux aveugles. Beaucoup de cas remarquables suivent[33]. Il vaut d'être remarqué qu'en bénissant les
aveugles par l'exercice de son pouvoir guérisseur, Jésus accompagnait
habituellement son ordre ou son assurance péremptoire de quelque contact
physique. Dans ce cas, de même que dans celui des deux aveugles qui étaient
assis sur le côté de la route, il toucha les yeux aveugles; lorsqu'il
rendit la vue au pauvre qui était aveugle à Jérusalem, il oignit de
boue les yeux de l'homme; aux yeux d'un autre, il appliqua de la salive[34].
On trouve un détail analogue dans la guérison d'un sourd muet: dans ce
cas, le Seigneur mit les doigts dans les oreilles de l'homme et lui toucha
la langue[35]. On ne peut en aucun cas
considérer pareil traitement comme médicinal ou thérapeutique. Le
Christ n'était pas un médecin qui se reposait sur des substances à
propriétés curatives ni un chirurgien qui se livrait à des opérations
physiques; ses guérisons étaient les résultats naturels de
l'application d'une puissance dont il était le détenteur. Il est
concevable que ces procédés physiques aient pu encourager, fortifier et
faire passer à un niveau plus élevé et plus durable la confiance -
cette étape vers la croyance, comme celle-ci est une étape vers la foi -
qu'éprouvaient pour le Christ les affligés privés de la vue pour
contempler le visage du Maître et en retirer de l'inspiration et de l'ouïe
pour entendre ses paroles édifiantes. C'est non seulement une absence
totale de formule et de formalisme qui apparaît dans ses bénédictions
aux affligés, mais un manque d'uniformité dans la procédure qui est
tout aussi frappant. Comme les deux hommes, jadis aveugles, et qui
maintenant voyaient, s'en allaient, d'autres vinrent, amenant un ami muet
dont l'affliction semble avoir été due avant tout à l'influence maligne
d'un esprit mauvais plutôt qu'à un défaut organique quelconque. Jésus
réprimanda l'esprit mauvais: chassa les démons qui avaient obsédé et
maintenu l'affligé dans la souffrance du mutisme. La langue de l'homme
fut déliée, et il fut libéré du démon malin et cessa d'être muet[36]. NOTES DU CHAPITRE 20 1. Tempêtes sur le lac de Galilée : On sait que les tempêtes très violentes sont
courantes sur le lac ou la mer de Galilée. La tempête qui fut calmée
par la parole impérieuse du Seigneur n'était pas en elle-même un phénomène
extraordinaire, si ce n'est peut-être par son intensité. On trouve dans
les Ecritures un autre incident qui a trait à une tempête sur cette
petite étendue d'eau et sera examiné plus tard dans le texte (Mt
14:22-26, Mc 6:45-56, Jn 6:15-21). Le Dr Thompson (The Land and the Book,
11: 32) donne une description basée sur son expérience personnelle au
bord du lac: «Je passai une nuit dans ce Wadi Shukaiyif, à cinq kilomètres
en amont environ, à gauche de nous. Le soleil s'était à peine couché
lorsque le vent commença à se précipiter vers le lac, et il persista
toute la nuit avec une violence constamment croissante, de sorte que
lorsque nous parvînmes le lendemain au rivage, la surface du lac était
une immense chaudière en ébullition. Le vent hurlait du nord-est et de
l'est le long de tous les wadi avec une telle furie qu'il aurait été
impossible à des rameurs d'amener un bateau au rivage à un point
quelconque le long de cette côte... Pour comprendre les causes de ces
tempêtes soudaines et violentes, nous devons nous souvenir que le lac est
à basse altitude: cent quatre-vingts mètres au-dessous du niveau de la
mer, que les vastes plateaux dénudés du Jaulan s'élèvent à une grande
altitude, s'étendant en arrière jusqu'aux régions désertiques du
Hauran et montant vers l'Hermon enneigé, que les cours d'eau ont creusé
des ravins profonds et des gorges sauvages, convergeant vers la tête de
ce lac, et que ces derniers agissent comme des entonnoirs gigantesques qui
attirent les vents froids des montagnes.» 2. La terre avant et après sa régénération : Le fait que la terre elle-même tomba sous la malédiction
qui accompagna la chute des premiers parents du genre humain, et que de même
que l'homme sera racheté, de même aussi la terre sera régénérée,
c'est ce qu'impliquent les paraboles de Paul: «Car la création... sera
libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté
glorieuse des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la
création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement.
Bien plus; nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit, nous aussi
nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de
notre corps» (Rm 8:21-23). L’auteur de ce livre a écrit ailleurs: «Selon
les Ecritures, la terre doit subir un changement analogue à la mort et être
régénérée d'une manière comparable à une résurrection. Les
allusions aux éléments fondant sous la chaleur, et à la terre se
consumant et passant que l'on trouve dans beaucoup d'Ecritures déjà citées,
suggèrent la mort; et la nouvelle terre, en réalité la planète
renouvelée ou régénérée qui doit en résulter, peut être comparée
à un organisme ressuscité. Ce changement a été comparé à une
transfiguration (D&A 63:20, 21). Tout ce qui a été créé l'a été
dans un but; et tout ce qui remplit la mesure de sa création doit être
avancé dans l'échelle de la progression, que ce soit un atome, un
animalcule ou un homme - descendant direct et littéral de la divinité.
En parlant des degrés de gloire qu'il a prévus pour ses créations et
des lois de la régénération et de la sanctification, le Seigneur, dans
une révélation datée de 1832, parle clairement de la mort proche et de
la vivification ultérieure de la terre. Voici ses paroles: «Et de plus,
en vérité, je vous le dis, la terre se conforme à la gloire d'un
royaume céleste car elle remplit la mesure de sa création et ne
transgresse pas la loi - c'est pourquoi, elle sera sanctifiée; oui, bien
qu'elle doive mourir, elle sera vivifiée et supportera le pouvoir qui
l'aura vivifiée et les justes en hériteront» (D&A 88:25-26). L'esprit de vie, qui émane de Dieu et qui remplit tout l'espace, peut opérer directement et avec autant d'effet sur des êtres inanimés et sur l'énergie dans ses manifestations diverses que nous appelons les forces de la nature, que sur les intelligences organisées, qu'elles soient encore non incarnées, dans la chair, ou désincarnées. Ainsi, le Seigneur peut parler directement à la terre, à l'air, à la mer et être entendu et obéi, car l'abondance divine, qui est la somme de toute l'énergie et de toute la puissance, peut agir et agit dans tout l'univers. Au cours d'une révélation de Dieu à Enoch, la terre fut personnifiée, et le prophète entendit ses gémissements et ses lamentations sur la méchanceté des hommes: «Enoch posa les yeux sur la terre, et il entendit une voix venant des entrailles de celle-ci qui disait: Malheur, malheur à moi, la mère des hommes, je suis affligée, je suis lasse à cause de la méchanceté de mes enfants. Quand me reposerai-je et serai-je purifiée de la souillure qui est sortie de moi? Quand mon Créateur me sanctifiera-t-il, afin que je me repose et que la justice demeure pour un temps sur ma face?» Enoch supplia: «O Seigneur, n'auras-tu point compassion de la terre?» Quand il lui fut alors révélé quelle voie pécheresse l'humanité allait suivre et qu'elle allait rejeter le Messie qui allait être envoyé, le prophète pleura d'angoisse et demanda à Dieu: «Quand la terre se reposera-t-elle?» Il lui fut alors montré que le Christ crucifié reviendrait sur la terre et établirait un règne millénaire de paix: «Et le Seigneur dit à Enoch: Comme je vis, je viendrai dans les derniers jours, dans les jours d'iniquité et de vengeance, pour accomplir le serment que je t'ai fait au sujet des enfants de Noé. Et le jour viendra où la terre se reposera, mais avant ce jour-là, les cieux seront obscurcis, et un voile de ténèbres couvrira la terre; les cieux trembleront et la terre aussi. Et il y aura de grandes tribulations parmi les enfants des hommes.» Et il ajouta cette assurance merveilleuse: «La terre se reposera pendant l'espace de mille ans» (PGP, Moïse 7:48,49,58,60, 61,64). Une description partielle de la terre dans son état régénéré a été donnée par le truchement du prophète Joseph Smith dans la dispensation actuelle: «Cette terre, dans son état sanctifié et immortel sera rendue semblable à un cristal et sera pour ceux qui l'habiteront un urim et thummin, grâce à quoi tout ce qui a rapport à un royaume inférieur, ou à tous les royaumes d'un ordre inférieur sera révélé à ceux qui habiteront sur cette terre; et celle-ci appartiendra au Christ» (D&A 130:9). En vertu de la loi naturelle des cieux, Jésus-Christ, dans l'exercice des pouvoirs de sa divinité, peut aussi bien parler directement au vent et à la mer et en être obéi, que commander avec résultat un homme ou un esprit non incarné. Jésus-Christ a déclaré explicitement que, par la foi, même l'homme mortel peut faire opérer les forces qui agissent sur la matière avec l'assurance qu'il obtiendra des résultats stupéfiants: «En vérité je vous le dis, si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous direz à cette montagne: Transporte-toi d'ici là, et elle se transportera; rien ne vous sera impossible» (Mt 17:20, comparer avec Mc 11:23, Lc 17:6). 3. Le pays des Géraséniens : On a essayé de contester le récit de la guérison du démoniaque par le Christ dans «le pays des Géraséniens» (Mc 5: 1, Lc 8:26), en prétendant que l'ancienne ville de Gadara, capitale de la région (voir Josèphe, Guerres, III, 7:1), se trouvait trop à l'intérieur des terres pour que la course précipitée des pourceaux depuis ce lieu jusque dans la mer fût possible. D'autres soulignent le fait que Matthieu diffère des deux autres historiens évangéliques en parlant du «pays des Gadaréniens» (8:28). Comme nous l'avons dit dans le texte, c'est à une région tout entière qu'il est fait allusion ici, pas à une ville. Les gardiens des pourceaux s'encoururent vers les villes rapporter le désastre qui s'était abattu sur leurs troupeaux. Dans cette région de la Pérée, il y avait à l'époque des villes qui s'appelaient respectivement Gadara, Gerasa et Gergesa; on pouvait donc appeler à juste titre la région en général le pays des Gadaréniens ou des Géraséniens. Farrar (Life of Christ, p. 254, note) dit: «Après les recherches du Dr Thompson (The Land The Book, 11:25), il ne peut faire aucun doute que Gergesa... était le nom d'une petite ville qui se trouvait presque en face de Capernaüm et dont les Bédouins appellent encore l'emplacement en ruines Kerza ou Gersa. L'existence de cette petite ville était apparemment connue tant d'Origène, qui fut le premier à en donner l'orthographe, que d'Eusèbe et de Jérôme; et de leur temps on désignait une forte pente toute proche, où les collines se rapprochent jusqu'à une courte distance du lac, comme la scène du miracle.» 4. Jésus supplié de quitter le pays : Le peuple fut effrayé de la puissance que Jésus possédait, et qui se manifesta dans la guérison du démoniaque et dans la destruction des pourceaux, ce dernier événement n'étant toutefois pas dû à son commandement. C'était la crainte que les pécheurs éprouvent en présence du Juste. Ils n'étaient pas préparés à d'autres manifestations de la puissance divine, et ils redoutaient la pensée de savoir qui parmi eux en serait directement affecté si elle s'exerçait. Cependant nous devons juger le peuple avec miséricorde, si même nous le faisons. Il était partiellement païen et n'avait que des conceptions superstitieuses au sujet de la Divinité. Sa prière, demandant à Jésus de le quitter, rappelle l'exclamation de Simon Pierre, lorsqu'il fut témoin de l'un des miracles du Christ: «Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur» (Lc 5:8). 5. «Morte» ou «à toute extrémité» : Selon Luc (8:42) la fille de Jaïrus «se mourait» tandis que le père éploré demandait l'aide du Seigneur; Marc (5:23) fait dire à l'homme que la fillette était «à toute extrémité». Ces deux récits s'accordent; mais Matthieu (9:18) fait dire au père: «Ma fille est morte il y a un instant.» Les critiques incrédules se sont étendus en détail sur ce qu'ils considèrent comme un illogisme sinon une contradiction dans ces versions; et cependant les deux récits que l'on trouve dans les trois documents sont évidemment vrais. La jeune fille rendait apparemment le dernier soupir, elle était dans les affres de la mort lorsque le père sortit en hâte. Avant d'avoir rencontré Jésus, il eut le sentiment que la fin était probablement arrivée; néanmoins sa foi persista. Ses paroles attestent sa confiance que même si sa fille était vraiment morte depuis qu'il avait quitté son côté, le Maître la rappellerait à la vie. Il se trouvait dans un état de douleur frénétique, et cependant sa foi se maintint. 6. Coutumes funèbres parmi les Orientaux : Des observances qui nous paraissent étranges,
bizarres et déplacées existent depuis les temps les plus reculés parmi
les peuples orientaux, certaines de ces coutumes étant communes aux Juifs
à l'époque du Christ. Le deuil s'accompagnait ordinairement de bruit et
de tumulte, avec des lamentations stridentes des membres de la famille éplorée
et des pleureuses professionnelles, de même que du vacarme d'instruments.
Geikie, donnant la citation de Buxtorf d'un passage du Talmud, note: «Même
un Israélite pauvre était obligé d'avoir au minimum deux joueurs de flûte
et une pleureuse à la mort de sa femme; mais s'il était riche, tout
devait se faire conformément à sa qualité.» Dans le Dictionnary of the
Bible, de Smith, nous lisons: «Le nombre de paroles (onze mots hébreux
et autant de mots grecs) utilisées dans les Ecritures pour exprimer les
diverses actions caractéristiques du deuil montre dans une grande mesure
la nature des coutumes juives dans ce domaine. Elles semblent s'être
composées surtout des détails suivants: (1) Coups administrés à eux-mêmes
par les affligés sur la poitrine ou une autre partie du corps. (2) Pleurs
et hurlements sans retenue. (3) Port de vêtements aux couleurs tristes.
(4) Chants de lamentations. (5) Fêtes funèbres. (6) Utilisation de
personnes, surtout de femmes pour les lamentations. L’un des traits
marquants du deuil oriental est ce que l'on peut appeler sa publicité étudiée
et l'observance soigneuse des cérémonies prescrites (Gn 23:2, Job 1:20,
2:8, Es 15:3, etc.).» 7. «Pas morte, mais elle dort.» : Le texte scripturaire ne laisse aucun doute quant
au fait que la fille de Jaïrus était morte. La déclaration de notre
Seigneur aux pleureuses bruyantes que «l'enfant n'est pas morte, mais
elle dort» disait que son sommeil devait être de courte durée. C'était
une coutume rabbinique et commune de l'époque d'appeler la mort un
sommeil, et ceux qui raillèrent Jésus à cause de ce qu'il disait décidèrent
d'interpréter ses paroles dans un sens littéral que le contexte ne
justifie absolument pas. Il est à remarquer que le Seigneur utilisa une
expression strictement équivalente en ce qui concerne la mort de Lazare.
«Lazare, notre ami, s'est endormi, dit-il, mais je pars pour le réveiller.»
Lorsque les apôtres interprétèrent ces paroles littéralement, cela
entraîna la déclaration nette «Lazare est mort» (Jn 11:11,14). Dans le
Talmud la mort est appelée à plusieurs reprises un sommeil: des
centaines de fois, dit Lightfoot, autorité reconnue en littérature hébraïque. 8. Pourquoi Jésus posait-il des questions? : Nous avons déjà examiné beaucoup d'exemples
montrant que le Christ possédait ce que l'homme appellerait une
connaissance surhumaine, laquelle allait jusqu'à lire des pensées
inexprimées. Certaines personnes ont du mal à concilier cette qualité
supérieure avec le fait que Jésus posait souvent des questions même sur
des points d'importance secondaire. Nous devons nous rendre compte que ce
n'est pas parce que quelqu'un possède une connaissance complète qu'il
lui est interdit de poser des questions et, en outre, que même quand on
est ommniscient, cela ne veut pas dire que l'on est éternellement
conscient de tout ce qui est. Il ne fait aucun doute que grâce aux
attributs divins dont il avait hérité du côté paternel, Jésus avait
le pouvoir de s'assurer par lui-même, grâce à des moyens que d'autres
ne possèdent pas, de tous les faits qu'il pouvait désirer connaître; néanmoins
nous le voyons poser constamment des questions sur des petits détails (Mc
9:21, 8:27, Mt 16:13, Lc 8:45); et cela il le fit même après sa résurrection
(Lc 24:41, Jn 21:5, LM, 3 Né 17:7). Les méthodes suivies par les meilleurs
instructeurs humains montrent que l'enseignement par questions est l'un
des moyens les plus efficaces de développer l'esprit. Trench (Notes on
the Miracles, pp.148-9) fait ressortir d'une manière instructive la leçon
qui illustra la question de notre Seigneur concernant la femme qui fut guérie
de son hémorragie: cela ne mène à rien de prétendre que le Seigneur se
serait mis en contradiction avec la vérité absolue en feignant
l'ignorance et en posant la question qu'il posa, si à ce moment-là, il
savait parfaitement ce qu'il prétendait ainsi implicitement ne pas
savoir. Peut-on dire d'un père qui se trouve parmi ses enfants et qui
demande: Qui a commis cette faute? alors qu'il le sait, au moment même où
il pose la question, mais qui désire en même temps amener le coupable à
des aveux complets et le mettre ainsi dans un état où il peut être
pardonné, peut-on dire de lui qu'il enfreint d'une manière quelconque la
loi de la vérité la plus élevée? On pourrait trouver la même offense
dans la question d'Elisée: «D'où viens-tu, Guéhazi?» (2 R 5:25) alors
que son cœur accompagna son serviteur tout le long du chemin qu'il avait
parcouru; et même dans la question que Dieu lui-même posa à Adam: «Où
es-tu?» (Gn 3:9) et à Caïn: «Où est ton frère Abel?» (Gn 4:9). Dans
tous les cas la question a un but moral, une occasion donnée jusqu'au
dernier moment de réparer au moins une partie de l'erreur en la
confessant sans réserve. 9. Les aveugles voient : Dans son étude de la guérison miraculeuse des deux
aveugles qui avaient suivi Jésus dans la maison, Trench (Notes on the
Miracles of our Lord, p. 152) dit: «Nous avons ici la première de ces
nombreuses guérisons d'aveugles que les Evangiles rapportent (Mt 12:22,
20:30, 21:14, Jn 9) ou auxquelles ils font allusion (Mt 11:5); chacune
d'elles correspond à l'accomplissement littéral de la parabole prophétique
d'Esaïe concernant le temps du Messie: «Alors s'ouvriront les yeux des
aveugles» (35:5). Aussi fréquents que soient ces miracles, on n'en
trouvera cependant aucun qui soit dépourvu d'un trait distinctif bien à
lui. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils soient aussi nombreux, que
nous considérions ce fait d'un point de vue naturel ou spirituel. Du
point de vue naturel, ils ne doivent pas nous surprendre, si nous nous
rappelons à quel point la cécité est une calamité plus courante en
Orient que chez nous. Du point de vue spirituel, il nous suffit de nous
rappeler combien souvent le péché est considéré par les Ecritures
comme une cécité morale (Dt 28:29, Es 59: 10, Job 12:25, So 1:17), et le
fait d'être libéré du péché comme la guérison de cette cécité (Es
6:9,10, 43:8, Ep 1: 18, Mt 15:14); et nous verrons immédiatement combien
il était juste que lui, «la lumière du monde», accomplisse souvent des
œuvres qui symbolisaient si bien cette œuvre supérieure qu'il venait
d'accomplir dans le monde.» 10. L’accusation d'agir par Satan : Remarquez que dans l'affaire de la guérison du démoniaque muet dont il est parlé dans le texte, Jésus fut accusé d'être ligué avec le diable. Bien que le peuple, frappé de la manifestation de la puissance divine dans la guérison, s'exclamât avec respect: «Jamais rien de semblable ne s'est vu en Israël», les Pharisiens, décidés à contrecarrer le bon effet de l'œuvre miraculeuse du Seigneur, dirent: «C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons» (Mt 9:32-34). On trouvera une étude plus approfondie de cette accusation illogique et, à strictement parler blasphématoire, pp. 290-294.
[1] Mc 4:35. [2] Articles de
Foi, p. 23 et sqq. - «Hommes appelés de Dieu.» [3]
Page 105 [4] Lc 9:57-62;
voir aussi Mt 8:19-22. [5] Mt 8:23-27, Mc 4:35-41, Lc 8:22-25. [6] Note 1, fin du chapitre. [7] Gn 1:28, PGP, Moïse 2:26, 5:1. [8] Gn 3:17-19. [9] Note 2, fin du chapitre. [10] Mt 8:28-34, Mc 5:1-19, Lc 8:26-39. [11] Note 3, fin du chapitre. [12] Cf. Ap 20:3. [13] Note 4, fin du chapitre. [14] Mc 1:24, Lc 4:34 et verset 41;
voir page 198 supra. [15] Mc 3:7-11; cf. Lc 6:17-19 voir page 204. [16]
Mc 5:22-24, 35-43, Lc
8:41,42,49-56, Mt 9:18,19,23-26. [17] Jn 11:45; cf. 8:30,10:42. [18] Notes 5, fin du chapitre. [19] Note 6, fin du chapitre. [20] Note 7, fin du chapitre. [21] Mc 5:19:20, Lc 8:39. Page 342. [22] Page 275. [23] 1 Co 15:20,23; voir aussi
Actes 26:23, Co 1:18, Ap 1:5 et Articles de Foi, pp. 468-469. [24] 1 R 17:17-24, 2 R 4:31-37. [25] Mc 5:25-34, Mt 9:20-22, Lc 8:43-48. [26] Articles de Foi, pp. 130-133. [27] Mc 6-5, 6; cf. Mt 13-58. [28] D&A 46:19; cf. Mt 8:10, 9:28,29; Ac 14:9. [29] Note 8, fin du chapitre. [30] Mt 8:3, Lc 4:40, 13:13, Jn 9:6, cf. Mc 6:5, 7:33,8:23. [31] Mt 9:27-35. [32] Mt 15:22, 20,30,31, Me 10:47,48, Lc 18:38,39. [33] Note 9, fin du chapitre. [34] Mt 20:30-34, Jn 9:6, Mc 8:23. [35] Mc 7:32-37. [36] Mt 9:32,33. Note 10, fin du chapitre.
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