CHAPITRE 6 : LE MIDI DES TEMPS L'histoire du genre humain, passée et future
par rapport à son époque, fut révélée à Moïse, à qui le Seigneur
parla «face à face, comme un homme parle à son ami»[1].
Et Moïse reconnut que l'avènement du Rédempteur était l'événement le
plus important parmi tous ceux dont la terre et ses habitants seraient témoins.
La malédiction de Dieu était déjà tombée sur les méchants, et sur la
terre à cause d'eux, «car ils ne voulaient pas écouter sa voix ni
croire en son Fils unique, à savoir celui qu'il avait déclaré devoir
venir au midi des temps, et qui était préparé dès avant la fondation
du monde»[2]. C'est dans cette Ecriture très
ancienne qu'apparaît pour la première fois le nom expressif et profondément
significatif qui devait désigner la période à laquelle le Christ apparaîtrait
- le midi des temps. Si l'on considère l'expression comme figurée, que
l'on se souvienne que l'image provient du Seigneur. Le terme «midi» tel qu'on l'utilise
habituellement, exprime l'idée d'une division majeure du temps[3];
c'est ainsi que nous parlons du matin (avant midi) et de l'après-midi. De
même les années et les siècles de l'histoire humaine sont divisés par
le grand événement de la naissance de Jésus-Christ. Les années précédant
cet événement central sont maintenant désignées comme ayant eu lieu
avant Jésus-Christ (av. J.-C.); et les années qui le suivent, par
l'expression après Jésus-Christ (ap. J.-C.). C'est ainsi que la
chronologie du monde a été adaptée et calculée systématiquement par
rapport au moment de la naissance du Sauveur, et cette méthode de calcul
est utilisée parmi toutes les nations chrétiennes. Il est instructif de
remarquer qu'un système semblable fut adopté par la branche isolée de
la Maison d'Israël qui avait été amenée de la Palestine au continent
américain; car à partir de l'apparition du signe promis parmi le peuple,
indiquant la naissance de Celui qui avait été si abondamment prédit par
ses prophètes, le calcul néphite des années, qui commençait avec le départ
de Léhi et de sa colonie de Jérusalem, fut remplacé par les annales de
la nouvelle ère[4]. L'époque de l'avènement du Sauveur avait été
choisie à l'avance, et elle avait été exactement révélée par le
truchement de prophètes autorisés dans chacun des deux mondes. La longue
histoire de la nation israélite s'était déroulée en une succession d'événements
qui trouvèrent un point culminant relatif dans la mission terrestre du
Messie. Afin de mieux comprendre le sens véritable de la vie et du ministère
du Seigneur tandis qu'il était dans la chair, nous devons étudier un peu
la situation politique, sociale et religieuse du peuple parmi lequel il
apparut, vécut et mourut. Cette étude exige que nous fassions au moins
une brève révision de l'histoire antérieure de la nation hébraïque.
La postérité d'Abraham par Isaac et Jacob avait pris très tôt le titre
dont elle devait tirer une fierté immortelle et où elle devait trouver
une promesse édifiante: Israélites ou enfants d'Israël[5].
C'est ainsi qu'on les désignait collectivement pendant les jours sombres
de leur esclavage en Egypte[6]; c'est ainsi qu'on les appela
pendant les quatre décennies de l'exode et le retour à la terre de
promission[7]; et on continua à les appeler
ainsi pendant toute la période de leur prospérité, lorsqu'ils étaient
un peuple puissant sous l'administration des Juges, et une monarchie unie
pendant les règnes successifs de Saül, David et Salomon[8]. Immédiatement après la mort de Salomon, vers
975 av. J.-C. selon la chronologie la plus généralement acceptée, la
nation fut démembrée par la révolte. La tribu de Juda, une partie de la
tribu de Benjamin et de petits restants de quelques autres tribus restèrent
fidèles à la succession royale et acceptèrent Roboam, fils de Salomon,
pour roi; tandis que le reste, que l'on appelle ordinairement les dix
tribus, rompirent leur serment de fidélité à la maison de David et
firent de Jéroboam, un Ephraïmite, leur roi. Les dix tribus conservèrent
le titre de Royaume d'Israël bien qu'on les ait également appelées
Ephraïm[9]. Pour les distinguer, on
appela Roboam et ses adhérents le Royaume de Juda. Pendant deux cent
cinquante ans environ, les deux royaumes conservèrent leur autonomie séparée;
puis, vers 722 ou 721 av. J.-C., l'indépendance du Royaume d'Israël fut
détruite, et le peuple captif fut déporté en Assyrie par Salmanasar et
d'autres. Par la suite il disparut si complètement qu'on l'appela les
Tribus Perdues. Le Royaume de Juda fut reconnu comme nation pendant cent
trente ans encore; puis, vers 588 av. J.-C., il fut asservi par
Nebucadnetsar, qui inaugura la captivité babylonienne. A la suite de sa
transgression, Juda fut maintenu en exil et en esclavage virtuels pendant
soixante-dix ans comme cela avait été prédit par l'intermédiaire de Jérémie[10].
Puis le Seigneur adoucit le cœur de ses vainqueurs, et son rétablissement
fut commencé sous le décret de Cyrus le Perse, qui avait vaincu le
royaume babylonien. Le peuple hébreu reçut la permission de retourner en
Juda et d'entreprendre le travail de reconstruction du temple à Jérusalem[11]. Une grande compagnie des Hébreux exilés profitèrent
de cette occasion de retourner sur les terres de leurs pères, mais
beaucoup choisirent de demeurer dans le pays de leur captivité, préférant
Babylone à Israël. «L’assemblée tout entière» des Juifs qui
retournèrent de l'exil de Babylone ne se composait que de «quarante-deux
mille trois cent soixante personnes, sans compter leurs serviteurs et
leurs servantes, au nombre de sept mille trois cent trente-sept».
L’importance numérique relativement réduite de la nation émigrante
est encore montrée par la nomenclature de leurs animaux de bât[12].
Bien que ceux qui retournèrent s'efforçassent vaillamment de se reformer
en Maison de David et de regagner une certaine mesure de leur prestige et
de leur gloire passés, les Juifs ne furent plus jamais un peuple vraiment
indépendant. La Grèce, l'Egypte et l’Assyrie en firent tour à tour
leur proie; mais vers 164-163 av. J.-C., le peuple rejeta, du moins en
partie, le joug étranger, à la suite de la révolte patriotique conduite
par les Maccabées, dont le plus important était Judas Maccabée. Le
service du temple, qui avait été pratiquement aboli par la proscription
des ennemis victorieux, fut rétabli[13].
En 163 av. J.-C., le bâtiment sacré fut redédié, et cette joyeuse
occasion fut célébrée dès lors dans une fête annuelle appelée fête
de la Dédicace[14]. Mais pendant le règne des
Maccabées le temple tomba en ruines, plus à cause de l'incapacité du
peuple réduit et appauvri de l'entretenir que par déclin du zèle
religieux. Dans l'espoir d'assurer une plus grande protection nationale,
les Juifs firent alliance avec les Romains et finirent par devenir leurs
tributaires. La nation juive continua d'exister dans cet état pendant
toute la période du ministère de notre Seigneur. Au midi des temps, Rome
était virtuellement la maîtresse du monde. Lorsque le Christ naquit, César
Auguste[15] était empereur de Rome, et Hérode
l'Iduméen, surnommé le Grand, était le roi vassal de Judée. Les Juifs conservèrent un semblant d'autonomie
nationale sous la domination romaine, et leur cérémonial religieux ne
fut pas sérieusement entravé. Les ordres établis de la prêtrise étaient
reconnus, et les actes officiels du conseil national ou sanhédrin[16]
étaient considérés par les Romains comme faisant force de loi;
toutefois les pouvoirs judiciaires de cette assemblée ne lui permettaient
pas d'infliger de peine capitale sans la sanction de l'exécutif impérial.
La politique traditionnelle de Rome était d'accorder à ses peuples
tributaires et vassaux la liberté de culte tant que les divinités
mythologiques, chères aux Romains, n'étaient pas maltraitées ni leurs
autels profanés[17]. Il n'est pas besoin de dire que les Juifs
n'acceptèrent pas de bon gré la domination étrangère, quoiqu'ils
eussent été formés à cette expérience pendant de nombreuses générations,
leur état d'asservissement ayant oscillé entre la vassalité de nom et
l'esclavage réel. Ils étaient déjà en grande partie un peuple dispersé.
Tous les Juifs de Palestine à l'époque de la naissance du Christ ne
constituaient qu'un petit reste de la grande nation davidique. Les dix
tribus, qui constituaient l'ancien royaume d'Israël, étaient perdues
depuis longtemps pour l'histoire, et le peuple de Juda avait été éparpillé
au loin parmi les nations. Dans leurs rapports avec les autres peuples, les
Juifs s'efforçaient généralement de rester une société hautainement
renfermée, ce qui les fit ridiculiser par les Gentils. Sous la loi mosaïque,
Israël avait reçu l'ordre de se tenir à part des autres nations; les
Juifs attachaient une importance suprême à leur lignage abrahamique qui
faisait d'eux les enfants de l'alliance, «un peuple saint pour l'Eternel»,
qu'il avait choisi pour qu'il fût «un peuple qui lui appartienne en
propre parmi tous les peuples qui sont à la surface de la terre»[18]. Juda avait fait l'expérience
des effets désastreux du badinage avec les nations païennes, et à l'époque
que nous considérons pour le moment, un Juif qui se permettait des
relations inutiles avec un Gentil devenait un être impur qui avait besoin
d'être purifié cérémoniellement pour être délivré de sa souillure.
Ce n'est que dans un isolement strict que les dirigeants trouvaient
l'espoir d'assurer la perpétuité de la nation. Il n'est pas exagéré de dire que les Juifs haïssaient
tous les autres peuples et étaient réciproquement méprisés par tous
les autres. Ils manifestaient une haine toute spéciale pour les
Samaritains, peut-être parce que ce peuple persistait dans ses efforts
pour établir une prétention à une parenté raciale. Ces Samaritains étaient
un peuple mêlé, et les juifs les considéraient comme des bâtards
indignes d'un respect vrai. Quand les dix tribus furent emmenées en
captivité par le roi d’Assyrie, des étrangers furent envoyés peupler
la Samarie[19]. Ceux-ci se marièrent avec
les Israélites qui avaient échappé à la captivité, et des
modifications de la religion d'Israël, comprenant au moins la profession
du culte de Jéhovah, survécurent en Samarie. Les Juifs considéraient
les rituels samaritains comme peu orthodoxes, et le peuple comme des réprouvés.
A l'époque du Christ, l'inimitié entre Juif et Samaritain était si
intense que les voyageurs qui allaient de Judée en Galilée faisaient de
longs détours pour ne pas traverser la province de Samarie qui se
trouvait entre les deux. Les Juifs ne voulaient rien avoir de commun avec
les Samaritains[20]. Le fier sentiment d'indépendance, l'obsession
du repli sur soi-même et de l'isolement - traits si caractéristiquement
juifs à l'époque - étaient inculqués dès l'enfance et soulignés à
la synagogue et à l'école. Le Talmud[21]
qui, sous sa forme codifiée, est ultérieur à l'époque du ministère du
Christ, interdisait à tous les Juifs la lecture des livres de nations étrangères,
déclarant qu'aucun de ceux qui commettaient pareille faute ne pouvait
logiquement espérer la faveur de Jéhovah[22].
Josèphe approuve ce commandement et écrit que la sagesse pour les Juifs
signifiait uniquement: bien connaître la loi et être capable d'en
discuter[23]. La connaissance approfondie
de la loi était exigée aussi formellement que les autres études étaient
interdites. C'est ainsi que la limite entre les savants et les ignorants
devint rigidement fixée; et il s'ensuivit inévitablement que ceux que
l'on estimait savants, ou qui se considéraient comme tels, regardaient
leurs congénères non cultivés comme une classe distincte et inférieure[24]. Longtemps avant la naissance du Christ, les
Juifs avaient cessé d'être un peuple uni, même en matière de loi, bien
qu'ils se reposassent principalement sur la loi pour conserver leur
solidarité nationale. Soixante ans après le retour de l'exil babylonien
déjà, et nous ne savons pas exactement combien de temps auparavant, on
avait commencé à reconnaître, en tant qu'hommes ayant l'autorité,
certains savants que l'on appela plus tard scribes et que l'on nomma
rabbis[25] ou docteurs. A l'époque
d'Esdras et de Néhémie, ces spécialistes de la loi constituaient une
classe noble, à qui on rendait respect et honneur. On appelle Esdras «sacrificateur
et scribe, qui transcrivait les paroles commandées et prescrites par
l'Eternel au sujet d'Israël»[26].
Les scribes de l'époque rendirent des services précieux sous la
direction d'Esdras, et plus tard sous la direction de Néhémie, à
compiler les écrits sacrés qui existaient à l'époque; et dans l'usage
juif, ceux qui étaient chargés d'être les gardiens et les interprètes
de la loi prirent le nom de membres de la Grande Synagogue ou Grande
Assemblée, au sujet desquels les voies canoniques nous donnent peu de
renseignements. Selon le Talmud, l'organisation se composait de cent vingt
savants éminents. L’ampleur de leurs travaux, selon l'exhortation
qu'ils perpétuaient traditionnellement eux-mêmes, est définie de la
manière suivante: Soyez prudents dans le jugement, établissez de
nombreux savants et dressez une clôture autour de la loi. Ils suivaient
ce commandement en étudiant attentivement et en examinant soigneusement
tous les détails traditionnels de l'administration, en multipliant les
scribes et les rabbis, et, selon l'interprétation que certains d'entre
eux donnaient à leurs devoirs d'établir de nombreux savants, en écrivant
beaucoup de livres et de traités; en outre, ils établirent une clôture
autour de la loi en ajoutant de nombreuses règles qui prescrivaient avec
une grande précision les conventions officielles pour chaque occasion. Le peuple tenait les scribes et les rabbis en très
haute estime, supérieure encore à celle qu'ils manifestaient pour
l'ordre des lévites ou des prêtres; et les décrets rabbiniques
prenaient le pas sur les paroles des prophètes, puisqu'on ne considérait
ces derniers que comme des messagers ou des porte-parole, tandis que les
savants vivants étaient d'eux-mêmes des sources de sagesse et d'autorité.
Les pouvoirs séculiers que la société romaine permettait aux juges de
conserver reposaient sur la hiérarchie dont les membres étaient capables
de s'octroyer pratiquement tous les honneurs officiels et professionnels.
Le résultat naturel de cette situation fut qu'il n'y avait pratiquement
aucune distinction entre la loi civile et la loi ecclésiastique, que ce fût
quant au code ou quant à l'administration. Un élément essentiel du
rabbinisme était la doctrine selon laquelle la tradition rabbinique orale
avait une autorité égale à la parole écrite de la loi. L’exaltation
que provoquait l'application du titre «rabbi» et l'orgueil manifesté
par ceux qui recevaient ce genre d'adulation étaient particulièrement
interdits par le Seigneur, qui se proclamait lui-même le seul Maître;
et, pour ce qui est de l'interprétation du titre de «père» que
certains détenaient, Jésus proclama qu'il n'y avait qu'un seul Père et
qu'il se trouvait au ciel: «Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi;
car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez
personne sur la terre père, car un seul est votre Père, celui qui est
dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs, car un seul est
votre Directeur, le Christ[27].» Les scribes, qu'ils aient été nommés de la
sorte ou par l'appellation plus distinguée de rabbi, furent dénoncés de
multiples fois par Jésus, parce que leurs enseignements n'étaient que
lettre morte, et que l'esprit de justice et de moralité viriles en était
absent; et dans ses dénonciations, les Pharisiens sont souvent accolés
aux scribes. Le jugement que le Christ portait sur eux est suffisamment
exprimé par son imprécation flétrissante: «Malheur à vous, scribes et
Pharisiens hypocrites[28]!» L’époque ou les circonstances de l'origine
des Pharisiens ne sont pas fixées par une autorité indiscutable; bien
qu'il soit probable que cette secte ou ce parti naquit lors du retour des
Juifs de la captivité babylonienne. Les Juifs qui s'étaient imprégnés
de l'esprit de Babylone promulguèrent de nouvelles idées et des
conceptions supplémentaires quant à la signification de la loi, et les
innovations qui en résultèrent furent acceptées par les uns et rejetées
par les autres. Le nom «Pharisien» n'apparaît pas dans l'Ancien
Testament ni dans les apocryphes, bien qu'il soit probable que les Assidéens
mentionnés dans les livres des Maccabées[29]
aient été les Pharisiens originels. Par dérivation le nom exprime l'idée
de séparatisme; le Pharisien, comme l'estimait sa classe, était tout spécialement
mis à part du commun, auquel il se considérait aussi véritablement supérieur
que les Juifs se considéraient eux-mêmes par rapport aux autres nations.
Les Pharisiens et les scribes étaient unis dans tous les points
essentiels de ce qu'ils professaient, et le rabbinisme était leur
doctrine officielle. Dans le Nouveau Testament, les Pharisiens sont
souvent mentionnés en opposition aux Sadducéens; et les rapports entre
les deux partis étaient tels qu'il est plus facile de les opposer les uns
aux autres que de les étudier séparément. Les Sadducéens naquirent
sous forme d'organisation réactionnaire au cours du deuxième siècle
avant Jésus-Christ, lors d'un mouvement d'insurrection contre le parti
maccabéen. Leur programme consistait en une campagne d'opposition à la
masse sans cesse croissante de pratiques traditionnelles, qui non
seulement entouraient la loi d'une clôture pour la protéger, mais sous
lesquelles elle était également ensevelie. Les Sadducéens étaient
partisans de la sainteté de la loi telle qu'elle avait été écrite et
conservée, et rejetaient toute la masse des préceptes rabbiniques, tant
ceux qui avaient été transmis oralement que ceux qui avaient été
collationnés et codifiés dans les écrits des scribes. Les Pharisiens
constituaient le parti le plus populaire, les Sadducéens représentaient
une minorité aristocratique. A l'époque de la naissance du Christ, les
Pharisiens constituaient un corps organisé au nombre de plus de six mille
hommes, les femmes juives étant sympathisantes et collaborant généralement
avec eux[30] tandis que les Sadducéens étaient
une faction tellement réduite et au pouvoir si limité que, lorsqu'on les
plaçait dans des postes officiels, ils suivaient généralement la
politique des Pharisiens parce que c'était plus profitable. Les
Pharisiens étaient les Puritains de l'époque, exigeant d'une manière
inflexible que l'on se conformât aux règles traditionnelles aussi bien
qu'à la loi originelle de Moïse. Notez à ce propos la profession de foi
et de pratique de Paul lorsqu'il fut mis en accusation devant Agrippa: «J'ai
vécu en Pharisien, selon le parti le plus rigide de notre religion[31].»
Les Sadducéens se targuaient de se conformer strictement à la loi, telle
qu'ils la comprenaient, en dépit de tous les scribes ou rabbis. Les
Sadducéens étaient partisans du temple et de ses ordonnances prescrites,
les Pharisiens, de la synagogue et de ses enseignements rabbiniques. Il
est difficile de décider lesquels étaient les plus techniques si nous
jugeons chaque parti par le critère de sa propre profession. Voici une
illustration: les Sadducéens étaient pour l'application littérale et
complète du châtiment mosaïque: oeil pour oeil, dent pour dent[32], tandis que les
Pharisiens disaient, en vertu des décrets rabbiniques, que cette formule
devait être comprise au sens figuré, et que, par conséquent, le châtiment
pouvait consister en une amende d'argent ou de biens. Pharisiens et Sadducéens différaient sur
beaucoup de sujets importants sinon fondamentaux de croyance et de
pratique, y compris la préexistence des esprits, la réalité d'un état
futur impliquant la récompense et la punition, la nécessité de l'abnégation
personnelle, l'immortalité de l'âme et la résurrection d'entre les
morts, points sur lesquels les Pharisiens étaient affirmatifs tandis que
les Sadducéens optaient pour la négative[33].
Josèphe déclare que la doctrine des Sadducéens est que l'âme et le
corps périssent ensemble; la loi est tout ce qu'ils se soucient
d'observer[34]. Ils étaient «une école
sceptique de traditionalistes aristocratiques, n'adhérant qu'à la loi
mosaïque»[35]. Parmi les nombreux autres sectes et partis établis
à la suite de différences religieuses ou politiques ou des deux, il faut
compter les Esséniens, les naziréens, les Hérodiens et les Galiléens.
Les Esséniens se caractérisaient par des professions d'une extrême piété;
ils considéraient que même la profession stricte des Pharisiens était
faible et insuffisante; pour devenir membre de leur ordre, il fallait se
soumettre à des exigences sévères s'étendant tout au long d'un premier
et d'un second noviciat; il leur était même interdit de toucher de la
nourriture préparée par des étrangers; ils pratiquaient une tempérance
stricte et une abnégation rigide, se livraient à un travail dur - de préférence
à l'agriculture, et il leur était interdit de faire du commerce comme
marchands, de participer à la guerre ou de posséder ou d'employer des
esclaves[36]. Les naziréens ne sont pas
cités dans le Nouveau Testament, bien qu'ils soient mentionnés
officiellement dans les Ecritures plus anciennes[37];
et dans des sources autres que scripturaires nous apprenons leur existence
à l'époque du Christ et après. Le naziréen pouvait être de sexe
masculin ou féminin; il était astreint à l'abstinence et au sacrifice
par un vœu volontaire de servir spécialement Dieu; la durée du vœu
pouvait être limitée ou à vie. Alors que les Esséniens cultivaient une
fraternité ascétique, les naziréens étaient consacrés à une
discipline solitaire. Les Hérodiens constituent un parti politique ou
religieux qui favorisait les plans des Hérode tout en professant croire
que ce n'était que par cette dynastie que les statuts du peuple juif
devaient être maintenus et que le rétablissement de la nation pouvait être
assuré. Nous voyons les Hérodiens laisser de côté leurs antipathies
partisanes et agir de concert avec les Pharisiens pour essayer de
condamner le Seigneur Jésus et le conduire à la mort[38].
Les Galiléens ou peuple de Galilée se distinguaient de leurs
compatriotes de Judée par une simplicité plus grande et une dévotion
moins criarde en matière de loi. Ils étaient opposés aux innovations,
et cependant ils étaient généralement plus libéraux ou plus larges
d'esprit que certains des Judéens qui se disaient dévots. Ils étaient
bien connus comme défenseurs capables dans les guerres du peuple et s'étaient
acquis une réputation de bravoure et de patriotisme. On parle d'eux à
propos de certains événements tragiques qui se produisirent du vivant de
notre Seigneur[39]. Les juifs reconnaissaient extérieurement
l'autorité de la prêtrise à l'époque du Christ, et l'ordre des
services requis pour les prêtres et les lévites était dignement observé.
Pendant le règne de David, les descendants d'Aaron, qui étaient les prêtres
héréditaires d'Israël, avaient été répartis en vingt-quatre classes[40],
et chaque classe assurait tour à tour les travaux du sanctuaire. Les représentants
de quatre classes seulement revinrent de captivité, mais on reconstitua
de parmi ceux-ci les ordres suivant le plan originel. Du temps d'Hérode
le Grand, les cérémonies du temple se déroulaient avec un grand déploiement
de fastes extérieurs, cela étant essentiel pour assurer la conformité
avec la splendeur de l'édifice, qui surpassait en magnificence tous les
sanctuaires précédents[41]. C'est pourquoi on avait
constamment besoin de prêtres et de lévites, bien que les individus
fussent changés à de brefs intervalles selon le système établi. Aux
yeux du peuple, les prêtres étaient inférieurs aux rabbis, et on
attribuait plus d'honneur à l'érudition du scribe qu'à l'ordination à
la prêtrise. La religion de l'époque était une question de cérémonies
et de conventions, de rituels et d'actions; elle avait perdu l'esprit même
du culte, et la vraie conception des rapports entre Israël et le Dieu
d'Israël n'était plus qu'un rêve du passé. Tels étaient en bref les traits principaux de
l'état du monde, en particulier en ce qui concerne le peuple juif,
lorsque Jésus, le Christ, naquit au midi des temps. NOTES DU CHAPITRE 6 1. Le sanhédrin : Cette institution, tribunal suprême ou grand conseil des
Juifs, tire son nom du grec sunedrion, signifiant «conseil». Le Talmud
fait remonter l'origine de cette assemblée à l'appel des soixante-dix
anciens que Moïse prit avec lui, faisant soixante et onze en tout, pour
administrer Israël en tant que juges (Nb Il: 16,17). A l'époque du
Christ, comme déjà longtemps auparavant, le sanhédrin se composait de
soixante et onze membres, y compris le grand prêtre qui dirigeait
l'assemblée. Il semble avoir été appelé, dans sa période la plus
ancienne, «Sénat», et à l'occasion c'est ainsi qu'on l'appela après
la mort du Christ (Josèphe, Antiquités XII 3:3; comparer avec Actes 5:21); le
nom sanhédrin entra dans l'usage au cours du règne d'Hérode le Grand. L'extrait suivant du Standard Bible Dictionary est instructif: «Ceux qui étaient qualifiés pour être membres appartenaient généralement à la caste des prêtres et tout particulièrement à la noblesse sadducéenne. Mais à partir de l'époque de la reine Alexandra (69-68 av. J.-C.), il s'y trouva également, outre ces prêtres principaux, beaucoup de Pharisiens sous les noms de scribes et d'anciens. Ces trois classes sont combinées dans Mt 27:41, Marc 11:27,14:43, 53, 15: 1. Nous ne savons pas bien comment on nommait ces membres. Le caractère aristocratique de cette assemblée et l'histoire de son origine nous interdisent de croire que cela se faisait par élections. Son noyau se composait probablement des membres de certaines familles anciennes auxquelles les gouverneurs séculiers en ajoutaient cependant d'autres de temps en temps. L’officier président était le souverain sacrificateur, qui exerça tout d'abord plus que l'autorité d'un membre, réclamant une voix égale à celle du reste de l'assemblée. Mais lorsque la haute prêtrise fut réduite, de l'office héréditaire qu'elle était, à un office conféré par le gouverneur politique selon son plaisir, et après les changements fréquents dans l'office introduits par le nouveau système, le souverain sacrificateur perdit naturellement son prestige. Au lieu de tenir entre ses mains le «gouvernement de la nation», il finit par ne plus être que l'un de ceux, et ils étaient nombreux, qui se partageaient ce pouvoir; ceux qui avaient été souverains sacrificateurs étaient toujours estimés par la nation, et, ayant perdu leur office pour une raison que le sentiment religieux de la communauté ne pouvait considérer comme valide, exerçaient une profonde influence sur les décisions de l'assemblée. Dans le Nouveau Testament, on les considère comme les souverains (Mt 26:59, 27:41, Actes 4:5,8, Luc 23:13,35, Jean 7:26), et le témoignage de Josèphe confirme ce point de vue. Les fonctions du sanhédrin étaient religieuses et morales, et aussi politiques. En cette dernière qualité, il exerçait en outre des fonctions administratives aussi bien que judiciaires. Tribunal religieux, le sanhédrin exerçait une influence puissante sur le monde juif tout entier (Actes 9:2); mais en qualité de tribunal, après la division du pays à la mort d'Hérode, sa juridiction fut limitée à la Judée. Mais là son pouvoir était absolu au point même de prononcer la sentence de mort (Josèphe, Ant. XIV, 9:3, 4 Mt 26:3, Actes 4:5, 6:12, 22:30), bien qu'il n'eût pas l'autorité d'exécuter la sentence tant que celle-ci n'était pas approuvée et commandée par le représentant du gouvernement romain. La loi selon laquelle le sanhédrin gouvernait était naturellement la loi juive, et pour l'appliquer ce tribunal avait une police à lui et procédait à des arrestations à sa discrétion (Mt 26:47)... Bien que l'autorité générale du sanhédrin s'étendit sur toute la Judée, les villes du pays avaient des conseils locaux à elles (Mt 5:22, 10:17, Marc 13:9, Josèphe, B. J. 11, 14: 1), pour l'administration des affaires locales. Ceux-ci se composaient d'anciens (Luc 7:3), au nombre de sept au moins (Josèphe, Ant. IV, 8:14, B. J. 11, 20:5), pouvant aller jusqu'à vingt-trois dans les grandes villes. On ne connaît pas exactement les rapports qu'ils entretenaient avec le conseil central de Jérusalem... Ils se reconnaissaient mutuellement dans une certaine mesure, car lorsque les juges du tribunal local ne pouvaient pas se mettre d'accord, il semble qu'ils avaient l'habitude de soumettre leur cas au sanhédrin de Jérusalem (Josèphe, Ant. IV, 8:14, Michna, Sanh. 11:2).» 2. Talmud : «Ensemble des lois civiles et religieuses juives (et les
discussions qui s'y rapportent directement ou de loin) qui ne sont pas
contenues dans le Pentateuque, comprenant communément la Michna et la Guémara,
mais limitées parfois à cette dernière; écrit en araméen. Il existe
en deux grandes collections, le Talmud palestinien, ou Talmud du pays
d'Israël, ou Talmud de l'Ouest, ou, plus populairement, le Talmud de Jérusalem,
comprenant les discussions de la Michna des docteurs palestiniens du deuxième
jusqu'au milieu du cinquième siècle; et le babylonien comprenant les
docteurs juifs de Babylonie, de 190 environ jusqu'au 7e siècle.» - New
Standard Dict. La Michna comprend les parties les plus anciennes du
Talmud; la Guémara est composée d'écrits ultérieurs et consiste
surtout en une explication de la Michna. A elle seule une édition du
Talmud babylonien (publiée à Vienne en 1682) comprenait vingt-quatre
tomes (Geikie). 3. Rabbis : Le titre «rabbi» est équivalent à nos appellations «docteur»
ou «maître». Par dérivation, il signifie «maître» ou «mon maître»,
comportant ainsi une idée de dignité et de rang associée à une manière
polie de s'adresser à l'intéressé. Jean (1:38) explique clairement le
terme, et il faut lui donner le même sens dans l'usage qu'en fait
Matthieu (23:8). Il fut appliqué en plusieurs occasions comme titre de
respect à Jésus (Mt 23:7,8; 26:25, 49; Marc 9:5, 11:21, 14:45, Jean
1:38, 49; 3:2, 26; 4:31; 6:25; 9:2; 11:8). A l'époque du Christ, le titre
était d'un usage relativement récent, car il semble n'être entré dans
l'usage que durant le règne d'Hérode le Grand, bien que les docteurs antérieurs,
qui étaient de la classe des rabbis, sans en porter le nom, fussent
universellement respectés; c'est plus tard que l'usage leur décerna ce
titre. Rab était un titre inférieur à celui de «rabbi», et «rabban»
lui était supérieur. Rabbouni exprimait le respect, l'amour et l'honneur
les plus profonds (voir Jean 20:16). A l'époque du ministère de notre
Seigneur, les rabbis étaient tenus en haute estime et se réjouissaient
de la précédence et des honneurs que les hommes leur accordaient. Ils
appartenaient presque exclusivement au puissant parti pharisien. Ce qui suit est tiré de Life and Words of Christ, de Geikie, vol. 1, chap. 6: «Si les personnages les plus importants de la société à l'époque du Christ étaient les Pharisiens, c'est parce qu'ils étaient des rabbis ou docteurs de la Loi. Comme tels on les honorait superstitieusement, ce qui était en fait pour beaucoup la grande raison pour laquelle ils courtisaient le titre ou se joignaient au parti. Les rabbis étaient classés avec Moïse, les patriarches et les prophètes, et prétendaient être respectés autant qu'eux. On disait que Jacob et Joseph avaient été rabbis tous les deux. Le Targum de Jonathan substitue rabbis ou scribes au mot «prophètes» là où ce dernier apparaît. Josèphe appelle les prophètes de l'époque de Saül des rabbis. Dans le Targum de Jérusalem, tous les patriarches sont des rabbis savants... Ils devaient être plus chers à Israël que leurs père et mère - parce que les parents ne servent que dans ce monde [comme on l'enseignait alors], mais le rabbi était pour l'éternité. On les plaçait au-dessus des rois, car n'est-il pas écrit: «A travers moi règnent les rois»? Leur apparition dans une maison apportait une bénédiction; vivre ou manger avec eux était la plus grande des bonnes fortunes... Les rabbis allaient encore plus loin pour exalter leur ordre. La Michna déclare que c'est un crime plus grand de dire quoi que ce soit en leur défaveur que de parler contre les paroles de la Loi... Cependant, selon les apparences extérieures, la Loi était l'objet d'honneurs sans limite. Toutes les paroles des rabbis devaient être basées sur des paroles de la Loi, lesquelles étaient cependant expliquées à leur manière. L’esprit des temps, le fanatisme farouche du peuple et leur propre parti pris les poussaient à n'accorder d'importance qu'à des cérémonies et à des formalités extérieures sans valeur, négligeant absolument l'esprit des écrits sacrés. Cependant on considérait que la Loi n'avait pas besoin d'être confirmée, tandis que les paroles des rabbis devaient l'être. Dans la mesure où l'autorité romaine sous laquelle ils vivaient les laissait libres, les Juifs mettaient de bon cœur tous pouvoirs entre les mains des rabbis. Eux ou ceux qu'ils nommaient remplissaient tous les offices, des plus élevés dans la prêtrise jusqu'aux plus bas dans la communauté. Ils étaient les casuistes, les instructeurs, les prêtres, les juges, les magistrats et les médecins de la nation... La caractéristique centrale et dominante de l'enseignement des rabbis était la certitude de l'avènement d'un grand Libérateur national - le Messie ou Oint de Dieu ou, dans la traduction grecque du titre, le Christ. Chez aucune nation autre que les Juifs, pareille conception n'a jamais pris racine à ce point ou n'a montré autant de vitalité... Les rabbis s'accordaient pour dire que le lieu de sa naissance devait être Bethléhem et qu'il devait sortir de la tribu de Juda.» Des rabbis isolés réunissaient des disciples
autour d'eux, et inévitablement des rivalités s'ensuivaient. Des écoles
et des académies rabbiniques furent établies, la popularité de chacune
dépendant de la grandeur de quelque rabbi. Les plus célèbres de ces
institutions à l'époque d'Hérode 1er furent l'école de Hillel et celle
de son rival Chammaï. Plus tard, la tradition leur conféra le titre «Ies
anciens pères». A en juger par les points insignifiants sur lesquels les
disciples de ces deux rabbis se disputaient, ce n'était que grâce à
l'opposition que l'un et l'autre pouvaient conserver un statut distinct.
Hillel est considéré comme le grand-père de Gamaliel, le rabbi et
docteur de la loi aux pieds duquel Saül de Tarse, plus tard Paul l'apôtre,
reçut sa première formation (Actes 22:3). Dans la mesure où les
documents historiques des points de vue, principes ou croyances défendus
par les écoles rivales de Hillel et Chammaï nous permettent d'en juger,
il semble que le premier ait été partisan d'une plus grande mesure de
libéralité et de tolérance, tandis que le dernier insistait sur une
interprétation stricte et probablement étroite de la loi et des
traditions qui lui étaient associées. Le fait que les écoles
rabbiniques dépendaient de l'autorité de la tradition est illustré par
un incident rapporté par des documents montrant que même le prestige du
grand Hillel ne le protégea pas contre une émeute un jour qu'il parlait
sans citer de précédent; ce n'est que quand il eut ajouté que ses maîtres
Abtalion et Chemajah avaient parlé de même que le tumulte s'apaisa. 4. Les Sadducéens nient la résurrection : Comme le texte le déclare les Sadducéens
formaient une association dont l'importance numérique était réduite par
comparaison avec les Pharisiens plus populaires et plus influents. Dans
les Evangiles, les Pharisiens sont souvent cités et sont très communément
associés aux scribes, tandis que les Sadducéens sont nommés moins fréquemment.
Dans les Actes des Apôtres, les Sadducéens apparaissent souvent comme
adversaires de l'Eglise. Cette situation provenait certainement de
l'insistance que les thèmes de la prédication apostolique apportait à
la résurrection des morts, les Douze témoignant constamment de la réalité
de la résurrection du Christ. La doctrine des Sadducéens niait la réalité
et la possibilité d'une résurrection corporelle, leurs prétentions
reposant principalement sur le fait que Moïse, qui était considéré
comme le législateur mortel suprême d'Israël, et le porte-parole
principal de Jéhovah, n'avait rien écrit sur la vie après la mort. Ce
qui suit est tiré du Dictionary of the Bible, de Smith, article «Sadducees»,
à ce propos: «L’idée que la résurrection de l'homme après la mort
était impossible était, dans la conception des Sadducéens, la
conclusion logique de leur refus d'admettre que Moïse avait révélé la
loi orale aux Israélites. Car sur un sujet aussi capital qu'une deuxième
vie au-delà de la tombe, aucun parti religieux parmi les Juifs ne se
serait considéré obligé d'accepter une doctrine quelconque comme
article de foi, si elle n'avait été proclamée par Moïse, leur grand législateur;
et il est certain que dans la loi écrite du Pentateuque, Moïse ne dit
absolument rien sur la résurrection des morts. Le fait est présenté aux
chrétiens d'une manière frappante par les paroles bien connues du
Pentateuque que cite le Christ lorsqu'il discute avec les Sadducéens à
ce sujet (Ex 3:6, 16; Marc 12:26,27; Mt 22:31,32; Luc 20:37). Il est
indubitable qu'en pareil cas le Christ citerait à ses puissants
adversaires le texte le plus applicable de la Loi; et cependant le texte
qu'il cite ne fait guère plus que suggérer une allusion à cette grande
doctrine. Il est vrai que des passages en d'autres parties de l’Ancien
Testament expriment une croyance en la résurrection (Es 26:19, Dn 12:2,
Job 19:26, et dans certains des Psaumes); et il peut paraître surprenant,
à première vue, que les Sadducéens n'aient pas été convaincus par
l'autorité de ces passages. Mais bien que les Sadducéens considérassent
les livres qui contenaient ces passages comme sacrés, il est plus que
douteux qu'aucun des Juifs les ait considérés comme sacrés dans
exactement le même sens que la loi écrite. Pour les Juifs, Moïse était
et est une figure colossale dont l'autorité surpasse celle de tous les
prophètes ultérieurs.» 5. Le temple d'Hérode : «Le but que poursuivait Hérode en entreprenant cette
grande oeuvre était de se grandir lui-même et de grandir la nation, plutôt
que de rendre hommage à Jéhovah. Sa proposition de reconstruire ou de
restaurer le temple sur une échelle plus grande et plus magnifique fut
considérée comme suspecte et accueillie avec méfiance par les Juifs:
quand l'ancien édifice serait démoli, ce monarque arbitraire était bien
capable d'abandonner son projet et de laisser le peuple dépourvu de
temple. Pour dissiper ces craintes, le roi se mit en devoir de
reconstruire et de restaurer le vieil édifice, partie par partie, en
dirigeant le travail de telle manière qu'à aucun moment le service du
temple ne fût sérieusement perturbé. On ne conserva cependant que si
peu de l'ancienne construction, que le temple d'Hérode doit être regardé
comme une création nouvelle. L’œuvre fut entreprise environ seize ans
avant la naissance du Christ; et, alors que la maison sainte proprement
dite était pratiquement achevée en un an et demi - cette partie de
l'ouvrage ayant été exécutée par un millier de prêtres spécialement
entraînés dans ce but - l'emplacement du temple fut témoin de travaux
ininterrompus de construction jusqu'en 63 après J.-C. Nous apprenons qu'à
l'époque du ministère du Christ, le temple était en reconstruction
depuis quarante-six ans; et à ce moment il n'était pas encore achevé. «Le texte biblique ne nous donne guère de
renseignements concernant ce dernier temple, le plus grand de l'antiquité;
ce que nous en savons, nous le devons principalement à Josèphe, avec à
l'appui quelques témoignages trouvés dans le Talmud. Dans tous ses
traits essentiels, la maison sainte, ou temple proprement dit, était
semblable aux deux maisons ou sanctuaires antérieurs, quoiqu'il fût, extérieurement,
bien plus compliqué et plus imposant qu'eux; le temple d'Hérode, en
effet, les surclassait de loin sur le chapitre des cours d'enceinte et des
bâtiments annexes... Et pourtant, sa beauté, sa grandeur, résidaient
plutôt dans sa perfection architecturale que dans la sainteté du culte
ou dans la manifestation de la présence divine à l'intérieur de ses
murs. Le rituel, les cérémonies étaient surtout d'inspiration humaine,
car, tandis que l'on se targuait d'observer la lettre de la loi de Moïse,
cette loi avait été complétée et sur de nombreux points remplacée par
la tradition et les prescriptions sacerdotales. Les Juifs affectaient de
le considérer comme saint, et ce sont eux qui le proclamaient «maison du
Seigneur». Quoiqu'il fût dépourvu des manifestations divines qui
avaient accompagné les autres sanctuaires acceptés par Dieu, et
quoiqu'il fût souillé par l'arrogance des prêtres usurpateurs aussi
bien que par des intérêts mercenaires égoïstes, il fut cependant
reconnu, même par notre Seigneur Jésus-Christ, comme la maison de son Père
(Mt 21:12; comparer avec Marc 11:15 et Luc 19:45)... Pendant encore trente
ans ou davantage après la mort du Christ, les Juifs continuèrent d'aménager
et d'embellir les bâtiments du temple. Le plan complexe conçu et projeté
par Hérode avait été pratiquement mené à bien; le temple était pour
ainsi dire achevé et, comme il apparut bientôt après, il était prêt
pour la destruction. Son destin avait été nettement prédit par le
Sauveur lui-même.» - (La Maison du Seigneur, de l'auteur, pp. 43-49.) 6. Etat du monde à l'époque de la naissance du Sauveur : Au commencement de l'ère
chrétienne, les Juifs, comme la plupart des autres nations, étaient
sujets de l'empire romain. On leur accordait une mesure considérable de
liberté dans la préservation de leurs observances religieuses et de
leurs coutumes nationales en général, mais leur statut était loin d'être
celui d'un peuple libre et indépendant. L’époque était une période
de paix relative, un temps marqué par moins de guerres et moins de
dissensions que l'empire n'en connaissait depuis de nombreuses années.
Cette situation était favorable à la mission du Christ et à la
fondation de son Eglise sur la terre. Les systèmes religieux qui
existaient à l'époque du ministère terrestre du Christ peuvent être
classifiés d'une manière générale sous les rubriques Juif et Païen,
avec un système mineur - le Samaritain - qui était essentiellement un mélange
des deux autres. Seuls les enfants d'Israël proclamaient l'existence du
Dieu vrai et vivant; eux seuls espéraient et attendaient l'avènement du
Messie qu'ils considéraient erronément comme un futur conquérant qui
viendrait écraser les ennemis de leur nation. Toutes les autres nations,
langues et peuples se prosternaient devant les divinités païennes, et
leur culte ne se composait de rien d'autre que des rites sensuels de
l'idolâtrie païenne. Le paganisme était une religion de formes et de cérémonies,
basée sur le polythéisme - croyance en l'existence d'une multitude de
dieux, divinités sujettes à tous les vices et à toutes les passions de
l'humanité et se distinguant par leur immunité à la mort. La morale et
la vertu étaient étrangères au service païen; et l'idée dominante du
culte païen était de se rendre les dieux favorables dans l'espoir d'écarter
leur colère et d'acheter leurs faveurs. (Voir La grande apostasie, de
l'auteur, 1:2-4, et les notes suivant le chapitre cité.)
[1] Ex 33:11; voir aussi Nb 12:8, Dt 34:10; cf. PGP, Moïse
1:2,11,31. [2] PGP, Moïse 5:57; on trouvera mention ultérieure
du «midi des temps» 6:56-62 et 7:46; et cf. D&A 20:26 et 39:3. [3] «Méridien
(ou midi): . . . au figuré, le point le plus haut ou point culminant
de tout le zénith; comme: le méridien (midi) de la vie.» - New
Stand. Dict. [4] LM, 3 Néphi 2:8; cf. 4 Néphi 1:1, 21; Mormon 8:6,
Moroni 10:1. [5] Gn 32:28;
35:10. [6] Ex 1:1, 7, 9:6, 7, 12:3, etc. [7] Ex 12:35, 40,
13:19, 15: 1, Nb 20:1, 19, 24, etc. [8] Voir mentions partout dans les livres des Juges, 1
et 2 Samuel, 1 et 2 Rois et les références qui y sont données. [9] Es 11: 13, 17:3, Ez 37:16-22, Os 4:17. [10] Jr 25:11,12; voir aussi 29:10. [11] Esd 1:1-4;
l'auteur, La Maison du Seigneur, p. 46-50; aussi, Articles de Foi,
chap. 17. [12] Esd 2:64-67. [13] La Maison du Seigneur, p. 50, 51. [14] Josèphe, Ant. XII:6 et 7, 2 Maccabées 2:19,
10:1-8, ainsi que Jean 10:22. [15] Luc 2: 1. [16] Note 1, fin du chapitre. [17] Note 6, fin du chapitre. [18] Dt 7:6; voir
aussi 10: 15, Ex 19:5,6, Ps 135:4, Es 41:8, 45:4; cf. 1 Pierre 2:9. [19] 2 Rois 17:24. [20] Jean 4:9, Luc 9:51-53. Pages 189, 201 infra. [21] Note 2, fin du chapitre. [22] Talmud Bab., Sanhédrin, 90. [23] Josèphe, Antiquités XX, 11:2. [24] Notez combien cette distinction est soulignée dans
Jean 7:45-49; voir aussi 9:34. [25] Note 3, fin du chapitre. [26] Esd 7:11;
voir aussi versets 6,10,12. [27] Mt 23:8-10; voir aussi Jean 1:38, 3:2. [28] Mt 23:13, 14, 15, 23, etc. lire tout le chapitre;
cf. Marc 12:38-40, Luc 20:46; voir aussi les exemples de dénonciation
spéciale des Pharisiens dans Luc 11:37-44. Remarquez aussi que les
docteurs de la loi qui étaient professionnellement associés aux
scribes sont inclus dans cette critique sévère: versets 45-54.Voir
pages 597-604 infra. [29] Maccabées
2:42, 7:13-17, 2 Maccabées 14:6. [30] Josèphe,
Antiquités XVII, 2:4. [31] Actes 26:5;
voir aussi 23:6, Ph 3:5. [32] Ex 21:23-35, Lv 24:20, Dt 19:21; contraster Mt
5:38-44. [33] Note 4, fin du chapitre. [34] Josèphe, Antiquités XVIII, 1:4. [35] New Stand. Dict., sous
‘Sadducees’. [36] Josèphe, Antiquités XVIII, 1:5. [37] Nb 6:2-21, juges 13:5, 7,16:17, Amos 2:11,12. Page
95. [38] Mt 22:15, 16, Marc 12:13. [39] Luc 13:1, 2; voir aussi Jean 4:45, Marc 14:70,
Actes 2:7. [40] 1 Ch 24:1-18. [41] Note 5, fin
du chapitre.
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