CHAPITRE 3 : PREMIERES
PHASES DE L'APOSTASIE
1. Comme démontré dans les précédents chapitres, une apostasie générale de
l'Eglise primitive fut à la fois prévue et prédite. Les prophètes qui
vivaient des siècles avant le temps du Christ prédirent le grand
événement, comme le fit aussi le Sauveur lui-même et les apôtres qui
poursuivirent l’œuvre du ministère après sa résurrection et son ascension.
Nous devons maintenant nous renseigner sur l'accomplissement de ces
prédictions.
2. La preuve que l'apostasie eut lieu comme prédit se trouve dans les
Ecritures sacrées et dans les récits historiques autres que les Ecritures.
A partir de certaines déclarations des apôtres des premiers jours, nous
comprenons que la grande « apostasie » commença alors que ces apôtres
étaient encore en vie. La prédication de fausses doctrines et la venue de
docteurs dépourvus d'autorité sont citées comme conditions existant
réellement dans l'Eglise et non comme de lointains développements à longue
échéance[1].
3. A peine la graine de l'Evangile avait-elle été mise en terre que
l'ennemi vint et, la nuit, sema de l'ivraie parmi le blé ; et les deux
poussèrent si entrelacés que toute tentative de déraciner de force les
mauvaises herbes aurait menacé la vie du bon grain[2].
4. Paul reconnut le fait que les gens parmi lesquels il travaillait
perdaient la foi qu'ils avaient confessée et devenaient les victimes de la
tromperie pratiquée par les faux docteurs. Dans son épître aux Eglises de
la Galatie, il écrivit : « Je m'étonne que vous vous détourniez si
promptement de celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, pour
passer à un autre Evangile. Non pas qu'il y ait un autre Evangile, mais il
y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l'Evangile de
Christ. » Puis, pour mettre en lumière le péché de ceux qui cherchaient
ainsi à « renverser l'Evangile de Christ », il poursuivit : « Mais, quand
nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui
que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème[3]. »
5. Le contexte des passages que l'on vient de citer montre la nature de
l'erreur dans laquelle « les Eglises de la Galatie » étaient en danger de
tomber. Elles étaient empêtrées dans une discussion pour savoir si elles
étaient liées par certaines exigences de la loi de Moïse, notamment celle
qui concernait la circoncision. L'apôtre leur dit que l'Evangile du Christ
était supérieur à la loi ; et que de plus, ils étaient illogiques de se
battre pour un point de la loi et de négliger le reste. Nous avons ici un
exemple de l'effort dans lequel même ceux qui s'étaient joints à l'Eglise
persistaient, de modifier les injonctions simples de l'Evangile en
introduisant des éléments du judaïsme. Il faut se rappeler que, même parmi
les apôtres, certaines différences d'opinion avaient existé quant à la
nécessité de la circoncision ; mais cela avait été résolu par leur effort
et leur prière pour connaître la volonté du Seigneur à ce sujet ; ceux qui
cherchaient à fomenter la dissension à ce propos ou à propos de tout autre
point de doctrine faisant autorité furent déclarés ennemis de l'Eglise,
cherchant à « renverser l'Evangile de Christ ».
6. Dans sa deuxième épître à « I'Eglise des Thessaloniciens », Paul
déclara que l'esprit d'iniquité agissait déjà alors. Après avoir prédit la
venue de l'Eglise apostate, avec ses usurpations de pouvoir
blasphématoires, comme condition précédant la seconde venue du Christ,
l'apôtre poursuivit comme suit : « Car le mystère de l'iniquité agit déjà
; il faut seulement que celui qui le retient encore ait disparu. Et alors
paraltra l'impie, que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa
bouche, et qu'il anéantira par l'éclat de son avènement[4]. »
7. L'expression suivante : « celui qui le retient encore ait disparu »,
apparemment obscure, peut être comprise comme une déclaration que l'esprit
d'iniquité était déjà actif bien qu'il fût retenu ou contenu pendant un
temps ; et que, par la suite, même cette retenue disparaîtrait et que le
Malin aurait pouvoir. Dans la Version Inspirée du Nouveau Testament, ce
passage est ainsi rendu : « la licence a déjà cours ; seulement il y en a
un qui y fait obstacle actuellement jusqu'au moment où il sera enlevé ».
8. La personne ou la chose précise à laquelle on fait allusion comme
exerçant un obstacle sur les pouvoirs de l'iniquité à cette époque a donné
lieu à des discussions. Certains écrivains pensent que la présence des
apôtres jouait ce rôle, tandis que d'autres croient qu'il s'agissait du
pouvoir restrictif du gouvernement romain. On sait que la politique
romaine était de décourager les querelles religieuses et de permettre une
grande mesure de liberté dans les formes de culte tant que les dieux de
Rome n'étaient pas calomniés et que leurs autels n'étaient pas profanés.
Avec le déclin de la suprématie romaine, de mystère de l'iniquité »
représenté par l'Eglise apostate eut presque librement cours.
9. L'expression « mystère de l'iniquité » que Paul utilise est
importante[5]. Au premier rang de ceux qui commencèrent à renverser la foi
chrétienne furent ceux qui attaquèrent sa simplicité et son manque de
caractère exclusif Cette simplicité était tellement différente des
mystères du judaïsme et des rites mystérieux de l'idolâtrie païenne
qu'elle déçut beaucoup de personnes ; et les premiers changements dans la
forme chrétienne du culte furent marqués par l'introduction de cérémonies
mystiques.
10. Le zèle missionnaire et prosélyte de Paul est abondamment illustré
dans les Ecritures ; Paul était rempli du même zèle dans ses efforts de
maintenir la foi de ceux qui avaient accepté la vérité. Les épîtres de
Paul abondent en exhortations et en plaidoyers contre l'influence
croissante des fausses doctrines, ainsi qu'en expressions de chagrin
devant le développement de l'apostasie dans l'Eglise. Les paroles qu'il
adresse à Timothée sont à la fois énergiques et pathétiques : « Retiens
dans la foi et dans la charité qui est en Jésus-Christ le modèle des
saines paroles que tu as reçues de moi. Garde le bon dépôt, par le
Saint-Esprit qui habite en nous. Tu sais que tous ceux qui sont en Asie
m'ont abandonné[6]. »
11. Orson Pratt, l'un des apôtres des derniers jours, a réalisé un
excellent résumé des déclarations importantes faites par l'apôtre Paul à
propos du début de l'apostasie dans les commencements de l'âge
apostolique. Voici ce qu'il écrit : « La grande apostasie de l'Eglise
chrétienne commença au premier siècle, alors qu'il y avait encore des
apôtres et des prophètes inspirés au se > in de l'Eglise ; ainsi Paul,
juste avant son martyre, dénombre beaucoup de personnes qui ‘’ont, fait
naufrage par rapport à la foi’', et '’se sont égaré(e)s dans de vains
discours’’ ; enseignant '’que la résurrection est déjà arrivée’',
s'attachant '’à des fables et à des généalogies sans fin’', ayant ‘'la
maladie des questions oiseuses et des disputes de mots, d'où naissent
l'envie, les querelles, les calomnies, les mauvais soupçons, les vaines
discussions d'hommes corrompus d'entendement, privés de la vérité, et
croyant que la piété est une source de gain’'. Cette apostasie s'était si
généralement répandue que Paul déclara à Timothée '’que tous ceux qui sont
en Asie m'ont abandonné’' ; et il dit aussi : ‘'Dans ma première défense,
personne ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné’'. Il dit encore : '’Il
y a, . . ., beaucoup de gens rebelles, de vains discoureurs et des
séducteurs . . . enseignant pour un gain honteux ce qu'on ne doit pas
enseigner.’' Ces apostats prétendaient sans doute être justes ; car, dit
l'apôtre, ‘'ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par
leurs oeuvres, étant abominables, rebelles, et incapables d'aucune bonne
œuvre’'. »
12. Jude exhorta les saints à se tenir sur leurs gardes contre les hommes
qui étaient au service de Satan et cherchaient à corrompre l’Eglise.
S'adressant à « ceux qui ont été appelés, qui sont aimés en Dieu le Père,
et gardés pour Jésus-Christ », il dit : « Je me suis senti obligé de le
faire (vous écrire au sujet de notre salut commun) afin de vous exhorter à
combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes.
Car il s'est glissé parmi vous certains hommes, dont la condamnation est
écrite depuis longtemps, des impies, qui changent la grâce de notre Dieu
en dissolution, et qui renient notre seul maître et Seigneur
Jésus-Christ[7]. » Il est clair que Jude considérait que « la foi qui a
été transmise aux saints une fois pour toutes » était en danger ; et il
exhorte les fidèles à lutter pour elle et à la défendre ouvertement. Il
rappelle aux saints qu'on leur avait dit « qu'au dernier temps, il y
aurait des moqueurs, marchant selon leurs convoitises impies » ; et il
ajoute : « Ce sont ceux qui provoquent des divisions, hommes sensuels,
n'ayant pas l'esprit[8]. » Il fait clairement allusion aux apostats de
l'époque qui, à cause d'appétits sensuels et de convoitises impies,
s'étaient séparés de l'Eglise.
13. Pendant l'exil de Jean le Révélateur sur l'île de Patmos, quand
presque tous les apôtres avaient disparu de la terre, beaucoup d'entre eux
ayant souffert le martyre, l'apostasie était tellement répandue qu'il ne
restait que sept « Eglises », c'est-à-dire branches de l'Eglise, qui
étaient à même de mériter le message spécial que Jean avait reçu
l'instruction de donner. Dans une vision merveilleuse, il contempla les
sept Eglises représentées par sept chandeliers d'or avec sept étoiles
représentant les officiers présidents des Eglises ; et, au milieu des
chandeliers d'or, avec les étoiles dans la main, se tenait « quelqu'un qui
ressemblait à un fils d'homme ».
14. L'Eglise d'Ephèse fut approuvée pour ses bonnes oeuvres, surtout pour
le fait d'avoir rejeté les hérésies des Nicolaïtes ; néanmoins elle fut
réprimandée pour dissidence et négligence : « Tu as abandonné ton premier
amour. Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi, et pratique tes
premières oeuvres ; sinon, je viendrai à toi, et j'ôterai ton chandelier
de sa place, à moins que tu ne te repentes[9]. »
15. Jean reçut le commandement d'écrire à l'Eglise de Pergame pour
dénoncer les fausses doctrines de certaines sectes et de certains docteurs
: « J'ai quelque chose contre toi », dit le Seigneur[10]. L'Eglise de
Laodicée fut accusée de « tiédeur », « ni froid(e) ni bouillant(e) », de
se vanter de sa richesse et de n'avoir besoin de rien, alors qu'en réalité
elle était dans un état « malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu »
[11] .
16. Les Ecritures précédentes sont des preuves suffisantes que même avant
que les anciens apôtres n'eussent fini leur ministère terrestre,
l'apostasie allait de l'avant. Le témoignage des premiers pères chrétiens
» qui écrivirent à l'époque qui suivit immédiatement la mort des apôtres
revient au même. Selon la chronologie généralement acceptée, le message
prophétique de Jean aux Eglises d'Asie fut donné dans les dernières années
du premier siècle[12].
17. Parmi les historiens de cette période dont les écrits ne sont pas
considérés comme canoniques ou scripturaux, mais qui sont cependant
acceptés comme réels et dignes de confiance, se trouvait Hégésippe qui «
développa son art à une époque très proche de celle des apôtres ».
Rapportant les conditions qui marquèrent la fin du premier siècle et le
début du deuxième, Eusèbe cite le témoignage du premier écrivain de la
manière suivante : « Le même Hégésippe, en racontant les événements des
temps dont nous parlons, ajoute que, jusqu'à cette époque, l'Eglise
demeura une vierge pure et sans corruption : c'était dans une ombre
ténébreuse, comme dans une tanière, que jusqu'alors des hommes, si même il
y en avait de tels, s'efforçaient de corrompre la règle saine de la
prédication du Sauveur. Mais lorsque le chœur sacré des apôtres eut reçu
de manières différentes la fin de sa vie, et qu'eut disparu la génération
de ceux qui avaient été jugés dignes d'entendre de leurs oreilles la
sagesse divine, alors l'erreur athée commença à apparaître par la
tromperie des maîtres de mensonges. Ceux-ci, puisqu'il ne restait plus
aucun des apôtres, s'efforcèrent d'opposer alors à visage découvert la
gnose au nom trompeur à la prédication de la vérité. » Telle est la
déclaration de Hégésippe[13].
18. On peut à peine douter de ce que les faux docteurs auxquels il est
fait allusion dans le dernier témoignage cité étaient des membres déclarés
de l'Eglise et non pas des antagonistes venus de l'extérieur, dans la
mesure où ils étaient retenus par l'influence et l'autorité des apôtres et
où ils attendaient le décès des dirigeants détenant l'autorité comme
occasion de corrompre l'Eglise par de mauvais enseignements.
19. Un écrivain ultérieur qui commentait les schismes et les dissensions
qui déchiraient l'Eglise dans la deuxième moitié du premier siècle -
période qui faisait immédiatement suite à celle du ministère des apôtres -
dit : « On imaginera sans peine que l'unité et la paix ne purent pas
régner longtemps dans l'Eglise puisqu'elle était composée de Juifs et de
Gentils qui se considéraient réciproquement avec l'aversion la plus amère.
En outre, comme les convertis au christianisme ne pouvaient pas extraire
d'une manière radicale les préjugés qui avaient pris forme dans leur
esprit par leur éducation, et qui avaient été confirmés par le temps, ils
apportaient avec eux au sein de l'Eglise une quantité plus ou moins grande
d'erreurs de leurs religions antérieures. C'est ainsi que les graines de
la discorde et de la controverse se semaient sans peine et ne pouvaient
manquer de germer bientôt, se transformant en animosité et en dissensions
qui ainsi scindèrent et divisèrent l'Eglise[14]. »
20. Une autre autorité reconnue de l'histoire ecclésiastique et dont
l'objectif avoué était de présenter la vérité concernant l'Eglise dans sa
lumière la plus favorable est Joseph Milner, auteur d'une History of the
Church of Christ (Histoire de l'Eglise du Christ) générale. Il commente
l'état de l'Eglise à la fin du premier siècle de cette manière : « Ne
perdons pas de vue ce qu'est en vérité l'Esprit de l'Evangile). Le simple
fait de croire que le Christ est le seul Sauveur des pécheurs perdus et
que l'influence effective du Saint-Esprit guérit des âmes complètement
dépravées par le péché : voilà les idées principales. La première fois que
le Saint-Esprit se déversa, ces choses furent enseignées avec pouvoir ; et
l'on ne pouvait supporter un instant tout sentiment adverse. A mesure que
l'amour de la vérité diminua à cause de la prédominance de la corruption
humaine et des ruses de Satan, les hérésies et divers emplois abusifs de
l'Evangile firent leur apparition ; et en les estimant, nous pouvons nous
faire une idée de la décadence de la vraie religion vers la fin du
(premier) siècle. » Le même auteur poursuit : « Cependant un nuage
obscurcissait le ciel vers la fin du premier siècle. Les premières
impressions faites par l'effusion de l'Esprit sont généralement les plus
fortes et les plus manifestement distinctes de l'esprit du monde. Mais les
dépravations humaines, terrassées pendant une période, se dressent de
nouveau, particulièrement dans la génération suivante. D'où les désordres
dus au schisme et à l'hérésie. Ils ont tendance à détruire l’œuvre pure de
Dieu[15]. »
21. L'objectif de ce chapitre a été de démontrer le tout début de
l'apostasie, qui devait devenir si rapidement générale et, plus tard,
universelle. Les causes spécifiques contribuant directement à la
dégradation de l'Eglise sont mises à part et seront examinées plus tard.
LE DEVELOPPMENT DE L'APOSTASIE SUR LE CONTINENT AMERICAIN
22. Voyons maintenant quelle fut la situation de l'Eglise établie par le
Seigneur ressuscité parmi les descendants de Léhi sur le continent
américain. Dans cette entreprise, nous ne nous limiterons pas au début de
la scission. Dans la mesure où le déroulement de l'apostasie parmi les
Néphites fut si rapide et que la période qui intervint entre
l'établissement de l'Eglise et la destruction de la nation fut si brève,
nous considérerons l'histoire de l'Eglise jusqu'à sa fin et éviterons
ainsi de devoir revenir sur ce sujet dans les chapitres suivants. Nous
lisons que l'Eglise avait prospéré jusqu'à environ 200 ap. J.-C. C'est
alors que l'apostasie devint générale. A titre de preuve, remarquez ce qui
suit :
23. « Et maintenant, dans cette deux cent et unième année, il commença à y
avoir parmi eux des gens qui étaient enflés d'orgueil . . . Et ils
commencèrent à être divisés en classes ; et ils commencèrent à se bâtir
des églises à eux-mêmes pour acquérir du gain et commencèrent à nier la
véritable Eglise du Christ. Et il arriva que quand deux cent dix ans se
furent écoulés, il y eut beaucoup d'Eglises dans le pays ; oui, il y avait
beaucoup d'Eglises qui faisaient profession de connaître le Christ, et
pourtant elles niaient la plus grande partie de son Evangile au point
qu'elles reçurent toutes sortes d'iniquités et qu'elles administrèrent ce
qui était sacré à qui cela était défendu pour cause d'indignité. Et cette
Eglise se multiplia extrêmement à cause de l'iniquité et à cause du
pouvoir de Satan qui avait gagné leur cœur. Et il y eut encore une autre
Eglise qui niait le Christ ; et elle persécuta la véritable Eglise du
Christ, à cause de son humilité et de sa croyance au Christ ; et elle la
méprisait à cause des nombreux miracles qui se faisaient en son sein[16].
»
24. Le récit du Livre de Mormon est précis dans ses descriptions des
raisons immédiates ou des causes de la grande apostasie dans le monde
occidental. Tant que les membres de l'Eglise restaient fidèles à leurs
alliances et à leurs obligations, eux en tant que personnes individuelles,
et l'Eglise, en tant qu'organisation, prospérèrent ; et leurs ennemis ne
purent pas les dominer. Avec la prospérité cependant, vinrent l'orgueil et
les distinctions de classes ;, les riches dominèrent les pauvres, le gain
terrestre devint le but de la vie[17]. Des organisations secrètes avec de
mauvaises intentions se développèrent[18] ; les gens se divisèrent en deux
factions opposées, ceux qui professaient encore croire au Christ connus
sous le nom de Néphites, et leurs ennemis sous le nom de Lamanites, sans
considération de vraie descendance ou de relations familiales. L'orgueil
et les péchés attenants se développant, les Néphites devinrent aussi
méchants que les Lamanites qui ne déclaraient aucune foi[19] ; et dans
leur méchanceté, les peuples cherchaient à se détruire les uns les autres.
Imaginez l'émotion et la douloureuse tragédie exprimées par les paroles de
Moroni, seul survivant d'une nation jadis bénie et puissante :
25. « Voici, quatre cents ans se sont écoulés depuis l'avènement de notre
Seigneur et Sauveur. Et voici, les Lamanites ont chassé mon peuple, les
Néphites, de ville en ville et de lieu en lieu, même jusqu'à ce qu'ils ne
soient plus ; et grande a été leur chute ; oui, grande et prodigieuse a
été la destruction de mon peuple, les Néphites. Et voici, c'est la main du
Seigneur qui l'a fait. Et voici aussi, les Lamanites sont maintenant en
guerre les uns contre les autres ; et toute la surface de ce pays est une
ronde continuelle de meurtres et d'effusion de sang ; et nul ne connait la
fin de la guerre. Et maintenant, voici, je ne parle plus d'eux, car sur
toute la surface du pays il n'existe plus que des Lamanites et des
voleurs. Et il n'y en a aucun qui connaisse le vrai Dieu, si ce n'est les
disciples de Jésus[20], qui restèrent dans le pays jusqu'à ce que la
méchanceté du peuple fût si grande, que le Seigneur ne leur permit plus de
demeurer avec le peuple ; et s'ils sont sur la surface du pays, nul ne le
sait[21]. »
* * * * * * *
[1] Voir note 1 à la fin du chapitre.
[2] Etudier la parabole de l'ivraie, Matthieu 13 :24-30. Voir note 2 à la
fin du chapitre.
[3] Galates 1 :6-9 ; lire le chapitre entier. Voir note 3 à la fin du
chapitre.
[4] 2 Thessaloniciens 2 :7-8.
[5] Voir note 1 à la fin du chapitre.
[6] 2 Timothée 1 :13-15 ; comparer avec 4 :10,16.
[7] Jude 3, 4. Voir note 5 à la fin du chapitre.
[8] Versets 18, 19.
[9] Apocalypse 2 :4-5.
[10] Voir les versets 12-16.
[11] Apocalypse 3 ; voir les versets 14-21.
[12] Probablement vers 96 ap. J.-C. Voir la Bible d'Oxford, notes
marginales.
[13] Eusèbe, Histoire ecclésiastique, livre 3, chapitre 32.
[14] Mosheim, Ecel. History, Cent. 1, Part 11, chap. 3 : 11. Voir note 4 à
la fin du chapitre.
[15] Milner, Church History, Cent. 1,chap. 15.
[16] 4 Néphi 24-29 ; lire le chapitre entier.
[17] Voir 4 Néphi 2-7 ; comparer avec les versets 25-26.
[18] Verset 42.
[19] Verset 45.
[20] Voir 3 Néphi 28 :1-7.
[21] Mormon 8 :6-10.
NOTES
1. Reconnaissance du début de l'apostasie. Le fait de l'apostasie dès les
premiers temps est généralement reconnu par les théologiens et les
autorités en interprétation biblique. Le commentaire de Clarke sur la
déclaration de Paul concernant le « mystère de l'iniquité » qui agit alors
(voir 2 Thessaloniciens 2 :7) est le suivant : « Car le mystère de
l'iniquité agit déjà : il existe un système de doctrine corrompue qui
conduira à l'apostasie générale, qui existait déjà ; mais c'est un mystère
; elle est encore à ce jour cachée ; elle n'ose pas se montrer à cause de
ce qui la retient. Mais quand ce qui la retient sera enlevé, alors le
malin sera révélé ; son identité et sa nature seront alors manifestes. »
2. Premières dissensions dans l’Eglise. Comme exemples des choses
déplaisantes et des différences qui troublèrent l'Eglise, même dans les
temps apostoliques, Mosheim dit : « La première de ces controverses, qui
prit forme dans l'Eglise d'Antioche, concernait la nécessité de
l'observance de la loi de Moïse, et son dénouement est mentionné par Lue
dans les Actes des apôtres (chapitres 15). Cette controverse fut suivie de
beaucoup d'autres, soit avec les Juifs qui étaient violemment attachés au
culte de leurs ancêtres, soit avec les suppôts d'un genre de philosophie
sauvage et fanatique ou avec ceux qui, se méprenant sur le véritable génie
de la religion chrétienne, la déformaient d'une manière monstrueuse en
guise d'encouragement à leurs vices et pour se livrer à leurs appétits et
à leurs passions. Paul et les autres apôtres ont à plusieurs reprises dans
leurs écrits mentionné ces controverses, mais si brièvement qu'il est
difficile, si longtemps après, d'en venir au véritable état de la question
dans ces diverses controverses. La controverse la plus lourde de
conséquence et la plus importante fut celle que certains docteurs juifs
soulevèrent à Rome et dans d'autres Eglises chrétiennes à propos des
moyens de justification et d'acceptation par Dieu, et la méthode de salut
manifestée dans la parole de Dieu. Les apôtres, où qu'ils exerçassent leur
ministère, avaient constamment déclaré que tout espoir d'acceptation et de
salut était trompeur, sauf celui qui était fondé sur Jésus le Rédempteur
et sur ses mérites pleinement suffisants ; tandis que les docteurs juifs
maintenaient que les oeuvres de la loi étaient la véritable cause efficace
du salut éternel et de la félicité de l'âme. Ce sentiment menait non
seulement à de nombreuses erreurs extrêmement préjudiciables au
christianisme, mais constituait aussi une injure à la gloire du Sauveur
divin » (Mosheim, Ecclesiastical History, Cent. 1, part. II, 11 : 12).
3. Les écrits non autorisés de l'époque des apôtres. L'allusion de Paul à
« un autre Evangile » dans son épître aux Galates (1 :6) suggéra au
docteur Adam Clarke le commentaire suivant à propos du passage : « Un
autre Evangile : il est certain que dans les tout premiers temps de
l'Eglise chrétienne, il existait plusieurs évangiles contrefaits en
circulation ; et ce fut la multitude de ces histoires fausses ou inexactes
qui poussa Luc à écrire la sienne (voir Luc 1 :1). Nous avons les noms de
plus de soixante-dix de ces récits contrefaits ; beaucoup de ces fragments
se retrouvent chez les anciens écrivains ; ils ont été rassemblés et
publiés par Fabricius dans son compte rendu des livres apocryphes du
Nouveau Testament (3 volumes). Dans certains de ces évangiles, la
nécessité de la circoncision et de la soumission à la loi mosaïque, en
union avec l'Evangile, était inculquée avec fermeté » (Clarke, « Bible
Commentary »).
4. Certaines autorités sur l'histoire ecclésiastique. Parmi les autorités
citées dans le texte se trouvent celles qui sont nommées ci-dessous. Une
brève remarque concernant chacune peut être intéressante. Eusèbe : Eusèbe
Pamphile, évêque de Césarée en Palestine. Il vécut de 260 à 339 environ
ap. J.-C. bien que l'on ne soit pas sûr de la date exacte de sa mort. Ce
fut un témoin oculaire et un participant à certaines des souffrances
découlant de la persécution des chrétiens par les païens ; on l'a appelé
le « Père de l'histoire religieuse ». Il fut l'auteur de plusieurs livres,
parmi lesquels l'un des premiers sur Histoire ecclésiastique. Les
citations de cette oeuvre d'Eusèbe figurant dans le texte sont tirées de
la version traduite du grec par Gustave Bardy (Editions du Cerf, 1952).
Mosheim : Le docteur J. L. von Mosheim, doyen de l'université de
Göttingen, est un écrivain allemand réputé pour ses contributions à
l'histoire religieuse. Il est l'auteur d'une oeuvre générale sur «
Ecclesiastical History » (Histoire ecclésiastique) (6 volumes), datant de
1755. Les extraits tirés de cette oeuvre de Mosheim figurant dans le texte
sont traduits à partir de la version anglaise de 1764 du docteur Archibald
Maclaine. Milner : Le révérend Joseph Milner, autorité anglaise en matière
d'histoire de l'Eglise, est l'auteur d'une History of the Church of Christ
(Histoire de l'Eglise du Christ) générale (5 volumes) d'où sont tirés les
extraits figurant dans le texte.
5. Commentaire du passage tiré de Jude. Le passage cité dans le texte «
Car il s'est glissé parmi vous certains hommes, dont la condamnation est
écrite depuis longtemps, des impies », etc. (Jude 4), a soulevé des
discussions, la question étant de savoir si le principe de prénomination
ou préordination est ici impliqué. Une lecture hâtive et négligente de ce
passage laisse penser que ces « impies » auxquels il est fait allusion
avaient été nommés ou ordonnés par prévoyance de Dieu pour semer les
graines de la discorde et de la dissension dans l'Eglise. Une étude
attentive de cette Ecriture montre que cette idée n'est pas garantie. Les
« impies » « dont la condamnation est écrite depuis longtemps » étaient
des hommes qui avaient déjà, c'est-à-dire auparavant, été dénoncés,
proscrits et condamnés pour les hérésies mêmes qu'ils essayaient alors de
perpétuer dans l'Eglise, s'étant glissés parmi eux, ou en d'autres termes,
étant devenus membres par de fausses déclarations et pouvant, du fait
qu'ils sont membres, répandre plus efficacement leurs faux enseignements.
Le docteur Adam Clarke, dans son Bible Commentary, traite ainsi du passage
concerné : « Car il s'est glissé parmi vous certains hommes. » Ils sont
entrés dans l'Eglise sous de faux semblants et quand ils y furent, ont
commencé à semer leur mauvaise graine. « Dont la condamnation est écrite
depuis longtemps. » Ils ont été proscrits et condamnés depuis longtemps
d'une manière tout à fait semblable à celle qui va être mentionnée. « Dans
les écrits sacrés toutes ces personnes, ces fausses doctrines et ces
pratiques impures ont été très ouvertement proscrites et condamnées et
l'apôtre cite immédiatement plusieurs exemples, à savoir les incrédules,
les anges qui n'ont pas gardé leur dignité et les habitants impurs de
Sodome et de Gomorrhe. C'est évidemment ce que veut dire l'apôtre, et il
est aussi ridicule qu'absurde de rechercher dans ces paroles un décret de
réprobation, etc., une telle doctrine étant aussi éloignée de l'esprit de
l'apôtre que de l'esprit de celui au nom duquel il écrit » (Clarke, Bible
Commentary, Jude 4). Dans la Version Inspirée du Nouveau Testament, le
passage est rendu ainsi : « Je fus poussé à vous écrire, vous exhortant à
lutter sérieusement pour la foi qui fut donnée une fois pour toutes aux
saints. Car il s'est glissé secrètement certains hommes, ceux qui furent
ainsi condamnés auparavant, impies, qui changent la grâce de notre Dieu en
dissolution et qui renient notre seul Maître et Seigneur, Jésus-Christ. »
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