La géologie de la boîte de pierre de Moroni: examen des lieux et des resssources de Palmyra

Benjamin R. Jordan et Warren P. Aston
Interpreter : A Journal of Latter-day Saint Faith and Scholarship 30 (2018) : 233-252


Résumé : L’histoire qui nous apprend que Joseph Smith a sorti des plaques d’or d’une boîte de pierre sur une colline dans le nord de l’État de New York et les a traduites pour en faire le texte fondateur du Rétablissement est bien connue des saints des derniers jours. Bien que lors des innombrables répétitions de cette histoire on ait examiné l’événement dans le plus grand détail, très peu sont les gens qui en ont exploré l’aspect géologique. En particulier, personne n’a traité en détail des matériaux géologiques dont le prophète néphite Moroni aurait eu besoin vers 421 de notre ère pour construire une boîte scellée capable de protéger les plaques d’or des éléments et des découvertes prématurées pendant environ quatorze siècles. Cet article rend compte des résultats de recherches effectuées sur le terrain pour déterminer les matériaux que Moroni aurait pu utiliser dans la région de Palmyra. Ces recherches ont été faites par les auteurs en octobre 2017 dans l’État de New York.

La colline près de Palmyra [1], État de New York, dans laquelle Moroni a enterré les plaques et où Joseph Smith les a récupérées, a longtemps été populairement connue parmi les saints des derniers jours sous le nom de « Cumorah ». Cette pratique non officielle découle du fait que beaucoup parmi les gens de l’époque qui croyaient au Livre de Mormon pensaient que c’était cette colline qui était le lieu des batailles finales entre les armées lamanite et néphite. Les membres d’aujourd’hui entretiennent toujours cette croyance. Étant donné que le Livre de Mormon décrit de manière détaillée le pays de Cumorah, sa colline et ces guerres, il est évident, pour le lecteur attentif, que l’endroit réel ne se trouvait pas ̶ ne pouvait pas se trouver¬ ̶ dans l’État de New York [2]. En conséquence, pour plus de clarté tout au long de cet article, la colline de New York où les plaques ont été enterrées par Moroni est appelée la « colline de Palmyra ».


Relief Palmyra
Image 1. Joseph reçoit les plaques de Moroni. Relief sur le côté ouest du monument au sommet de la colline de Palmyra. Photo W. Aston.

Colline de Palmyra
Image 2. Vue générale, exposée plein sud, du côté ouest de la colline de Palmyra, près du sommet. C’est la zone générale où Moroni a enterré les plaques. Les gros rochers à face plate, comme ceux montrés au premier plan, sont communs sur la colline. W. Aston photographie.

De la Cumorah de Mormon à la colline de Moroni

La bataille finale et décisive qui a entraîné la fin de la société néphite a eu lieu vers 385 de notre ère (racontée dans Mormon 6:1-15) autour de la colline Cumorah, le même endroit anciennement connu sous le nom de colline Ramah, où la nation jarédite avait pris fin au cours d’une bataille (Éther 15:11). Mormon, son chef, avait enterré, dans la colline Cumorah, les archives de son peuple, confiant son abrégé à son fils Moroni (Mormon 6:6). Mormon mourut lors de l’ultime bataille, laissant Moroni protéger et même continuer le récit néphite tout en évitant, dans ses errances, les Lamanites victorieux.

Trois décennies et demie plus tard (vers 421 ; voir Moroni 10:1), Moroni termine ses écrits et se prépare à enterrer les objets sacrés dans une colline. Ses années d’errance vers le nord l’ont amené dans la région de Palmyra, dans le nord de ce qui allait être l’État de New York où le climat plus frais aiderait à la préservation des objets enfouis et où ils seraient accessibles lorsque le Rétablissement l’exigerait.
Soyons réalistes : pendant les trois décennies d’errance qui l’ont amené dans la région de Palmyra, Moroni n’aurait pas pu transporter de lourds objets tels que des pierres de belle taille en plus des plaques de métal, du pectoral, de l’épée de Laban, du Liahona et de l’urim et thummim, comme mentionnés dans la révélation de 1829 aux Trois Témoins (Doctrine et Alliances 17:1). Puisque, il le dit lui-même, il était totalement seul (Mormon 8:3, 5), nous pouvons dire, sans risque de nous tromper, que lorsque le moment est venu d’enterrer les plaques, Moroni en était réduit à utiliser les matériaux locaux de la région de Palmyra.

Ce que nous apprend la géologie de la région de Palmyra

La colline de Palmyra est un grand drumlin glaciaire formé au cours de la dernière glaciation. Il appartient à une grande région de drumlins qui se trouve entre le lac Ontario au nord et les Finger Lakes de New York au sud [3]. Il est important de savoir comment les drumlins se sont formés pour comprendre les constatations qui suivent ; cela donne également une idée des raisons pour lesquelles c’est cet endroit particulier qui allait devenir le lieu où Moroni allait pouvoir sécuriser ses précieuses annales.

Pendant la période glaciaire, un vaste glacier aux proportions continentales, connu des géologues sous le nom de calotte glaciaire des Laurentides, s’écoulait vers le sud à partir du Canada et traversait la région des Grands Lacs. Au fur et à mesure qu’il se déplaçait à travers le paysage, le glacier s’est érodé et a transporté de grandes quantités de sédiments mélangés et très mal triés qui comprenaient des argiles, des limons, des sables, des graviers et des blocs de roche dans diverses combinaisons [4].


Emplacement de Palmyra
Image 3. Carte de l’emplacement de la colline de Palmyra dans le nord de l’État de New York, aux États-Unis, et de sa relation avec les ressources géologiques nécessaires à la construction de la boite de pierre de Moroni telle que décrite par Joseph Smith et Oliver Cowdery. Image d’arrière-plan avec l’aimable autorisation de Google Earth. Graphique avec l’aimable autorisation de B. Jordan

Ces matériaux se sont déposés sous forme de collines allongées dans la direction générale de l’écoulement du glacier, le point culminant de la colline étant « en montée » de la direction de l’écoulement du glacier et en diminution dans la direction de l’écoulement du glacier [5]. Le point culminant de la colline de Palmyra se trouve donc à son extrémité nord, avec la longue pente de la colline s’effilant vers le sud.

Champs de drumlins
Image 4. Le champ de drumlins dans la région. Tracé avec l’aimable autorisation de B. Jordan.


Dans la région de Palmyra, la plupart des drumlins sont constitués d’un mélange de graviers et de sables stratifiés. Cependant, près de la colline de Palmyra se trouve aujourd’hui Miners Hill, qui est une exception: elle est principalement formée d’argile ̶ quelque chose qui pourrait bien avoir joué un rôle important dans la fabrication de la boîte de pierre de Moroni. Nous y reviendrons.

Une autre chose qui a pu jouer un rôle est le fait que les flancs des drumlins ont tendance à être fortement inclinés par rapport à d’autres collines sédimentaires ; c’est très évident dans la colline de Palmyra. La forte pente devait placer la boîte plus haut que la nappe phréatique locale en assurant plus efficacement le ruissellement de l’eau et en empêchant l’accumulation d’eau autour de la boîte. C’est peut-être pour cela que Moroni a choisi de placer la boîte près du sommet de la colline.

D’autre part, un ruissellement plus accentué aurait probablement conduit à une érosion plus rapide en plus du glissement naturel du sol au fil du temps. Ainsi, il est possible, sinon probable, que Moroni ait enterré la boîte de pierre assez profondément pour qu’elle soit complètement recouverte de terre jusqu’à ce que l’érosion expose sa surface supérieure à l’époque de Joseph.


Profil de la colline de Palmyra
Image 5. Photographie panoramique montrant le profil de la colline de Palmyra, orienté à l’est avec la direction de l’écoulement du glacier. Photo B. Jordan.

Description de la boîte de pierre de Moroni

Joseph Smith décrit ainsi la boîte et son emplacement :
« Sur le côté ouest de cette colline, non loin du sommet [6], sous une pierre de grande dimension, se trouvaient les plaques, déposées dans une boîte de pierre. Cette pierre était épaisse et arrondie au milieu de la face supérieure et plus mince vers les bords, de sorte que la partie du milieu en était visible au-dessus du sol, tandis que les bords tout autour étaient recouverts de terre… On avait formé la boîte qui les renfermait en assemblant des pierres dans une sorte de ciment. Au fond de la boîte, deux pierres étaient posées perpendiculairement aux côtés de la boîte, et sur ces pierres étaient les plaques et les autres objets [7].

Une autre description de la boîte a été donnée par Oliver Cowdery, qui a déclaré qu’un trou avait été creusé dans la colline et que « au fond on avait posé une pierre de taille appropriée, la surface supérieure étant lisse. À chaque bord on avait mis une grande quantité de ciment et, dans ce ciment, aux quatre bords de cette pierre, on en avait placé, debout, quatre autres, dont le bord inférieur reposait dans le ciment aux extrémités extérieures de la première pierre. Les quatre dernières nommées, lorsqu’elles étaient mises debout, formaient une boîte, les coins, ou là où les bords des quatre entraient en contact, étaient également cimentés si fermement que cela empêchait l’humidité de l’extérieur d’entrer. Il faut également observer que la surface interne des quatre pierres dressées ou latérales était lisse [8].

Oliver poursuit en décrivant les dimensions relatives de la boîte, y compris le fait qu’elle « était suffisamment grande pour recevoir un pectoral, du genre dont se servaient les anciens pour se protéger la poitrine, etc., des flèches et des armes de leur ennemi. Au fond de la boîte, ou du pectoral, se dressaient trois petits piliers constitués de la même sorte de ciment que l’on avait utilisé sur les bords ; et sur ces trois piliers on avait placé les annales des enfants de Joseph [9]. Cependant, aux fins de la présente étude, nous continuerons de nous concentrer sur la nature des matériaux de construction: les pierres et le ciment.

Matériaux à la disposition de Moroni pour fabriquer la boîte

Avec ces descriptions à l’esprit, les auteurs se sont livrés à une étude complète du sol de tous les côtés de la colline de Palmyra et de ses environs en prenant note en particulier de la description selon laquelle les pierres qui composaient la boîte étaient lisses sur au moins un de leurs côtés. On a examiné les pierres dans tous les contextes possibles, in situ sur les pentes des collines, les parois de pierre dégagées des champs et les pierres incorporées aux aménagements paysagers et aux bâtiments.

La colline étant un drumlin, elle est constituée d’une grande variété de matériaux sédimentaires, grands et petits. Les gros pavés (pierres naturellement arrondies jusqu’à environ 25 cm de diamètre) et les pierres plus grosses de la taille nécessaire pour former la boîte parsèment la surface de la colline et tout le paysage environnant. En particulier, les pierres arrondies de la taille d’un pavé jusqu’aux gros blocs de grès stratifié et de granit et de gneiss sont assez courants (voir image 7A).

Une question qui se pose est de savoir ce qu’Oliver voulait dire quand il utilisait le mot « lisse » pour pouvoir déterminer le type de pierre utilisable pour la confection de la boîte. Les pavés de grès sont constitués d’un grain fin, légèrement rougeâtre, de grès riche en quartz avec une surface extérieure arrondie. Ils se divisent facilement le long des surfaces de laminage pour former des surfaces assez lisses et planes qui pourraient correspondre à la description de la boîte par Oliver (voir l’image 7B). Une autre pierre commune que l’on a trouvée était constituée de morceaux érodés ou arrondis de granit et de gneiss de couleur gris-rose clair, dont beaucoup avaient au moins un côté plat et lisse. Bien que leurs surfaces ne soient pas aussi plates, elles sont plus lisses que le grès (voir images 7C et 7D).


Pierres locales
Image 6. Les chercheurs ont examiné les pierres locales provenant de divers contextes. Dans le sens des aiguilles d’une montre à partir du haut à gauche: in situ sur la colline de Palmyra, pierres dégagés des champs, pierres incorporées dans l’aménagement paysager et pierres incorporées dans des bâtiments. Photos W. Aston.

Il convient cependant de noter que, comme Oliver l’a dit, le ciment a été préparé et placé de manière à ce que les pierres soient « cimentées si fermement que cela empêchait l’humidité de l’extérieur d’entrer », mais le type de pierre était probablement important pour une autre raison. L’un des avantages de l’utilisation du granit par rapport au grès est que le granit est généralement beaucoup moins poreux que le grès, isolant ainsi plus efficacement de l’humidité. Ceci, avec en plus la nature poreuse des sédiments non consolidés qui forment la colline, devait permettre un drainage efficace de l’eau autour de la boîte en pierre. L’humidité qui ne s’écoulait pas resterait bloquée à l’extérieur de la boîte par le ciment fin et les côtés en pierre constitués très probablement de granit.

Pierres trouvées en granit
Image 7. Pierres trouvées dans les environs de la colline de Palmyra correspondant à la description de celles utilisées pour fabriquer la boîte en pierre de Moroni. Les images A et B sont constituées de grès arrondi, mais délaminé. C et D sont des pavés arrondis de granit. Photos B. Jordan.

Notre enquête visant à déterminer si des pierres, telles que décrites par des témoins oculaires, existaient dans ou près du lieu d’enterrement pour former la boîte démontre clairement qu’elles l’étaient et, en fait, le sont toujours.

Qu’est-ce que Moroni pouvait bien savoir sur le ciment?

Une question qu’on peut maintenant raisonnablement se poser est : Moroni aurait-il pu savoir comment fabriquer le ciment qui était vital pour la construction de la boîte? Ou aurait-il eu besoin d’aide, soit d’instructions divines, soit de quelqu’un pour un coup de main ?
La réponse à cette question vient du Livre de Mormon lui-même, qui décrit que vers 49-39 av. J.-C., des centaines d’années avant l’époque de Moroni, le peuple néphite devint extrêmement expert dans le travail du ciment; c'est pourquoi il construisit des maisons de ciment, dans lesquelles il demeura.... Et on permit ainsi au peuple du pays situé du côté du nord de construire beaucoup de villes, tant de bois que de ciment (Hélaman 3:7, 11)

Moroni a donc grandi au sein d’une culture dans laquelle la fabrication de ciment à l’aide du calcaire abondant dans la région était déjà une technique courante. Il est donc tout à fait possible, voire probable, qu’il l’ait apprise lui-même, et n’ait pas eu besoin d’aide à Palmyra. Nous concluons qu’il est donc très peu probable que Moroni ait eu besoin de recourir à l’aide divine ou humaine dans ce domaine. L’examen de ce que l’on sait maintenant de l’usage du ciment à l’époque de Moroni jette un éclairage considérable sur ce qu’il a fait pendant qu’il était à Palmyra.

Preuves archéologiques d’un ciment ancien dans les Amériques

La référence qui vient d’être citée dans le livre d’Hélaman aux maisons et même aux villes construites en bois et en « ciment » a été universellement ridiculisée à l’époque de Joseph Smith ; en fait, jusqu’au XXe siècle, les érudits comme le public ignoraient tout de la nature des édifices au Mexique et en Mésoamérique.

Bien que l’utilisation du ciment pendant la période du Livre de Mormon reste inconnue en Amérique du Sud et aux États-Unis et au Canada modernes [10], nous connaissons aujourd’hui des centaines de sites d’Amérique centrale qui datent de cette époque -- temples, pyramides, cours, palais jusqu’à cinq étages de haut et autres grands bâtiments – construits, parfois en grande partie, de béton de haute qualité. Ces édifices ont jusqu’à 72 mètres de haut et peuvent couvrir de grandes surfaces. Ils ont survécu à un climat humide, à des tremblements de terre et à des ouragans et ce, jusqu’à trois millénaires durant et, malgré l’empiètement de la jungle depuis leur abandon vers 1000 apr. J.-C., sont restés en grande partie intacts.

L’archéologie a en outre établi que si les précurseurs apparaissent chez les Mayas dès le IXe siècle av. J.-C., le ciment et le béton apparaissent comme une technologie pleinement développée en Mésoamérique vers la période même décrite dans Hélaman, le premier siècle av. J.-C. [11], une corrélation très significative avec le texte néphite.

En 1973, l’ingénieur civil David S. Hyman a publié, en termes qui méritent d’être répétés, le résumé suivant de ses recherches:
« J’ai recueilli une vaste quantité d’échantillons de béton, de stuc et de mortier provenant de nombreux sites importants au Mexique et en Amérique centrale ... On leur a fait subir des tests de charge, chimiques, pétrographiques, de diffraction des rayons X, et d’autres analyses ... Tous les ciments se sont avérés être du carbonate de calcium pur ou presque pur. On avait pu obtenir des dalles ou du stuc d’une dureté et d’une durabilité extrêmes grâce à l’utilisation d’un ciment pur, à l’incroyable habileté à doser les proportions et à mélanger avec les agrégats et, dans certains cas, en utilisant des additifs et des durcisseurs de surface .... Mes échantillons les plus anciens étaient de la plus haute qualité [12]. »

Le ciment maya ancien est donc essentiellement le même que le ciment de Portland moderne (la norme moderne) et produit une matrice solide de béton, comparable à tous égards à ce qui est utilisé aujourd’hui dans la construction.

Les ingrédients d’un ciment durable

Il se peut qu’un plus grand défi pour Moroni que de trouver des pierres appropriées ait été de trouver en quantité suffisante des matériaux appropriés pour créer un ciment de haute qualité et résistant à l’usure pour maintenir les pierres ensemble. Bien que nous ne connaissions pas la nature exacte ni le type de « ciment » qu’il a fabriqué, les matériaux dans l’environnement immédiat offrent des indices solides.
Comme la boîte devait protéger son contenu pendant environ 1400 ans, nous pouvons être certains que le ciment de Moroni devait être d’un type durable, très probablement semblable aux ciments modernes. L’ingrédient chimique essentiel du ciment est le calcium (Ca), produit à partir de ce que l’on appelle communément la chaux vive, la chaux brûlée ou simplement la chaux (oxyde de calcium, CaO) à partir du calcaire ou de dolostone. Le calcaire est le plus facile des deux à traiter et donc le type de pierre le plus souhaitable ; comme nous l’avons déjà noté, le calcaire devait être bien connu de Moroni du fait de sa culture néphite.


Pavé de calcaire
Image 8. Un grand pavé de calcaire avec l’intérieur exposé. Photo W. Aston.

La production de chaux à l’époque préindustrielle était un processus qui nécessitait la cuisson de morceaux de calcaire sur un feu de bois. Une fois le bois calciné, on atteignait des températures allant jusqu’à environ 1 600 ° C [13]. Il en résultait une réaction chimique produisant des globules (« clinkers ») de silicate de calcium (Ca2SiO4) ; après refroidissement, l’eau ajoutée au matériau le faisait se dilater en une poudre d’environ 5 ou 6 fois le volume du calcaire. C’était là le ciment qui, ajouté à un agrégat et à de l’eau, formait le béton. Dans le drumlin local, on trouve des graviers et les pavés calcaires mentionnés précédemment et illustrés ci-dessus ; ils sont d’une excellente qualité pour la production de chaux. L’analyse post-terrain a établi que ces pierres calcaires sont riches en composé critique d’oxyde de calcium, CaO.

Analyse du calcaire
Image 9. Résultats de l’analyse du calcaire. Avec la permission de B. Jordan.

Bien sûr, Moroni devait brûler du bois pour réduire le calcaire en poudre. On ne sait pas où il a fait cela, mais la géographie de la colline de Palmyra peut fournir un indice. À l’extrémité sud-ouest de la colline il y a une petite vallée, ou vallon, située entre la colline et une faible élévation à l’ouest qui empêche quiconque passe le long du côté ouest de la colline de voir dans la vallée. C’est un endroit comme celui-là qui a pu lui fournir l’isolement nécessaire pour assembler la boîte en pierre et fabriquer le ciment sans être aperçu. Nous croyons qu’avec des décennies d’expérience à éviter de se faire repérer lors de ses longs voyages, probablement en faisant régulièrement des feux pour cuisiner, Moroni a pu utiliser ces matériaux naturels dans ses efforts pour ne pas attirer l’attention sur le lieu d’ensevelissement lui-même.
Les ciments modernes se composent principalement d’un mélange de chaux, de sable et d’argile. Notre enquête a révélé que ces trois matériaux existent en quantité suffisante à proximité de la colline de Palmyra pour fabriquer le ciment nécessaire à la formation d’une boîte en pierre de la taille décrite par Joseph et Oliver.

Chaux et sable

Juste à l’ouest de la pointe sud de la colline de Palmyra, à une distance de 1,7 km, il y a une excavation de sédiments de drumlin qui se compose de couches alternées de sable à grains moyens à gros et à lit croisé et de gravier gradué, typique des drumlins [14].


Géologie des drumlins
Image 10. La géologie des drumlins de la région de Palmyra se révèle dans les couches de sable, de gravier et d’inclusions calcaires dans cette carrière juste au sud-ouest de la colline. Dans le gravier il y avait du calcaire d’une qualité suffisante pour produire de la chaux. Photo B. Jordan.

La majorité des matériaux du drumlin est constituée de sable ; ce sont les dépôts de gravier qui contiennent généralement des morceaux de calcaire de la taille d’un pavé et d’un caillou. En outre, il y a d’importants affleurements rocheux de calcaire dans la région, comme en témoigne une carrière de calcaire en activité (la Dolomite Products Company) à plus ou moins sept kilomètres au sud-est de la colline de Palmyra. Les carrières de calcaire et de dolostone sont le deuxième type de mine le plus courant de New York [15].

Argile

Comme l’argile est presque inconnue dans la région de Palmyra, celle dont Moroni avait besoin a été l’ingrédient le plus difficile à localiser [16]. Cependant, comme indiqué précédemment, à environ 3 km au nord de la colline de Palmyra il y a un drumlin plus petit appelé Miner’s Hill. Peut-être unique de son espèce dans la région, cette colline se compose presque entièrement d’argile fine. Selon le propriétaire actuel, qui a permis au New York Highway Department de l’exploiter, c’est le seul endroit de la région qui sert de source d’argile.

Test du calcaire à l'acide chlorhydrique
Image 11. Test du calcaire avec de l’acide chlorhydrique dilué. Photo W. Aston.

Miner’s Hill se trouve entre la maison familiale de Joseph Smith et la colline de Palmyra, une proximité qui peut être significative dans l’histoire des plaques. Elle a aussi un tunnel profond, récemment recreusé, offrant un aperçu de l’intérieur de la colline. Le tunnel remonte à l’époque de la famille Smith et présente donc un intérêt historique possible [17].

Qu’est-il arrivé à la boîte de pierre?

Naturellement, à l’époque de Joseph Smith, c’était le contenu de la boîte – les plaques – qui intéressait le plus les croyants et les incroyants. Pourtant, il y en avait dans les deux camps qui cherchaient également à voir personnellement la boîte de pierre sur la colline. Il n’y a pas de récits fiables de première main de ce qui est arrivé à la boîte de pierre. Cependant, les rapports les plus crédibles s’accordent à dire que la boîte de pierre, dont le couvercle a été ouvert plusieurs fois par Joseph Smith lors de ses rencontres annuelles avec Moroni ressuscité et apparemment laissée ouverte après qu’il en ait retiré le contenu, était dès lors exposée aux éléments et a finalement été entraînée par morceaux en bas de la colline.

Miner's Hill
Image 12. Miner’s Hill à Palmyra est un drumlin rare composé d’argile fine. Photo W. Aston.

Les deux récits survivants sont nos sources pour ce résultat probable. Le premier est l’Autorité générale (premier collège des soixante-dix) Edward Stevenson (décédé en 1897) qui publia, en 1893, un compte rendu de l’interview d’un « vieil homme » vivant près de la colline :

« Soigneusement interrogé, il a déclaré qu’il avait vu des pierres plates de bonne taille qui avaient dévalé et gisaient près du bas de la colline. Cela s’était produit après que le contenu de la boîte ait été enlevé et que ces pierres étaient sans doute celles qui composaient autrefois la boîte. J’ai ressenti le vif désir de voir ces anciennes reliques et je lui ai dit que je serais très heureux qu’il m’informe de l’endroit où elles se trouvaient. Il a déclaré qu’elles avaient été enlevées depuis longtemps [18]. »

L’autre est un rapport dans lequel David Whitmer, l’un des trois témoins du Livre de Mormon, avait déclaré :

[David Whitmer] est allé à trois reprises à la colline Cumorah et a vu la boîte qui contenait les tablettes et la pierre de voyant. Finalement, la boîte a été emportée jusqu’au pied de la colline, mais elle était visible lors de sa dernière visite à cet endroit historique [19].

Ce qui semble certain, en tous cas, c’est que la boîte en pierre de Moroni n’est plus à sa place d’origine sur la colline et, malgré certaines affirmations contraires, il ne reste aucune trace du trou où elle était autrefois enterrée.

La convergence unique des facteurs géologiques dans la région de Palmyra

Les processus glaciaires de la région de Palmyra ont rassemblé tous les matériaux nécessaires pour former la boîte en pierre, pour fabriquer le ciment qui maintient ensemble les composants en pierre et pour façonner les trois petits piliers de ciment à l’intérieur. Moroni a pu avoir accès aux pierres et aux sédiments nécessaires sans déplacements ou efforts considérables.

Considérés individuellement, le grès, le granit et le calcaire sont tous, bien sûr, des roches très communes à la surface de la Terre, tout comme les sédiments tels que l’argile et le sable. Cela est également vrai de la formation de grès et de granit à parois plates sous l’effet de l’érosion. Ce qui est plus inhabituel, c’est que l’on ait pu trouver toutes ces pierres et tous ces sédiments à proximité les uns des autres. Bien qu’il serait inexact de dire qu’un tel regroupement est rare, étant donné les besoins de Moroni, il était très avantageux pour ses objectifs qu’il en soit ainsi à proximité de la colline dans laquelle il a enterré les plaques.

Joseph Smith a noté dans son Histoire que la colline où il a obtenu les plaques était un point de repère important [20] dans une région où le terrain est fort plat et où la plupart des collines semblent presque identiques. Cette uniformité de taille est courante dans les champs de drumlin et aurait été particulièrement vraie à l’époque de Joseph Smith, car une grande partie de la région avait été déboisée par les colons pour créer des terres agricoles. Cette importance, associée au fait que les matériaux en pierre et tous les ingrédients du ciment sont facilement disponibles dans les environs, a fait de la colline de Palmyra un emplacement unique pour les besoins de Moroni.

Vue du sommet de la colline de Palmyra
Image 13. Vue vers l’ouest depuis l’extrémité nord de la colline de Palmyra. Photo W. Aston.

Conclusion

Cette recherche répond à deux questions étroitement liées :

1. Les matériaux géologiques nécessaires à la fabrication d’une boîte en pierre, composée de pierres de bonne taille et d’ingrédients pour le ciment, étaient-ils présents à proximité de la colline de Palmyra pour que Moroni puisse construire une telle boîte?
2. Y a-t-il des roches ou des pierres disponibles localement qui correspondent à la description donnée par des témoins oculaires ou des sources quasi secondaires?

La réponse à ces deux questions est clairement un oui catégorique. Bien que cette information ne préjuge pas de l’authenticité du Livre de Mormon lui-même, d’un point de vue géologique, elle soutient fermement l’idée que tous les matériaux nécessaires à la construction de la boîte en pierre qui contenait les plaques, telle que décrite par des témoins, peuvent effectivement être trouvés dans les environs.

Notes

1. La colline dont il est question se trouve dans le comté d’Ontario plutôt que dans le comté de Wayne, où se trouve la ville de Palmyra. Cependant, sa proximité avec les autres endroits où le Rétablissement a commencé, tels que le bosquet sacré et la maison de la famille Smith, signifie que le nom « Palmyra » est beaucoup plus connu et est utilisé ici pour identifier la colline.
2. Il existe une vaste documentation d’une utilité très variable qui traite de l’emplacement du Livre de Mormon dans le Nouveau Monde. Un bon aperçu qui suggère également trois sources scientifiques pour ceux qui souhaitent plus de détails est « Where Did the Book of Mormon Happen? » Book of Mormon Central, 8 mai 2018 https://knowhy.bookofmormoncentral.org/content/where-did-the-book-of-mormon-happen.
3. Une bonne introduction générale est Michael J. Dorais, « The Geologic History of Hill Cumorah », Journal of Book of Mormon Studies 13, no. 1-2 (2004): 136-4 3, https://scholarsarchive.byu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1368&context=jbms. Un traitement plus complet de la formation des drumlins est D. P. Hess et al, « Geospatial analysis of controls on subglacial bedform morphometry in the New York Drumlin Field — implications for Laurentide Ice Sheet dynamics », Earth Surface Processes and Landforms 34 (2009): 1126–3 5, DOI: 10.1002 / esp.1803.
4. Voir J. Menzies, « A review of the literature on the formation and location of drumlins », dans Earth-Science Reviews 14, no 4 (avril 1979) : 315–5 9, https://doi.org/10.1016/0012-8252(79)90093-X. Une carte à grande échelle montrant la formation des drumlins et des lacs peut être consultée sur Surficial Geologic Map of New York: Finger Lakes Sheet, 1986, New York State Geological Survey, http://www.nysm.nysed.gov/common/nysm/files/surf_fingerlakes.jpg.
5. Bien que tous les drumlins ne soient pas constitués de dépôts sédimentaires, la grande majorité le sont (Menzies, Earth-Science Reviews, 14:319). La composition et la structure réelles des drumlins ainsi que le processus de leur formation sont complexes et encore peu compris. Le présent document ne tente pas de traiter de ces concepts. On trouvera un traitement approfondi des questions dans C. R. Stokes et al., « The composition and internal structure of drumlins: Complexity, commonality, and implications for a unifying theory of their formation », Earth-Science Reviews 107 (2011): 398–4 22, DOI: 10.1016 / j.earscirev.2011.05.001.
6. Les raisons possibles pour lesquelles les plaques auraient été enfouies sur le côté ouest de la colline font l’objet d’un article de Warren Aston à paraître.
7. Joseph Smith — Histoire 1:51-5 2 (c’est nous qui soulignons).
8. Oliver Cowdery, « Letter VIII », LDS Messenger and Advocate (Kirtland, OH), octobre 1835, 2:196, https://www.josephsmithpapers.org/paper-summary/history-1834-1836/95, (italiques ajoutés).
9. Id.
10. Ce fait est, bien sûr, d’une importance cruciale pour déterminer où dans les Amériques les événements du Nouveau Monde mentionnés dans le Livre de Mormon se sont produits.
11. Voir le résumé fourni dans « When Did Cement Become Common in Ancient America?” Book of Mormon Central, 26 août 2016, https://knowhy.bookofmormoncentral.org/content/when-did-cement-become-common-in-ancient-america.
12. David S. Hyman, « Cements at Teotihuacan: A Criticism of Margain’s Appraisal », American Anthropologist 75, no 1 (février 1973) : 314. https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1525/aa.1973.75.1.02a00290, c’est nous qui soulignons.
13. Les valeurs thermiques de divers bois brûlés peuvent être consultées à l’adresse « Combustion of Wood — Heat Values », The Engineering Toolbox (site Web), consulté le 1er décembre 2017 https://www.engineeringtoolbox.com/wood-combustion-heat-d_372.html. Le charbon de bois peut être produit à des températures plus basses; voir, par exemple, http://www.fao.org/docrep/X5328E/x5328e05.htm. On peut également créer de la chaux sans produire du charbon de bois, mais en utilisant uniquement du bois. Les températures nécessaires pour produire de la chaux dans les temps anciens sont traitées dans https://www.sciencelearn.org.nz/resources/474-lime-a-time-tested-chemical. Qu’il ait utilisé du charbon de bois ou du bois, Moroni aurait pu facilement produire de la chaux à partir du calcaire trouvé près de Palmyra et de Manchester.
14. Menzies, « A review of the literature on the formation and location of drumlins »; Stokes, « The composition and internal structure of drumlins. »
15. Voir New York State Department of Environmental Conservation, 2015 Fact Sheets Products of New York State Mines, https://www.dec.ny.gov/docs/materials_minerals_pdf/minfactsht.pdf.
16. Id. L’argile n’est pas mentionnée dans le rapport pour l’ensemble de l’État.
17. Un effort fascinant est en cours pour établir la nature de la « grotte » ou du tunnel à l’intérieur de Miner’s Hill, voir KC Kern, « Discovering Joseph Smith’s Cave in Miner’s Hill, Manchester, New York », Archival.link (site Web), 22 septembre 2015, http://archival.link/mormoncave/story.
18. Edward Stevenson, Reminiscences of Joseph the Prophet, And the Coming Forth of the Book of Mormon (Salt Lake City, 1893), p. 13, https://www.gutenberg.org/files/54337/54337-h/54337-h.htm.
19. David Whitmer, entretien avec le Chicago Times (août 1875), cité dans Ebbie L. V. Richardson, « David Whitmer: A Witness to the Divine Authenticity of the Book of Mormon », (mémoire de maîtrise, Brigham Young University, 1952), p. 158, https://scholarsarchive.byu.edu/etd/5072/. Comme indiqué dans le même article (p. 166), David Whitmer a également mentionné dans une autre interview avoir vu lui-même la boîte de pierre.
20. Joseph Smith — Histoire 1:51