VERIFICATION DU RECIT DE 1838 DE LA PREMIERE VISION

Milton V. Backman, fils

Au cours de la conférence générale d'octobre 1880, George Q. Cannon, premier conseiller dans la Première Présidence, agissant sous la direction de John Taylor, président nouvellement soutenu de l'Église, présenta deux livres aux officiers et aux membres : une nouvelle édition des Doctrine et Alliances et une de la Perle de Grand Prix. Il proposa que les personnes présentes acceptent ces livres et leur contenu « comme venant de Dieu, et ayant force de loi sur... le peuple... et l'Église ». Ensuite, Joseph F. Smith, deuxième conseiller dans la Première Présidence, proposa que les membres reçoivent et acceptent ce livre comme contenant les révélations de Dieu à l'Église. Par vote unanime, les dirigeants et les membres convinrent que le contenu du livre était inspiré de Dieu (Conference Proceedings, 42:724). Dans cette édition canonisée de la Perle de Grand Prix se trouvait le récit de la Première Vision écrit à l'origine par Joseph Smith en 1838 et préparé en vue de sa publication avant le départ du prophète pour Washington en 1830.

On pourrait se poser un certain nombre de questions concernant ce récit de 1838 de la théophanie qui s'est produite près de Palmyra. Étant donné que Joseph Smith a écrit ou dicté quatre récits de la Première Vision, pourquoi a-t-on inséré dans la Perle de Grand Prix celui de 1838 plutôt que l'un des autres ? Quelle différence y a-t-il entre cette version de 1838 et les autres ? Et quels sont les éléments qui confirment que l'on peut se fier au récit de 1838 ?

Les quatre récits se trouvent dans le livre de Backman, Joseph Smith's First Vision, et celui de Jessee, The Personal Writings of Joseph Smith. On trouve une harmonie des quatre récits dans Backman, Eyewitness Accounts of the Restoration. Les quatre récits de la Première Vision faits par Joseph Smith sur une période de dix ans sont très différents les uns des autres parce que chacun a été écrit sous un angle différent, s'adressant à un auditoire différent et dans un but différent. Deux des récits (les versions de 1832 et de 1835) sont un compte-rendu fait par des secrétaires de ce que le prophète a dit à deux auditoires différents et sont restés au stade de brouillon sans avoir été préparés ni révisés en vue de leur publication (voir Backman, pp. 155-160 ou Jessee, pp. 4-6 et 75-76). Les deux derniers récits ont été écrits et préparés par Joseph Smith et ont été publiés à l'origine au printemps de 1842. Le récit de 1838 a été écrit dans le cadre de l'histoire de l'Église par Joseph Smith ; l'autre, contenu dans la « lettre à Wentworth », a été écrit à la demande de non-mormons et essentiellement pour des non-mormons (voir Backman, pp. 160-170 ou Jessee, pp. 197-200 et 213-215). Bien que la partie historique de la lettre à Wentworth, que Joseph Smith a composée avec l'aide d'autres personnes, n'ait pas été incluse dans la Perle de Grand Prix, les treize déclarations de foi ont été incluses dans cette Écriture moderne.

L'histoire que Joseph Smith entreprit le 30 avril 1838 à Far West (Missouri) fut écrite dans le cadre d'une histoire officielle de l'Église (Jessee, p. 196) ; elle était probablement terminée dès le 2 mai 1838 et fut publiée à l'origine en 1842, à Nauvoo, dans le Times and Seasons, quand Joseph Smith était rédacteur de cette publication. Au point de vue littéraire, c'est le meilleur des quatre récits. Écrit dans la langue (c'est-à-dire le style ou l’usage des mots) de Joseph Smith, c’est un récit qui reflète les écrits inspirés d'un prophète de Dieu plutôt que le langage maladroit d'un Américain ayant peu d'instruction. Joseph Smith non seulement composa ce récit du point de vue de quelqu'un qui a une conviction profonde (en accord avec tous les autres récits), mais il se servit de mots et d’expressions qu’utilisent les hommes de lettres.

Le récit de 1838 n'est pas seulement un chef-d'œuvre littéraire reflétant l'œuvre d'un prophète inspiré ; il contient le compte-rendu le plus complet de la Première Vision et donne davantage de renseignements sur la parution du Livre de Mormon et le rétablissement de l'autorité de Dieu que n'importe laquelle des autres histoires composées par Joseph Smith.

Tous les récits de la Première Vision faits par Joseph Smith contribuent à notre compréhension de cette expérience sacrée. Pour mieux comprendre le contenu du récit de 1838, nous devons examiner cette version en rapport avec les autres récits.

Chacun des récits de la Première Vision met l'accent sur quelque chose de différent dans les circonstances qui ont précédé la théophanie de Joseph près de Palmyra. Dans le récit de 1832, par exemple, Joseph met l’accent sur le fait que son désir d'obtenir la rémission de ses péchés l'avait amené à étudier les Églises. Cette recherche, dit-il, continua pour lui de douze à quinze ans. Pour être plus précis, Joseph écrit que son esprit devint sérieusement préoccupé en ce qui concerne les questions capitales du bien-être de son âme immortelle, ce qui l’amena à sonder les Écritures. On lui avait enseigné et il croyait qu'elles contenaient la parole de Dieu. Il n'était pas seulement affligé parce qu'il se rendait compte qu'il était pécheur, mais aussi préoccupé de ce que l’humanité n'allait pas vers le Seigneur. Joseph dit : « Je me lamentai sur mes péchés et sur les péchés du monde. » C'est pourquoi il invoqua « le Seigneur pour obtenir miséricorde, car il n'y avait personne d'autre vers qui il pouvait se tourner pour l’obtenir... » (Backman, Joseph Smith's First Vision, pp. 156-157).

La deuxième version de sa théophanie se trouve dans le journal personnel de Joseph de 1835 et est très différente de celle de 1832. Cette inscription dans son journal personnel était aussi le résumé par un secrétaire d'une longue conversation entre Joseph Smith et Robert Matthews, également connu sous le nom de Matthias, et qui s'était tout d'abord déguisé à Kirtland en se donnant le nom de Joshua, le prophète juif (Jessee, p. 654, n. 57). Ce que nous avons ici est la version abrégée écrite par Warren Parrish (Jessee, p. 651, n. 27). Il y a une ressemblance entre certaines des idées du journal personnel de 1835 et les informations contenues dans la lettre à Wentworth et implicites dans l'histoire de 1838. Joseph Smith a probablement déclaré ce qui suit en 1835 :

« Ayant l'esprit agité concernant le sujet de la religion, en regardant les différents systèmes enseignés aux enfants des hommes, je ne savais pas qui avait raison ou tort, mais je considérais que c'était de toute première importance pour moi d'avoir raison, dans un domaine aussi important, domaine comportant des conséquences éternelles. Ainsi donc, ne sachant que penser, je me retirai dans le bosquet silencieux et me prosternai devant le Seigneur, pleinement conscient qu’il avait dit (si la Bible était vraie) : Demandez et vous recevrez, frappez et l'on vous ouvrira, cherchez et vous trouverez, et en outre, si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement et sans reproche » (Jessee, p. 75).

Il y avait, dans la lettre à Wentworth, un bref passage sur les réflexions du jeune garçon de quatorze ans sur la nécessité de se préparer pour un état futur, mais l'idée maîtresse de ce récit présenté à un auditoire non mormon était le sentiment d'incertitude qu'il éprouvait et qui découlait de l'affrontement des opinions religieuses en Amérique. « Si je me rendais dans une société, observa-t-il, on me renvoyait à un plan, une autre à un autre, chacune disant de sa doctrine qu'elle était le summum bonum de la perfection. Considérant que toutes ne pouvaient pas avoir raison et que Dieu ne pouvait pas être l'auteur de tant de confusion, j'ai décidé d'étudier la question d'une manière plus complète, croyant que si Dieu avait une Église, elle ne serait pas divisée en factions... » (Jessee, p. 213).

Le récit de 1838 (JS – H vv. 5-20) contient l'exposé le plus détaillé, qu’il ait rédigé, du cadre historique de son expérience religieuse. C'est le seul récit qui décrive une situation religieuse bien déterminée dans la région où il vivait. Dans cette version, le prophète mentionne que son esprit fut amené à réfléchir sérieusement face à l'agitation religieuse de son voisinage et fut travaillé par les difficultés extrêmes causées par les disputes de ces partis de zélateurs religieux. Ensuite il donne quelques détails sur l'excitation religieuse qui se produisait au moment de sa vision. Il déclare que la deuxième année de l'installation de sa famille à Manchester (qui s'appelait Farmington en 1820 mais était devenu Manchester en 1839),

« … il y eut, dans l'endroit où nous vivions, une agitation peu commune à propos de la religion. Elle commença chez les méthodistes, mais devint bientôt générale chez toutes les confessions de cette région du pays. En effet, toute la contrée paraissait en être affectée, et de grandes multitudes s'unirent aux différents partis religieux, ce qui ne causa pas peu de remue-ménage et de divisions parmi le peuple » (JS – H v 5).

Il ne parle pas seulement de la guerre des mots, mais cite les groupes religieux impliqués dans le conflit d'opinions, disant qu'ils étaient méthodistes, baptistes et presbytériens. C'est le seul récit dans lequel il dit qu'il penchait personnellement pour le méthodisme tandis que sa mère Lucy, ses frères Hyrum et Samuel et sa sœur Sophronia se convertirent à la religion presbytérienne. En outre, c'est le seul récit dans lequel Joseph mentionne que c'était la première fois de sa vie qu'il tentait de prier à voix haute, voulant dire que c'était la première fois qu'il essayait de suivre l’exhortation de Jacques en ce qui concerne ses anxiétés. Et c'est le seul récit dans lequel le prophète donne le moment de la vision : « C'était le matin d'une belle et claire journée du début du printemps de mil huit cent vingt (JS – H v. 14).

Dans les récits de 1835 et de 1838, il y a une allusion à la rencontre de Joseph Smith avec le malin. Selon le récit de 1835 :

« … je fis une tentative vaine de prier. Ma langue semblait être enflée dans ma bouche, de sorte que je ne pouvais m'exprimer, j'entendis un bruit derrière moi comme si quelqu'un s'approchait de moi. Je m'efforçai de nouveau de prier, mais ne le pus ; le bruit des pas semblait se rapprocher, je me relevai d'un bond et regardai autour de moi, mais ne vis personne ou chose susceptible de produire le bruit de pas. Je m'agenouillai de nouveau, ma bouche fut ouverte et ma langue déliée ; j'invoquai le Seigneur avec ferveur... » (Jessee, p. 75).

Il raconte un fait semblable en 1838 en utilisant des termes différents. Il dit, dans Joseph Smith – Histoire, qu’après s’être agenouillé pour prier, il fut saisi « par une puissance qui [le] domina entièrement... Des ténèbres épaisses [l']'environnèrent, et il [lui] sembla un moment [qu'il était] condamné à une destruction soudaine » (v. 15). Mais au moment même où il était prêt à sombrer dans le désespoir et à s'abandonner à la destruction, il vit une colonne de lumière au-dessus de sa tête (v. 16).

Le récit de 1838 est le seul compte-rendu de la Première Vision dans lequel Joseph Smith identifie clairement les personnages qui lui sont apparus. Il voulait peut-être parler du Père quand il dit en 1832 qu’il invoqua « le Seigneur » qui ouvrit les cieux, mais l'accent, dans ce récit-là, était mis sur le message du pardon accordé par le Sauveur. Dans les deux récits composés pour des non-mormons (ceux de 1835 et de 1842), Joseph mentionne l'apparition de deux personnages célestes sans les identifier. Dans le récit de 1842, il ajoute qu'ils se ressemblaient de visage et d’aspect et la version de 1835 de son journal personnel signale que, pendant sa vision, il vit aussi beaucoup d'anges. Dans le récit de 1838, il déclare qu'il vit « deux personnages, dont l'éclat et la gloire défient toute description... L'un d'eux me parla, m'appelant par mon nom et dit, en me montrant l'autre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoute-le ! » (JS – H v. 17). Rien ne permet de croire que Joseph a changé cette histoire sur la base d'une évolution dans son attitude à l'égard de la Divinité. Il semble au contraire évident que Joseph Smith hésite à identifier les personnages quand il raconte cette expérience à des personnes extérieures à l'Église. Certains critiques croyaient que tout était possible à Dieu sauf apparaître à Joseph Smith. Il semble, dans les deux documents non mormons contenant le dernier récit de la Première Vision composé par Joseph Smith, que le prophète ne voulait pas intensifier les critiques du public à l’égard de cette expérience sacrée en disant qu’il s’agissait du Père et du Fils.

Il y a une harmonie certaine dans les messages des différentes versions de la Première Vision, adaptées à l'auditoire auquel chaque récit s'adressait et au but dans lequel chacun d’eux avait été écrit. Dans le récit le plus complet qu’il a fait (celui de 1838), Joseph Smith conclut en disant qu'il a appris beaucoup d'autres choses. À aucun moment il n’a expliqué tout ce qu'il avait appris pendant cette théophanie près de Palmyra. Pourtant tous les récits contiennent des parties de ce message sacré et, en examinant toutes ces versions, on peut obtenir une meilleure compréhension des vérités exposées en 1820 et de certaines des autres choses que Joseph a apprises dans le bosquet sacré.

Dans l’esquisse de 1832, ce qui ressort le plus, c’est le désir de Joseph Smith d'obtenir la rémission de ses péchés. Pour cette raison, dans ce récit, le prophète dit que Jésus lui pardonna ses péchés, ajoutant qu'il apprit, à ce moment-là, que Jésus avait pris sur lui les péchés de l'humanité. Il dit en outre que le Rédempteur reviendrait sur la terre. Parlant de l’état de la religion, le prophète en donne la description du Seigneur comme suit :

« Le monde est actuellement dans le péché et il n'y a personne qui fasse le bien, non pas un seul ils se sont détournés de l'Évangile et ne gardent pas mes commandements ils s'approchent de moi des lèvres tandis que leur cœur est loin de moi et ma colère est allumée contre les habitants de la terre pour intervenir contre eux selon cette impiété et réaliser ce qui a été dit par la bouche des prophètes et des apôtres... » (Jessee, p. 6).

L'information sur le message de 1820 est presque absente dans le récit du journal personnel de 1835. Warren Parrish n’a écrit que deux brefs commentaires concernant les vérités révélées pendant la Première Vision. Les deux apparaissent dans l'histoire de 1835 :

« Il [l’un des personnages qui apparurent à Joseph Smith] me dit tes péchés sont pardonnés [et] Jésus-Christ est le Fils de Dieu » (Jessee, p.75). Le fait que le message qui allait apparaître dans une histoire publiée plus tard ait été omis, conférant à ce texte un caractère incomplet, peut s'expliquer par l'horaire très chargé des frères, pour lesquels la mise par écrit d'informations dans le journal personnel de Joseph n'était que l'une de leurs nombreuses responsabilités et activités.

Dans la lettre à Wentworth, qui contient le deuxième récit le plus court de cette théophanie, le prophète met l'accent sur le message fondamental qu'il désirait transmettre aux non-mormons concernant cette expérience, à savoir le fait que l’Église du Christ ne fonctionnait pas en 1820. « Ils me dirent, explique-t-il :

« …que toutes les confessions religieuses croyaient en des doctrines incorrectes et qu'aucune d'elles n'était reconnue de Dieu comme étant son Église et son royaume. Et il me fut expressément commandé de ne pas aller après elles » (Jessee, p. 213).

C'est le seul récit dans lequel il y ait une allusion précise à l'appel de Joseph comme prophète. Il témoigne que pendant cette vision il lui fut promis « que la plénitude de l'Évangile [lui] serait un jour révélée » (Jessee, p. 213).

Les instructions les plus spécifiques du Sauveur concernant la situation générale des Églises au moment de la Première Vision se trouvent dans le récit composé dans le cadre de l'histoire officielle de l'Église de 1838. Les déclarations les plus percutantes et les plus sévères n'apparaissent dans aucune autre version. Joseph écrit qu'après avoir demandé laquelle de toutes les confessions avait raison, le Seigneur lui dit qu'elles étaient toutes dans l’erreur. Leurs credo, ajouta le Seigneur, « étaient une abomination à ses yeux » et leurs « docteurs étaient tous corrompus... » (JS – H v. 19). (Au lieu du mot « abomination », la lettre à Wentworth utilise une formule atténuée : « Toutes les confessions religieuses croyaient en des doctrines incorrectes »). Ensuite, citant une Écriture mentionnée dans le récit de 1832, le Seigneur continue comme ceci dans le texte de 1838 : « Ils s'approchent de moi du bout des lèvres, mais leur cœur est éloigné de moi » (JS – H v. 19; cf. Ésaïe 29:13; Luc 6:46). Ensuite il inclut un autre passage d’Écriture (parfois employé pour étayer la croyance des saints des derniers jours en l'apostasie) que l'on ne trouve dans aucun autre récit de la Première Vision : Ils ont « une forme de piété, mais ils en nient la puissance » (JS – H v. 19; cf. 2 Tm 3:5).

Bien qu’il soit fait allusion, dans le récit de 1832, à la paix que Joseph ressentit après la vision, ce n'est que dans le récit de 1838 qu'il est question de la réaction négative des autres quand il raconte ce qui lui est arrivé. Dans ce récit, il mentionne spécifiquement l'opposition du prédicateur méthodiste. Mais les persécutions ne se limitèrent pas à un seul homme ni à un seul culte. Comme l'explique Joseph Smith dans le récit de 1838 :

« Il était bien étrange qu'un garçon obscur, d'un peu plus de quatorze ans… fût jugé assez important pour attirer l'attention des grands des confessions les plus populaires du jour, et ce, au point de susciter chez eux l'esprit de persécution et d'insulte le plus violent… J'ai pensé depuis que je devais ressentir plus ou moins la même chose que Paul quand il se défendit devant le roi Agrippa et qu'il raconta la vision qu'il avait eue, lorsqu'il avait aperçu une lumière et entendu une voix ; et cependant, il y en eut peu qui le crurent ; les uns dirent qu'il était malhonnête, d'autres dirent qu'il était fou ; et il fut ridiculisé et insulté. Mais tout cela ne détruisait pas la réalité de sa vision » (JS – H vv.23-24)

Ensuite, rendant témoignage d'un des événements les plus importants des annales de l'histoire, Joseph Smith, sous l'inspiration du Tout-Puissant, témoigna au monde en des termes que l'on aurait cru être au-delà de ses capacités limitées de s'exprimer :

« Il en était de même pour moi. J'avais réellement vu une lumière, et au milieu de cette lumière, je vis deux Personnages, et ils me parlèrent réellement ; et quoique je fusse haï et persécuté pour avoir dit que j'avais eu cette vision, cependant c'était la vérité… je le savais, et je savais que Dieu le savait, et je ne pouvais le nier… J'avais [aussi] découvert que le témoignage de Jacques était vrai » (JS–H vv. 25-26)

Le récit de 1838 de la Première Vision a été la version la plus fréquemment publiée et la plus fréquemment citée. Après avoir été publiée à Nauvoo, l’histoire fut réimprimée dans le Millennial Star (publié en Angleterre), dans le Deseret News (imprimé à Salt Lake City) et dans la première et toutes les éditions suivantes de la Perle de Grand Prix.

Quand ils racontent ce qu'ils ont appris de Joseph Smith sur son expérience sacrée de 1820, ses contemporains traitent de toutes les idées principales que l'on trouve dans les quatre versions, mais mettent l'accent sur davantage de notions reprises dans le récit de 1838, composé en vue de la publication, plutôt que sur ce que l'on en trouve dans toutes les autres versions. Comme expliqué précédemment, une caractéristique distinctive du récit de la Perle de Grand Prix est l'identification des deux personnages. Quand elles parlent de la Première Vision, les Autorités générales contemporaines du prophète (comme John Taylor, Orson Pratt, George A. Smith et George Q. Cannon) citent l'expression (ou une expression du même genre) : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoute-le ! » (voir Journal of Discourses, 7:220; 11:1-2; 12:354; 13:66; 15:181; 21:65; 161; 25:156; dorénavant abrégé en JD).

Dans son article publié dans le Millennial Star, Orson Pratt utilise la Première Vision comme instrument pour étayer sa croyance en la nature distincte du Père et du Fils. Dans un article intitulé « Le Père et le Fils sont-ils deux personnes distinctes ? » frère Pratt se sert non seulement des passages d'Écriture pour défendre sa foi, mais cite des événements de l'histoire de l'Église pour étayer sa conviction de la nature distincte du Père et du Fils. Il déclare que Joseph Smith et Sidney Rigdon ont vu le Christ « à la droite de Dieu » en février 1832 (D&A 76:23) et ajoute que Joseph Smith a vu « le Père et le Fils » pendant sa Première Vision (JD 11:281-284, 309-12).

Dans des sermons prononcés dans le Grand Bassin après l’émigration des saints en Utah, frère Pratt parle aux autres des expériences sacrées que lui avait racontées Joseph Smith, le prophète. Celui-ci, déclare-t-il, lui avait dit que quand il avait environ quatorze ans, « il eut une vision... [et] vit deux personnages glorieux ; et l'un d’eux dit, en montrant l'autre : ‘Voici mon fils bien aimé ! Ecoute-le !’ » Continuant à décrire ce qu'il avait appris de Joseph, frère Pratt dit que Joseph avait reçu le commandement de ne s’unir à aucune Église et avait été informé qu’à une époque future la plénitude de l'Évangile lui serait manifestée. Il lui fut également dit qu'il serait « un instrument entre les mains de Dieu pour poser les fondements du royaume de Dieu » (JD 7:220-221).

Le thème relatif à la Première Vision qui a été le plus souvent cité par les premiers dirigeants de l'Église quand ils parlaient de ce sujet est que Joseph avait appris que toutes les Églises étaient dans l’erreur et qu'il était nécessaire de rétablir la vérité. Brigham Young, par exemple, dit que Joseph Smith avait reçu le commandement de ne se joindre à aucune des sectes religieuses de son époque (JD 2:171), ajoutant que « le Seigneur a choisi Joseph Smith, l'a appelé à l'âge de quatorze ans, lui a donné des visions et l’a dirigé... » (JD 8:354).

Lors de la conférence de 1880, les dirigeants de l'Église rendirent témoignage de la véracité de l'expérience de Joseph Smith en 1820 telle que décrite dans l'histoire de 1838. John Taylor, ses conseillers et beaucoup d'autres dirigeants de l'Église qui assistaient à cette conférence, étaient d'anciens compagnons de Joseph Smith. En canonisant un document qui faisait partie de l'histoire de l'Église écrite par Joseph Smith, les contemporains du prophète déclarèrent que ce récit avait été publié par un dirigeant inspiré et était le compte-rendu exact d'une expérience sacrée.

Pendant les années 1960, j'ai fait une étude sérieuse du cadre historique de la Première Vision, qui a fourni des preuves confirmant l'authenticité de cette histoire (voir Joseph Smith's First Vision). Les registres de la Western Presbyterian Church notent que Lucy, Samuel et Hyrum en furent membres pendant les années 1820. D'autres registres paroissiaux et articles de journaux montrent bien qu'il y avait une excitation religieuse dans le voisinage de l'endroit où Joseph Smith vivait et que dans toute cette région de grandes multitudes s’unissaient aux différentes confessions religieuses. Joseph Smith n'a pas écrit que ce n'est qu'à Palmyra que la population des Églises a augmenté. Après avoir voyagé cinq fois de l'est de l'Ohio jusque dans l'ouest du Missouri et retour et après avoir fait à deux reprises le voyage de l’Ohio jusque dans l'est des États-Unis, le prophète écrivit que dans toute cette région du pays il y eut une croissance importante de la population des Églises. Les méthodistes utilisaient la même expression « région du pays » pour désigner parfois de vastes circonscriptions. L'expression région du pays pouvait désigner un territoire de quarante kilomètres, de quatre-vingts kilomètres ou tout le nord de l'État de New York. Dans toutes les interprétations de l'expression district ou région du pays mentionnées ci-dessus, les registres confirment une augmentation importante de la population de toutes les grandes confessions. La Première Vision s'est produite pendant le deuxième grand Réveil du « burned-over district », dans une région où les réveils étaient habituels. Étant donné que les chercheurs ont découvert des comptes-rendus de réveils dans plus de cinquante localités du nord de l’État de New York au cours de cette époque, et que plus de gens se faisaient membres d'une Église dans le nord de l’État de New York que dans n'importe quel autre endroit de la nouvelle nation, les documents contemporains confirment clairement l'exactitude de la description que fait Joseph Smith du cadre historique de sa théophanie près de Palmyra.

Joseph Smith, l'homme, était parfois élevé au-delà de sa capacité de s'exprimer. Le Livre de Mormon, les révélations publiées dans les Doctrine et Alliances et les sélections faisant partie de la Perle de Grand Prix constituent la preuve de son appel comme prophète.

Je vous rends témoignage que je sais que Joseph Smith était un prophète de Dieu qui a décrit avec précision non seulement le cadre historique de sa vision de 1820 mais, chose bien plus importante, a développé les grandes vérités qu'il a apprises au cours d'une des plus grandes visions de tous les temps.

BIBLIOGRAPHIE

Backman, Milton V., Jr. Eyewitness Accounts of the Restoration. Orem, Grandin, 1983.
Joseph Smith's First Vision: Confirming Evidences and Contemporary Accounts. 2e éd. Salt Lake City, Bookcraft, 1980.
Conference Proceedings, Millennial Star (15 nov 1880) 42:723-24.
Jessee, Dean C., comp. Et dir. de publ. The Personal Writings of Joseph Smith. Salt Lake City, Deseret Book, 1984.
Journal of Discourses. 26 vols. Londres, Latter-day Saint's Book Depot, 1855-86.
Pratt, Orson. « Are the Father and the Son Two Distinct Persons? » Millennial Star (15 sept et oct 1849) 11:281-84, 309-12.

NOTES

Milton V. Backman, fils, est professeur d’histoire de l’Église à l’université Brigham Young.
(H. Don Peterson et Charles D. Tate, fils, dir. de publ., The Pearl of Great Price: Revelations from God, Provo, BYU Religious Studies Center, 1989, p. 237.)