Une chose étrange dans le pays : le
retour du livre d’Énoch
Cinquième partie
par Hugh W. Nibley professeur émérite d’écritures
anciennes à l’université Brigham Young Ensign, avril 1976
Nous devons comprendre que l’Esprit de Dieu dit aux hommes tant ce qu’il
faut écrire que quand il faut l’écrire – « Tu ne peux écrire ce qui est
sacré que si cela t’est donné de moi » (D&A 9:9, 76:115), les annales
qu’il faut traduire – « N’y touche pas afin de traduire ; car cela t’est
interdit, sauf plus tard, lorsque Dieu le jugera sage » (Éther 5:1, 1
Néphi 14:28) et l’impératif derrière l’opération : « C'est pourquoi, le
Seigneur m'a commandé de faire ces plaques dans un but sage qui lui est
propre, but que je ne connais pas » (1 Néphi 9:5). « Et je fais cela dans
un but sage; car c'est ce qui m'est chuchoté, selon l'inspiration de
l'Esprit du Seigneur qui est en moi » (Paroles de Mormon 1:7). Elles
doivent servir à « l'instruction de mon peuple… et aussi pour d'autres
buts sages, buts qui sont connus du Seigneur ». (1 Néphi 19:3). Les écrits
sont complètement hors de portée des hommes. « Car il dit, en vérité, que
nul ne les aura pour obtenir du gain… et quiconque les amènera à la
lumière, le Seigneur le bénira. Car nul ne peut avoir le pouvoir de les
amener à la lumière, si cela ne lui est donné par Dieu » (Mormon
8:14-15).Pour ce qui est du matériel et des instructions : « Quiconque ces
objets est appelé voyant » (Voir Mosiah 28:16) et son pouvoir « C’est un
don de Dieu… et nul ne peut y regarder si cela ne lui est commandé, de
peur qu'il ne cherche ce qu'il ne devrait pas et qu'il ne périsse »
(Mosiah 8:13). Tout ceci n’exempte pas le prophète d’utiliser sa propre
intelligence (voir D&A 9:7-8 ; Mosiah 1:2-4) et d’apprendre tout ce qu’il
peut de « la langue de ses pères » et « concernant les annales…afin qu’ils
devinssent des hommes pleins de jugement » (Mosiah 1:2-3). L’univers
des livres n’est pas un simple jouet avec lequel l’esprit faible des
hommes peut jouer. Il suit un processus qui s’étend aux autres mondes. Aux
livres que les hommes gardent sur la terre correspondent des livres gardés
dans les cieux. Le Livre de Souvenir céleste d’Adam est reproduit sur
terre par un Livre de Vie, « le registre qui est tenu dans les cieux… Ou,
en d'autres termes… tout ce que vous enregistrerez sur la terre sera
enregistré dans les cieux…Certains pourront avoir l'impression que cette
doctrine dont nous parlons est très hardie: un pouvoir qui enregistre ou
lie sur la terre et lie dans les cieux. Néanmoins, à toutes les époques du
monde, toutes les fois que le Seigneur a donné… une dispensation de la
prêtrise… ce pouvoir a toujours été donné » (D&A 128:7-9). Ce qui est en
haut est projeté et enregistré en bas. « Je te donne le commandement (au
secrétaire) d’écrire pour lui ; et les écritures seront données telles
qu’elles sont » (D&A 35:20). Ce qui est en bas est projeté en haut et
enregistré de la même façon. « Les aumônes de vos prières sont montées aux
oreilles du Seigneur des armées et sont inscrites dans le livre des noms
des sanctifiés, c'est-à-dire de ceux du monde céleste » (D&A 88:2).
Les annales sont la source de tout le reste et c’est d’elles que
proviennent les écrits qui ont toujours été la pierre angulaire de la
civilisation, un faible reflet terrestre du sublime. À part leurs
fonctions sacrées, « elles ont accru la mémoire de ce peuple » et l’ont
préservé des « traditions incorrectes », gardant la civilisation sur la
bonne voie (Alma 37:8 -9). Elles bloquent la corruption de la langue et la
perte de la religion (Omni 17), et même si un grand dirigeant comme
Zarahemla a pu donner « la généalogie de ses pères, selon sa mémoire », «
Il n’aurait pas été possible à notre père Léhi de se souvenir de toutes
ces choses, pour les enseigner à ses enfants, s’il n’y avait pas eu l’aide
de ces plaques » (Mosiah 1:4), sans lesquelles, dit Mosiah, « même nos
pères auraient dégénéré dans l’incrédulité… comme… les Lamanites » (Mosiah
1:5).
Les rois et les dirigeants du peuple, en tant que
dépositaires de l’héritage culturel et de la souveraineté, sont les
gardiens officiels des annales. Elles « sont détenues par les rois, selon
les générations » (Omni 11), transmises de père en fils avec une
préparation et des instructions spéciales (Omni 1, 4, 9) en même temps que
les trésors nationaux dont elles font partie : le Liahona, les pierres de
voyant et l’épée de Laban ; le tout est résumé dans Alma 37:2-3 et descend
jusqu’à notre époque où il est promis aux Whitmer qu’ils les verront (D&A
17:1). D’autres personnes en plus du prophète furent encouragées à
demander le don de regarder dans « toutes ces annales anciennes qui ont
été cachées et qui sont sacrées » (Voir D&A 8:11) et à « obtenir la
connaissance de l’histoire, des pays, des royaumes » (D&A 93:53), comme le
prophète fut invité à se familiariser « avec tous les bons livres, et avec
les langues, les langages et les peuples » (D&A 90:15) afin qu’ils
n’abordent pas le dépôt sacré l’esprit vide.
Si quelqu’un suppose à
la légère que Joseph Smith a tiré ces idées de la Bible, où elles sont
effectivement de manière implicite mais certainement pas évidente, il ne
faut pas oublier que ses contemporains se sont moqués de lui quand ils
l’ont entendu ; et ce qui les scandalisait le plus, c’était l’idée
d’associer à la Bible un deuxième ou un troisième témoin en dépit de « la
loi divine des témoins ». Mais le jeune prophète, loin de simplement
continuer sur le thème de plaques et de parchemins antiques, d’anges et de
pierres de voyant, (les élucubrations d’un jeune cinglé, comme l’écrit un
professeur de Harvard), est en fait allé de l’avant et a publié les
volumes merveilleux dont il parlait, de longs textes, de vastes trames
avec une immensité de détails, suffisamment de corde pour pendre mille
fois n’importe quel imposteur. Si l’hypothétique maison des livres est une
merveilleuse création, avec quel étonnement ne devons-nous pas contempler
la structure réelle et solide érigée sans aucune aide par le jeune
prophète au milieu d’innombrables obstacles et afflictions ?
Selon les dernières nouvelles
Le bref passage en
revue qui précède, thème connu depuis longtemps des saints des derniers
jours, odieux pour d’autres, a pour but de préparer le lecteur patient à
la visite de l’étrange et merveilleux édifice qui abrite la littérature
énochienne que l’on est en train de mettre au jour, car il est construit
sur précisément le même plan que celui exposé par le prophète Joseph pour
expliquer les livres sacrés qu’il nous a donnés.
Nous commençons
par Énoch, qui tenait les livres d’Adam, rappelant que les paroles et les
prophéties d’Adam étaient « toutes… écrites dans le livre d’Énoch » (D&A
107:57) qui rappelait à son peuple : « nous connaissons même le premier de
tous, Adam. Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous ». (Moïse
6:45-46). Maintenant, selon le Zohar, « Énoch avait aussi un livre qui
venait du même endroit que le livre des Générations d’Adam » [204]. Rabbi
Eleaser disait qu’Adam avait caché le livre que l’ange Raziel, le
pourvoyeur des secrets célestes, lui avait donné et qu’Énoch le découvrit
plus tard et le remit ensuite à Noé par Raphaël et il passa ainsi à Sem,
puis d’une génération à la suivante [205]. Il est sous-entendu dans Genèse
5:1-2 que le genre humain fut définitivement lancé quand le livre des
Générations d’Adam fut inauguré, puisque Adam et Ève furent mis à part
(bara), et reçurent un nom et une bénédiction. Une très ancienne tradition
relie la véritable humanité à Énoch, le gardien des annales, un homme plus
complet qu’Adam lui-même [206]. Les premiers chrétiens, selon Épiphane,
aimaient le livre d’Adam, et A. Vaillant, l’autorité en ce qui concerne
l’Énoch slave, soutenait que le livre chrétien d’Énoch n’était pas tiré de
sources juives, mais d’un vieux livre perdu d’Adam et Seth [208].
Mais partout Énoch est considéré comme étant l’auteur et le transmetteur
par excellence, « le Scribe juste, l’Instructeur des cieux et de la terre,
le Scribe de Justice » [209]. L’Énoch de Joseph Smith fait paraître les
livres, y compris celui d’Adam, comme témoignage auprès de sa génération
(voir Moïse 6:46) ; même ainsi, selon les Jubilés, « Énoch fut le premier
à écrire un témoignage et il témoigna parmi les générations de la terre…
il comprenait tout » (cf. Moïse 6:37, 7:67) et il écrivit son témoignage
(Jub 4:18 et suiv.) et le testament d’Abraham rapporte que « Dieu lui
donna [à Énoch], la tâche d’écrire toutes les bonnes et les mauvaises
actions que l’âme des hommes commettait » [210].
Dans le domaine du
secrétariat, la prééminence revient à Énoch, « à qui les anges montrèrent
et enseignèrent toutes choses tant dans les cieux que sur la terre… et il
écrivit tout ». (Jub 4:21). « L’homme intelligent, le grand auteur, auquel
le Seigneur donna d’être un voyant de la vie en haut….» (2 Énoch, Intro.)
qui reçut de Dieu le commandement : « Rapporte sur terre à tes enfants les
livres dans lesquels j’ai écrit… afin qu’ils les lisent et me
reconnaissent comme le Créateur de tous ; et distribue les livres
d’enfants à enfants, de génération à génération, de nation à nation ». (2
Énoch 88:6-9). Inévitablement, le bruit courut dans le pays que c’était
cet homme qui « fut le premier à apprendre et à enseigner l’écriture et
qui fut jugé digne de révéler les mystères divins » [211].
Qu’y
a-t-il derrière ces traditions juives et chrétiennes ? L’idée qu’il y eut
un homme tel qu’Énoch, « la figure d’Énoch », que nous allons avoir
l’occasion de mieux connaître, est aussi ancienne que les annales humaines
les plus anciennes. Nous revenons à la proposition, clairement exposée
dans le livre de Moïse (Moïse 6:5, 46 ; D&A 128:5), que, pour employer les
termes de N. Tur Sinai : « Le miracle de l’écriture était un miracle que
les anciens considéraient comme un don des cieux » [212]. Il ressort des
documents sumériens les plus anciens « qu’ils n’étaient pas ignorants du
concept du ‘livres sacré’, c’est-à-dire d’un texte divinement inspiré et
même dicté, qui contient le seul récit correct et valable de ‘l’histoire’
de la divinité », selon A. L. Oppenheim, qui observe en outre que le
transmetteur du livre, selon l’ancienne doctrine, n’en était pas l’auteur
mais seulement « a kâsir kâmé, ‘quelqu’un qui collecte, arrange, prépare
les tablettes’, sans se mêler de la formulation ». Il ne fait que
transmettre les paroles divines ; néanmoins, pour fonctionner comme tel,
il doit lui-même être inspiré. Il est « le collecteur des tablettes, mais
son information lui est donnée dans une vision nocturne », qu’il met
fidèlement par écrit le matin suivant [213]. Tel est l’office d’Énoch : «
Sortez les livres de mon magasin », dit Dieu à ses anges dans l’Énoch
slave » et un roseau d’écriture rapide [sténographie] et donnez-le à Énoch
et remettez-lui les livres de choix de ma main » (2 Énoch 22:8). Ayant
reçu ces instructions, le voyant écrivit « les gloires du trône céleste
d’une part et les combinaisons sans fin des éléments d’autre part » (2
Énoch introd.) [214].
Ceci introduit l’élément cosmologique qui est
si visible dans la littérature énochienne, Énoch étant « le premier parmi
les hommes qui sont nés sur terre à apprendre l’écriture, la connaissance
et la sagesse et qui écrivit les signes du ciel » (Jubilés 4:17). Dieu lui
montre « Le Livre de la course des luminaires dans les Cieux » (1 Énoch
72:1). L’accent mis sur la cosmologie, très manifeste dans « l’Énoch de
Joseph Smith », déplut fortement aux docteurs aussi bien des Juifs que des
chrétiens et constitua leur argument le plus fort pour le rejeter [215] ;
mais la grande affinité entre les écrits les plus anciens et les signes
des cieux est indéniable [216]. Tant chez les Égyptiens que les Chaldéens,
rapporte Clément d’Alexandrie, « l’écriture et la connaissance des cieux »
vont main dans la main [217] ; l’étude de ces écrits apocalyptiques si
dédaignée par les docteurs des écoles était, comme le résume H. Gunkel,
l’eschatologie, l’angélologie, la cosmologie et la préhistoire, tous
sujets bien tangibles. Il n’y a pas d’endroit où la pratique de
transmettre de telles annales soit exprimée plus clairement que dans le
livre d’Abraham 1:31 : « Mais les annales des pères, des patriarches…, le
Seigneur, mon Dieu, les conserva entre mes mains; c'est pourquoi j'ai
gardé jusqu'à ce jour la connaissance du commencement de la création et
aussi des planètes et des étoiles, telles qu'elles furent révélées aux
pères… au profit de ma postérité qui viendra après moi ».
Cette
préoccupation prosaïque au sujet des étoiles dans leur cours est une
marque d’antiquité et d’authenticité dans la littérature énochienne, comme
la mention répétée des tablettes célestes. « Observe, Énoch, ces tablettes
célestes, dit l’ange, et lis ce qui est écrit dessus… Et j’observai les
tablettes célestes et lus tout… et je compris tout… et je lus le livre de
tous les actes de l’humanité …jusqu’aux générations les plus lointaines »
(1 Énoch 81:1, voir Moïse 7:67). Ici nous rencontrons la fusion des livres
célestes et des livres terrestres – sont-ils une seule et même chose ? –
comme dans les écrits de Joseph Smith. « Je connais un mystère et j’ai lu
les tablettes célestes et j’ai vu les saints livres et j’y ai trouvé écrit
et inscrit à leur sujet… ». (1 Énoch 103:2). « Et après cela Énoch
commença à raconter [ou lire] dans les livres … ‘ce que j’ai appris grâce
aux tablettes celéestes’ » (1 Énoch 93:1). On a l’impression que les
livres étaient les copies terrestres des tablettes célestes : « Le
Seigneur a montré et a fait connaître, et je les ai lus dans les tablettes
du ciel [219] ». Dans Moïse 7:67 : « Le Seigneur montra toutes choses à
Énoch », et après une vision du ciel et de la terre, il plaça devant le
peuple « un livre de souvenir… écrit parmi nous, selon le modèle que le
doigt de Dieu nous a donné » (Moïse 6:46). En cela, ils rappellent les
tables de la Loi (Exode 31:18) dont M. Lambert fait remonter la forme aux
Tables du Jugement babyloniennes [220].
Vraiment, « peu d’idées
religieuses dans le Proche-Orient antique ont joué un rôle plus important
que la notion des tables célestes ou du livre céleste » [221]. « Dans la
littérature du judaïsme antique », en particulier, elles « jouent un rôle
considérable [222] ». L’idée est connue dans la littérature classique et
on suppose que c’est de là qu’elle a été reprise par les premiers
chrétiens avec leur livre de vie [223]. Dans la tradition rabbinique,
Abraham « ayant été trouvé fidèle, est déclaré ami de Dieu sur les
tablettes célestes, et quiconque garde l’alliance dans la justice est
enregistré dans le même livre de vie » [224]. L’antiquité en est confirmée
par le manuel de la Guerre des manuscrits de la mer Morte : « Et
l’alliance de ta paix, tu l’as gravée pour eux avec un stylet de vie, pour
régner sur eux dans tous les temps désignés de l’éternité » [225] où la
situation ressemble de près à une situation décrite dans le Livre de
Mormon, Mosiah chapitre 5 [226].
Noé, après Énoch, rapporte : « Le
Seigneur m’a montré et m’a informé, et j’ai lu dans les tablettes
célestes, et j’y ai vu écrit que génération après génération
transgressera… » (Énoch 106:19 ; 107:1) ; et après lui, Jacob, quand « un
ange descendit du ciel avec sept tablettes dans les mains… les lut et sut
tout ce qui allait lui arriver ainsi qu’à ses fils… et il leur montra tout
ce qui était écrit sur les tablettes » (Jubilés 32:21). Ensuite, « Moïse
remit à un ange les Tables de la Division des années… depuis le jour de la
création jusqu’au temps où les cieux et la terre seront renouvelés »
(Jubilés 1:29). Ainsi, les mêmes tablettes sont transmises.
Les
livres d’Énoch contiennent des informations issues de toutes les sources
sacrées : « Moi, Énoch, vous déclarerai, mes fils, selon ce qui m’est
apparu dans la vision céleste et que j’ai su par la parole des saints
anges et que j’ai appris dans les tablettes célestes. Et Énoch commença à
lire dans les livres… » (1 Énoch 93:1-2). Dans la version slave, Énoch,
accompagné de deux anges pour le guider, apporte sur la terre « les livres
manuscrits » qui doivent être transmis « de génération en génération » (2
Énoch 88:6-9).
Les tablettes célestes peuvent remonter jusqu’aux «
Tablettes de la Destinée » babyloniennes : « Ces tablettes expriment la
loi du monde entier… et elles sont véritablement le mystère du ciel et de
la terre » [227]. Lors du couronnement, où l’on répétait le grand rite de
la création du Nouvel An, le roi était censé être enlevé jusqu’au ciel
pour y recevoir son exemplaire des tablettes, avec lequel il revenait sur
terre et qui constituait son insigne d’autorité divine » [228]. Lors d’une
occasion de ce genre, en Égypte, le roi, selon les livres des plus
anciens, les Textes des Pyramides, est salué comme « le roi qui est
au-dessus des esprits, qui unit les cœurs – ainsi dit celui qui est chargé
de la sagesse… qui porte le livre du dieu, à savoir Sia, qui est à la
droite de Ré ».
Revenons un instant aux livres d’Adam. Une source
chrétienne très ancienne rapporte que tandis que Dieu « envisageait de
mettre le souffle de vie en Adam, il prit un livre et y écrivit le nom de
ceux qui allaient sortir de lui et entrer dans le royaume qui est dans les
cieux… ‘Ce sont ceux dont les noms sont inscrits dans le Livre de Vie
depuis la fondation du monde’ » [230]. Ceci est certainement proche de
l’idée que les saints, dont les noms sont dans le Livre de Vie, sont «
comptés parmi le peuple de la première alliance » (Mormon 7:10). Les
membres de la communauté de Qumran sont ceux dont l’alliance est gravée «
avec un stylet de vie ». Après son arrivée sur terre, Adam reçut d’un ange
envoyé pour lui donner des instructions, un Livre de la Connaissance lui
apportant la connaissance des mystères – des ordonnances – surpassant
celle des anges [232]. Selon le Zohar, « Adam perdit un tel livre en
quittant l’Éden » et quand « il supplia Dieu dans les larmes de le lui
rendre… il lui fut rendu pour que la sagesse ne soit pas perdue parmi les
hommes » [233]. Selon une autre version, un livre saint composé de
soixante-douze lettres fut donné à Michel, qui le donna à Adam (les deux
personnages sont constamment confondus dans les écrits anciens), lequel
l’utilisa comme base de toutes ses connaissances [234]. Quand Dieu lui
commanda d’enregistrer tous les animaux, il « inspira Adam de manière
invisible afin qu’il pût lire à haute voix, et sur les premières
tablettes, il lut le nom des animaux à mesure qu’ils passaient devant lui
». Après qu’Adam et Ève eurent été ainsi formés à la lecture, « Dieu
transporta son école dans le jardin d’Éden » [235].
Abraham, quand
il créa son jardin d’Éden modèle à Hébron, y installa aussi une école au
milieu [236]. Dans la préexistence, Abraham avait déjà appris l’art de
l’écriture et avait reçu le Livre de la Création, mais sur la terre, il
fut incapable de le lire sans aide ; aussi, Sem, son instructeur, l’y
aida-t-il. Quand on se souvient qu’Abraham possédait « les annales des
pères » contenant « la connaissance des débuts de la création » selon le
livre d’Abraham 1:31, il est intéressant d’apprendre que « les écrits de
Seth et d’Idrisi furent transmis jusqu’à l’époque de Noé et d’Abraham »,
Idrisi était habituellement identifié à Énoch lui-même, mais est appelé,
dans cette source mandéenne, « le premier après Énoch, fils de Seth, fils
d’Adam, à écrire avec un roseau » [238].
La précieuse Apocalypse
d’Adam prétend être tirée d’un livre transmis depuis Adam lui-même,
contenant un exposé de l’Évangile de salut mais s’attardant tout
particulièrement sur le baptême d’Adam [239] ; ceci nous intrigue
particulièrement étant donné que la présentation merveilleusement
condensée et puissante du plan de l’Évangile dans le livre d’Énoch de
Joseph Smith consacre une page complète au baptême d’Adam (Moïse 6:51-68).
En commençant par le rappel que Dieu « appela notre père Adam… de sa
propre voix » (Moïse 6:51), tous les mots du grand sermon d’Énoch dans
l’Énoch de Joseph Smith sont des citations directes d’Adam et du Seigneur,
l’appel d’Énoch étant de transmettre « les commandements que j’ai donnés à
son père, Adam » (Moïse 6:28).
La Pistis Sophia se dit être un
dérivé des deux livres de Jeu, « qu’Énoch écrivit pendant que je lui
parlais du milieu de l’arbre de la connaissance et de l’arbre de vie dans
le Paradis d’Adam » [240]. Comme il était en train de prier, « un ange
apparut à Adam, disant : ‘Le Seigneur a entendu ta prière et m’envoie te
porter des paroles de pureté et de grande sagesse. Je vais te rendre sage
par les mots de ce livre sacré, qui t’apprendra tout ce qui va arriver…
Quiconque, même jusqu’à la dernière génération, veut utiliser ce livre
devra être pur et observer fidèlement ce qui y est écrit’ », etc… (Voir
Moïse 1:35). Alors Adam tomba sur sa face devant l’ange, qui lui commanda
de se relever, de se mettre debout, d’être fort et de recevoir le livre de
sa main et d’en cacher le contenu à ceux qui n’étaient pas dignes. Puis
l’ange partit dans un rugissement de flammes [241]. La prostration d’Adam
nous rappelle la version de Joseph Smith, quand Énoch présente le livre
d’Adam « écrit… selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné… »
devant le peuple et « le peuple trembla et ne put demeurer en sa présence
» (Moïse 6:46-47).
Ce livre de l’histoire d’Adam est aussi raconté
dans le vieux livre de Noé, qui fait l’histoire depuis Adam et Énoch
jusqu’à Noé. Il commence avec la prière d’Adam après la chute, quand
l’ange vient l’instruire et lui donner le livre, qu’Adam cache dans la
terre et qui sera plus tard déterré par Énoch [242]. Un autre récit
raconte le rêve d’Énoch, qui lui montre l’endroit où le livre d’Adam est
enterré et comment il peut l’obtenir ; il s’y rend le lendemain matin et
traîne dans les parages jusqu’à midi de crainte d’éveiller les soupçons
des gens qui sont dans les champs. Alors, il déterre le livre, dont les
caractères lui sont interprétés par révélation divine, y apprend la
plénitude de l’Évangile et est tellement mis à part par sa connaissance
qu’il se retire de la société des hommes [243]. C. J. Van Andel trouve
significatif que les écrits des Juifs sur Énoch ne sont pas basés sur la
Torah, mais remontent à des ouvrages inconnus de grande antiquité traitant
de tablettes célestes [244].
Notes
*Dorénavant 1 En. désignera la traduction par R. H. Charles de l’Énoch
éthiopien (1912–1913) ; 2 En. les textes slaves édités par A. Vaillant
(1952, ci-dessus, n. 208); 3 En. les textes grecs d’Énoch contenus dans C.
Bonner, les Derniers chapitres d’Énoch en grec (1968) et M. Black,
Apocalypsis Henochi Graece (1970). Le texte du Fragment de Gizeh (grec) se
trouve dans l’annexe du Livre d’Énoch de R. H. Charles (Oxford, 1912). BHM
désigne les textes énochiens hébreu et araméen dans A. Jellinek, Bait
ha-Midrasch (Jerusalem, 1967).
204. Zohar, dir. de publ. H.
Sperling, et. al. , N.Y., R. Bennet, 1:139, Pt. I, 37b. 205. A.
Jellinek, Bait ha-Midrasch, Jérusalem, Wahrmann Books, 1967, 3:xxxii.
206. Eusèbe, Praeparatio evangelica, 7:viii and 11:vi, dans Migne, Patrol.
Graec. 21:520 et suiv, 856. 207. Epiphane, Adversus haereses, I:ii, 26,
8, dans Patrol. Graec. 41:341 et suiv. 208. Andre Vaillant, Le Livre
des secrets d’Hénoch, Paris, Inst. d’Études Slaves, 1952, p. x. 209. H.
Gunkel dans Archiv für Religionswissenschaft, 1, 1898:299. 210. W.
Leslau, Falasha Anthology, New Haven, Yale Univ., 1951, p. 100. 211.
Georgius Cedrenus, Historiarum Compendium, dir. de publ. I. Bekker, Bonn,
1838, p. 17. 212. N. H. Tur Sinai, “Shitir Shame, die Himmelsschrift,”
dans Archiv Orientalni 17, 1949: 433. 213. A. L. Oppenheim.
“Mesopotamian Mythology II,” Orientalia 19, 1950: 155–156. 214. M. J.
Bin Gorion, Die Sagen der Juden, I, Frankfurt, 1913, p. 100. 215. I.
Henderson, Myth in the N.T., p. 16, félicite la théologie contemporaine
d’avoir dépassé, par la démythologisation les idées quasi-physiques de
Paul. Selon Origène, l’Église rejette toute participation à un univers
physique quel qu’il soit, rien dans ses enseignements n’étant kata physin
; l’ennui avec les mythes, c’est qu’ils sont teintés de physique. Patrol.
Graec. 6:1260. Arnobius dit que des questions telles que “Qu’est-ce que
l’homme? Quelle est l’origine de l’âme? D’où vient le mal? Quelle est la
taille de la terre?”, etc., sont tout à fait hors de propos : “Laissez
cela à Dieu et prenez soin de votre âme !”, Arnob. adv. nat. 2:61. Selon
un manuel catholique romain officiel, quiconque dit ou croit que les cieux
physiques ont un rapport quelconque avec Dieu et les ordres divins des
chérubins et des séraphins est anathème, H. J. K. Denzinger, Enchiridion
Symbolorum, Rome, Herder, 1957, no. 206. Quiconque étudie la Création, le
Chariot, ou demande ce qui est au-dessus, en-dessous ou au-delà ou ce qui
sera dans les éternités, “il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas
venu au monde !”, Mishna, Hag. 2:1. 216. Voir notre traitement dans le
New Era, sept. 1973, p. 42–43. 217. Clement d’Alexandrie, Stromata,
1:23, 153, dans Th. Hopfner, Fontes Hist. Relig. Aegyptiacae, Bonn, 1922,
p. 370. 218. H. Gunkel Zum Verständnis des Neuen Testaments,
Goettingen, Van der Hoeck, & Ruprecht, 1910, p. 29. 219. En. 106:19; C.
Bonner, The Last Chapters of Enoch in Greek, Darmstadt, Wissenschaftl.
Buchgesellschaft, 1968, pp. 84–85. Le chapter 106 n’est pas inclus dans
les traductions de Laurence, étant un fragment du livre de Noé. Du fait
que l’Énoch éthiopien est le premier à avoir été connu, ses numéros de
chapitres et de versets sont standard pour tous les textes énochiens ;
ainsi, En. 106 désigne la même section quelle que soit la langue dans
laquelle on le trouve. 220. M. Lambert, “Que portaient les tables de
pierre?” Revue des Études juives 82, 1926, 45–48. 221. G. Widengren,
The Ascension of the Apostle and the Heavenly Book, Uppsala Univ.
Aarskrift, 1950, p. 7. 222. id., p. 28. 223. E. R. Bevan, Sibyls and
Seers, Cambridge, Harvard Univ. Press, 1920, p. 111. Ceux qui sont initiés
dans les mystères grecs doivent mettre leurs visions inspirées par écrit
sur des tablettes et les déposer dans les archives du temple, Pausanias
9:39. 224. A. von Gall, Basileia tou Theou, Heidelberg, univ.
d’Heidelberg, 1926, p. 313. 225. IQM, Scroll of the War of the Sons of
Light, etc. 12:3, dans Y. Yadin, Scroll of the War of the Sons of Light,
Oxford, Oxford University Press, 1962, pp. 314–315. 226. Mosiah 5:5–15,
où l’acceptation de l’Alliance va de pair avec l’inscription et le
scellement des noms. 227. Widengren, pp. 11–12. 228. id., pp. 7,
10–11. 229. Pyramid Texts, No. 250, 267. 230. Timothée, archevêque
d’Alexandrie, “Discours sur l’Abbaton”, dans E. A. W. Budge, Coptic
Martyrdoms, British Mus., 1914, p. 482–483. 231. Yadin, 314–315.
232. Bin Gorion, 1:264, 266. 233. Zohar, 1:138. 234. Bin Gorion,
1:263. 235. Barhadbshabba, “On the Founding of the Schools,” T315a,
dans Patrologia Orientalis 4:352. 236. Improvement Era, nov. 1969, p.
120. 237. Bin Gorion, 2:143. 238. D. A. Khvol’son, Die Ssabier und
der Ssabismus, St. Petersbourg, 1856, 2:502–503. 239. Apocalypse d’Adam
85, 79, fin. 240. Pistis Sophia, 245f. 241. Bin Gorion, 1:261–62.
242. Jellinek, BHM 3. 14. xxxii. 243. Bin Gorion, 1:269. 244. C. P.
Van Andel, De Structuur van de Henoch-traditie en het Nieuwe Testament,
Utrecht, Kemink & Zoon, 1955, p. 19.
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