L'ALLEGORIE DE L'OLIVIER DANS JACOB
Paul Y. Hoskisson
Couchée dans un langage qui rivalise avec ce que la littérature a à offrir
de mieux, l'allégorie de l'olivier est la plus belle expression en prose
des aspirations de Dieu pour la maison d'Israël tout au long de son
histoire sur cette terre. Outre qu’elle esquisse dans les grandes lignes
des périodes de l’histoire et fait allusion, avec certains détails, à des
événements précis de l'histoire de la maison d'Israël, l'allégorie traite
de la sollicitude aimante de Dieu, de son tendre dévouement pour Israël et
de son désir d'aider celui-ci à atteindre son potentiel dans la justice
[1]. Comme toute allégorie bien écrite, elle est également à la fois
simple et complexe, obscure et évidente. C’est pourquoi, je ne prétends
pas, dans cette étude, en sonder les profondeurs [2]. Je vais cependant
traiter de quatre de ses aspects qui m’interpellent [3]. Premièrement, que
représentent les symboles de l'allégorie ? Deuxièmement, pourquoi Jacob y
a-t-il recours dans son texte sacré ? Troisièmement, à quels événements
historiques fait-elle allusion quand elle esquisse les relations de Dieu
avec Israël ? Et quatrièmement, qu’est-ce que l'allégorie a comme message
pour nous aujourd'hui ?
Que représentent les symboles de l'allégorie ?
La plupart des symboles et des métaphores de l'allégorie ont déjà été
découverts et ne demandent pas de longues explications ici [4]. L'olivier
franc, métaphore principale de l'allégorie, symbolise la maison d’Israël
(Jacob 5:3.) Par conséquent, les oliviers sauvages désignent ceux qui ne
sont pas Israélites. La vigne dans laquelle ont été plantés les oliviers,
aussi bien franc que sauvages, Jacob l’interprète comme étant le monde
(Jacob 6:3). La taille, le bêchage et la culture des arbres symbolisent la
sollicitude miséricordieuse de Dieu vis-à-vis de la maison d’Israël (Jacob
6:4). Le dépérissement de l’olivier franc représente, à mon avis, une
apostasie par rapport à l'Évangile de Jésus-Christ, et le fruit de l'arbre
représente l’âme de l’homme devenue bonne ou amère à la suite de ses
œuvres.
Plusieurs des métaphores de l’allégorie : le Seigneur de la vigne, le
serviteur, les racines, le greffage et la taille, et les branches,
nécessitent un traitement plus approfondis. Le Seigneur, le serviteur et
la qualité des racines restent constants pendant toute l'allégorie [5].
Comme la vigne, ils représentent probablement aussi des constantes.
D'autre part, les branches, quoique présentes d’un bout à l’autre de
l’allégorie, sont variables en ce sens qu’elles peuvent se transformer de
branches porteuses de bon fruit en branches porteuses de mauvais fruit et
vice versa. Le greffage et la taille sont également variables, parce que
ces activités ne sont mentionnées que dans deux sections de l'allégorie
(la deuxième et la cinquième, qui en constituent presque la moitié).
La plupart des études faites sur l'allégorie considèrent le Christ comme
étant le Seigneur de la vigne et le serviteur comme divers prophètes [6]..
La raison pour laquelle on voit le Christ et les prophètes dans ces rôles
est double. Premièrement, la croyance que Dieu le Père ne s'implique pour
ainsi dire jamais directement dans l’œuvre sur cette terre, mais la fait
faire par le Christ et ses prophètes [7] tend à écarter Dieu comme acteur
direct dans la vigne. Et deuxièmement, la croyance indéfendable que le mot
Seigneur est utilisé presque exclusivement ailleurs dans les Écritures
pour désigner le Christ contribue aussi à empêcher de voir en Dieu le Père
le Seigneur de la vigne. Sans entrer dans le débat sur les raisons pour
lesquelles on considère que Dieu le Père est ou non le Seigneur de la
vigne, je pense que nous avons des raisons de croire que le Seigneur de la
vigne représente notre Père céleste et que le serviteur est le Christ.
Par exemple, comme le Seigneur de la vigne, le serviteur, dans toute
l'allégorie, paraît être une personne unique et il n’est par conséquent
pas facile de le transformer en des prophètes multiples. En outre, le
serviteur dans Jacob 5 peut être assimilé au « serviteur juste » d'Ésaïe
53, qu'Abinadi identifie explicitement comme étant le Christ (Mosiah
15:5-7). En outre, les relations de travail entre le Seigneur de la vigne
et le serviteur reflètent avec précision les relations existant entre le
Père et le Fils, en ce sens que le Christ n'agit pas seul, mais suit en
tout les instructions et l'exemple du Père [8]. (Il se peut que lorsque
l’on envisage l'unité de la Divinité et des serviteurs de Dieu, la
question de savoir qui est le Seigneur et son serviteur ne se pose pas
[9].) Il est certain que, quelle que soit l'interprétation que l’on donne
du serviteur, les autres serviteurs que le Seigneur de la vigne commande à
son serviteur d’appeler dans les derniers jours (Jacob 5:61, 70)
représentent les travailleurs justes appelés par les prophètes du
Rétablissement.
Les racines de l'arbre naturel principal représentent, je crois,
l'héritage scripturaire révélé par le Dieu d’Israël [10]. (Par héritage
scripturaire j’entends non pas simplement les Écritures canonisées, mais
aussi toutes les autres vérités que cet héritage a pu recevoir et reçoit
par l'inspiration ; voir D&A 68:4 et Alma 29:8). Si l’on conçoit que les
racines fournissent la nourriture de la parole de Dieu à l'arbre, Jacob
6:7 suggère cette correspondance entre les racines et l’Écriture. Si cette
correspondance entre les racines et l'héritage scripturaire est exacte,
cela expliquerait pourquoi les racines restent bonnes pendant toute
l'allégorie, c.-à-d. pendant toute l'histoire de la maison d’Israël. Les
branches, d'autre part, peuvent alterner entre le bien et le mal, le franc
et le sauvage. Elles représentent donc peut-être les diverses cultures qui
se fondent sur l'héritage scripturaire d'Israël [11].
Si les racines représentent l'héritage scripturaire qui nous fournit
l’orientation et la grâce nécessaires pour produire de bonnes œuvres dans
l’Évangile, le greffage décrit le processus par lequel les cultures
s’attachent à l'influence guérisseuse de la parole de Dieu et ainsi
parviennent « à la connaissance du vrai Messie » (1 Néphi 10:14).
La taille serait alors le contraire, à savoir, le fait d’être retranché de
l'influence guérisseuse de la parole de Dieu. C’est par le processus de la
taille et de la culture des arbres de la vigne que la terre sera
finalement purifiée de tout le mal. La taille ne doit par conséquent pas
forcément être synonyme d’excommunication individuelle, mais plutôt du
fait d’être retranché de l'héritage scripturaire d'Israël pour avoir
refusé d’accepter l'influence guérisseuse de la parole de Dieu. La
destruction ne tarde pas à s’ensuivre. Ce processus n'est pas différent de
l'excommunication individuelle, qui est simplement la formalité par
laquelle l'Église retire des registres les noms de ceux qui, par leurs
actes, se sont déjà retranchés de la direction et de l’illumination
spirituelles.
Pourquoi Jacob a-t-il recours à l'allégorie dans son texte sacré ?
L'allégorie de Zénos constitue l’élément central d'un discours d'adieu que
Jacob adresse aux Néphites vers la fin de sa vie (Jacob 6:13). Dans ce
discours, Jacob explique que parce que « l’Esprit parle... des choses
telles qu’elles sont réellement, et des choses telles qu’elles seront
réellement » (Jacob 4:13), pour cette raison, lui, Jacob, et tous les
prophètes qui l’ont précédé, « (avaient) connaissance du Christ et... (avaient)
l’espérance de sa gloire » (Jacob 4:4). En effet, Jacob et les prophètes
étaient informés des « œuvres grandes et merveilleuses... du Seigneur »
(Jacob 4:8) et ils étaient au courant de l'expiation du Christ » (Jacob
4:12). C’est en ces termes que Jacob essaye de convaincre ses « frères
bien-aimés » de se réconcilier avec Dieu (Jacob 4:11) et « de se repentir...
d’entrer par la porte étroite et de continuer sur le chemin qui est
resserré, jusqu’à ce qu’ [ils] obtiennent la vie éternelle » (Jacob 6:11)
en « s’attachant à Dieu comme il s’attache » à eux (Jacob 6:5). En bref,
Jacob enseigne aux Néphites la foi historique aux œuvres grandes et
merveilleuses du Christ, le besoin qu’ils ont de se repentir et la
nécessité de recevoir le baptême et le Saint-Esprit.
Pendant son discours, Jacob illustre la réconciliation avec Dieu par le
Christ à l’aide de l'exemple spécifique des Juifs : Ils rejetteront le
Christ, la pierre principale de l’angle « sur laquelle ils auraient pu
bâtir et avoir une fondation sûre » (Jacob 4:15), parce qu'ils «
méprisaient les paroles claires » (Jacob 4:14) que leur disaient « les
prophètes d’autrefois » (Jacob 4:13) et « tuaient [ceux qui étaient
envoyés témoigner du Christ] et recherchaient les choses qu'ils ne
pouvaient pas comprendre » (Jacob 4:14). Comment les Juifs, après avoir
rejeté le Christ, peuvent-ils être réconciliés avec Dieu par son
intermédiaire ? En guise d’explication, Jacob propose aux Néphites
l'allégorie de l'olivier racontée par Zénos. Une fois que son auditoire a
entendu l'allégorie, Jacob, en bon Hébreu, attend de lui qu’il comprenne,
sans plus amples explications, la nécessité de se réconcilier et le
processus par lequel la réconciliation peut avoir lieu. N’étant pas Hébreu,
je vais maintenant expliquer le schéma historique de base de l’allégorie.
Schéma de base de l'allégorie [12]
Attendu que l'olivier franc, l'image ou ressemblance centrale de
l'allégorie de Zénos, représente un phénomène historique, la maison
d’Israël (Jacob 5:3), il est raisonnable d’en conclure que le but de
l'allégorie est d’expliquer des événements qui se sont réellement passés
dans l'histoire temporelle et spirituelle de la maison d’Israël ;
l'allégorie doit donc pouvoir elle-même se comprendre dans un sens
temporel et spirituel.
Pour faire correspondre les événements de l'allégorie à des périodes
approximatives de l’histoire, condition préalable à la compréhension de
l'allégorie, permettant de lui donner un sens pour nous aujourd'hui, il
faut commencer par fixer les dates les plus anciennes et les plus tardives
pour le commencement et la fin [13]. L'allégorie commence dans Jacob 5:3
par la fondation de la maison d’Israël, que je situe dans ses origines
chez les patriarches Abraham, Isaac et Jacob (Israël) [14]. Étant donné
que la date la plus vraisemblable à laquelle les patriarches ont vécu doit
se situer à l'âge du bronze moyen, c'est-à-dire 2100-1600 av. J.-C., je
situe le début historique de l'allégorie entre ces années [15].
L'allégorie prend fin avec Jacob 5:77, lorsque le bon et le mauvais fruit
sont rassemblés et que le feu détruit la vigne. La vigne représentant donc
le monde, j’en conclus que l'allégorie prend fin au moment de la
destruction de la terre par le feu, qui arrivera après le millénium [16].
Les séquences de temps représentées dans l'allégorie depuis le début de la
culture de l'olivier franc jusqu’à la destruction de la vigne peuvent être
divisées en sept périodes [17] : (1) le verset 3, fondation de la maison
d’Israël (le moment où l'olivier franc est pris et nourri) quelque part à
l'âge du bronze moyen (2100-1600 av. J.-C.) et son vieillissement à l'âge
du bronze récent (1600-1200 av J.-C.) ; (2) les versets 4-14, la culture
(qui commence approximativement avec l'âge du fer, que l’on date
traditionnellement à partir de 1200 av J.-C.) et la dispersion de la
maison d’Israël, dont le point culminant (en ce qui concerne l'allégorie)
est atteint plus ou moins peu après 600 av. J.-C. ; (3) les versets 15-28,
les saints des premiers jours, aux environs du premier siècle de l'ère
chrétienne ; (4) les versets 29-49, la Grande Apostasie, jusque vers 1820
; (5) les versets 50-74, le rassemblement d’Israël, commençant en 1820 ;
(6) les versets 75-76, le millénium ; et (7) le verset 77, la fin du
monde. Je vais traiter de ces périodes dans cet ordre.
Première Période : Fondation et vieillissement de la maison d'Israël,
Jacob 5:3
Les premières années de la maison d’Israël, point de départ de l'allégorie,
se situent entre 2100-1600 av. J.-C. (l'âge du bronze moyen), remontent le
plus vraisemblablement à l’époque patriarcale. À la fin de Jacob 5:3,
l'arbre a déjà vieilli. Cela indique à mes yeux que beaucoup de temps
s’est passé, peut-être au moins quatre cents ans, et peut-être même six
cents ou davantage depuis le début de la culture de l’arbre [18]. En outre,
l'arbre a commencé à dépérir, c.-à-d., qu’une apostasie par rapport à
l'Évangile de Jésus- Christ a commencé à apparaître dans le tronc et les
parties principales de la maison d’Israël. Si le Seigneur de la vigne ne
prend pas les mesures qui s’imposent, l'arbre va continuer à dépérir et
finira par mourir. C’est à ce stade, longtemps après que l'arbre a été
planté, que le Seigneur rend visite à sa vigne, ce qui constitue le début
de la deuxième période.
Deuxième période : Dispersion de la maison d’Israël, Jacob 5:4-14
Le Seigneur de la vigne, en voyant son arbre maintenant devenu vénérable
et l'apostasie qui s’y trouve, entreprend des mesures pour corriger la
situation, rajeunir l'arbre et ensuite planter des pousses de l'olivier
franc dans d'autres endroits de sa vigne. Au premier stade de ses efforts,
il stimule le vieil arbre pour qu’il produise des branches plus jeunes
susceptibles de porter de bons fruits. « Et il arriva que le maître de la
vigne sortit, et il vit que son olivier commençait à dépérir ; et il dit :
Je vais le tailler, et le bêcher à l’entour, et le nourrir, afin que
peut-être il donne de jeunes et tendres branches, et qu’il ne périsse pas
» (Jacob 5:4). En commençant par des prophètes tels que Moïse, Samuel,
Élie et Ésaïe, le Seigneur s’efforce de ramener la maison d’Israël de
l'apostasie. Malgré cet effort et seulement après une période de «
nombreux jours », le Seigneur ne rencontre qu’un succès minime, parce que
l'olivier commence « à donner de jeunes et tendres branches » (Jacob 5:6),
alors que la plus grande partie de l'arbre continue à se dégrader. Comme
le montre également bien l'allégorie, les souverains et la classe
gouvernante, « le sommet principal » de l'arbre, sont, à de rares
exceptions près, presque irrécupérables (Jacob 5:6).
Deux exemples possibles de cette apostasie suffiront [19]. Premièrement,
Jéroboam, premier roi du royaume du nord, va introduire des statues de
veaux dans les sites cultuels de Dan et de Béthel, créant ainsi l’un des
grands péchés politiques et religieux d’un roi et d’un peuple dans
l’Ancien Testament [20]. Et deuxièmement, Manassé, roi du royaume du sud,
inaugure un des règnes les plus condamnés de l’histoire biblique, résumé
en un seul verset : « Mais ils [c.-à-d. le royaume de Juda] n’obéirent
point ; et Manassé fut cause qu’ils s’égarèrent et firent le mal plus que
les nations que le Seigneur avait détruites avant les enfants d’Israël (2
Rois 21:9) [21]. Il n’est pas étonnant que le Seigneur de la vigne se soit
affligé à l’idée de « perdre cet arbre » (Jacob 5:7), c.-à-d., que la
maison d’Israël cesse d’exister en tant qu’entité culturelle.
C’est à ce moment que le Seigneur de la vigne commande au serviteur de
prendre trois mesures supplémentaires en plus de la taille, du bêchage et
de la nourriture : « Va couper les branches d’un olivier sauvage et
apporte-les-moi ici ; et nous couperons ces banches principales qui
commencent à se dessécher et nous les jetterons au feu, afin qu’elles
soient brûlées…Et voici, dit le Seigneur de la vigne, j’enlève beaucoup de
ces jeunes et tendres branches, et je vais les greffer là où je veux »
(Jacob 5:7-8). Ces trois étapes signifient que l’on va : (1) couper les
parties d'Israël qui sont dans l'apostasie (principalement les classes
supérieures) et les détruire, (2) greffer d'autres peuples sur Israël et
(3) greffer ou planter certaines des branches naturelles jeunes et tendres
de la maison d’Israël dans d'autres endroits de la vigne. La première
étape commence au plus tard lorsque les Assyriens détruisent le royaume du
nord dans une série de guerres entre 734 et 720 av. J.-C. Les Assyriens
emmènent également beaucoup d'habitants du royaume du sud lors de
campagnes qui vont durer jusqu’à 700 av. J.-C. environ. Les Babyloniens
vont poursuivre la dispersion de la maison d'Israël en détruisant le
royaume du sud au cours de diverses batailles entre 605 et 586 av. J.-C.
En deux étapes au moins après 720 av. J.-C., les Assyriens vont contribuer
à l’accomplissement du deuxième groupe d'instructions en installant
d'autres populations dans le vide territorial créé en Israël lorsqu’ils
ont dépeuplé en grande partie le royaume du nord [22]. Ces populations
importées vont, du moins dans une certaine mesure, contracter des mariages
mixtes avec les Israélites laissés sur place par les Assyriens, ce qui va
produire une nouvelle fusion culturelle. Les Israélites emmenés en
captivité par les Assyriens aussi bien que les prisonniers judéens des
Babyloniens ont probablement contracté mariage avec leurs voisins non
Israélites et accepté de nouveaux éléments culturels [23].
La troisième mesure que le Seigneur de la vigne propose implique le
transport de groupes jeunes et tendres d'Israélites vers d'autres pays
loin de Palestine. Il est certain que nous ne connaissons pas toute
l’étendue de cette dispersion ni tous les moyens utilisés par le Seigneur
pour disperser Israël. La déportation des royaumes du nord et du sud fait
partie de ce processus, comme celle des Léhites, à laquelle l'allégorie
fait allusion. Il est certain que d'autres groupes ont été emmenés aussi.
S'il est possible, grâce à l'allégorie, de faire des observations sur la
nature de la dispersion d’Israël, je suggérerais deux conclusions.
Premièrement, les branches apostates d’Israël n'ont pas été dispersées
mais détruites, « coupées… et jetées… au feu » (Jacob 5:7). Il n’est pas
forcément question ici de personnes apostates, mais cela s'applique à coup
sûr à la continuité cultuelle, politique, et culturelle. Et deuxièmement,
les branches qui sont dispersées sont « jeunes et tendres » (Jacob 5:8),
c.-à-d. qu’à l’époque de leur dispersion, elles sont encore des phénomènes
nouveaux qui peuvent être façonnés, ne se trouvent pas dans le courant
principal de la culture israélite apostate et sont capables de porter de
bons fruits.
Des parties de la maison d’Israël étant dispersées sur une grande partie
de la surface de la terre et les Israélites se mariant avec des non-Israélites,
avec en conséquence des modifications culturelles tant en Palestine qu’à
l'extérieur de la Palestine, l'arbre avait des chances d’être sauvé. Pour
connaître le résultat, nous devons examiner la période suivante.
Troisième période : L’époque des saints des premiers jours, Jacob 5:15-28
L'allégorie fournit trois renseignements qui donnent de la précision à la
datation de la période que j’ai appelée l’époque des saints des premiers
jours. Tout d'abord, après avoir nourri Israël et dispersé les jeunes et
tendres branches d'Israël, le Seigneur laisse « beaucoup de temps pass[er]
» avant de venir inspecter la vigne (Jacob 5:15) [24]. Si l’élimination de
Palestine des parties dégradées de la maison d’Israël est essentiellement
finie vers 586 av. J.-C. et qu’à ce moment-là la dispersion des jeunes et
tendres branches d’Israël est bien en cours, l’époque des saints des
premiers jours doit être de beaucoup postérieure à cette date. C’est
l’indication suivante qui permet de déterminer l’écart de temps.
Deuxièmement, quand il fint par retourner dans la vigne, le Seigneur
s’aperçoit que l'arbre d’origine sur lequel on a greffé des branches
d'autres nations a produit « du fruit franc » (Jacob 5:18). La seule
période historique, à notre connaissance, où Israël, avec des greffons
païens, a produit du bon fruit, se situe à l’époque du ministère du Christ
dans cette vie et au cours des décennies suivantes. Les dates provisoires
pour la troisième ère de l'allégorie, l’époque des saints des premiers
jours, peuvent donc se situer aux environs de l’époque du Christ ; quelque
six cents ans après la fin de la période précédente.
Cette datation est confirmée par le troisième renseignement de cette
section. Le dernier [25] arbre transplanté, placé dans « un bon coin de
terre ; oui celui qui était préférable pour [le Seigneur] à toutes les
autres parties du pays de [sa] vigne » (Jacob 5:43), produit à ce moment-là
de bonnes et de mauvaises branches. Le meilleur coin de terre du monde
dans lequel la branche transplantée d'Israël produit une bonne et une
mauvaise culture, ne peut, autant que nous le sachions, désigner que les
Léhites justes et injustes d’Amérique [26] et le cadre historique n’a pu
se situer qu’avant la Grande Apostasie [27]. La date de cette partie de
cette section de l'allégorie doit également être le premier siècle
chrétien.
Après avoir veillé à ce que le bon fruit de tous les arbres soit rassemblé
et que la dernière transplantation soit nourrie pour que les parties
mauvaises en produisent du bon fruit, le Seigneur quitte sa vigne pour un
certain temps. À son retour, la période suivante, la quatrième, reçoit sa
définition.
Quatrième période : La Grande Apostasie, Jacob 5:29-49
Quand il revient après « beaucoup de temps » (Jacob 5:29) pour inspecter
sa vigne, le Seigneur constate que l'arbre d’origine a « donné beaucoup de
fruit, et il n’y en a aucun qui soit bon. Et voici, il y a toutes sortes
de mauvais fruits » (Jacob 5:32). C'est précisément, la situation du monde
(chrétien) telle que le Seigneur la décrit à Joseph, le prophète, dans le
bosquet sacré (Joseph Smith - Histoire 1:19). L'arbre d’origine en Israël,
qui avait porté beaucoup de bons fruits au début de l'ère chrétienne,
s’est entièrement corrompu. Quant aux premières branches transplantées,
elles aussi ne portent plus que du mauvais fruit. La bonne section du
dernier arbre, les Léhites justes, a été entièrement détruite par la
branche mauvaise, les Léhites apostats, de sorte qu’il ne reste, là non
plus, que du fruit sauvage. L'apostasie est complète et universelle sur
tous les arbres représentant Israël. Pourtant les racines restent bonnes
(Jacob 5:34).
C’est ici que le Seigneur propose la destruction totale des arbres de sa
vigne : « Allons, abattons les arbres de la vigne et jetons-les au feu,
afin qu’ils n’encombrent plus le sol de ma vigne, car j'ai tout fait.
Qu’aurais-je pu faire de plus pour ma vigne? » (Jacob 5:49). Qu’a-t-il à
faire d’arbres produisant du fruit non profitable ? Il vaut mieux couper
les arbres, les brûler et faire quelque chose d’autre de la vigne [28].
Après tout, le Seigneur a fait tout qu'il pouvait pour sauver le monde de
l'apostasie. Néanmoins son serviteur lui recommande d’épargner le monde
encore un peu de temps et le Seigneur accepte le conseil [29]. Cela nous
amène à la cinquième période de temps de l'allégorie.
Cinquième Période : Le rassemblement d’Israël, Jacob 5:50-74
Le texte nous dit expressément que les périodes précédentes, entre la
dispersion d'Israël et l’époque des saints des premiers jours, et de
nouveau entre l’époque des saints des premiers jours et le moment où le
Seigneur constate la Grande Apostasie, « beaucoup de temps s’était passé »
(Jacob 5:29). Contrairement aux périodes précédentes, l'allégorie montre
bien qu’il ne se passe pas beaucoup de temps entre la constatation de la
Grande Apostasie (Jacob 5:49) et les débuts du rassemblement d’Israël
(Jacob 5:50 et suivants). C'est bien entendu comme cela que les saints des
derniers jours lisent l'histoire. Un jour du printemps de 1820, le monde
est passé de l’immersion totale dans l'apostasie aux premières étapes
importantes qui vont commencer le rassemblement. Il est vrai que le total
de la première décennie est minuscule, mais le rassemblement a commencé.
Le rassemblement décrit dans l'allégorie est également délibérément lent :
« C'est pourquoi, creusez-les donc alentour et taillez-les, et fumez-les
encore pour la dernière fois, car la fin approche. Et si ces dernières
greffes poussent et donnent du fruit naturel, alors vous préparerez la
voie pour elles pour qu'elles puissent pousser. Et lorsqu'elles
commenceront à pousser, vous élaguerez les branches qui donnent du fruit
amer, selon la force des bonnes et leur taille ; et vous n'en élaguerez
pas les mauvaises d'un seul coup, de peur que les racines ne soient trop
fortes pour la greffe, et que la greffe ne périsse, et que je ne perde les
arbres de ma vigne » (Jacob 5:64-65). Des arbres francs transplantés qui
sont devenus sauvages on va couper des branches naturelles et les
regreffer sur l'arbre d’origine, et sur l'arbre d’origine, qui est
également devenu sauvage, des branches vont être greffées sur les arbres
francs transplantés. Une fois que ces branches acquièrent de la force et
que les racines peuvent le supporter, les branches qui continuent à
produire du fruit sauvage vont finalement être élaguées et détruites.
On peut constater ce processus non seulement dans les grandes lignes de
l’histoire du Rétablissement quand on voit l'Évangile apporté aux
différentes cultures du monde, mais aussi dans les détails des pieux et
des missions d’aujourd’hui. Grâce au programme missionnaire, des peuples
sont amenés dans l'Église. Ces nouveaux peuples sont influencés par
l'Évangile pendant quelques années ou pendant de nombreuses générations,
servant le Seigneur plus ou moins fidèlement pendant un certain nombre
d'années. Mais à mesure que l’Église progresse, certaines de ces nouvelles
brindilles et branches ne progressent pas avec le reste des membres. Comme
cela a été le cas pendant la Grande Apostasie, l’orgueil les empêche de
continuer à changer et à se repentir. Ce processus s’étend également
jusqu’au niveau individuel. Des personnes quittent l'Église ou
disparaissent tout simplement, emmenant habituellement leur postérité.
Avec le temps, ces brindilles inutiles sont élaguées de l'arbre. En même
temps, le Seigneur de la vigne continue à travailler avec les cultures et
les personnes que l’on peut encore récupérer ou améliorer.
Toutefois, c'est la dernière fois que le Seigneur de la vigne va nettoyer
et purifier la vigne par les greffes et l’élagage (Jacob 5:62-63 ; voir
aussi D&A 24:19 ; D&A 39:17 ; D&A 43:28 ; et 95:4). Il poursuivra ce
processus jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de dégénérescence ou de corruption
nulle part dans la vigne et que la terre tout entière soit remplie de sa
gloire. Quand la terre ne produira plus de mal, la sixième ou
avant-dernière période de l'allégorie commencera.
Sixième période : Le Millénium, Jacob 5:75-76
Contrairement aux autres périodes dont nous avons traité jusqu'à présent,
nous n’avons pas l'avantage du recul. Cela ne nous empêche cependant pas
de traiter de ce dont l'allégorie nous parle dans cette section. À propos
de cette période de mille ans (voir Apocalypse 20:2-7 ; D&A 29:11, 22 ;
D&A 88:110 ; Moïse 7:64-65), l’allégorie dit simplement : « Je [le
Seigneur] m’amasserai pendant longtemps… du fruit de ma vigne » (Jacob
5:76). Pendant ce temps-là, il n'y aura pas de corruption sur la terre. «
Le Seigneur de la vigne vit que son fruit était bon, et que sa vigne
n'était plus corrompue… et que ce qui [était] mauvais [était] jeté »
(Jacob 5:75) Lorsque après ce « longtemps » les branches l'arbre
recommenceront à dégénérer et que du mauvais fruit apparaîtra, le
millénium sera terminé et la septième période ou période finale de
l'allégorie aura commencé.
Septième Période : La fin du monde, Jacob 5:77
Une fois de plus, nous n’avons pas la possibilité de contempler des
événements qui se sont déjà produits. Au cours de cette étape finale de
l'existence de la terre, lorsque après le millénium le monde aura de
nouveau dégénéré, le bon et le mauvais seront séparés. Le Seigneur se
conservera le bon fruit, et le mauvais, il le détruira par le feu en même
temps que le monde qui l’a engendré.
Qu’est-ce que l'allégorie a comme message pour nous ?
Une fois que nous comprenons le schéma de base des événements traités par
l'allégorie, il est possible de se tourner vers le contenu et de faire ce
que Néphi propose, à savoir : « appliqu[er] toutes les Écritures à nous »
(1 Néphi 19:23). Je développe ci-après les leçons relatives à la façon
dont Dieu a traité la vigne, la fécondité des parties de la vigne, les
observations concernant l’œuvre moderne pendant le rassemblement d’Israël
et les leçons à retirer de l'Apostasie.
Dieu n'est pas un Dieu partial (Moroni 8:18) ; il se soucie de la même
manière de toutes les parties de sa vigne (Jacob 5:28). Nous ne pouvons
peut-être pas comprendre de notre point de vue limité la façon dont les
inégalités apparentes de ce monde peuvent être conciliées avec la
déclaration de Dieu qu'il « fait lever son soleil sur les méchants et sur
les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Matthieu
5:45). Mais notre Dieu omniscient nous a assuré que « tous sont pareils
pour Dieu » (2 Néphi 26:33). Cette impartialité de Dieu est illustrée dans
l'allégorie lorsque le Seigneur de la vigne déclare qu'il n'a pas laissé
sa main faiblir, mais qu’il a « nourri » le monde, « l’a bêché à l’entour,
l'a taillé… presque toute la journée » (Jacob 5:47). Il n'y a aucune
partie de la vigne que sa main n'ait touchée [30]. En effet, aucune partie
de la terre, aucun habitant de la terre ne pourra jamais prétendre à juste
titre que Dieu l’a traité de manière injuste. S'il n'a pas produit de bon
fruit, il ne peut l’imputer au manque de soins de la part de Dieu à sa
partie de la vigne.
L’allégorie montre également que les qualités diverses des différentes
parties du monde n’ont aucune portée (ou peut-être un rapport inverse) sur
le fait que du bon fruit de l'Évangile soit produit. L’expérience de la
vie terrestre quotidienne pourrait faire croire que, les mêmes soins ayant
été donnés, comme indiqué au paragraphe précédent, la richesse de la
moisson pourrait dépendre de la fécondité du sol. L'allégorie mentionne
explicitement que deux parties de la vigne où des branches d’olivier
jeunes et tendres ont été plantées étaient les pires endroits de toute la
vigne et qu'un autre était le meilleur. Quand le Seigneur de la vigne
vient examiner les arbres, les deux qui ont été plantés dans les pires
endroits n’ont produit que du bon fruit, tandis que celui qui était planté
dans le meilleur endroit a produit de bons et de mauvais fruits. En
d'autres termes, à traitement égal accordé par Dieu à toutes les parties
du monde, ce n'est pas le lopin de terre auquel les gens sont attachés qui
fait la différence. Tous les peuples de la terre sont en mesure de
produire de bonnes œuvres et de devenir par conséquent des fruits
désirables.
L’allégorie commente le processus de purification que la terre et la
maison d’Israël subiront avant la Seconde Venue et explique comment le
rassemblement d’Israël consiste à élaguer les branches qui portent du
mauvais fruit et à regreffer les branches de l’olivier franc sur les
arbres francs (notez le pluriel, arbres, aux versets 5:55-58, 5:63-66,
5:74). Ce processus continuera en ces derniers jours dans un ordre
déterminé conçu pour assurer la survie des arbres jusqu'à ce qu’ils
finissent tous par porter du fruit agréable au Seigneur. Tout d'abord, les
peuples qui produisent le pire, le « fruit le plus amer », seront enlevés
de l'arbre de la maison d’Israël et d'autres membres naturels de la maison
d’Israël y seront amenés. Vers le même moment commencera le lent processus
de culture et d’entretien, « nourrir » les membres pour les aider à
produire de bonnes œuvres. Pendant que ces membres naturels de la maison
d'Israël commencent à produire de bonnes œuvres, l’élagage des membres les
plus mauvais commencera, mais ce processus se fera aussi lentement, «
selon la force des bonnes et leur taille », c'est-à-dire selon la capacité
de la maison d’Israël de supporter la taille. Cet élagage continuera,
comme mentionné plus haut, jusqu'au millénium, lorsque le processus sera
complet et qu’il n'y aura plus de mal nulle part sur la terre, parce que
le « fruit » sera « bon » et que la « vigne » ne sera « plus corrompue »
(v. 75).
Ce processus de greffe et de taille se voit aujourd'hui dans le
Rétablissement. Une greffe réussie consiste à [parvenir] « à la
connaissance du vrai Messie » (1 Néphi 10:14), le Christ, par la parole de
Dieu. Le mécanisme le plus évident aujourd'hui pour se greffer sur
l'héritage des Écritures, c’est par la conversion à l’Évangile de Jésus-Christ
tel qu’il est révélé dans le processus du Rétablissement. En 1820, quand
Joseph, le prophète, est allé prier dans le bosquet (ce n'était peut-être
pas une coïncidence que le Rétablissement ait commencé dans un bosquet),
le monde entier était dépourvu du genre de fruit que le Seigneur désirait.
Lorsque Joseph est sorti des bois en ce jour de printemps, le premier
converti avait été fait. À partir de ce début sur la frontière américaine
du dix-neuvième siècle, des populations et des cultures ont été exposées à
l'influence guérisseuse de l'Évangile de Jésus-Christ grâce au
renouvellement de l'héritage scripturaire de la maison d'Israël. La
réalisation de ce processus de guérison se voit dans le Rétablissement.
Dès que les gens qui acceptent l'Évangile sont capables de les recevoir,
Dieu révèle des principes, des points de doctrine et des ordonnances
éternels corrects. De cette manière, l'héritage scripturaire de la maison
d’Israël, les racines, « peuvent prendre de la force » (voir 5:59) et être
une bénédiction pour les peuples et les cultures qui sont nourris par
elles. Et à mesure que les branches naturelles de la maison d’Israël en
ces derniers jours poussent grâce à la nourriture et aux soins que Dieu
donne, il prépare « la voie pour elles afin qu'elles puissent pousser »
davantage (Jacob 5:64).
Pendant que cette greffe des branches naturelles de la maison d’Israël sur
les arbres francs continue et que ces greffes prennent sur l'Évangile de
Jésus-Christ fourni par l'héritage scripturaire de la maison d’Israël, la
taille se poursuit également. Ceux qui refusent d'accepter les principes,
les doctrines et les ordonnances rétablis de l'Évangile créent les
conditions qui, tôt ou tard, les amèneront à leur séparation d’avec la
maison d’Israël. Certaines de ces personnes cessent tout simplement de
produire de bonnes œuvres ou ne restent pas au niveau du reste de l'arbre.
D'autres produisent des œuvres mauvaises et sont retranchées plus tôt.
Ce processus peut affecter un peuple tout entier. Par exemple, le Seigneur
a averti les hommes de cette dispensation qu'ils sont sous la condamnation
pour avoir pris à la légère l'héritage scripturaire du Rétablissement, «
la nouvelle alliance, c’est-à-dire, le Livre de Mormon et les précédents
commandements » (D&A 84:54-58). Le président Benson a répété cet
avertissement en 1986 [31]. Et le processus peut affecter les individus.
Pensez, par exemple, à ce saint des derniers jours éminent du début de
l’Église qui « avait été appelé à prêcher l'Évangile mais qu’on avait
entendu dire qu’il ‘préférerait mourir que d’aller prêcher l'Évangile aux
Gentils’. » Le résultat fut que « il fut atteint par le choléra et mourut
[32]. » Si nous, que ce soit comme peuple ou à titre personnel, ne
retirons pas de la force de nos racines scripturaires modernes,
particulièrement du Livre de Mormon et des prophètes vivants, nous nous
retrouverons finalement coupés de la maison d’Israël et jetés « au feu »
(Jacob 5:58).
L'allégorie montre que le processus de greffage et de taille, le
rassemblement d’Israël et la mise à l’épreuve des nations de la terre,
continueront simultanément jusqu'au millénium. Cela signifie qu’à mesure
que les saints acceptent et assimilent une nourriture supplémentaire
provenant de leurs sources scripturaires, le Seigneur exige d’eux qu’ils
fassent plus. Ainsi l'allégorie annonce, dans le processus de greffage et
de taille, le retournement de ce que le président Benson a appelé le
principe de Samuel. Selon ce principe, « dans certaines limites [Dieu]
accorde aux hommes ce qu’ils désirent [33]. » Le principe tire son nom de
l'histoire qui se trouve dans 1 Samuel 8:1, où le peuple d’Israël exige, à
l’encontre des souhaits de Dieu et de son prophète Samuel, que Dieu lui
donne un roi. Dieu lui accorde ce qu’il désire pour ce qui sera finalement
son grand malheur.
Le retournement du principe de Samuel pendant le Rétablissement peut être
illustré par la parole de sagesse. Lorsque les saints ont assimilé et
pratiqué la parole de sagesse, Dieu a jugé bon d’en exiger une application
plus stricte au point que, jusqu'à ce jour, elle est souvent utilisée pour
mesurer l'engagement d'un membre à l’égard du royaume. D'autres exemples
de nourriture supplémentaire se trouvent dans le contenu des sections D&A
137:1 et D&A 138:1 des Doctrine et Alliances. Ces révélations étaient
aussi vraies quand elles ont été données que quand elles ont été acceptées
comme Écriture par l'Église en 1976 et, par conséquent, comme faisant
force de loi sur les membres. Peut-être, comme le suggère en principe
l'allégorie, les membres étaient-ils capables en 1976 de se conformer aux
instructions supplémentaires données dans ces visions. La révélation de la
parole sagesse en 1833, l’évolution ultérieure de celle-ci dans l'Église
et l’ajout des sections D&A 137 et 138 au canon sont des exemples modernes
de la façon dont notre héritage scripturaire, nos racines, peuvent prendre
« de la force parce qu’elles sont bonnes » (Jacob 5:59). À l'avenir, si
nous assimilons fidèlement la nourriture donnée par les racines, nous
pouvons nous attendre à un héritage scripturaire encore plus grand, car
Dieu « révélera encore beaucoup de choses, grandes et importantes,
concernant le royaume de Dieu » ( 9e article de foi).
À mesure que les branches de la maison d'Israël deviennent capables de
supporter la doctrine, les principes et les ordonnances forts de
l'Évangile de Jésus-Christ et que les racines se renforcent, les arbres de
la maison d’Israël continueront à être nourris, fortifiés, et purifiés
jusqu'à ce qu'ils soient devenus « comme un seul corps » et ne portent que
du bon fruit et que toute la terre ne soit « plus corrompue » (voir Jacob
5:74-75). Ce processus de préparation de la maison d’Israël pour le
millénium trouve son expression dans une autre métaphore des Écritures,
belle et chargée de sens, la métaphore de l’épouse et de l’époux. (Par
exemple, voir Matthieu 25:1-13.) Pour employer les termes d’Ésaïe, « Comme
la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu fera la joie de ton Dieu »
(Ésaïe 62:5).
L'allégorie ne laisse aucun doute sur le fait que Dieu a essayé tout ce
qui était en son pouvoir pour empêcher l'Apostasie. Quand Dieu vient
inspecter le monde après que l'apostasie a eu lieu et que « tous les credo
[de l'apostasie étaient devenus] une abomination [aux yeux de Dieu] »
(Joseph Smith-Histoire 1:19), Dieu demande au serviteur dans l'allégorie :
« Qu’aurais-je pu faire de plus pour ma vigne » pour empêcher l'Apostasie
(Jacob 5:41) ? La réponse à cette question rhétorique est qu'il n'aurait
rien pu faire de plus. Sa main n'a pas faibli pour créer le bon
environnement et les conditions nécessaires pour que l'Évangile fleurisse
et produise du fruit (Jacob 5:47). Comme l’explique Jacob 5:28, « le
Seigneur de la vigne et le serviteur du Seigneur de la vigne nourri[ss]ent
tout le fruit de la vigne. » Mais comme l’explique Jacob 5:46, « malgré
tout le soin que nous [par exemple, le Seigneur et son serviteur] avons
pris de ma vigne, les arbres se sont corrompus, de sorte qu'ils ne donnent
pas du bon fruit. » En bref, ce n'est pas un manque d'effort de la part de
Dieu qui a permis à l'Apostasie de se produire.
Alors qu’est-ce qui a causé l'Apostasie ? Le Seigneur de la vigne lui-même
pose cette question à la fin de Jacob 5:47 : « Qui a bien pu corrompre ma
vigne », c'est-à-dire qui a causé l'Apostasie ? Dans Jacob 5:48 le
serviteur répond à son Seigneur : « N’est-ce pas la hauteur de ta vigne »,
c’est à dire l’orgueil, qui a causé l'Apostasie ? Le serviteur fait
remarquer, en outre, en expliquant le processus de l'Apostasie : « Parce
que les branches l’ont emporté sur les racines, voici, elles ont poussé
plus vite que le permettait la force des racines, prenant la force pour
elles. » Les branches israélite et gentile sur les oliviers francs, ont
pris la force pour elles par l’orgueil et l’arrogance. C'est-à-dire que
plutôt que de s’appuyer sur leur héritage scripturaire pour y rechercher
la force et la nourriture, elles se sont appuyées sur leur propre force et
leurs capacités, annihilant ainsi l'influence de l'héritage scripturaire
qui aurait pu les diriger et les guider. Et en agissant indépendamment
dans leur orgueil, elles se sont considérées comme fortes et ont poussé
dans des directions qui n'étaient pas correctes, ce qui a débouché sur
l'Apostasie [34].
Il est clair que l'Apostasie n'a pas été causée par un ensemble de
circonstances matérielles dues au hasard que Dieu aurait pu empêcher.
C’est l’obstination orgueilleuse qui a été à l’origine de la Grande
Apostasie et qui est à l’origine de toute autre apostasie. L'apostasie est
la décision de se tourner vers soi-même plutôt que vers l’orientation et
la nourriture venant des voies appropriées et justes que Dieu a
instituées. Et parce que c'est un acte lié au libre arbitre, Dieu ne
l'empêche pas. La cause de l'Apostasie, telle qu’elle est expliquée dans
l'allégorie, doit servir d'avertissement à ceux qui sont appelés à œuvrer
dans la vigne en ces derniers jours. Nous pouvons chacun causer notre
propre apostasie par notre obstination orgueilleuse et il n’y a pas
grand-chose que Dieu puisse faire pour l'empêcher.
Si nous abandonnons la nourriture assurée par l'héritage scripturaire de
notre époque : le Livre de Mormon, les Doctrine et Alliances, la Perle de
Grand Prix, la Bible et les directives constantes des prophètes vivants,
et si nous nous appuyons sur notre force, notre sagesse, et notre
compréhension propres, nous ne tarderons pas, nous aussi, à être victimes
d’ une apostasie qui nous détruira spirituellement. L'antidote, que ce
soit autrefois ou maintenant, contre l'Apostasie, contre l’égocentrisme
orgueilleux, a été expliqué par le roi Benjamin : « Les hommes boivent de
la damnation pour leur âme s’ils ne s'humilient et ne deviennent…comme un
enfant, soumis, doux, humble, patient, plein d'amour, disposé à se
soumettre à toutes ce que le Seigneur juge bon de lui infliger, tout comme
un enfant se soumet à son père » (Mosiah 3:18-19).
Si nous devons nous préoccuper du risque que nous courons d’apostasier
individuellement, la section suivante (Jacob 5:50-73, le rassemblement de
la maison d’Israël) explique que nous n'avons pas à craindre que l'Église
tombe dans l'apostasie en ces derniers jours. Quand il vient examiner la
terre vers la fin de l'Apostasie, le Seigneur de la vigne constate
qu'aucun des divers arbres de la maison d’Israël, que des Gentils y aient
été greffés ou non, ne porte de bons fruits. Jacob 5:31-32 décrit cette
situation d'apostasie : « Le Seigneur de la vigne goûta du fruit, de
chaque sorte selon son nombre. Et le Seigneur de la vigne dit : Voici,
j’ai nourri cet arbre pendant tout ce temps, et je me suis amassé beaucoup
de fruits en vue de la saison. Mais voici, cette fois-ci il a donné
beaucoup de fruit, et il n’y en a aucun qui soit bon. Et voici il y a
toutes sortes de mauvais fruit ; et il ne me profite en rien. » (Quelle
bonne description de l'Apostasie !) Tel était l'état du monde en 1820.
Plutôt que de raser la terre apostate qui ne rapporte rien, Dieu décide
d'essayer une fois de plus d'établir l'Évangile sur la terre pour voir si
les arbres de la vigne vont donner du bon fruit. Il commence par faire
greffer les branches de l'arbre d’origine sur les arbres naturels et les
branches des arbres naturels « sur leur arbre d’origine » (Jacob 5:55-56).
Il commande au serviteur de les creuser alentour, de les tailler et de les
fumer encore une dernière fois (voir Jacob 5:64). Depuis le commencement
du rassemblement de la maison d’Israël jusqu'au millénium, depuis le
Rétablissement jusqu'à la Seconde Venue, il y a un effort ininterrompu de
la part du serviteur principal et des « autres serviteurs » (Jacob 5:70)
pour « travailler dans la vigne » de toutes leurs forces pour « la
dernière fois » (Jacob 5:71). Le serviteur et ses collaborateurs «
obéirent en tout aux commandements du Seigneur de la vigne » (Jacob 5:72).
Les dirigeants du Rétablissement, depuis Joseph Smith, le prophète,
jusqu’aux Autorités générales contemporaines, ont maintenant été appelés
pour travailler dans le monde pour la dernière fois (voir D&A 24:19 ;
39:17 ; 43:28 et 95:4). Et ils continueront à travailler, exécutant « en
tout » les commandements du Seigneur. (Jacob 5:72). Ils ne travailleront
pas selon les préceptes du monde, mais ils suivront avec ténacité les
instructions du Seigneur. Et ils continueront à œuvrer « en toute
diligence, selon les commandements du Seigneur de la vigne » (Jacob 5:74)
jusqu’à ce qu’ils aient réussi à « jeter » dehors tous les mauvais
éléments (Jacob 5:74) et que le monde ne soit plus corrompu (voir Jacob
5:75). L’œuvre du Rétablissement, l'Église de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours, le royaume de Dieu sur la terre, continuera à grandir et à
se répandre jusqu'à ce qu'elle ne laisse plus de place au mal sur la
terre. Daniel, le prophète, a effectivement vu « à l’avance et prédit que
le royaume de Dieu serait rétabli dans les derniers jours, pour ne plus
jamais être détruit ni donné à un autre peuple » (D&A 138:44). Nous
n'avons pas à craindre dans notre dispensation que l'Église, le royaume de
Dieu, soit de nouveau perdue à cause de l'apostasie. Des individus peuvent
apostasier, peut-être même certains des dirigeants, mais comme le dit bien
l'allégorie, la vigne va grandir, devenir plus pure, jusqu'à ce que le bon
fruit remplisse la terre.
Je ne peux pas achever cette étude de l'allégorie de l'olivier sans
revenir au commencement, à la raison pour laquelle Jacob a donné
l'allégorie : Comment pouvons nous être réconciliés avec Dieu par
l’intermédiaire de Jésus-Christ ? Si j'écrivais en bon Hébreu, je pourrais
m’attendre à ce que le lecteur sache maintenant, grâce à l'allégorie
elle-même et à l’analyse ci-dessus, comment la réconciliation a lieu. Mais
ce n’est pas le cas, et je serais infidèle à mon héritage si je
n’expliquais pas clairement du mieux que je peux comment nous pouvons être
réconciliés avec Dieu par Jésus-Christ. Comme le suggère l'allégorie, le
processus est d’une simplicité [35] et d’une facilité trompeuses : Le fait
de rester attaché suffisamment longtemps à nos racines, l'héritage
scripturaire révélé par le Dieu d’Israël, pour que l'influence guérisseuse
de la direction divine, de la « connaissance du vrai Messie », notre
Seigneur et Rédempteur (1 Néphi 10:14), puisse nous changer d'une branche
portant du fruit amer à une branche naturelle portant du bon fruit. Peu
importe que notre héritage scripturaire soit planté dans un bon ou un
mauvais endroit de la terre, nous pouvons porter du fruit grâce aux soins
aimants et sages du Seigneur de la vigne. Comme l’a dit Limhi, un homme
qui lui-même avait tâtonné pour obtenir la réconciliation et l’avait
trouvée : « Si vous vous tournez vers le Seigneur d’un cœur pleinement
résolu, et placez votre confiance en lui, et le servez en toute diligence
d'esprit, si vous faites cela, il vous délivrera de la servitude, selon sa
volonté, et son bon plaisir » (Mosiah 7:33), il vous secourra, vous
nourrira, et vous sauvera de la destruction. Il n’y a que notre orgueil ou
notre égocentrisme qui puisse nous empêcher de produire du bon fruit,
provoquant ainsi notre séparation d’avec l'arbre par élagage. Dans des
termes qui sont davantage liés à l'allégorie qu’on pourrait le croire au
premier coup d’œil, Jacob énonce la formule d’une manière à la fois simple
et éloquente : « Comme il est miséricordieux avec nous, notre Dieu, car il
se souvient de la maison d’Israël, de sa racine comme de ses branches ; et
il leur tend les mains toute la journée ; et ils sont un peuple au cou
raide et contredisant, mais tous ceux qui ne s’endurciront pas le cœur
seront sauvés dans le royaume de Dieu. C’est pourquoi, mes frères
bien-aimés, je vous adjure solennellement de vous repentir et de venir
d’un cœur pleinement résolu, et de vous attacher à Dieu comme il s’attache
à vous » (Jacob 6:4-5).
NOTES
1. Bien que Jacob raconte l'allégorie dans Jacob 5, celle-ci vient à
l'origine de Zénos, qui était apparemment un prophète de l’époque de
l’Ancien Testament dont les écrits se trouvaient sur les plaques d’airain.
Actuellement aucune source du Vieux Monde ne parle de lui. Zénos est bien
entendu mentionné ailleurs dans le Livre de Mormon : 1 Néphi 19:10, 12, 16
; Alma 33:3, 13, 15 ; Alma 34:7 ; Hélaman 8:19 ; Hélaman 15:11 ; et 3
Néphi 10:16. Bien qu’il soit le premier auteur du Livre de Mormon à
rattacher cette allégorie à Zénos, Jacob n’était vraisemblablement pas le
premier prophète du Livre de Mormon à mentionner le contenu de cette
allégorie. Néphi dit que son père Léhi avait parlé d’un olivier qui
représentait la maison d’Israël et que de cet arbre des « branches
seraient rompues et dispersées sur toute la surface de la terre » (1 Néphi
10:12).
2. Les études précédentes sont : Kent P. Jackson, « Nourished by the Good
Word of God (Jacob 4-6) » dans Kent P. Jackson, dir. de publ., 1 Néphi to
Alma 29, vol. 7 de Studies in Scripture, Salt Lake City, Deseret Book,
1987, pp. 190-194 ; Monte Nyman, An Ensign to All People, Salt Lake City,
Deseret Book, 1987, pp. 24-34 et le tableau récapitulatif de la page 36.
Voir aussi Joseph Fielding McConkie et Robert L. Millet, Doctrinal
Commentary on the Book of Mormon, vol. 2, Salt Lake City, Bookcraft, 1988,
pp. 46-82 ; Ariel Crowley, About the Book of Mormon, Idaho City, ID, n.p.,
1961, pp. 150-152 ; et Livre de Mormon, manuel de l’étudiant : Religion
121 et 122, 1989, pp. 47-48. Richard K. Wilson de Provo, Utah, a fait un
commentaire détaillé de l’allégorie, de 82 pages, non publié.
3. Ici je dois faire une mise en garde. Bien que je croie que cette
allégorie concerne des périodes, des lieux, des processus, des événements
et même des personnes précis, on ne peut expliquer aucune allégorie jusque
dans ses moindres détails sans entrer, au mieux, dans le domaine des
suppositions, au pire, dans celui de l’absurdité. Je propose donc
l’explication que je donne ici dans l’espoir qu'elle aidera certains
chercheurs et ne fera de tort à personne.
4. On trouvera un résumé pratique dans Nyman, An Ensign to All People, p.
35, tableau 1. Les raisons qu’il donne pour justifier ses identifications
se trouvent aux pp 22-24. Voir également le résumé dans Jackson, «
Nourished by the Good Word of God » p. 190 et Livre de Mormon, Manuel
d'étudiant, pp. 47-48.
5. Voir en particulier les versets 11, 36, 53 et 59, bien que la
possibilité que la racine périsse soit mentionnée dans 5:8, et que le
Seigneur va et vient.
6. On trouvera les références à la note 2.
7. Comme Joseph Fielding Smith l'a dit : « Dans toutes les Écritures, là
où Dieu est mentionné et où il est apparu, il s’agit du [Christ]… Le Père
n'a jamais traité directement et personnellement avec l'homme depuis la
chute et il n’est jamais apparu autrement que pour présenter le Fils et
rendre témoignage de lui (Doctrine du salut, sermons et écrits de Joseph
Fielding Smith, comp. par Bruce R. McConkie, vol 1, p. 35).
8. Voir par exemple Jean 8:28, « Je ne fais rien de moi-même ; mais… je
parle selon que le Père m'a enseigné. Cf. Jean 5:19 et 28.
9. Notez que Crowley, About the Book of Mormon, p. 121, utilise le
générique « Dieu » et Jackson, « Nourished by the Good Word of God », p.
190, utilise « Seigneur » pour le Seigneur de la vigne, tous les deux
contournant de ce fait la difficulté.
10. Chauncey C. Riddle, du département de philosophie de l’université
Brigham Young, m’a suggéré cette idée en privé le 13 septembre 1989.
Depuis lors, j’ai fini par accepter ce point de vue, en partie pour les
raisons mentionnées plus haut. Plusieurs autres commentaires associent les
racines aux ancêtres. Cette interprétation vient certainement de la
croyance que si le mot racine signifie ancêtres dans Malachie 4:1, il doit
avoir la même signification dans tous les contextes scripturaires.
D'autres encore pensent que les racines représentent les alliances
associées à la maison d’Israël ; voir par exemple le manuel de l’étudiant
du Livre de Mormon. Cette interprétation me semble trop réductrice.
11. Bruce Wilson de Provo (Utah) m’a donné cette idée (basée au moins en
partie sur R. Wilson, p. 30) lors d’une conversation privée le 3août 1989.
12. Le traitement qui suit dans cette troisième section est une version
légèrement modifiée de mon article « Explicating the Mystery of the
Rejected Foundation Stone : The Allegory of the Olive Tree » BYU Studies
30, 1991, pp. 77-87.
13. Il y a deux aspects à cette question unique : Quand Zénos a-t-il
composé l'allégorie originelle et quels sont les événements qui sont
couverts dans cette histoire allégorique de la maison d’Israël ? La
réponse à la deuxième question, quelle que soit celle donnée à la
première, est nécessaire si l’on veut que l'allégorie soit plus qu'un
exercice intellectuel pour le lecteur moderne. C’est pourquoi je ne
traiterai que de la seconde question. Il y a des traitements de la
première question ailleurs dans cet ouvrage.
14. On trouvera un traitement des débuts de la maison d’Israël avec
Abraham, puis Isaac et Jacob dans Bruce R. McConkie, A New Witness for the
Articles of Faith, Salt Lake City, Deseret Book, 1985, p. 503 : «
L'histoire israélite commence non pas avec Jacob, qui est Israël, ni avec
ses descendants tribaux, qui ont adopté son nom, mais avec Abraham, leur
père. Dans le sens véritable et spirituel des termes, Abraham a été le
premier Hébreu, le premier Israélite et le premier Juif. » Les critiques à
qui j'ai donné le présent article ont trouvé que l’on pourrait comprendre
que la création de la maison d’Israël au début de l'allégorie s’est
produite avec Adam, avec Noé ou avec Moïse. Il me semble que l'allégorie
ne traite que de la maison d’Israël et que par conséquent elle commence
avec la fondation de la maison d’Israël. Indépendamment et antérieurement
à ma première lecture de la citation ci-dessus de Bruce R. McConkie, sur
la base des éléments internes de l'allégorie elle-même, j’en suis arrivé à
la conclusion que la fondation de la maison d’Israël ne peut avoir trait
qu’aux patriarches.
15. Bien que le « Bible Dictionary » de l'édition de l’Église de la Sainte
Bible, p. 636, situe les patriarches au milieu de l'âge du bronze moyen,
cette date ne fait pas l’unanimité parmi les savants. Cyrus Gordon, par
exemple, fait remonter beaucoup d’événements des récits patriarcaux à
l’âge du bronze récent (« Abraham and the Merchants of Ura », Journal of
Near East Studies 17, 1958, p. 31). J'accepte cependant la possibilité que
le pharaon de l'Exode ait été Ramsès II, qui a régné au milieu du
treizième siècle av. J.-C. Cela situerait l'Exode au commencement même du
bronze récent (en comptant, avec Genèse 15:13 et Exode 12:40, 400 à 430
ans pour le séjour en Égypte) et repousserait les patriarches à l'âge du
bronze moyen. Voir aussi Nyman, An Ensign for All People, p. 24, qui situe
le commencement de l'allégorie « vers 1800 av J.-C., quand les douze fils
de Jacob vivaient à Canaan. » D'autres situent la plantation de l'olivier
principal à d'autres siècles du début de l'histoire israélite.
16. On trouvera la même conclusion dans Jackson, « Nourished by the Good
Word of God”, pp. 193-194. La destruction de la terre par le feu après le
millénium est mentionnée au moins une fois dans les ouvrages canoniques :
« Car le grand millénium dont j'ai parlé par la bouche de mes serviteurs
viendra. Car Satan sera lié, et lorsqu'il sera de nouveau délié, il ne
régnera que pour un peu de temps, et alors viendra la fin de la terre. Et
celui qui vit dans la justice sera changé en un clin d'œil, et la terre
passera comme par le feu. Et les méchants s'en iront dans un feu qui ne
s'éteint pas, et nul homme sur terre ne connaît leur fin ni ne la
connaîtra jamais, jusqu'à ce qu'ils viennent devant moi en jugement » (D&A
43:30-33). C’est probablement aussi de cela qu’il est question dans
Matthieu 3:13. Voir aussi les fondements théologiques de la destruction de
la terre par le feu dans Bruce R. McConkie, Mormon Doctrine, 2e éd., Salt
Lake City, Bookcraft, 1966, p. 210 (voir également la p. 251), et les
renvois qui s’y trouvent à Doctrine du salut, 1:72-89 ; et Parley P.
Pratt, Une voix d'avertissement, chapitre 5. Si la destruction de la terre
par le feu, mentionnée au verset 77, est une allusion à la destruction par
le feu précédant le millénium (voir par exemple McConkie, Mormon Doctrine,
pp. 692, 735), on pourrait en tirer la conclusion que la fin de
l'allégorie coïncide avec le commencement du millénium. L’examen interne
de l’allégorie montre que c’est peu probable. Comme je le démontre plus
loin, les versets 75 et 76 ont trait au millénium. Par conséquent, le
verset 77 doit avoir trait à la période qui suit le millénium.
17. Nyman divise, lui aussi, l'allégorie en sept périodes, mais nous ne
sommes d’accord que sur trois des divisions. Il répartit l'allégorie sur
les périodes de temps suivantes : (1) versets 3-14 : « De Jacob à la fin
des prophètes » vers 1800-400 av. J.-C. (2) verset 15 : « Beaucoup de
temps passa ». (3) versets 16-28 : « Le ministère de Jésus- Christ » vers
30-34 apr. J.-C. (4) verset 29 : « Beaucoup de temps passa ». (5) versets
30-75 : « Le Rétablissement, vers 1820 après J.-C. jusqu’au millénium ».
(6) verset 76 : « Beaucoup de temps passa ». (7) verset 77 : « Fin de la
terre. »
18. Le chiffre quatre cents à six cents ans peut découler de la différence
entre le moment où l'olivier est cultivé pour la première fois à un moment
donné de l’âge du bronze moyen et le commencement de la période suivante
de l'allégorie, début de l'âge du fer, vers 1200 av. J.-C. Il semble
vraisemblable que quatre cents à six cents ans soient plausibles d’après
ce que l’on peut observer des oliviers de la Palestine actuelle. Comme les
oliviers contemporains, il est vraisemblable que les oliviers anciens,
correctement soignés, non seulement pouvaient vivre pendant des siècles
(non des décennies comme c’est le cas de la plupart des arbres de
culture), mais pouvaient également produire des récoltes précieuses
pendant toute la vie de l'arbre. (On trouvera les aspects techniques de la
culture de l'olivier dans les autres articles sur le sujet dans The
Allegory of the Olive Tree, Stephen D. Ricks et John W. Welch, dir. de
publ., Salt Lake City, Deseret Book et FARMS, 1994. Voir en outre Arthur
Wallace, « The Allegory of the Tame and Wild Olive Trees Horticulturally
Considered », dans Paul R. Cheesman et C. Wilfred Griggs, dir. de publ.,
Scriptures for the Modern World, Religious Studies Monograph Series 11,
Provo, BYU Religious Studies Center, 1984, pp. 113-120.) Par conséquent,
si l'olivier était « devenu vieux », cela ne se mesurerait pas par les
décennies des arbres domestiques contemporains, mais par siècles.
19. Il y a beaucoup trop d'exemples de l'apostasie d'Israël au cours de
cette période de temps pour que je les énumère ici. En plus des deux dont
je traite dans le texte, réfléchissez aux exemples suivants.
Moïse savait, à l’époque de son appel, que l’Israël apostat essayerait de
le rejeter comme prophète de Jéhovah (Exode 3:13-14). Le célèbre ultimatum
de Josué, « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir » (Josué 24:15),
n’était nécessaire que si les Israélites vacillaient, c.-à-d., flirtaient
avec l'apostasie. Ézéchiel, au chapitre 16, parle en rétrospective en
termes merveilleusement terre à terre de l’existence de l'apostasie
d’Israël. On trouvera une merveilleuse explication d'Ézéchiel 16 et de sa
relation avec l'apostasie en Israël, dans Joseph E. Coleson, « Israël's
Life Cycle from Birth to Resurrection », dans Avraham Gileadi, dir. de
publ., Israel's Apostasy and Restoration : Essays in Honor of Roland K.
Harrison, Grand Rapids, MI, Baker Book, 1987, pp. 237-3 50. Et enfin, plus
près de nous, voir Malachie 3:7 : « Depuis le temps de vos pères, vous
vous êtes écartés de mes ordonnances, vous ne les avez point observées. »
20. 1 Rois 12:25-33 et 15:30, entre autres. Pour voir comment Jéroboam a
influencé la suite de l'histoire israélite, voir 2 Rois 10:29-31.
21. Les réformes de Josias vers 620 av. J.-C. ont certainement dû être un
ballon d'oxygène après les abominations de Manassé (2 Rois 22-24 ; voir
aussi 2 Chroniques 33), mais c’était trop peu et c’était trop tard.
22. Conformément à leur politique étrangère, les Assyriens déportaient les
sujets rebelles dans d’autres régions de leur empire qui avaient été
précédemment partiellement dépeuplées parce que ces habitants-là avaient
été rebelles (voir 2 Rois 17). La pratique de remplacer des sujets
rebelles par d'autres sujets rebelles non apparentés avait pour but de les
dissuader de se livrer à de nouvelles insurrections et de rendre toute
nouvelle révolte difficile. D'autre part, les Babyloniens ne substituaient
pas leurs sujets rebelles les uns aux autres, mais envoyaient plutôt
toutes les populations déportées dans un endroit central, la Babylonie,
laissant ainsi un vide dans les patries respectives, ce qui allait
finalement permettre aux déportés de retourner chez eux après
l’effondrement de l'empire babylonien. Pour cette raison et d’autres, les
déportés du Royaume du Nord ne purent pas retourner dans leur patrie, mais
les Juifs du Royaume du Sud purent revenir de la captivité babylonienne.
23. Par exemple, le calendrier babylonien est encore utilisé aujourd'hui
par les Juifs.
24. Nous pouvons nous faire une idée de ce que représente « beaucoup de
temps » en regardant le verset 76, où il est dit que pendant l’avant
dernière période de l'allégorie, le Seigneur de la vigne allait rassembler
du bon fruit « pendant longtemps ». Je vais montrer ci-dessous que cette
période est le millénium. Si nous acceptons cette interprétation, cela
indique que « beaucoup de temps » doit se mesurer en siècles et pas en
décennies.
25. Certains exégètes de cette allégorie n’ont trouvé que trois branches
transplantées, donnant comme raison le verset 39, où les premières,
deuxièmes, et dernières branches naturelles sont mentionnées. Cette
explication néglige les quatre branches clairement mises en évidence par «
voici celles-ci » au verset 20, « regarde par ici » au verset 23, «
regarde par ici » au verset 24 et « regarde par ici » au verset 25, et
ignore la possibilité qu’il existe un mérisme polaire étendu au verset 39.
On ne peut pas sauter le parallélisme distinct entre 20, 23, 24 et 25
parce que ces trois derniers versets sont les seuls versets des ouvrages
canoniques qui contiennent l'expression « regarde par ici. » Supprimer le
parallèle du verset 24 et le combiner au verset 25, ce serait faire
violence à la structure poétique du passage. Il est possible, comme
certains l’ont suggéré, qu'il y en ait quatre aux versets 20 à 25, mais
seulement trois au verset 39, parce que deux des transplantations, les
Léhites et les Mulékites, s’étaient entre-temps combinées. Toutefois,
qu’il y ait trois ou quatre arbres transplantés, cela n’a rien à voir avec
notre étude. Il est certain que la question du nombre de transplantations
est liée à la question de savoir qui elles représentent.
26. Living Truths from the Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret Sunday
School Union, 1970, pp. 122-123.
27. Il y a ici une une légère contradiction dans le temps, si l’on
considère l'allégorie comme strictement cohérente et chronologiquement
rigoureuse. (R. Wilson, pp. 38-39, relève aussi cette incohérence
apparente.) La période du Vieux Monde où l'arbre d’origine (auquel les
Gentils ont été greffés) ne portait que du bon fruit doit être située
entre 35 et 100 apr. J.-C. Il n’empêche que pendant cette période, la
majorité des Juifs ont rejeté Jésus-Christ et son message. Cette même
période de temps dans le Nouveau Monde verra tout le peuple « converti au
Seigneur, sur toute la surface du pays » (4 Néphi 1:2). Cette
contradiction n’existe que parce qu’avec l'avantage du recul, nous voulons
imposer sur une allégorie venant du Proche-Orient notre formation
occidentale qui tient absolument à des interprétations logiques,
cohérentes et chronologiques. Le télescopage du temps et le champ de
profondeur plutôt flou des versions reçues de la vision prophétique du
futur devraient certainement nous permettre de considérer ces épisodes
comme des caractérisations précises et générales des périodes historiques
traitées. C’est ainsi que nous voyons dans l’histoire du Livre de Mormon
de 600 av. J.-C. à 400 apr. J.-C. environ la division de cette branche
transplantée de la maison d’Israël en cultures juste et apostate. (On
trouvera la même interprétation dans Jackson, « Nourished by the Good Word
of God », p. 192.) La seule exception à ceci est un bref intermède où les
Néphites et les Lamanites deviennent un seul peuple uni approximativement
entre 36 et 190 apr. J.-C. (4 Néphi 19-21), pendant 155 ans environ, et
non les deux cents années traditionnelles souvent citées par des saints
des derniers jours. D’autre part, le Nouveau Testament, si nous ignorons
les Juifs et les Gentils qui ont rejeté le Christ et ses messagers,
présente une communauté assez unie et juste d’Israélites et de Gentils, en
dépit de clivages culturels et des premiers signes d’apostasie qui ont
donné lieu à la polémique de Paul.
28. Si l’on veut prendre l'allégorie littéralement à tous les points de
vue, ce ne serait pas la première fois que Dieu menace de détruire tous
les habitants de la terre (Genèse 6:7) ni la totalité de son peuple élu
(Exode 32:9-11)
29. Le conseil que le serviteur se permet ici de donner ne devrait pas
être considéré comme déplacé. Un serviteur est censé donner des conseils.
Il ne se justifierait cependant pas de déduire de cette section de
l'allégorie que Dieu peut être dissuadé de ses desseins par du marchandage
à la manière typique des marchés du Proche-Orient (cela s'applique aussi
au marchandage auquel Abraham se livre avec Dieu à propos de Sodome et de
Gomorrhe.) Dieu laisse une latitude à ses serviteurs à l’intérieur de ses
desseins pour qu’ils pensent qu'ils marchandent, mais ses desseins sont
déjà fixés et ce qu’ils croient être du marchandage a déjà été calculé
dans les desseins.
30. On trouvera dans Alma 29:8 une autre manière d'exprimer cette
sollicitude que Dieu a accordée au monde.
31. Ensign 16, mai 1986, p. 78.
32. Joseph Smith, Jr., The History of The Church of Jesus Christ of
Latter-day Saints, B. H. Roberts, dir. de publ., 2e éd. révisée, 7 vols.,
Salt Lake City, Deseret Book, 1957, 2:118.
33. Ezra Taft Benson, The Teachings of Ezra Taft Benson, Salt Lake City,
Bookcraft, 1988, p. 84.
34. Spencer W. Kimball a exprimé cette même idée : « L’apostasie s’est
produite non pas à cause des persécutions, mais par l’abandon de la foi
causé par la superposition d'une structure créé par l’homme au programme
divin », comme cité dans Edward L. Kimball, dir. de publ., Teachings of
Spencer W. Kimball, Salt Lake City, Bookcraft, 1982, p. 425.
35. Le processus est si simple et si facile que beaucoup refusent de
laisser son influence les guérir. Voir 1 Néphi 17:41-42.
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