LES PLAQUES DU LIVRE DE MORMON

Janne M. Sjodahl

Journal of Book of Mormon Studies

Vol. 10, 1, 2001, pp. 22-24

Cet article a paru à l’origine dans le numéro d’avril 1923 de l’Improvement Era.

Autant que je sache, nous n’avons pas de données qui nous permettent de calculer avec une précision quelconque le nombre de plaques que contenait le volume original du Livre de Mormon, ni leur poids. C’est pourtant là le genre de questions dont ont débattu sérieusement les contradicteurs hostiles au Livre de Mormon. Le prophète Joseph ne nous éclaire pas sur ce point, pas plus que Moïse ne nous éclaire sur la taille et le poids des tables de pierre sur lesquelles la loi était gravée. Les détails fournis par les témoins oculaires ont été donnés en réponse aux questions qu’on leur posait, dans ce qui revenait quasiment à un interrogatoire contradictoire, bien des années après qu’ils aient vu les plaques et que leurs chiffres ne puissent plus être que de vagues estimations, en l’absence de nouvelles révélations sur le sujet.

Supposons, à titre d’illustration, que l’on demande à deux hommes ou davantage les dimensions d’un livre qu’ils affirment avoir vu, disons le dictionnaire de Webster, et qu’on leur pose la question près de vingt ans après qu’ils l’aient eu sous les yeux ; quel serait le résultat ? Chacun donnerait son impression, sauf, bien entendu, s’ils avaient été de connivence.

David Whitmer, dans une interview pour le Kansas City Journal, pas très longtemps avant sa mort, dit à propos des plaques :

Elles semblaient être en or, environ six pouces sur neuf [15 x 23 cm], à peu près aussi épaisses que du parchemin, nombreuses et reliées ensemble comme les feuilles d’un livre par des anneaux massifs qui traversaient les bords arrière1.

Martin Harris, selon Myth of the Manuscript Found 2, estimait que les plaques avaient huit pouces sur sept [20 x 18 cm] et que le volume avait une épaisseur d’environ quatre pouces [10 cm], chaque plaque étant à peu près aussi épaisse que du fer-blanc épais.

Orson Pratt n’avait jamais vu les plaques, mais comme il était très proche de Joseph Smith et des témoins, sa parole a un grand poids. Il nous dit que les plaques avaient huit pouces sur sept  [20 x 18 cm] et que le volume avait environ six pouces [15 cm], chaque plaque étant à peu près aussi épaisse que le fer-blanc ordinaire. Orson Pratt nous dit aussi que les deux-tiers du volume étaient scellés.

La question est donc : le tiers d’un volume de feuilles de métal de huit pouces sur sept, sur quatre  [20 x 18 x 10 cm] (selon Martin Harris), ou huit sur sept sur six [20 x 18 x 15 cm] (Orson Pratt) pouvait-il contenir suffisamment de plaques, chacune aussi épaisse que le fer-blanc, pour fournir la place nécessaire pour la totalité du texte du Livre de Mormon ?

On nous prétend que c’était absolument impossible.

Regardez maintenant l’illustration en annexe [voir l’illustration, reproduite à l’échelle, en fin de document]. Dans un espace de sept pouces sur huit [18 x 20 cm], mon ami, frère Henry Miller, Hébreu de naissance, a écrit à la plume et à l’encre quatorze pages du texte du Livre de Mormon, traduit en hébreu, en utilisant les lettres carrées que l’on emploie aujourd’hui dans les Bibles en hébreu. Cela veut dire que le Livre de Mormon tout entier 3, à raison de quatorze pages du texte américain par page d’hébreu, pourrait être écrit sur 40 3/7 pages, 21 plaques en tout.

Frère Miller déclare formellement que, même si ceux qui ont composé le Livre de Mormon ont utilisé des caractères beaucoup plus grands que ceux qu'il a utilisés dans cette copie, ils auraient  pu  graver le texte tout entier sur 48 plaques.

Cela peut paraître incroyable à certains, mais il faut tout d'abord se souvenir que les Hébreux d'autrefois n'écrivaient pas les voyelles comme nous. Ils n'écrivaient que les consonnes et il n'y avait pas d'espace entre les mots. Cela constituait un gain de place énorme. Deuxièmement, ils n'avaient pas besoin d'un aussi grand nombre de petits mots que nous pour faire une phrase. Et les auxiliaires étaient souvent constitués d'une seule lettre qui était attachée au mot principal, soit comme préfixe, soit comme suffixe. Finalement, ils utilisaient de nombreuses abréviations et c'était là encore un grand gain de place.

Si donc nous comptons cinquante plaques par pouce [2,54 cm] et quatre pouces pour l'épaisseur du volume, nous constatons que le tiers qui a été traduit se compose de soixante-six ou soixante-sept plaques. Mais comme il n'en fallait que quarante-huit, cela laisse une marge largement suffisante pour de grands caractères lisibles et l'épaisseur nécessaire de chaque plaque.

Il est tout aussi difficile d'estimer le poids des plaques que leur nombre. Trente-cinq pièces d'or de 20 dollars couvriraient une superficie de 8 pouces sur 7 [20 x 18 cm]. Pour faire une pile haute de 4 pouces [10 cm], il en faudrait 48. C'est-à-dire, 35 fois 48 pièces d'or de 20 dollars, 1680 en tout, constitueraient les dimensions des plaques de 8 X 7 x 4 pouces [20 x 18 x 10 cm]. Une pièce d’or, nous dit-on, pèse 32 g. Cela ferait, si mon calcul correct, un total de 56 kg.

Mais de ce poids, il faut largement déduire. Les plaques ne s'adaptaient pas d'une manière aussi serrée les unes sur les autres que des pièces d'or empilées. Elles étaient, selon toute probabilité, martelées plutôt que coulées. Il devait y avoir pas mal d'espace entre chacune d'elles. En outre, ce n'était pas de l'or massif, mais un alliage. Les plaques de Néphi étaient faites de métal et Moroni mentionne que c'est dans du métal que ces plaques ont été faites (1 Néphi 19:1; Mormon 8:5). Le métal était certainement considéré comme plus léger que l'aurait été l’or fin. Il faut aussi tenir compte du métal détaché de chaque plaque lors du travail de gravure. Tout bien considéré, le volume tout entier n'aurait pas pu peser 45 kg, même si nous acceptons les dimensions données comme étant les dimensions réelles. Mais elles ne l'étaient pas. Ce n'étaient que des approximations.

On peut aussi aborder la question sous un angle différent. Si le texte tout entier a été écrit sur 48 plaques, le livre ne contenait que 144 feuilles, puisque deux-tiers étaient scellés. Mais si 200 feuilles pesaient 56 kg, 144 feuilles pesaient un peu plus de 40 kg. Lorsque l'on apporte les déductions nécessaires à leur poids, il reste quelque chose comme de 23 à 34 kg et je crois que cela se rapproche davantage de la vérité que toutes les estimations faites par les contradicteurs.

Les plaques n'étaient pas à ce point lourdes que le prophète, qui était, physiquement aussi bien qu'intellectuellement, un homme particulièrement fort, n’ait pu les soulever et les manipuler 4. Tel  est le témoignage des témoins oculaires. Et ce témoignage est toujours valable.

Mais est-il certain que le prophète Joseph avait en charge la partie des plaques qui était scellée? C'est sans doute l'impression générale que l'on en a, mais est-elle juste ? Orson Pratt 5 dit :

Vous vous souvenez que quand le Livre de Mormon a été traduit des plaques, les deux-tiers environ étaient scellés et il fut interdit à Joseph de briser le sceau ; cette partie des annales était cachée.

Si les mots que j'ai mis en italiques signifient que la partie scellée du volume a été cachée avant même le début de la traduction de l'autre partie, le prophète n'avait pas la garde de la partie scellée et l'objection basée sur le poids du volume ne repose sur rien.



1 Les plaques du Livre de Mormon

Comme l’article lui-même, les notes suivantes sont telles qu’elles apparaissaient dans l’article original de l’Improvement Era d’avril 1923, excepté que les données de publication ont été ajoutées.

Ceci est cité dans [Gregg Thomas], The Prophet of Palmyra, [New York, J. B. Alden, 1890] mais son authenticité n’est pas garantie.

2 Un excellent petit livre de George Reynolds, [Salt Lake City, Juvenile Instructor Office, 1883].

3 L’édition américaine, publiée en 1842 à Nauvoo, compte 566 pages, 14.6 x 9.8 cm, marges comprises.

4 Voir History of the Prophet Joseph, par sa mère, Lucy Smith, pp. 85 et 105. Le récit donné doit avoir été raconté par Joseph Smith lui-même à sa mère. [Les pages citées correspondent à l’édition de 1902 de ce livre, révisée par George A. Smith et Elias Smith, et publiée par l’Improvement Era.]

5 Journal of Discourses, vol. 3, p. 347.