La véracité de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours est indissolublement liée à l'authenticité du Livre de Mormon. Ou bien celui-ci est véritablement le document historique qu'il affirme être, et dans ce cas ni Joseph Smith, ni personne d'autre, que ce soit au 19e siècle ou de nos jours, n'aurait pu en être l'auteur, ou bien c'est un faux, et alors il sera inévitablement démasqué par les progrès des connaissances scientifiques, et l'Eglise se révélera être une fausse église. Or, depuis une cinquantaine d'années, les indices en faveur de l'authenticité historique du Livre de Mormon n'ont cessé de se multiplier au point que quiconque veut mettre le Livre de Mormon (et l'Eglise) en doute ne peut plus – s'il est intellectuellement honnête – les ignorer. L'article suivant traite d'un de ces indices.

 

A GAUCHE OU A DROITE : BENJAMIN ET LE BOUC EMISSAIRE

 

Basé sur des recherches de John L. Sorenson

FARMS Update, Insights, janvier 1995

 

Au fil des années, les savants ont trouvé, dans le discours du roi Benjamin, beaucoup de choses qui cadrent parfaitement avec les fêtes d’automne de l’Israël ancien, qui entouraient le jour des Expiations[1]. Un élément essentiel de ce jour était le rituel du bouc émissaire.

 

Comme le prescrit Lévitique 16, on mettait deux boucs devant le souverain sacrificateur. Celui-ci tirait d’une urne deux sorts pour décider lequel des boucs serait déclaré « pour l’Éternel » et lequel « pour Azazel », un terme qui désignait selon toute probabilité un démon habitant dans le désert[2]. Le souverain sacrificateur plaçait alors les sorts sur la tête des boucs. Selon les écrits rabbiniques, si le sort « pour l’Éternel » se présentait dans la main gauche du sacrificateur, il lui était permis de mettre ce sort sur la tête du bouc qui était à sa droite pour que le bouc de l’Éternel soit toujours à droite tandis que celui d’Azazel serait à gauche[3]. Le bouc pour l’Éternel était alors sacrifié et son sang était utilisé pour purifier le temple. Le souverain sacrificateur transférait les péchés d’Israël sur l’autre bouc et celui-ci était alors emmené dans le désert.

 

C’est ce genre de facteurs qui a incité  à un examen plus poussé de Mosiah 5:7-12. Dans ces versets, Benjamin propose un contraste semblable au modèle des deux boucs. Il donne à son peuple un nom (5:7-8), car, comme les boucs, il doit soit être « appelé par le nom du Christ » (pour l’Éternel) et « se [trouver] à la droite de Dieu » (5:9), soit « être appelé par un autre nom » et se trouver « à la gauche de Dieu » (5:10, 12).

 

Le verset 8 contient la mention bizarre d’une « tête[4] » qui affranchit : « Et il n’y a aucune autre tête par laquelle [aucun autre titre auquel] vous pouvez être affranchis. » On peut s’imaginer qu’en prononçant le mot « tête », Benjamin a regardé à sa droite la tête de l’animal sacrificatoire qui symbolisait le Christ et dont le sang serait utilisé pour purifier le peuple.

 

Dans son discours, Benjamin utilise quatre fois le terme « esprit(s) malin(s) » (Mosiah 2:32, 37 ; 3:6 ; 4:14). Il faut peut-être rattacher cet « esprit malin » à Azazel. En effet, trois de ces mentions sont associées à des péchés de rébellion et de querelle, le genre de péchés que le bouc émissaire emportait vers Azazel. Dans le quatrième (Mosiah 3:6), Benjamin prophétise que Jésus « chassera » les esprits malins, un événement qui a peut-être été préfiguré par l’expulsion du bouc émissaire par le souverain sacrificateur.

 

Tout comme le bouc portant les péchés d’Israël était chassé, de même quiconque enfreignait l’alliance devait, selon les termes de Benjamin, être « condamn[é] à… un état de misère et de tourment sans fin » (Mosiah 3:25) et perdu dans un « état vil et déchu » de « néant » (Mosiah 4:5). Ce genre de transgresseur serait finalement expulsé et chassé (Mosiah 5:10-14). Le bannissement spectaculaire du bouc pour Azazel dans un désert total a dû représenter de manière frappante le sort déchu et misérable de ce genre de transgresseur.

 

Si Benjamin avait dit que le pécheur serait chassé comme un bouc plutôt que comme un âne, ces liens avec le jour des Expiations paraîtraient encore plus forts. En fait, le genre d’animal que l’on utilisait dans de tels rituels n’avait pas une importance capitale chez les voisins d’Israël[5].

 

Il y a donc, dans le discours de Benjamin, des éléments qui semblent présupposer le rituel du bouc émissaire. Ce type de cérémonie a dû faire comprendre au peuple de Benjamin que quiconque recevait le nom du Seigneur était consacré pour être sacrifié à Dieu, donnant une signification renforcée à sa propre alliance irrévocable de servir Dieu « de [son] âme tout entière » (Mosiah 2:21) et d’être diligent « jusqu’à la fin de sa vie » (Mosiah 4:6).

 

Traduit et publié avec la permission de FARMS

 


[1] J. Tvdtnes, « The Nephite Feast of Tabernacles », dans By Study and Also by Faith, Salt Lake City, Deseret Book, 1990, 2:197-221; J. Welch, « The Temple in the Book of Mormon » dans Temples of the Ancient World, Salt Lake City, Deseret Book, 1994, pp. 352-358.

[2] J. Milgrom, Leviticus 1-16, New York, Doubleday, 1881, pp. 1020-1021; H. Twail, “ ‘Azazel, the Prince of the Steppe’”, ZAW 92, 1980, pp. 43-59.

[3] Talmud babylonien, Yoma 40b.

[4] Le mot anglais « head » (tête) est en fait rendu en français par « titre », une traduction littérale étant impossible.

[5] D. Hillers, Covenant, Baltimore, Johns Hopkins University Press.