Pourquoi Shérem devait-il mourir ?
Par Book of Mormon Central, 6 avril 2016
« Et
maintenant, voici, moi, Shérem, je te déclare que c’est là un blasphème »
(Jacob 7:7).
Ce que nous savons
Jacob termine ses annales en
racontant sa confrontation avec Shérem, un « méchant homme » (Jacob 7:23)
qui « prêcha[it] beaucoup de choses qui étaient flatteuses pour le peuple;
et il le faisait afin de renverser la doctrine du Christ » (Jacob 7:2).
Shérem niait que les prophètes puissent prédire la venue de Jésus Christ
en tant que Messie. Shérem accuse Jacob à propos du témoignage de celui-ci
concernant la venue du Fils de Dieu en disant :
« Et tu as égaré
une grande partie de ce peuple, de sorte qu'il pervertit la voie droite de
Dieu et ne garde pas la loi de Moïse, qui est la voie droite, et convertit
la loi de Moïse en l'adoration d'un être dont tu dis qu'il viendra dans de
nombreuses centaines d'années. Et maintenant, voici, moi, Shérem, je te
déclare que c'est là un blasphème; car personne ne connaît rien de tel,
car on ne peut connaître les choses à venir » (Jacob 7:7).
John W.
Welch a étudié attentivement cet épisode du Livre de Mormon et a conclu
que l’incident tout entier, y compris les accusations de Shérem, la
défense de Jacob, le vocabulaire employé par les deux hommes et le
résultat final, est en rapport avec la jurisprudence israélite antique.
« Bien que les accusations de Shérem n’aient pas entraîné une
procédure judiciaire en tant que telle—aucun tribunal ne sera jamais
réuni, on n’assemblera pas d’anciens pour passer jugement et aucun témoin
humain ne sera appelé à témoigner—ses accusations ont un fondement
juridique, écrit Welch. Ses allégations reposent sur plusieurs notions
juridiques en vigueur à l’époque auxquelles se heurterait tout Israélite
qui ne comprendrait pas ou n’accepterait pas la doctrine du Christ [1]. »
Pour être précis, il apparaît que Shérem accuse Jacob de trois délits
capitaux en vertu de la Loi de Moïse : apostasie, blasphème et fausse
prophétie [2]. On le voit dans Jacob 7:7, où Shérem accuse Jacob d’égarer
« une grande partie de ce peuple » (apostasie), de « blasphème » et de ne
pas véritablement savoir que le Christ viendrait, car l’homme « ne peut
connaître les choses à venir » (fausse prophétie).
« Si l'on prend
les arguments de Shérem au pied de la lettre, ce à quoi il s’oppose
essentiellement, ce sont les éclaircissements messianiques introduits par
les révélations de Néphi et de Léhi, explique Welch. Shérem préfère un
système de règles juridiques basées sur la Loi de Moïse... dont serait
absente toute préfiguration liée à une attente messianique [3]. » Bien
entendu, en raisonnant sur les Écritures (Jacob 7:10-11) et en se servant
de son propre témoignage prophétique (Jacob 7:12), Jacob pourra finalement
confondre Shérem « dans toutes ses paroles » (Jacob 7:8). Après avoir
demandé un « signe » pour le convaincre (Jacob 7:13), Shérem finira par
reconnaître sa culpabilité et confesser ses erreurs « à Dieu » avant de «
[rendre] l’esprit » (Jacob 7:17–20).
Le pourquoi
Le lecteur
moderne de ce récit peut avoir le sentiment que le sort de Shérem est
injuste. Après tout, il aura admis que Jacob avait raison et il aura paru
désolé. Cependant, comme l’explique Welch, le résultat de cet incident est
compréhensible du point de vue de la législation israélite de l’époque. Il
apparaît, au vu du contexte de l’événement, que Shérem accuse à tort et,
de ce fait, se rend coupable de faux témoignage. Pour avoir déposé une
plainte injustifiée contre Jacob et avoir témoigné qu’il croit aux
Écritures tout en niant le Messie, Shérem relève des dispositions de
Deutéronome 19:16-21, qui exigent un châtiment impitoyable pour tous ceux
qui « s’élèver[ont] contre quelqu’un pour l’accuser [faussement] d’un
crime » (v. 16) [4].
Shérem lui-même reconnaît la gravité de ses
méfaits. Il craint grandement avoir commis « le péché impardonnable »,
avoir « menti à Dieu » et qu’ainsi son cas ne soit « affreux » (7:19).
Tout en encourageant les délinquants à avouer leurs méfaits, la loi
hébraïque pouvait laisser à Dieu le soin d’exécuter le jugement divin dans
des cas tels que celui de Shérem.
Quand on se rappelle que Shérem a
accusé Jacob de pas moins de trois délits capitaux, il est logique,
d’après la conception que l’on avait autrefois des choses, que la mort en
soit l’aboutissement ultime : il avait faussement accusé Jacob de crimes
qui auraient entraîné la mort du prophète ; il était donc lui-même
passible de la même peine. Comme Welch l’écrit : « Ce n’était pas peu de
chose que les délits de Shérem... En vertu des lois du Proche-Orient
antique, les crimes de parjure, à savoir, le fait de porter de faux
témoignages sous serment ou l’incapacité de prouver une accusation faite
sous serment contre une autre personne, étaient vigoureusement poursuivis
en justice et les contrevenants étaient sévèrement punis [5]. »
L’échange entre Shérem et Jacob peut être interprété et appliqué à
plusieurs niveaux. Cependant, la lecture attentive de ce récit à la
lumière des conceptions juridiques anciennes aide le lecteur moderne à
mieux comprendre l’importante notion juridique qui est en jeu dans
l’histoire, celle qui traite de la façon dont on doit juger en justice et
discerner les faux accusateurs de ceux qui ont des griefs légitimes. Ceci
constitue par ailleurs un précédent important permettant de mieux
comprendre les récits ultérieurs du Livre de Mormon qui ont trait à ce
thème. Comme Welch le dit en guise de conclusion : « L’affaire Shérem est
un cas d’école qui sous-tend tous les jugements justes qui vont suivre
dans le Livre de Mormon ». La mise en parallèle de Shérem et de Jacob et
le contraste entre leurs comportements est un exemple parfait.
Les
fausses accusations de Shérem sont un exemple de jugement inique et d’abus
de procédure. D’une part, l’essence du jugement inique se trouve dans
l’esprit procédurier, l’excès de confiance en soi et le manque de respect
pour le grand prêtre oint du Seigneur. D’autre part, le succès avec lequel
Jacob résiste fidèlement et patiemment à l’affront de Shérem va devenir un
modèle de jugement juste permettant à la justice de se manifester dans les
jugements et les révélations de Dieu [6].
Autres lectures
Keith Thompson, “Who Was Sherem?” Interpreter: A Journal of Mormon
Scripture14, 2015, p. 1–15. John W. Welch, The Legal Cases in the Book
of Mormon, Provo, Utah, Brigham Young University Press and the Neal A.
Maxwell Institute for Religious Scholarship, 2008, p. 107–138. John W.
Welch, “Sherem’s Accusations against Jacob,” dans Pressing Forward with
the Book of Mormon, dir. de publ. John W. Welch, Provo, Ut ah, FARMS,
1999, p. 84–87. [1] John W. Welch, The Legal Cases in the Book of
Mormon, Provo, Utah, Brigham Young University Press and the Neal A.
Maxwell Institute for Religious Scholarship, 2008, p. 109. [2] Welch,
The Legal Cases in the Book of Mormon, p. 117. [3] Welch, The Legal
Cases in the Book of Mormon, p. 110. [4] Welch, The Legal Cases in the
Book of Mormon, p. 131. [5] Welch, The Legal Cases in the Book of
Mormon, p. 135. [6] Welch, The Legal Cases in the Book of Mormon, p.
137–138.
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