Pourquoi le système des poids et mesures néphite doit retenir notre intérêt

Par Book of Mormon Central · 5 juin 2017

Voir aussi « Poids et mesures » dans les études d’Idumea

 

 

« Un sénum d’argent était égal à une sénine d’or, soit pour une mesure d’orge, et aussi pour une mesure de toute espèce de grain. » Alma 11:7

Ce que l’on sait

À sa mort, le roi Mosiah, fils du roi Benjamin, ne désigné pas quelqu'un pour lui succéder (Alma 1:1) [1]. Au lieu de cela, il établit un code juridique et un système de juges pour appliquer la loi (Alma 11:1–2) [2]. Dans cette nouvelle loi, Mosiah stipula que les juges devraient être payés pour leur temps (voir Alma 11:1). Cependant, John W. Welch a expliqué que, pour ce faire, Mosiah devait normaliser un système de poids et mesures pour s’assurer que tous les juges étaient suffisamment payés [3].

Avant cette époque, les Néphites adaptaient simplement leur système de mesures « selon la volonté et les circonstances du peuple, à chaque génération » (Alma 11:4) [4]. Mosiah contribua à mettre fin à la confusion en normalisant les « taux de change pour l’or, l’argent, l’orge et toutes les sortes de grains (voir Alma 11:7) » [5].

Or, il y a un précédent au Proche-Orient antique pour ce genre de normalisation [6]. Comme Welch le fait remarquer, les anciennes lois mésopotamiennes d’Eshnunna commencent avec une liste des « équivalences d’échange » telles que « un kor d’orge pour un sicle d’argent ». Welch précise : « Les lois d’Eshnunna définissent des valeurs fixes en argent pour l’huile, le sel, la laine, le cuivre, l’huile de sésame et le saindoux ». La liste d’équivalences qui introduit les lois d’Eshnunna est remarquablement semblable au Livre de Mormon [7].

 

Le système du roi Mosiah dans Alma 11:3–19 ressemble à celui d’Eshnunna, même jusqu’à la formulation de la liste. Welch fait remarquer que « la formulation standard 'un kor d’orge est (évalué) à un sicle d’argent’ ressemble à ‘un sénum d’argent était égal à une sénine d’or’ (Alma 11:7) » [8]. Chose intéressante, « la conversion de base dans la Babylonie antique était entre l’orge et l’argent », exactement comme dans le Livre de Mormon (Alma 11:7) [9].

Welch relève en outre que la liste introductive des lois d’Eshnunna convertit certains biens « en valeurs d’argent suivies de trois autres dispositions qui en convertissent d’autres en mesures d’orge. Ainsi, les mesures en métaux et grains précieux étaient convertibles entre elles » [10]. Les lois de Mosiah semblent avoir été les mêmes à cet égard : « Un sénum d’argent était égal à une sénine d’or, soit pour une mesure d’orge, et aussi pour une mesure de toute espèce de grain » (Alma 11:7) [11]. Les deux systèmes permettaient même aux gens de vendre une gamme de produits tout en mesurant toujours leur valeur en termes d’or, d’argent ou d’orge [12].

Même les motivations à l’origine des deux lois semblent avoir été semblables : normaliser les salaires quotidiens pour certaines professions [13]. Les lois d’Eshnunna fixaient les prix pour le travail de gens comme les pêcheurs et les bateliers [14], tout comme le roi Mosiah fixait un salaire bien déterminé pour les juges : « Et le juge recevait comme salaire selon son temps : une sénine d’or pour un jour... et cela est selon la loi qui a été donnée » (Alma 11:3) [15].

Le pourquoi

Parce que les lois d’Eshnunna n’ont été découvertes qu’au milieu du XXe siècle, les ressemblances entre les codes juridiques de Mosiah et d’Eshnunna sont un rappel subtil de l’authenticité du Livre de Mormon [16]. Mais bien plus encore, elles en disent long sur le genre de souverain qu’était le roi Mosiah. Tout comme les codes de droit du Proche-Orient ancien visaient à établir la justice et à protéger les plus faibles, explique Welch, « le roi Mosiah décréta ses lois expressément pour instaurer la paix et l’égalité dans le pays (voir Mosiah 29:38, 40) [17]. »  

Son désir de normaliser les poids et mesures montre qu’il tenait à ce que les juges qui allaient le remplacer aient une rémunération équitable [18]. Ce détail peut aider à expliquer partiellement pourquoi le peuple de Mosiah « [devint fort] dans l’amour » envers lui et « l’estim[ait] plus que n’importe quel autre homme ». Ses actions montraient qu’il n’était pas « un tyran qui cherchait le gain, oui, le lucre qui corrompt l’âme ; car il ne leur avait pas extorqué de richesses [19].  » Ses lois avaient contribué à créer « la paix dans le pays, » si son peuple « [l’estimait], oui, à l’extrême, au-delà de toute mesure » (Mosiah 29:40).

Cette normalisation changea considérablement la société néphite et aurait pu conduire à un système politique juste et stable. Malheureusement, le nouveau système ne tarda pas à être corrompu, avec des juges qui tentaient artificiellement de se donner plus de travail, ce qui conduisit de manière prévisible à des résultats désastreux. On ne peut cependant pas reprocher à Mosiah la corruption d’un système équitable [20].

Les ressemblances entre les lois du code d’Eshnunna et de celui de Mosiah soulignent la volonté de Mosiah de créer la justice, la paix et l’équité dans tout son royaume, mais elles montrent également au lecteur quelque chose d’autre à son sujet [21]. Si son désir de mettre fin à sa lignée avait été un simple geste, il n’aurait presque certainement pas pris avec autant de soin des dispositions pour ceux qui allaient remplir les postes de direction après lui. L’attention minutieuse qu’il portait, même en ce qui concernait le salaire des juges, montre sa véritable préoccupation pour la survie du nouveau système des juges au cours des générations futures. [22]

Notes

[1] Joseph Fielding McConkie et Robert L. Millet, Doctrinal Commentary on the Book of Mormon, 4 vols. Salt Lake City, UT, Bookcraft, 1987, 2:318.

[2] Paul Y. Hoskisson, “Mosiah2,” dans Book of Mormon Reference Companion, dir. de publ. Dennis L. Largey, Salt Lake City, UT, Deseret Book, 2003, p. 569.

[3] John W. Welch, “The Law of Mosiah,” dans Reexploring the Book of Mormon: A Decade of New Research, dir. de publ. John W. Welch, Salt Lake City et Provo, UT, Deseret Book et FARMS, 1992, p. 160.

[4] John W. Welch, “Weighing and Measuring in the Worlds of the Book of Mormon,” Journal of Book of Mormon Studies 8, no. 2, 1999, p. 40. On trouvera une autre vision des choses basée sur des exemples égyptiens dans John Gee, “Wages and Measures in the Book of Mormon,” sur Ether’s Cave: A Place for Book of Mormon Research, 15 septembre 2013.

[5] Welch, “The Law of Mosiah”, p. 160.

[6] Welch, “Weighing and Measuring”,  p.  41. En plus de ses ressemblances avec un système mésopotamien, note ci-desspus, ce système rappelle aussi vaguement un système de poids et mesures égyptien. Paul Rytting, “Mosiah2,” dans Encyclopedia of Mormonism, 4 vols., dir. de publ. Daniel H. Ludlow, New York, NY, Macmillan, 1993, 2:960.

[7] Welch, “Nephite Economics”, p. 148.

[8] Welch, “Nephite Economics”, p. 148.

[9] Welch, “Nephite Economics”, p. 148.

[10] Welch, “Nephite Economics”, p. 148.

[11] Il y a quelques variantes textuelles dans la liste de noms des poids et mesures. Voir Royal Skousen, dir. de publ., The Book of Mormon: The Earliest Text, New Haven, CT, Yale University Press, 2009, p. 763. Voir aussi Royal Skousen, dir. de publ., The Printer’s Manuscript of the Book of Mormon, Part One: 1 Nephi 1–Alma 17, The Book of Mormon Critical Text Project, Volume 2, Provo, UT, FARMS, 2001, p. 441–442; Royal Skousen et Robin Scott Jensen, dir. de publ., Revelations and Translations, Volume 3, Part 1: Printer’s Manuscript of the Book of Mormon, 1 Nephi 1–Alma 35, The Joseph Smith Papers, Salt Lake City, UT, Church Historian’s Press, 2015, p. 409–411.

[12] Welch, “Weighing and Measuring”, p. 41.

[13] Martha Roth, “The Laws of Eshnunna,” dans The Context of Scripture, 3 vols., dir. de publ. William W. Halo, Leiden: Brill, 2003, 2:333.

[14] Roth, “The Laws of Eshnunna”, 2:333.

[15] Brant A. Gardner, Second Witness: Analytical and Contextual Commentary on the Book of Mormon, 6 vols., Salt Lake City, UT, Greg Kofford Books, 2007, 4:183.

[16] Welch, “Nephite Economics”, p. 149.

[17] Welch, “Nephite Economics”, p. 148.

[18] Pour plus de details sur cette transition, voir Byron R. Merrill, “Government by the Voice of the People: A Witness and a Warning,” dans Mosiah, Salvation Only Through Christ, dir. de publ. Monte S. Nyman et Charles D. Tate, Jr., The Book of Mormon Symposium Series, Volume 5, Provo, UT, Religious Studies Center, Brigham Young University, 1991, p. 113–137. Book of Mormon Central, “What Do the Jaredites Have to Do with the Reign of the Judges? (Mosiah 28:17),” KnoWhy 106, 24 mai 2016; Book of Mormon Central, “How Were Judges Elected in the Book of Mormon? (Mosiah 29:39)”, KnoWhy 107 25 mai 2016.

[19] Ceci fait contraste avec le commencement de l’histoire de Zeezrom où se trouve le système des poids et mesures. See Book of Mormon Central, “Why Would Zeezrom Attempt to Bribe Amulek? (Alma 11:22),” KnoWhy 118, 9 juin 2016).

[20] John W. Welch, The Legal Cases in the Book of Mormon, Provo, UT, Brigham Young University Press et Neal A. Maxwell Institute for Religious Scholarship, 2008, p. 252–254.

[21] Hugh Nibley, Since Cumorah, The Collected Works of Hugh Nibley, Volume 7, Salt Lake City et Provo, UT, Deseret Book et FARMS, 1988, p. 351.

[22] Pour plus de details sur la personnalité du roi Mosiah, fils de Benjamin, voir Kay P. Edwards, “The Kingdom of God and the Kingdoms of Men (Mosiah 25–29)”, dans The Book of Mormon, Part 1: 1 Nephi to Alma 29, dir. de publ. Kent P. Jackson, Studies in Scripture: Volume 7, Salt Lake City, UT, Deseret Book, 1987, p. 270–282.