Au début du Livre de Mormon, Néphi, incité par
lEsprit du Seigneur, tue Laban. Lévénement ne dérange pas seulement le
lecteur moderne, il constitue pour Néphi lui-même un douloureux cas de conscience. Alors
pourquoi le mentionner dans le Livre de Mormon ? Ny avait-il pas une autre solution
? Est-il concevable que le Saint-Esprit incite au meurtre ? Quelles étaient les pratiques
juridiques dans lIsraël antique ?
PERSPECTIVES JURIDIQUES SUR L'EXECUTION DE LABANJohn W. Welch
Provo, Utah, Maxwell Institute, 1992, pp. 119-141
Les opinions exprimées dans cet article sont les idées de l'auteur et ne représentent
pas la position du Maxwell Institute, de l'université Brigham Young ou de l'Église de
Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.
Sommaire : Cet article réunit des éléments juridiques antiques pour montrer que
lexécution de Laban par Néphi doit être vue comme un homicide involontaire
protégé plutôt que comme un homicide criminel. La loi biblique concernant le meurtre
exigeait un plus haut niveau de préméditation et d'hostilité que ce que Néphi a
manifesté ou que ce que la loi moderne exige. Largument est quExode 21:13
protégeait plus que les meurtres accidentels ou les actes inconscients, en particulier
dans les cas où lon considérait que cétait Dieu qui avait livré la victime
entre les mains du meurtrier. Larticle explore diverses raisons pour lesquelles
Néphi pouvait tuer Laban, notamment les idées antiques sur le sacrifice dune
personne au profit d'une communauté entière. D'autres facteurs dans le Livre de Mormon
ainsi que dans le meurtre de lÉgyptien par Moïse dans Exode 2 corroborent la
conclusion que Néphi na pas commis l'équivalent d'un meurtre avec préméditation
en vertu des lois de son temps.
Quand il retourne dans la ville de Jérusalem tard le soir
dans un dernier effort pour obtenir les plaques dairain, Néphi na pas la
moindre idée de la façon dont les plaques pourront jamais tomber en sa possession. La
ville est endormie ; il ny a pas la moindre la chance de rencontrer de nouveau Laban
ou de négocier de nouveau avec lui ; un appel à des amis ou une intercession de la part
de sympathisants de Léhi semblent improbables ; Néphi lui-même est fils d'un prophète
qui fuit devant la justice (en tous cas dans lesprit de ceux qui pensent quil
devrait être exécuté au même titre que le prophète Urie, fils de Schemaeja ; cf.
Jérémie 26:23). Néphi semble être entré dans la ville sans armes, ne sattendant
absolument pas à trouver un moyen déterminé davoir accès au trésor verrouillé
qui contient les plaques. Il a dû être tout à fait surpris par les événements qui se
sont déroulés ce soir-là.
L'histoire du succès inattendu de Néphi dans 1 Néphi 4
peut être considérée aujourd'hui sous des angles différents et il est évident
quelle figure dans les annales de Néphi pour plusieurs raisons importantes. Par
exemple, ce récit dramatique démontre l'importance religieuse des Écritures et le rôle
essentiel de la loi dans les désirs de Dieu à légard du peuple de Néphi. Si la
loi est suffisamment importante pour qu'un homme périsse afin qu'une nation entière
puisse l'avoir, le message est clair que la nation devra être diligente pour ne pas
dégénérer dans lincrédulitéune leçon qui sera soigneusement entretenue
pendant de nombreuses années dans la mémoire néphite (1 Néphi 4:13 ; Omni 1:14 ; Alma
37:3-10). De plus, dans l'esprit de Néphi, les événements de ce soir-là vont valider
les promesses que le Seigneur lui a faites personnellement sur le respect des
commandements, la prospérité dans le pays et la fonction de gouverneur et
dinstructeur de ses frères (1 Néphi 2:20 ; 4:14, 17). Dun point de vue
politique, le récit en est certainement venu à jouer un rôle important parmi les
récits fondateurs de la culture et de la société néphites, parce que il montre comment
Dieu a miraculeusement mis une copie de leurs lois fondamentales entre leurs mains (1
Néphi 5:8-10). Le fait que seul Néphi est capable dobtenir les plaquestandis
que ses frères ineptes et infidèles sont incapables daccomplir la tâche que leur
père leur a confiéelégitime la prétention de Néphi à posséder les plaques et
à diriger le groupe. En effet, pendant plusieurs siècles après cela, les Lamanites vont
accuser les Néphites de les avoir dépouillés de la possession légitime de ces plaques
(Mosiah 10:16), mais les faits rapportés à propos des événements de ce soir-là
montrent clairement que cest bel et bien Néphi qui est le propriétaire légitime
des plaques, est le successeur légitime de son père Léhi et peut réussir, avec l'aide
de Dieu, là où ses frères non seulement ont échoué mais ont dit que ce nétait
pas faisable [1]. En conséquence, pendant les six cents années qui vont suivre,
lun des symboles les plus importants de l'autorité chez les Néphites va être la
possession des plaques dairain (voir Mosiah 1:16 ; 28:20 ; 3 Néphi 1:2) [2].
L'histoire de Laban remplit donc plusieurs buts dans les annales néphites : religieux,
politique, historique et personnel.
L'histoire a également des dimensions juridiques
importantes. De par sa nature même, l'épisode réclame une analyse et un commentaire
juridiques : L'histoire comporte le meurtre d'un homme, qui devait normalement entraîner
les conséquences judiciaires en vigueur à lépoque. La terminologie du récit est
également juridique : les mots précis et les concepts techniques utilisés par Néphi
montrent qu'il a écrit cette histoire en pensant aux lois bibliques qui, d'une manière
justifiable, jettent une lumière favorable sur cet épisode. En conséquence,
lexécution de Laban par Néphi peut être évaluée de manière profitable grâce
aux perspectives que donnent les principes juridiques en vigueur du temps de Néphi. On
les trouve principalement dans Exode 21:12-14, Deutéronome 19:4-13 et Nombres 35:9-34,
traités ci-après.
L'analyse suivante présente plusieurs facteurs qui
réduisent sensiblement la culpabilité de Néphi en vertu de la loi de Moïse telle
quon la comprenait probablement du temps de Néphi, vers 600 av. J.-C. Néphi a
peut-être enfreint la loi américaine de lépoque de Joseph Smith, mais il s'avère
qu'il a commis un homicide excusable en vertu de la loi publique de son époque à lui.
Cela ne veut pas dire que Néphi aurait été acquitté et déclaré libre de se promener
dans les rues de Jérusalem sil avait été amené devant un tribunal juif à
Jérusalem et jugé pour avoir tué Laban, bien que Néphi aurait pu soulever plusieurs
arguments en sa faveur si pareil procès avait jamais eu lieu [3]. Mais vu sous un angle
pratique, le cas de Néphi naurait probablement jamais été porté devant un
tribunal officiel parce que les deux témoins requis manquaient, rendant une condamnation
capitale techniquement impossible (Nombres 35:30 ; Deutéronome 19:15). Mais si une action
en justice avait été intentée à Néphi, lancienne loi biblique semble avoir
reconnu deux types de meurtreexcusable et inexcusableet on peut montrer que
lexécution de Laban tombe tout à fait spécifiquement dans la catégorie des
meurtres excusables.
Le texte biblique principal qui explique l'application du
commandement général : « Tu ne commettras point de meurtre (ratsach) » (Exode 20:13),
se trouve dans Exode 21:12-14. Il dit :
« Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de
mort. Sil ne lui a point dressé dembûches, et que Dieu lait fait
tomber sous sa main, je tétablirai un lieu où il pourra se réfugier. Mais si
quelquun agit méchamment contre son prochain, en employant la ruse pour le tuer, tu
larracheras même de mon autel, pour le faire mourir. ».
Le châtiment normal pour le meurtre en vertu de la loi
biblique du temps de Néphi était apparemment la mort (Genèse 9:6). Les savants
bibliques ont cependant vigoureusement examiné la probabilité que lon pouvait
payer une rançon ou une indemnité (kofer), particulièrement dans les cas impliquant des
actes non prémédités ou une causalité indirecte [4]. À titre de comparaison, les lois
hittites (vers 1400-1300 av. J.-C.) contenaient des dispositions explicites permettant de
donner des esclaves ou d'autres personnes dans les cas de meurtre non prémédité se
produisant lors dune querelle ou de manière involontaire (« [seule] sa main
agissant mal »), tout en excusant totalement les meurtres avec circonstances aggravantes
qui se produisaient dans le feu de la passion, augmentant ainsi la possibilité que la loi
hébraïque contienne ses propres circonstances atténuantes [5].
Bien quil ne soit pas possible de dire avec
précision quelles étaient les dispositions de ces lois antiques, Exode 21:13-14 montre
clairement que tous les meurtres nétaient pas coupables en vertu de la loi
biblique. Si un meurtre se qualifiait comme meurtre excusable en vertu de ces
dispositions, la loi stipulait que le Seigneur désigne « un lieu où [le meurtrier]
pourra se réfugier ». Cela ne voulait pas dire que le meurtrier était automatiquement
libre, seulement quil lui était permis de se sauver dans une ville de refuge et
dy rester pour être jugé (Nombres 35:12). Sil était alors prouvé par des
témoins que le meurtrier avait agressé méchamment sa victime en employant la ruse ou
avec inimitié pour la tuer, on lemmenait hors de la ville de refuge et il était
mis à mort par lun des membres de la famille de la victime agissant comme «
vengeur du sang » comme on appelait cela (Deutéronome 19:12) [6]. Sil
savérait que le meurtrier n'avait pas prémédité l'événement, il était
toujours considéré comme entaché par le sang mais un asile lui était accordé dans une
ville de refuge jusqu'à la mort du grand prêtre régnant, et à de moment-là il pouvait
retourner sans risque à son ancienne ville. Néphi était bien entendu prêt à
fuirnon seulement de sa ville de résidence, mais même du pays dIsraël ;
donc même dans la mesure où il aurait pu être considéré comme entaché par le sang
pour voir tué Laban, Néphi ne souillait pas le pays, parce que il n'y est pas resté
[7].
Cependant, la question cruciale est de savoir si la loi
dExode 21:13-14 était applicable dans le cas de lexécution de Laban par
Néphi. Pour déterminer la réponse, nous devons soigneusement examiner les deux
éléments principaux qui y sont mentionnés. Le premier concerne l'état d'esprit du
meurtrier. Comme nous allons lexpliquer, le meurtrier ne doit pas avoir dressé
dembûches ou, en d'autres termes, ne doit pas être venu méchamment (avoir
projeté lacte) pour tuer sa victime en employant la ruse. Le second concerne le
rôle de la volonté divine : Dieu doit livrer la victime entre les mains du meurtrier.
Quil ait été nécessaire de satisfaire les deux éléments, ou seulement un, pour
prouver qu'un meurtre était juridiquement excusable en vertu de la loi de Moïse [8], le
meurtre de Laban par Néphi satisfait probablement les deux. Après avoir commenté ces
deux éléments, je traiterai brièvement des précédents bibliques et des attitudes
traditionnelles dans la loi juive qui, dans certaines circonstances, permettaient
quune personne soit tuée afin de sauver la vie d'une ville ou d'une communauté
tout entière. Je finirai alors par les éléments fournis par le Livre de Mormon et
également par le meurtre de l'Égyptien par Moïse dans Exode 2 pour corroborer la
conclusion que le meurtre de Laban par Néphi n'était pas léquivalent dun
meurtre en vertu de la loi de Moïse.
1. Létat d'esprit de Néphi. Les faits de base
concernant l'état d'esprit de Néphi dans ce cas-ci sont bien connus. Il entre à
Jérusalem tard le soir, probablement sans armes, espérant obtenir les plaques
dairain. Il ne sait pas à l'avance ce qu'il va faire. Il tombe sur Laban ivre dans
la rue. Il est contraint à plusieurs reprises par l'Esprit du Seigneur de tuer Laban et
il finit par lui couper la tête avec sa propre épée. Quand il tue Laban, Néphi ne
cherche pas à se venger, il agit à contrecur, sans haine et en toute bonne foi.
Il est évident que le concept antique de la
préméditation (si nous pouvons utiliser un tel terme) était différent du concept de la
préméditation en vertu de la loi américaine ou britannique moderne. Le concept moderne
requiert simplement le fait de savoir ce que lon fait et ladite volonté n'a pas
besoin d'être manifestée plus tôt quà l'instant même du passage à lacte.
Par contre, le concept archaïque de la préméditation veut que le meurtre soit
préparé, conçu, comploté ou exécuté par lune ou lautre forme de
traîtrise, d'embuscade, de sabotage ou de mise à laffût. « Dresser des embûches
» est le terme utilisé pour décrire la tactique astucieuse du chasseur traquant sa
proie (comme dans Genèse 10:9 ; 25:27-28 ; 27:3, 5, 7, 33) ; et le mot « méchamment »
exprime « le défi insolent de la loi » [9]. Cest ainsi que Bernard Jackson a
conclu : « La préméditation [dans la loi biblique] signifie que l'action en question
était le résultat d'un dessein conçu à lavance, pas d'un désir né dans le feu
de laction. Ainsi tous les actes intentionnels ne sont pas prémédités [10]. »
Plusieurs indices forts indiquent que Néphi a la
définition antique à l'esprit quand il écrit l'histoire de Laban. Il a la confiance
implicite que le Seigneur pourrait, d'une manière miraculeuse inconnue, «
faire
périr Laban » tout comme il avait vaincu les Égyptiens à la mer Rouge (1 Néphi 4:3).
Il souligne expressément le fait qu'il ne sait pas ce qu'il va faire quand il entre dans
la ville de Jérusalem : « Jétais conduit par lEsprit, ne sachant pas
davance ce que jallais faire » (1 Néphi 4:6). Ce point est crucial, parce
quil prouve que Néphi ne sattendait pas à trouver Laban et qu'il nil
ne savait pas que Laban serait dehors avec les anciens de la ville, où Laban serait ou
qu'il serait ivre. L'occasion s'est présentée spontanément. Néphi est tout à fait
surpris de trouver Laban. Son acte nest pas prémédité et nest donc pas
coupable.
Toutefois, une interprétation postérieure dExode
21:13-14, que lon trouve plus couramment, limiterait son application aux meurtres
accidentels indépendamment de l'état d'esprit du meurtrier. Par exemple, plusieurs
commentateurs bibliques, sans examiner la question ni la traiter, acceptent sans plus la
thèse que ces versets stipulent seulement « que le meurtrier accidentel aura un endroit
qui lui sera désigné pour sy réfugier [11] » ou que ce droit dasile « se
limitait aux cas dhomicide accidentel exclusivement [12]. » Si une lecture aussi
limitée de ce texte est correcte, le meurtre de Laban par Néphi ne serait pas couvert
par la notion d'asile dExode 21, parce que ce meurtre ne peut en aucune façon être
décrit comme un accident.
Cependant, l'interprétation limitée de lhomicide
par négligence ou excusable dans Exode 21:13-14 et les textes qui sy rapportent
nest pas convaincante. Sil est vrai que Deutéronome 19:4-5 donne comme
exemple d'homicide excusable le cas où un homme et son prochain coupent du bois et que le
fer dune hache échappe accidentellement du manche et tue le prochain, cela ne
signifie pas que la définition de lhomicide excusable ne concerne que les accidents
exceptionnels. Si telle avait été l'intention, on naurait pas eu besoin des trois
définitions précisant que le meurtrier navait pas été lennemi de son
prochain dans le passé (Deutéronome 19:4), n'avait pas agi « méchamment » contre son
prochain en employant la ruse pour le tuer (Exode 21:14) ou ne l'avait pas blessé « par
un mouvement de haine » ou « par inimitié » (Nombres 35:20, 22). Autrement dit, comme
Jackson conclut : « Il semble que lon traite lhomicide non prémédité mais
intentionnel de la même façon que lhomicide purement accidentel [13] ». En
d'autres termes, le concept de lhomicide excusable inclut plus que le meurtre
purement accidentel. Ben Zion Eliash est du même avis : quoique lon ne voie « pas
bien le rapport exact entre l[état d'esprit] du meurtrier envers la victime ou son
mobile pour tuer, et la classification de ce meurtre soit comme intentionnel soit comme
involontaire », il est clair que « même une mort provoquée par un coup intentionnel
nest pas un homicide intentionnel à moins que ce coup nait été accompagné
d'inimitié [14]. » Par conséquent, si les intentions de Néphi navaient pas été
conçues à lavance avec malveillance ou avec inimitié, il rentrerait facilement
dans la définition d'un meurtrier protégé en vertu de la loi de son temps.
Il est évident que cest pour cette autre raison que
Néphi certifie de manière assez détaillée qu'il n'avait aucun désir de tuer Laban et
qu'il n'a pas commis lacte par inimitié à cause de lune quelconque des
offenses de Laban contre sa famille et lui. Néphi raisonne en lui-même : « Je savais
aussi qu'il avait cherché à m'ôter la vie; oui, et il ne voulait pas écouter les
commandements du Seigneur, et il s'était également emparé de nos biens » (1 Néphi
4:11), mais il est conscient du fait quaucun de ces prétextes ne justifierait le
meurtre de Laban que ce soit devant la loi ou devant la justice de Dieu. Il résiste à
cette mission qui lui déplaît, se disant dans son cur : « Jamais à aucun moment
je nai versé le sang de lhomme » (1 Néphi 4:10). Il ne va pas agir par
haine ou par inimitié, bien que la signification de ce dernier terme manque un peu de
clarté [15].
En outre, il ne faut pas interpréter Nombres 35:11, 15 et
Josué 20:3, 9, qui semblent exiger que le meurtre se produise « involontairement »,
comme limitant la capacité d'une personne dans la situation de Néphi de se sauver dans
une ville de refuge et de chercher à être disculpé, simplement parce qu'il était
conscient de son action au moment où elle avait lieu. Le mot hébreu traduit «
involontairement » est shegagah. Signifiant « pécher par ignorance », ce mot apparaît
également dans Nombres 15:28 (comparer avec Mosiah 3:11). Il dérive du mot shagag,
signifiant ségarer, pécher, être à côté de la plaque, être trompé ou errer,
mais pas nécessairement de manière inconsciente. Selon la façon dont on comprend ces
mots, ils peuvent impliquer que la personne a agi peut-être avec négligence mais au
moins ignorante des conséquences de son acte ou qu'elle a mal calculé ou mal jugé.
D'autres à Jérusalem auraient pu juger que Néphi avait agi par erreur [16] et il peut y
avoir eu des distinctions juridiques antiques entre divers genres d'erreurs (c.-à-d.,
ignorance de la loi, erreurs de fait, mauvaise évaluation des conséquences, etc.), mais
personne naurait douté que si Néphi avait péché, il lavait fait sans se
rendre compte que cétait un péché et avait agi en toute bonne foi. Si lon
prend pour critère la législation juive postérieure, qui peut jeter un peu plus de
lumière sur le sujet, « un meurtre commis par quelqu'un croyant erronément que ses
actes étaient permis » était considéré comme de la négligence grave, mais le
meurtrier n'était pas punissable [17] ; du moins, a-t-il été argumenté, il « devrait
être traité moins sévèrement que quelqu'un qui tue quelquun dautre par
ignorance du commandement plus fondamental de ne pas tuer [18]. » Donc, lacte de
Néphi aurait probablement relevé de la protection supplémentaire de méfaits commis «
involontairement », pour autant que cela soit considéré comme méfait.
La conclusion ci-dessus, basée sur un examen de la
terminologie hébraïque, est confirmée pour d'autres raisons par le mot grec utilisé
dans la Septante pour traduire shegagah dans Nombres 15:28. Le mot grec est akousios,
forme contractée d'aekousios, signifiant littéralement « à contrecur ». Sa
racine est hekousios, de hekon, dénotant une action qui est « volontaire, consentante,
acte délibéré » dont on est maître ; et ainsi son opposé, akousios, est une action
qui est « contre la volonté, contrainte [19] », « prévue mais non désirée [20] ».
Ce terme est utilisé comme terme juridique par Antiphon, Platon et Aristote pour
désigner « laction involontaire », notamment des actions telles que « le meurtre
involontaire » ou le fait de larguer la cargaison d'un bateau afin de sauver le navire et
ses passagers. Il est évident que son sens était plus large que notre mot involontaire
[21]. Aristote reconnaît que beaucoup de questions philosophiques difficiles sont
soulevées par des « actes commis par crainte d'une situation pire ou dans un but noble
» et il conclut que ces actes « mixtes » se rapprochent dune conduite volontaire
au moment où ils sont commis ; mais son intérêt principal n'est pas juridique et il ne
traite ou ne résout donc pas la question. En tous cas, les commentaires d'Aristote
montrent que le sujet donnait lieu à de vives discussions dans le monde antique : quand
une action nétait vraiment pas désirée par l'agent humain, on pouvait
certainement prétendre qu'elle revenait à une conduite involontaire quand il
sagissait dévaluer la culpabilité juridique, tant que les circonstances
étaient méritoires [22].
Ces notions, venant du monde grec quelques siècles
seulement après le temps de Néphi, offrent un point de comparaison précieux pour
évaluer l'état d'esprit de Néphi. Celui-ci déclare : « Et je reculais et souhaitais
ne pas devoir le tuer » (1 Néphi 4:10). Ceci prouve que l'acte de Néphi était
fortement contre sa volonté et son désir et par conséquent était involontaire aussi
bien dans la conception hébraïque que dans la grecque. De plus il dit qu'il était «
contraint par l'Esprit de tuer Laban » (1 Néphi 4:10). « Contraindre » était un mot
anglais fort du temps de Joseph Smith, signifiant « obliger ou forcer ; pousser avec une
force irrésistible ou avec un pouvoir suffisant pour produire l'effet » et « produire
en opposition à la nature [23]. » Étant « contraint », Néphi ne doit pas être
considéré comme agissant de manière consentante, selon ses prédilections, mais comme
obéissant à une autorité supérieure pour réaliser le moindre de deux maux. Cest
ainsi que Néphi conclut cette section de son récit en disant : « Et alors, lorsque moi,
Néphi, jeus entendu ces paroles
jobéis à la voix de l'Esprit » (1
Néphi 4:14, 18). En conséquence, Nombres 15:28 ; 35:11, 15 et Josué 20:3, 9 devaient
englober juridiquement l'action de Néphi dans le concept de la conduite « involontaire
» et ne le faisaient pas sortir des principes de l'asile ou de la culpabilité
atténuée.
Après avoir constaté que la définition de
lhomicide excusable allait plus loin que le meurtre purement accidentel et n'était
pas limitée par ce que les lecteurs modernes considéreraient comme des actes commis «
involontairement », nous devons maintenant nous demander si cette loi d'Exode 21 allait
suffisamment loin pour inclure même un meurtre avec une épée. En effet, l'application
dExode 21 au meurtre de Laban ne devait pas être exclue dans l'esprit de Néphi par
Nombres 35:16, même si ce meurtre était par l'épée. Nombres 35:16 dit : « Si un homme
frappe son prochain avec un instrument de fer, et que la mort en soit la suite, cest
un meurtrier. » Cette disposition doit cependant être lue dans son contexte. Le but de
Nombres 35:16-24 est, essentiellement, d'établir la règle que la charge de la preuve
doit incomber à ou au nom du vengeur du sang qui poursuit un meurtrier jusquà un
endroit de refuge [24] et ce texte énonce plusieurs considérations aux fins de preuve
que les juges devaient soupeser pour parvenir à leur verdict [25]. Si lon pouvait
prouver que le meurtrier n'avait pas droit à la protection du sanctuaire, l'assemblée
devait juger entre le meurtrier et le vengeur du sang (Nombres 35:24). Les versets 16-18
semblent parler de manière catégorique, créant des règles de responsabilité stricte
qui devaient fonctionner sans souci de l'état d'esprit du meurtrier : Ils stipulent que
sil frappait la victime avec un instrument en fer, la touchait en jetant une pierre
ou la frappait avec une arme en bois, le meurtrier devait être mis à la mort. Mais si
l'utilisation dinstruments, darmes ou de projectiles aussi dangereux pourrait
constituer une forte présomption que le meurtre n'était pas accidentel mais
prémédité, les versets 20-23 montrent que les passages précédents ne visaient pas à
créer des conclusions judiciaires automatiques basées sur ce seul fait uniquement. Le
texte continue : « Si un homme pousse son prochain par un mouvement de haine, ou
sil jette quelque chose sur lui avec préméditation, et que la mort en soit la
suite, ou sil le frappe de sa main par inimitié, et que la mort en soit la suite,
celui qui a frappé sera puni de mort » (Nombres 35:20-21). Ces nuances montrent que la
« haine » ou la « préméditation » doivent encore être prouvées en plus des
éléments de preuve, pas nécessairement concluants, fournis par la nature de l'arme
utilisée [26]. Le texte conclut que si le meurtrier « pousse son prochain subitement et
non par inimitié, ou sil jette quelque chose sur lui sans préméditation, ou
sil fait tomber sur lui par mégarde une pierre qui puisse causer la mort, et que la
mort en soit la suite, sans quil ait de la haine contre lui et quil lui
cherche du mal », l'assemblée acquittera le meurtrier et lui permettra de rester dans la
ville de refuge jusqu'à la mort du grand prêtre régnant (Nombres 35:22-23). Ainsi, il
est possible, dans certaines circonstances, qu'une personne se fasse tuer avec un
instrument de fer sans que cela soit automatiquement considéré comme un homicide
requérant la peine de mort ou toute autre sanction criminelle [27].
Il est évident que la fourchette, dans l'Antiquité, entre
les deux extrêmes de lhomicide intentionnel et de l'homicide involontaire par
négligence était suffisamment large pour susciter plusieurs questions juridiques
auxquelles il est impossible de répondre aujourd'hui avec certitude. Bien que nous ne
puissions pas reformuler, avec une certitude quelconque, une loi précise sur
lhomicide par négligence ou excusable pour la période biblique (et il est douteux
qu'il ait jamais existé une version codifiée des principes ci-dessus) [28], il est tout
à fait clair que plusieurs éléments de l'état d'esprit de Néphi sont des facteurs
susceptibles de prouver qu'un meurtre était excusable et protégé par loi israélite
antique. Ainsi, bien que « la Bible ne contienne aucun principe abstrait par lequel on
pourrait déterminer exactement quels critères le tribunal doit utiliser pour décider si
un meurtre était intentionnel ou involontaire [29] », il est clair que les meurtres
coupables en vertu de la loi biblique devaient être le fait dun état desprit
prémédité, déloyal ou motivé par la haine et que pareille condition était absente
dans le cas de Néphi.
2. Le fait que Dieu avait livré Laban entre les mains de
Néphi. En fin de compte, Laban sera tué pour une seule et unique raison, à savoir parce
que l'Esprit du Seigneur le commande et contraint Néphi à le tuer, parce que « le
Seigneur l'a livré entre [s]es mains » (1 Néphi 4:11, 12 ; voir aussi 1 Néphi 3:29).
Si lon regarde au delà de l'état desprit personnel de Néphi sur la
question, la raison finale de son acte est le fait que Dieu a livré Laban entre les mains
de Néphi. Comme lEsprit le dit, cest le Seigneur qui cause la mort de Laban :
« le Seigneur fait mourir les méchants pour accomplir ses justes desseins » (1 Néphi
4:13). Et, soit dit entre parenthèses, le châtiment biblique typique pour les apostats
invétérés et impénitents était lexécution par l'épée (Deutéronome 13:15).
Le meurtre de Laban n'est pas la seule fois dans
lIsraël antique que Dieu accorde sa sanction à certains meurtres pour favoriser
l'existence et le bien-être nationaux des justes. Pendant la conquête de la terre
promise, il sera commandé à Israël de tuer les habitants de la région afin d'occuper
cette terre et dinstaller Israël et, en conséquence, la loi juive reconnaît une
classification juridique spéciale de certaines guerres obligatoires exigées quand Dieu
le commande [30]. Les guerres des rois étaient facultatives et limitées, mais les
conditions imposées par Dieu dans certaines circonstances faisaient force de loi [31].
Certains se sont demandés pourquoi il fallait que Dieu
commande à Néphi de tuer Laban au lieu de simplement lui dire de mettre les vêtements
de Laban et de profiter du déguisement pour obtenir les plaques. Mais laisser Laban ivre
en vie aurait probablement créé de plusieurs manières des problèmes graves : (1) Laban
aurait pu se réveiller, rentrer chez lui en chancelant ou être aidé à rentrer par
quelqu'un d'autre qui l'aurait trouvé ivre dans la rue ; si Laban était rentré chez lui
tandis que Néphi était là faisant semblant dêtre Laban, Néphi aurait été
extrêmement vulnérable en tant que cambrioleur nocturne. (2) Même si Laban avait passé
la nuit dans la rue, le lendemain matin il aurait repris ses sens et aurait été furieux.
Il aurait pris la tête dune troupe pour rechercher et tuer Néphi et ses frères et
pour récupérer les plaques dairain. Par contre, une fois Laban mort, sa famille et
ceux de sa parenté devaient prendre le deuil et soccuper immédiatement des
obsèques et de l'enterrement. Ils étaient moins motivés à récupérer les plaques que
Laban (d'autant plus qu'ils auraient déjà hérité de l'or et de l'argent de Léhi
grâce à Laban). (3) Il est probable que peu de membres de la famille de Laban étaient
au courant des négociations et des conflits entre Laban et les quatre fils de Léhi.
Zoram parti, les habitants de Jérusalem pouvaient très bien croire que cétait
lui, Zoram, qui avait tué Laban, puisque la ville de Jérusalem avait toutes les raisons
de croire que les quatre fils de Léhi avaient été précédemment chassés de la ville
et n'étaient jamais revenus. Par contre, sil navait pas été tué, Laban
aurait suffisamment connu Zoram et les circonstances pour soupçonner ce qui s'était
passé et se lancer dans une poursuite efficace contre Néphi et ses frères. Ces raisons
expliquent pourquoi il était pratiquement essentiel à l'accomplissement de la tâche de
Néphi que Laban soit tué et, avec un peu d'imagination, plusieurs autres raisons peuvent
probablement être avancées.
Quoi quil en soit, Laban n'a pas été tué pour une
quelconque raison pratique à court terme du moment. Tandis quil se tenait au-dessus
de Laban ivre à se poser des questions, Néphi a dû être tout étonné. Il est
immédiatement attiré par l'épée de Laban, qu'il sort de son fourreau. La splendeur du
travail et le tranchant de la lame dacier vont laisser une impression indélébile
dans l'esprit du jeune homme. Pendant quil est là à admirer cette arme, l'Esprit
le contraint à tuer Laban (1 Néphi 4:10). Néphi regimbe. L'Esprit lui répète : «
Voici, le Seigneur la livré entre tes mains » (1 Néphi 4:11). À trois reprises,
Néphi essaie de raisonner lacte qui lui est commandé, mais l'Esprit lui dit de
nouveau : « Tue-le, car le Seigneur l'a livré entre tes mains » (1 Néphi 4:12).
Les paroles de l'Esprit sont apparemment une citation d'Exode 21:13 : «Sil ne lui a
point dressé dembûches, et que Dieu lait fait tomber sous sa main » À mon
avis, Néphi a dû reconnaître ces mots ou leur équivalent comme venant du Code de
l'Alliance. Israélite, Néphi a certainement appris dans sa jeunesse ce passage
dExode 21. Deutéronome 6:6-7 exigeait des parents pieux dIsraël quils
enseignent à leurs enfants la loi de Moïse, quils en parlent aux repas, la
récitent en cours de route, la répètent avant d'aller au lit et en parlent en se levant
le matin. Un des textes les plus importants de la loi de Moïse était Exode 21-23,
essentiellement une expansion des dix commandements bien connus. Le texte cité par
l'Esprit à Néphi se trouve près du début du Code de l'Alliance.
Le verbe hébreu dExode 21:13 traduit par « livrer
» (innah) napparaît que quatre fois dans la Bible hébraïque. Mayer Sulzberger
voit dans cette expression « une allusion subtile au fait que la sagesse divine » fait
en sorte que des événements se produisent « entre des personnes qui ne sont pas
hostiles entre elles, afin de réaliser des objectifs de justice que la sagesse étriquée
des tribunaux humains ne pourrait pas atteindre [32]. » En conséquence, cette expression
hébraïque rare ou son équivalent signifiait essentiellement pour Néphi que Dieu avait
fait en sorte que Laban et Néphi se rencontrent cette nuit-là [33] et que la mort de
Laban a été occasionnée par laction divine, mais pas dans le sens où cette
expression est comprise aujourdhui [34]. Le lien entre les paroles de l'Esprit et
Exode 21 devait être bien plus évident en hébreu que même en anglais particulièrement
si l'Esprit a utilisé ce mot rare et non lun des mots hébreux plus courants avec
le sens de « livrer », comme par exemple natan, « remettre ».
Néphi a certainement bien compris ce que lEsprit veut lui faire faire : Il na
pas dressé dembûches et le Seigneur a livré Laban entre ses mains. Par
conséquent, pour accomplir les buts du Seigneur, dans ces circonstances exceptionnelles,
le meurtre était sur les deux plans juridiquement justifiable et religieusement
excusable. C'était le genre de meurtre qui était protégé par la miséricorde de Dieu
dans un lieu de refuge situé sous la juridiction de Dieu.
3. Il vaut mieux qu'un homme périsse qu'une nation tout
entière. L'Esprit donne enfin l'explication suivante pour la mort de Laban : « Il vaut
mieux quun seul homme périsse que de laisser une nation dégénérer et périr dans
lincrédulité » (1 Néphi 4:13). Ce point de vue au sujet des droits relatifs de
l'individu ou du groupe a également une longue tradition dans l'histoire juridique
biblique et juive.
L'Ancien Testament jette les bases narratives de la notion juridique selon laquelle, en de
rares circonstances, une personne unique peut être exposée à une mort certaine au
profit de lensemble. David Daube a montré que dans lIsraël ancien il y avait
peu de contrainte morale pour protéger l'individu dans un tel cas :
« Il est clair que les hommes de Juda nentretiennent
aucun scrupule de ce genre dans Juges 15:9-13. Craignant ce que leurs puissants voisins
philistins pourraient faire pour régler leurs comptes avec lindomptable Samson, ils
proposent de le leur livrer enchaîné [35]. »
Et le cas de Schéba, qui sétait rebellé contre le
roi David dans 2 Samuel 20, est encore un exemple où la paix est offerte à une ville
entière en échange de la vie d'un seul homme (2 Samuel 20:21-22).
Ce point de loi, avec ses précédents et son éthique
bibliques, faisait lobjet de vifs débats entre pharisiens et sadducéens du temps
du Christ : La position initiale des pharisiens était « inflexiblement négative :
personne ne devait, au grand jamais, être livré, au risque même dune extinction
[38] » tandis que les sadducéens (notamment Caïphe quand il a condamné Jésus)
étaient plus libéraux (Jean 11:50 ; 18:14) [37]. Ce fut finalement lidée des
sadducéens qui lemporta, comme le montre Genesis Rabbah : « Il vaut mieux tuer cet
homme [Oulla] pour qu'ils ne puissent pas punir l'assemblée à cause de lui [38]. » Au
cours de la période rabbinique, la loi talmudique a continué à creuser profondément la
signification et les implications de ces notions. Utilisés judicieusement, ces débats
confirment le fait que livrer une personne pour quelle soit tuée au profit du
groupe entier était un sujet quabordait la loi biblique.
Dans le Talmud, lhomicide non prémédité a fini par
être subdivisé en cinq catégories : par négligence, accidentel, presque évitable,
sous la coercition ou justifiable [39]. À titre de comparaison avec le cas de Néphi, les
meurtres justifiables comprenaient (1) ceux qui empêchaient un homme den tuer un
autre (et par analogie, le meurtre de Laban par Néphi va empêcher de faire périr
spirituellement le peuple de Léhi) et (2) le fait de livrer à la mort un individu
expressément désigné quand les païens menacent de tuer tout un groupe à moins que
cette personne-là ne soit livrée [40]. Si les rabbins discutaient avec passion et
compassion des circonstances limitées dans lesquelles la vie d'un individu spécifié
pouvait être sacrifiée au profit du groupe [41] et si un cas du quatrième siècle apr.
J.-C. distinguait entre un individu et un groupe sommé de mettre à mort un homme
(l'intéressé doit d'abord se proposer pour être tué) [42], il ne fait guère de doute
que la possibilité de tuer une seule personne dans lintérêt de tous était
reconnue dans la loi juive antique et qu'elle cadrait bien avec le raisonnement
expressément formulé dans le cas de Laban (« Il vaut mieux qu'un seul homme périsse
que de laisser une nation dégénérer et périr dans l'incrédulité », 1 Néphi 4:13).
En effet, la logique était du côté des rabbins qui
soutenaient que cette règle était particulièrement dapplication quand la victime
avait déjà commis un crime méritant la mort et ceci soulève la possibilité
supplémentaire que Laban était d'une manière justifiable condamné à mourir parce
qu'il avait commis un tel crime. Accuser à tort une personne d'un délit capital était
un crime capital en vertu de la loi biblique (Deutéronome 19:19), comme ce létait
au Proche-Orient antique depuis au moins le temps dHammourabi (Code
dHammourabi 1). Puisque Laban avait accusé Laman à tort d'être un « brigand »
(un délit capital) [43] et avait envoyé ses soldats exécuter les fils de Léhi sous ce
prétexte (1 Néphi 3:13, 25), Laban jouait effectivement le rôle dun faux
accusateur. Pareille accusation, venant d'un officier commandant de la ville, était plus
qu'une vaine insulte ; elle avait la force d'une inculpation judiciaire. Comme Néphi et
ses frères étaient impuissants à corriger le tort qui leur était fait, il ne restait
plus que Dieu pour exercer la justice à légard de Laban.
Facteurs à lappui. Trois preuves indirectes
confirment lidée que la loi en vigueur du temps de Néphi considérait le meurtre
de Laban comme quelque chose de moins que lhomicide coupable ou capital [44].
Tout dabord, il est significatif que les frères de
Néphi ne l'accusent jamais denfreindre la loi. Laman et Lémuel ont toutes les
raisons d'accuser Néphi. S'il avait violé la loi même qu'il prétend observer si
scrupuleusement, Laman et Lémuel n'auraient pas manqué de le faire remarquer. Ils
l'accusent dusurpation de pouvoir, dessayer de devenir leur gouverneur et leur
instructeur, d'essayer de les duper par sa ruse et ses « pensées insensées » (1 Néphi
16:37-38 ; 17:20), mais ils ne l'accusent jamais de meurtre. De plus, leurs descendants
vont enseigner à leurs enfants à détester et à assassiner les Néphites parce que
Néphi « leur avait pris des mains le gouvernement du peuple » et les avait dépouillés
» (Mosiah 10:15-17), mais ils ne décrivent jamais Néphi comme un meurtrier. Ceci
implique fortement qu'ils ont accepté l'explication du cas par Néphi comme meurtre
justifiable.
En second lieu, lors du couronnement de Néphi comme roi, ou peu après, Jacob va
sadresser à la jeune assemblée néphite. Il prononce dix malheurs sur ceux qui se
livrent à la méchanceté (2 Néphi 9:27-38). Il est tout à fait évident que ses dix
malheurs suivent le modèle des Dix Commandements [45]. Lun de ces malheurs concerne
le meurtre : « Malheur au meurtrier qui tue délibérément, car il mourra » (2 Néphi
9:35). L'insertion ostensible du mot « délibérément » est une nuance qui nest
pas dans le caractère de Jacob. Rares sont les malheurs stricts de Jacob qui sont
accompagnés d'un tel qualificatif. Le message quil veut faire passer, cest
que seuls ceux qui tuent délibérément sont considérés comme coupables et punissables.
En vertu dExode 21:12-14, cela devait comporter un volonté délibérée, le fait de
« dresser des embûches » ou toute autre planification semblable et de la haine. Maudire
catégoriquement tous ceux qui tuaientparticulièrement lors du couronnement de
Néphiaurait été extrêmement peu diplomatique. Les gens se seraient
immédiatement demandé : « Oui, mais et Néphi alors ? » La réponse est simple. Comme
nous lavons montré ci-dessus, Néphi n'avait pas tué « délibérément ». La
malédiction de Jacob implique qu'il comprenait quExode 21:13 exigeait un haut
niveau de préméditation.
Troisièmement, Néphi n'était bien entendu pas le seul
prophète dans l'Écriture à verser le sang d'un homme. Moïse tue un Égyptien quand il
le voit battre un esclave hébreu ; quand il regarde autour de lui et voit que personne
nest témoin, Moïse tue l'Égyptien et l'enterre dans le sable (Exode 2:11-12).
Craignant de se faire prendre, Moïse se sauve au pays de Madian. Cet événement jette
davantage de lumière sur la signification du caractère intentionnel dans la loi de
lhomicide dans Exode 21. Moïse, le législateur lui-même, aurait pu, tout comme
Néphi, avancer largument que son acte spontané nétait pas prémédité dans
ce sens-là. Encore une fois, il ne sagit pas de dire ici que Moïse navait
pas commis de meurtre, mais seulement que c'était un meurtre qui pouvait être protégé.
Il se sauve et cherche refuge dans le désert de Madian, créant peut-être de ce fait le
précédent dont va découler le procédé étrange des villes de refuge [46]. Pourtant,
ce nest que rarement que lon a fait le lien entre la fuite de Moïse et la loi
biblique sur lasile. Il y a une source juive qui imagine que Moïse a dû être
heureux quand il a reçu cette section de la loi de Dieu, parce que « celui qui a goûté
d'une nourriture en a goûté la saveur » et Moïse « qui avait précédemment été
obligé de se sauver pour avoir tué un Égyptien, savait ce que ressent celui qui est
poursuivi pour un homicide involontaire [47]. » Les cas concrets de Moïse et de Néphi
nous fournissent donc des aperçus pratiques importants concernant la signification de
l'homicide involontaire à lépoque biblique.
Lallusion de Néphi à Moïse pendant que ses frères
et lui savancent silencieusement vers Jérusalem au cours de cette nuit sombre
s'avère être plus prophétique et plus significative que Néphi le pensait probablement
à ce moment-là. Néphi exhorte ainsi ses frères : « Soyons forts comme Moïse
Montons: le Seigneur est capable de nous délivrer, comme il a délivré nos pères, et de
faire périr Laban, comme il a fait périr les Égyptiens » (1 Néphi 4:2-3). Néphi
avait à lesprit la destruction de l'armée égyptienne (il pensait quil
allait rencontrer les cinquante de Laban), mais en fin de compte, ce nest pas une
armée que Néphi détruit, mais un seul homme. Néphi va devenir fort comme Moïse,
suivant l'archétype qui a mis en route l'exode d'Israël d'Égypte. Néanmoins, le
meurtre de Laban va inexorablement sceller le destin du groupe de Léhi comme exilés du
pays de Jérusalem jusqu'à ce qu'ils arrivent, eux aussi, à leur nouvelle terre promise.
En rétrospective, le parallèle entre les actions de Moïse et celles de Néphi a
sûrement été renforcé par le fait que tous les deux avaient été impliqués dans le
meurtre excusable d'un homme.
Remarques finales. Au cours des années, Hugh Nibley a eu
du plaisir à raconter une histoire au sujet de ses étudiants arabes du début des
années 50 qui étaient tenus de suivre un cours de base sur le Livre de Mormon à
l'université Brigham Young. Sachant que l'épisode de Laban avait perturbé la
sensibilité morale de beaucoup de lecteurs du vingtième siècle, Nibley a été
intrigué de voir que ces étudiants trouvaient l'histoire quelque peu invraisemblable
mais justement pour une raison opposée à celle à laquelle il sattendait. Au lieu
d'être dérangés parce que Néphi tuait Laban inconscient, les étudiants trouvaient
bizarre quil hésitait tellement [48]. Si lon ne peut pas se servir de la
réaction de ces étudiants arabes comme exemple de lattitude des habitants de la
ville de Jérusalem vers 600 av. J.-C., elle appuie quand même la thèse que les
différentes cultures ont des valeurs propres et des attentes juridiques bien à elles.
Les lecteurs modernes doivent donc être disposés à tenir compte non seulement des
implications et de limpact moral des événements scripturaires antiques sur la
société contemporaine, mais à considérer aussi ces développements à la lumière des
normes juridiques antiques qui devaient constituer les principes directeurs dans la vies
des gens dautrefois.
Si le vocabulaire et les concepts du dix-neuvième siècle sont par certains côtés
utiles à l'exégèse du Livre de Mormon, l'épisode de Laban est un cas où
lenvironnement du dix-neuvième siècle a peu daide à proposer [49].
Lauditoire de Joseph Smith au dix-neuvième siècle était tout aussi scandalisé
par le meurtre de Laban par Néphi qu'un auditoire moderne. Les premiers critiques du
Livre de Mormon étaient prompts à considérer cet épisode comme une indication claire
que le Livre de Mormon n'était pas inspiré de Dieu, un être divin n'aurait jamais
commandé à un vrai prophète de tuer après avoir déjà commandé : « Tu ne commettras
point de meurtre. » Cette conception ne représente cependant quun point de vue du
dix-neuvième siècle.
Mais quand on lanalyse sur la base de la loi biblique antique, le cas est replacé
dans le bon contexte de termes et de questions juridiques. Il ne sagit pas ici de
dire que le meurtre de Laban nous présente, à nous, lecteurs modernes, un cas facile :
ce nétait pas non plus un cas facile pour Néphi. Cependant, dans son contexte
juridique antique, le meurtre a du sens, légalement et religieusement, comme meurtre non
prémédité, non souhaité, divinement excusable, et justifiablequelque chose de
très différent de ce que nos contemporains considèrent comme homicide criminel.
Notes
1. Voir Noel B. Reynolds, "The Political Dimension in Nephi's Small
Plates", BYU Studies 27 (1987): 15-37; et "Book of Mormon, Government and Legal
History in the," Encyclopedia of Mormonism, New York, Macmillan, 1992, 1:160-162.
2. Gordon Thomasson, "The Complex Symbolism and the Symbolic Complex of Kingship in
the Book of Mormon", FARMS paper, 1982.
3. Létude de deux étudiants de droit, Fred Essig et Dan Fuller, "Nephi's
Slaying of Laban: A Legal Perspective", FARMS preliminary report, 1981, explore
certains des arguments hypothétiques de procédure qui ont pu être avancés pour ou
contre Néphi dans un procès de ce genre.
4. Bernard S. Jackson, Essays in Jewish and Comparative Legal History, Leiden, Brill,
1975, pp. 43-44, traitant aussi des idées de Reuven Yaron et de Moshe Greenberg. Selon
Greenberg, quiconque tuait personnellement un être humain dans lintention de
lui faire du mal ne pouvait pas éviter la peine de mort" en payant une rançon.
Moshe Greenberg, "More Reflections on Biblical Criminal Law, Scripta
Hierosolymitana 31, 1986, p. 16.
5. Lois hittites 1-4, 37-38, 174, dans James B. Pritchard, Ancient Near Eastern Texts
Relating to the Old Testament, Princeton, Princeton University Press, 1969, pp. 189-190.
6. On trouvera un traitement de ce concept dans le contexte du Livre de Mormon dans James
L. Rasmussen, "Blood Vengeance in the Old Testament and Book of Mormon, FARMS
preliminary report, 1981.
7. On trouvera des traitements des préoccupations des Israélites anciens concernant la
culpabilité du sang et la flétrissure quelle entraîne dans Henry McKeating,
"The Development of the Law on Homicide in Ancient Israel, Vetus Testamentum
25, 1975, pp. 57-65; Jacob Milgrom, "Sancta Contagion and Altar/City Asylum,
dans J. A. Emerton, dir. de publ., Congress Volume, Vienna 1990, Vetus Testamentum
Supplement, Leiden, Brill, 1981, pp. 278-310. "Verser le sang dun innocent,
même involontairement, impliquait une culpabilité du sang et aucun meurtrier
nétait considéré comme libre de cette culpabilité" ; Moshe Greenberg,
"The Biblical Concept of Asylum, Journal of Biblical Literature 78, 1959, p.
127. À propos de la doctrine de la pollution qui est apparue en Grèce peu après le
temps de Léhi, voir Robert J. Bonner et Gertrude Smith, The Administration of Justice
from Homer to Aristotle, 2 vols., Chicago, University of Chicago, 1930; réimpression New
York, Greenwood, 1968, 1:53, 194-195, 203-205.
8. On a argumenté quil suffisait de satisfaire à l'un ou l'autre de ces deux
éléments pour qu'un meurtre soit considéré comme involontaire, car le vav du verset
13, habituellement traduit par « mais » a plus de sens dun point de vue
grammatical et contextuel une fois traduit par « ou » surtout si on le compare avec une
construction semblable au verset 16 où le vav ne peut que signifier « ou ». Bernard S.
Jackson, Speakers Lectures, université d'Oxford, 1985, manuscrit non publié, VIII.5-8.
9. Voir Mayer Sulzberger, "The Ancient Hebrew Law of Homicide", Jewish Quarterly
Review 5, 1914-1915, pp. 127-61, 289-344, 559-614, spéc. 290-291, citant Deutéronome
17:12-13; 18:20, 22; Ésaïe 13:11.
10. Jackson, Essays, p. 91; voir aussi pp. 154-55. Pour ce qui est du sens du caractère
intentionnel humain, et son lien théologique dans la pensée juive avec le respect de la
volonté divine, voir Howard Eilberg-Schwartz, The Human Will in Judaism: The Mishnah's
Philosophy of Intention, Atlanta, Scholars Press, 1986; critique de Bernard S. Jackson,
dans Jewish Quarterly Review 81, 1990, pp. 179-88.
11. Greenberg, "Biblical Concept of Asylum", p. 125, italiques ajoutés.
12. Alexander Rofé, "The History of the Cities of Refuge in Biblical Law",
Scripta Hierosolymitana 31, 1986, p. 207, italiques ajoutés. Voir aussi Anthony Phillips,
"Another Look at Murder", Journal of Jewish Studies 28, 1977, p. 121. Autant que
je sache, ceux qui sont de cet avis ne traitent pas la question en profondeur. Menachem
Elon est ambigu: "La peine de mort nest prescrite que pour le meurtre
délibéré [citations], distinct de lhomicide non prémédité ou du meurtre
accidentel." Principles of Jewish Law, Jerusalem: Keter, 1975, p. 475.
13. Jackson, Speakers Lectures, VIII.8.
14. Ben Zion Eliash, "Negligent Homicide in Jewish Criminal Law: Old Wine in a New
Bottle", National Jewish Law Review 3, 1988, pp. 65-98; citation sur 70-71. Pour le
passage où Eliash assimile l "inimitié" à "lintention de
tuer", voir le traitement de Rosenbaum, ci-dessous.
15. On a avancé que le concept antique dinimitié (ebah) allait loin au-delà de la
haine personnelle et était un terme technique qui requiert « un genre différent
d'antipathie que celle qui naît dans le cours quotidien des événements humains ».
Stanley N. Rosenbaum, "Israelite Homicide Law and the Term Enmity' in Genesis
3:15, Journal of Law and Religion 2, 1984, p. 149. Rosenbaum propose que ce terme
hébreu rare désignait à l'origine un état de belligérance qui avait été déclaré
par un chef d'État contre un ennemi du peuple et que ce genre de conflit « ne peut être
résolu que par la mort de l'un d'eux », id., pp. 148-149. En ce qui concerne Genèse
3:15, Rosenbaum propose que Dieu a agi comme un roi de ce genre en déclarant une «
inimitié » entre Satan et la postérité d'Adam et Ève, car « le vrai fruit [de la
séduction de Satan] qui a eu lieu en Éden a été le meurtre », id., p. 150 et ce
conflit ne sera résolu que quand soit Satan soit le roi seront morts. Sa théorie
implique que seuls Dieu ou le roi comme le représentant divin peuvent légitimement
proclamer un tel état d'inimitié et il en déduit que le pouvoir royal de proclamer
l'ebah avait été perverti par des individus dans l'Antiquité et quainsi « le but
de la législation [dans Nombres 35:21-22] était d'empêcher les personnes de proclamer
l'ebah lune contre lautre », id., p. 151. Si cette observation est juste,
elle concernerait le meurtre de Laban, parce que c'est effectivement Dieuet pas
Néphiqui proclame un tel état d'inimitié contre Laban. Quand Laban se fait tuer
par Néphi, ce nest pas en vertu dune quelconque inimitié interdite qu'il se
serait arrogé, à titre personnel, le pouvoir de proclamer.
16. On trouvera une étude intéressante sur les traitements juridiques et littéraires
antiques des erreurs tragiques par opposition aux accidents moralement insignifiants dans
David Daube, "Error and Accident in the Bible", Revue internationale des droits
de l'antiquité 2, 1949, pp. 189-213. Daube, p. 209, conclut qu'aucune loi na été
élaborée pour distinguer l'erreur et l'accident parce que « il est extrêmement
difficile de dégager une erreur relevant dun autre contexte le genre et le niveau
d'erreur dont on veut considérer quelle acquitte un homme. »
17. Eliash, "Negligent Homicide in Jewish Criminal Law", p. 88, citant
Maimonide, Mishneh Torah, Nezikin 6:10.
18. Arnold Enker, "Mistake of Law and Ignorance of Law in Jewish Criminal Law",
2, résumé dune allocution pour la Conference of the Jewish Law Association, Paris,
juillet 1992, le texte complet doit paraître dans le Jewish Law Annual.
19. Henry George Liddell et Robert Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford, Clarendon,
1968, pp. 27, 53, 514-515, 749-750.
20. W. F. R. Hardie, Aristotle's Ethical Theory, Oxford, Clarendon, 1968, p. 153.
21. Antiphon, III, 2, 6; voir dune manière générale Aristote, Ethique III, 1,
8-9.
22. Le troisième livre tout entier de lEthique à Nicomaque se débat dans les
problèmes posés par la classification dun acte comme volontaire, hekousia,
involontaire, akousia, or mixte, miktê. Voir Hardie, Aristotle's Ethical Theory, pp.
152-159.
23. Webster's American Dictionary of the English Language, New York, Converse, 1828.
24. Nombres 35 fixe aussi le droit mais pas le devoir du meurtrier de chercher refuge,
bien que tous les aspects de la situation du vengeur dans la procédure judiciaire qui
sensuit ne soient pas indiqués. Eliash, « Negligent Homicide in Jewish Criminal
Law », p. 68.
25. Ce point de vue est conforme à la conclusion que d'autres ont tirée que Nombres 35 a
été écrit ou utilisé dans le cadre des réformes juridiques de Josaphat, vers 900 av.
J.-C., pour guider les juges dans le traitement des cas d'asile. « Ce passage peut être
attribué à la réforme de Josaphat » ; voir Rosenbaum, « Israelite Homicide Law », p.
151, citant Albright et Childs. En effet, Josaphat a nommé des prêtres et des anciens
pour juger « entre le sang et le sang » dans toutes les villes entourées de murs de
Juda (2 Chroniques19:5-11). Cependant, les règles de Nombres 35 donnent des directives à
l'assemblée en général, pas à un groupe choisi de prêtres ou de juges en matière de
preuve (voir Nombres 35:24-25).
26. Elon, Principles of Jewish Law, p. 475, affirme, au contraire, que nimporte
lequel des éléments suffisait à lui seul : « Le caractère intentionnel ou la
préméditation sont établis en prouvant soit qu'un instrument mortel a été utilisé
(Nombres 25:16-18), soit que lassaillant entretenait de la haine ou de
linimitié à légard de la victime (Nombres 35:20-21). » Cette lecture
ignore toutefois Nombres 35:22-23, qui stipule qu'un geste brusque sans hostilité est
excusable, même sil est fait avec un instrument mortel.
27. On trouvera dautres raisonnements dans le même sens dans Eliash,
"Negligent Homicide in Jewish Criminal Law", pp. 70-71.
28. Id., pp. 69-71.
29. Id., p. 69.
30. On trouvera dautres détails dans mon article "Law and War in the Book of
Mormon", dans Stephen D. Ricks et William J. Hamblin, dir. de publ., Warfare in the
Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret Book et FARMS, 1990, p. 49.
31. George Horowitz, The Spirit of Jewish Law, New York, Bloch, 1953, pp. 147-148.
32. Sulzberger, "The Ancient Hebrew Law of Homicide", p. 292.
33. L'hébreu peut être traduit : « Dieu [ha-Elohim] l'a fait rencontrer », Jackson,
Essays, p. 91, n. 98 ; mais cette expression nest attestée nulle part et sa
signification n'est donc pas entièrement sûre. Eliash rend cette expression ainsi : «
Et le Seigneur fit en sorte que cela vienne [par] sa main », voir « Negligent Homicide
in Jewish Criminal Law », p. 69. Paul Hoskisson suggère dans une correspondance privée
datée du 2 juin 1981, qu'on devrait comprendre que l'hébreu veut dire que « Dieu a fait
que l'occasion lui soit donnée » à savoir celui qui a été tué. Les traducteurs grecs
de la Septante, trois siècles après Néphi, ont rendu ces mots hébreux par alla ho
theos paredoken eis tas cheiras autou, littéralement « mais Dieu la livré entre
ses mains ». En dépit des nuances que la traduction peut apporter ici, le message a dû
en tous cas être clair pour Néphi : Dieu l'avait fait tomber sur Laban ou avait fait en
sorte que ce résultat tombe sur Laban ou avait livré Laban entre ses mains.
34. La participation de Dieu aux fins dExode 21:13 ne doit pas être confondue - ce
serait un anachronisme - avec la notion juridique moderne de « force majeure », qui a
pris le sens d « acte occasionné exclusivement par une violence de la nature sans
intervention dun agent humain ». Black's Law Dictionary, rév. 4e éd., St. Paul,
MN, West, 1968, p. 43.
35. David Daube, Appeasement or Resistance, Berkeley, University of California Press,
1987, p. 79.
36. Id.
37. Voir id., pp. 86-88.
38. Genesis Rabbah 94 sur 46.26, cité dans id., p. 87.
39. Elon, Principles of Jewish Law, p. 476.
40. Id., p. 476.
41. Voir TY Terumot 8:10, 46b, dans The Talmud of the Land of Israel: A Preliminary
Translation and Explanation, Alan J. Avery-Peck, trad., Chicago, University of Chicago
Press, 1988, 6:418, qui dit :
Il est enseigné [T. Ter. 7:20] : [À propos de] un groupe dhommes qui marchaient et
qui rencontrèrent des gentils, qui leur dirent : « Donnez-nous lun des vôtres que
nous puissions le tuer, sinon, voici, nous vous tuerons tous » quils les
tuent tous, mais quils ne leur livrent pas un seul Israélite. Mais s'ils en ont
choisi un, comme ils ont choisi Schéba, fils de Bicri [2 Sam 20], quils le leur
donnent pour ne pas se faire tous tuer. R. Simeon b. Laqish a dit : « Ceci nest
dapplication que si l'homme mérite [déjà] dêtre exécuté, comme
cétait le cas de Schéba, fils de Bicri. » Mais R. Yohanan dit : « [Cest
dapplication] même sil ne mérite pas dêtre exécuté, comme
cétait la cas de Schéba, fils de Bicri. »
De même, il a été permis à un groupe de femmes den livrer une qui était impure
pour quon la viole afin de protéger la pureté des autres. Id. Sil était
permis de sacrifier lintérêt d'une personne pour le profit de tous, les rabbins
enseignaient que « la loi pour les pieux » déconseillait dagir ainsi. Id., p.
419. D'autres soutenaient que la personne choisie pour mourir devait « déjà avoir perdu
la vie en ce qui concerne Dieu en commettant, contre les lois de Dieu, un délit capital
pour lequel il n'avait pas encore été puni », bien que cette opinion n'ait pas fait
lunanimité. Haim H. Cohn, Human Rights in Jewish Law, New York, KTAV, 1984, p. 38.
42. David Daube, Collaboration with Tyranny in Rabbinic Law, Londres, Oxford, 1965, pp.
26-27.
43. Bernard S. Jackson, Theft in Early Jewish Law, Oxford, Clarendon, 1972, p. 13, Contre
les brigands « cétaient les lois de la guerre qui étaient dapplication »,
p. 16. Je remercie Paul Hoskisson de mavoir rappelé récemment ce sujet dont nous
avions discuté il y a plusieurs années. Il est également probable que Laban était
parmi ceux qui avait injustement accusé Léhi d'être un faux prophète, ce qui était
également un délit, Deutéronome 13:5 ; 18:20.
44. Dans cet article, je me suis occupé des lois de la société dans laquelle Néphi
vivait. Dieu a donné à Néphi et à tous les prophètes et apôtres antiques des règles
privées supplémentaires qui ont pu guider les actes de Néphi ou façonner la manière
dont il va raconter plus tard les événements de 1 Néphi 4. Voir D&A 98:23-38. Nous
ignorons cependant si Néphi a reçu les deux lois mentionnées dans D&A 98 avant ou
après l'épisode de Laban ; il a pu les avoir reçues lorsque ses partisans et lui se
sont séparés de Laman et de son groupe, car ces deux règles traitent de 1) supporter de
manière défensive une triple attaque de la part dennemis contre les justes et
leurs familles et, 2) prévenir de manière offensive les ennemis à trois reprises et
leur proposer la paix avant d'aller faire la guerre contre eux. Ces règles de la guerre
correspondent aux événements rapportés dans 2 Néphi 5, mais elles ne s'appliquent pas
avec précision au cas de Laban. La déclaration : « S'il a cherché à vous ôter la
vie, et que votre vie est mise en danger par lui, votre ennemi est entre vos mains et vous
êtes justifiés » (D&A 98:31) pourrait donner limpression de faire écho à
l'épisode de Laban, mais il ne s'applique littéralement quà un cas
d'autodéfense, ce qui n'était pas le cas de Néphi et de Laban puisque la vie de Néphi
n'était pas menacée quand il a trouvé Laban ivre dans les rues de Jérusalem. Si Néphi
avait connu cette loi à ce moment-là et l'avait considérée comme une justification
complète, il laurait sans doute dit. Il voit plus dans le cas que ceci seulement.
45. "Jacob's Ten Commandments", dans John W. Welch, dir. de publ., Reexploring
the Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret Book et FARMS, 1992, pp. 69-72.
46. La datation des textes bibliques relatifs aux villes de refuge et la mesure dans
laquelle ils ont effectivement été mis en application prête à discussion. Mais en tous
cas, ils sont antérieurs à Léhi et à Néphi. Moshe Greenberg date les lois d'asile
davant les réformes de Josias, v. 625 av. J.-C. ; voir « The Biblical Conception
of Asylum », p. 126. Henry McKeating apporte des éléments de preuve d'une coutume de
sanctuaire au début de la monarchie et montre que peu sont convaincus que ces pratiques
ne sont pas au moins aussi anciennes que le septième siècle av. J.-C. Voir «
Development of the Law on Homicide in Ancient Israel », pp. 53-54. Que ces lois aient
été promulguées par Moïse lui-même ou modelées sur lui, sa fuite à Madian a pu
influencer lapparition de la notion de refuge.
47. Louis Ginzberg, The Legends of the Jews, 7 vols., Philadelphie, Jewish Publication
Society of America, 1938, 3:416 et n. 869. Voir aussi Rofé, « The History of the Cities
of Refuge », p. 237, qui avance que la fuite de Moïse à Madian, l'évasion d'Absalom à
Gueschur (2 Samuel 13:37 ; 14:13, 32) et le fait que Caïn soit devenu un vagabond sur la
terre (Genèse 4:12-16) prouvent clairement que l'exil que lon simpose par
rapport à la société était, était une possibilité pour le meurtrier en vertu de loi
coutumière israélite antique.
48. John W. Welch, "Hugh Nibley and the Book of Mormon", Ensign 15, avril 1985,
p. 52.
49. Il est difficile de déterminer comment la loi de lhomicide était comprise dans
la localité de Joseph Smith. En vertu des lois coloniales les plus anciennes de New York,
qui étaient basées en grande partie sur les précédents bibliques, un homicide capital
était défini comme « délibéré et prémédité ». Earliest Printed Laws of New York
16651693, John D. Cushing, dir. de publ., New York, Michael Glazier, 1978, p. 124.
De même, les Blue Laws de la Colonie de New Haven de 1656, parlaient de « meurtre
délibéré
sur méchanceté, haine ou cruauté préméditées, (pas pour une
défense nécessaire et juste, ni par simple accident contre sa volonté), il sera mis à
la mort. » Blue Laws of New Haven Colony 1656, compilées par un antiquaire, Hartford,
Case, Tiffany, 1838. Au dix-neuvième siècle, on accordait une plus grande protection
encore à la vie. La vie « ne peut légalement être éliminée ou détruite par un
individu quel quil soit, ni par la personne elle-même, ni par aucun autre de ses
semblables, simplement de leur propre chef. » Blackstone's Commentaries on the Laws of
England, Chicago, Callagan, 1872, p. 133. Les lois, telles que le Code pénal de l'état
de New York, 1865, réduisaient au minimum l'importance de la préméditation qui était
exigée : §243 : « Un dessein de causer la mort qui soit suffisant pour constituer le
meurtre peut naître immédiatement avant que ne se commette l'acte par lequel il est mis
à exécution. » En vertu de ces statuts, lhomicide nétait excusable que
dans certains accidents ; lorsque lon corrigeait légalement un enfant ou un
serviteur ; lorsque lon accomplissait un acte légal avec les précautions
ordinaires et sans intention illégale ; lorsque lon résistait à une tentative de
meurtre ; en cas de légitime défense ; quand on appréhendait un criminel, que lon
écrasait une émeute ou que lon maintenait légalement la paix.
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