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Dans ce qui est un abrégé de mille ans d’histoire, Mormon insère in
extenso le discours du roi Benjamin. Cela veut dire qu’il devait être un
monument de la culture néphite. L’analyse littéraire qui suit montre la
virtuosité avec laquelle ce discours magistral a été construit.
Parallélismes et chiasmes dans le discours du roi Benjamin
John W. Welch et Stephen D. Ricks, dir. de publ.,
King Benjamin’s Speech,
chapitre 11
© 1998 F.A.R.M.S.
On trouve, dans le discours du roi Benjamin, un éventail stupéfiant de
structures littéraires organisées de manière ordonnée et habile.
L’utilisation répétée par Benjamin du chiasme, de toutes sortes de
parallélismes et de beaucoup d’autres types de structures fait ressortir
les messages principaux et la force de persuasion de ce texte. Le
traitement et les présentations de texte qui suivent constituent une
tentative de dégager, de classifier et d’explorer les principaux éléments
qui organisent et structurent le discours de Benjamin.
Ce que nous savons du roi Benjamin nous dit que c’était un homme sensible
qui disait ce qu’il pensait. Comme on le verra, c’était le genre de
personne qui tenait à faire l’effort de disposer ses paroles sous une
forme artistique soignée. Son discours, prononcé lors du couronnement de
son fils et dans le contexte d’une grande et sainte convocation de son
peuple, ne semble pas avoir été prononcé de manière improvisée. Il avait
été mûrement réfléchi et, avant que des copies en soient distribuées par
Benjamin, son texte a manifestement été admirablement affiné. Dans Mosiah
2-5, on trouve des exemples superbes d’un haut niveau littéraire.
Et surtout, quand on étudie la structure du discours de Benjamin, on n’en
a que plus d’admiration pour ce chef d’œuvre littéraire. On ne peut
apprécier un écrit à sa juste valeur qu’à la lumière des outils et des
idéaux littéraires accessibles à l’auteur. Quand on le voit ainsi, le
discours de Benjamin se présente comme une composition littéraire
monumentale, qui a malheureusement été longtemps sous-estimée. Mark Twain,
parlant du Livre de Mormon en général, l’a un jour qualifié de
« chloroforme en caractères d’imprimerie [1] ». Même Sidney B. Sperry,
l’un des érudits les plus fins du Livre de Mormon au cours de la
génération qui nous a précédés, n’attribuait guère de valeur littéraire au
texte de Benjamin : « On se plait à croire que le roi Benjamin était en
fait le Wilford Woodruff de son temps, un dirigeant, quelqu’un qui
travaillait dur de ses mains, un homme d’une grande spiritualité, mais pas
un auteur ou un orateur remarquable [2]. » Dans un certain sens, ces
commentateurs auraient bien raison : s’il fallait en juger par les normes
littéraires de l’époque de Mark Twain ou par les idées de la rhétorique
moderne, le discours de Benjamin ne serait pas à la hauteur. Mais si on le
juge à la lumière des conventions anciennes et des préférence stylistiques
qui, de toute évidence, étaient en vigueur du temps de Benjamin, son
discours brille de nouveau comme le jour solennel où ces paroles ont été
dites et reçues en public.
Le parallélisme et la répétition en général
Le parallélisme et la répétition constituent les caractéristiques
dominantes du style de Benjamin. Il y a au moins quatorze types de
parallélismes dans les trois chapitres. James Muilenburg a dit à propos de
la figure de style qu’est le parallélisme :
« Quand on accorde une attention persistante et méticuleuse aux modes
hébraïques de composition littéraire, on découvre des structures
linguistiques, des constructions ordonnées ou disposées de manières
particulières, des séquences verbales qui évoluent dans des structures
fixes du début à la fin. Il est clair qu’elles ont été ingénieusement
introduites de beaucoup de façons différentes, souvent avec une habileté
et un art consommés. Il est également clair qu’elles ont été influencées
par des pratiques rhétoriques conventionnelles [3]. »
Le roi Benjamin se sert de parallélismes pour créer une harmonie ou une
synthèse de ses idées. Donald W. Parry a démontré que « le Livre de Mormon
abonde en parallélismes. Comme dans la Bible, les structures poétiques
servent à mettre l’accent sur les messages, à les définir et à les
amplifier, à les rendre plus mémorables et à les structurer [4]. » À plus
de cinquante reprises dans tout son discours, Benjamin utilise le
parallélisme synthétique simple ou amplifié, qui se compose de deux lignes
ou plus, la seconde ligne servant à souligner, expliquer ou synthétiser la
pensée de départ. Ainsi, l’idée ou la notion de la première proposition
« est ainsi doublement soulignée (ce qui est l’effet fondamental de la
plupart des parallélismes) [5]. » Muilenburg explique : « La ligne
parallèle ne fait pas que répéter ce qui a été dit dans la première ligne,
mais l’enrichit, l’approfondit, le transforme en ajoutant de nouvelles
nuances et en introduisant de nouveaux éléments, le rend plus concret,
plus frappant et plus révélateur [6]. »
Le discours de Benjamin contient des techniques telles que la synonymie
simple et étendue, les alternés simples, répétés et étendus, les
parallélismes synthétiques, le climax, l’anabase, la catabase, les idées
contrastantes et le parallélisme antithétique, la décomposition et
l’explicitation. Je ne vais pas définir ici ces variétés de parallélisme,
étant donné que l’on peut facilement trouver des définitions de base [7]
et que l’effet rhétorique de chaque parallélisme est assez évident une
fois que l’attention est attirée sur la structure. On trouvera ici
quelques illustrations et observations [Ndlr :
L’index complet des parallélismes est donné à la suite du chapitre en
anglais.]
Une forme stylistique courante utilisée par le roi Benjamin est le
parallélisme direct simple. Par exemple, Mosiah 2:18 (toutes les
références d’Écriture de cette étude sont de Mosiah, sauf indication
contraire) dit :
a Voici, vous m'avez appelé
votre roi;
a et si moi, que vous appelez
votre roi,
b je travaille pour vous
servir,
b ne devriez-vous pas travailler
pour vous servir les uns les
autres?
Ce passage est un exemple de parallélisme poétique ou de « mots,
expressions ou phrases qui correspondent, comparent, contrastent ou
répètent [8]. »
De même, Benjamin enseigne efficacement le principe de l’humilité à l’aide
d’un parallélisme synthétique dans 2:24 :
[Dieu] vous bénit immédiatement pour cela; c'est pourquoi, il vous a
payés.
Et vous lui êtes toujours redevables, et vous l'êtes, et le serez pour
toujours et à jamais
L’idée principale de Benjamin dans ce passage est que Dieu a été
abondamment généreux avec son peuple et à l’aide d’un parallélisme
synthétique étendu il explique ensuite que l’on doit faire preuve
d’humilité et de reconnaissance pour ces nombreuses bénédictions.
Parmi les autres types de parallélisme dans le discours de Benjamin, il y
a le parallélisme antithétique :
Et vous ne serez pas enclins à vous nuire les uns aux autres,
mais à vivre en paix (4:13) ;
des alternés :
a de la grandeur de Dieu,
et de votre propre néant,
b et de sa bonté et de sa longanimité envers vous,
créatures indignes (4:11)
et des idées contrastantes, comme le fait de céder à l’homme naturel par
opposition au fait de devenir un saint (voir 3:19). L’élément de contraste
se voit très clairement dans les parallélismes de Benjamin.
Un autre trait important du style de Benjamin est la répétition de mots
clefs qui résonnent au travers du texte et semblent être une indication
supplémentaire d’une organisation délibérée. L’index qui se trouve à la
fin du chapitre [Ndlr : dans le
livre en anglais] montre, entre autres choses, qu’il y a des thèmes qui
font écho dans tout le discours. Ces thèmes répétitifs donnent une
continuité et une structure au message du roi Benjamin et constituent de
nouveau une indication de structure. Par exemple, l’expression
trouver bon d’obéir apparaît
plusieurs fois à la section 2 du discours (pour les définitions et la
description des sept sections principales, voir ci-dessous). La notion de
l’appel de Benjamin comme roi dans 2:19 trouve un écho dans 2:26. Les
querelles, servir l’esprit malin et devenir l’ennemi de toute justice sont
des thèmes que l’on trouve à la section 2 et qui réapparaissent à la
section 4. La notion de l’innocence ou du salut des enfants apparaît trois
fois dans le discours. Le respect des commandements est évoqué aux
sections 1, 2, 5 et 6. Le souvenir est la caractéristique des sections 2,
5, 6 et 7 et le salut par le Christ est un fil conducteur que l’on trouve
dans cinq des sept sections : 3, 4, 5, 6 et 7.
La répétition est aussi un instrument efficace dans les enseignements de
Benjamin. Des structures telles que le redoublement (« souvenez-vous,
souvenez-vous »), le chiasme, les nombreux
et, ou même la répétition
aléatoire ou la répétition de certains thèmes ou mots clefs qui résonnent
dans tout le discours, tout cela contribue à la continuité et à la
cohérence stylistiques du message de Benjamin.
Le chiasme
Le procédé littéraire sans doute le plus intéressant utilisé dans le
discours de Benjamin est la forme de parallélisme que l’on appelle
chiasme. La technique qui consiste à présenter un ensemble de mots ou
d’idées dans un certain ordre et de les reproduire ensuite dans l’ordre
opposé fonctionne dans ce texte à plusieurs niveaux : dans de grandes
structures, dans des groupes de mots conséquents et aussi dans des
configurations plus petites et plus simples. Le discours de Benjamin se
prête particulièrement bien à l’analyse chiastique.
Le chiasme est un outil auquel ont eu recours très régulièrement ces
dernières années les analystes littéraires dans l’étude de la Bible et
d’autres textes littéraires. À la lumière de ces recherches, on peut
aisément conclure que le discours de Benjamin a été composé avec une
maîtrise artistique calculée et avec une précision systématique dans la
même mesure que ce que l’on trouve dans les Ancien et Nouveau Testaments,
ou ailleurs dans le Livre de Mormon, dans la littérature classique ou dans
n’importe quelle autre composition rédigée dans les temps anciens quand le
chiasme était couramment utilisé [9]. Comme tel, le texte de Benjamin
mérite les palmes académiques.
Définition du chiasme
Avant d’en venir au texte proprement dit de Benjamin, quelques
commentaires introductifs sur le chiasme peuvent être utiles. Quand on
fait une analyse littéraire de cette nature, il faut procéder avec
précaution si l’on veut éviter l’exagération et les malentendus. Le
traitement qui suit résume brièvement les caractéristiques du chiasme et
renvoie le lecteur à d’autres publications sur le sujet.
L’une des premières choses à faire, c’est de définir le chiasme. Le
chiasme est un procédé littéraire qui consiste à créer des structures
doubles dans lesquelles la seconde moitié d’une composition fait pendant à
la première moitié, mais dans l’ordre inverse. En général, cette technique
est utilisée dans divers buts littéraires, surtout pour concentrer
l’attention sur l’idée principale du passage en la situant dans la
charnière centrale plutôt que dans une phrase d’introduction au début d’un
paragraphe, une tendance que l’on trouve chez les écrivains modernes. Le
roi Benjamin était particulièrement efficace dans l’art de créer des
structures chiastiques. Beaucoup de ses chiasmes ont une charnière
centrale très claire (voir 2:27 ; 3:11-16 ; 4:6-7 ; 5:6-8), tandis que
d’autres contiennent une idée centrale de deux lignes ou plus, formant un
parallélisme au milieu du chiasme. On peut supposer que le chiasme répond
à plusieurs égards aux objectifs visés par Benjamin, car il peut aider à
la mémorisation, enseigner grâce à des répétitions calculées et créer une
impression de complétude ou de clôture d’un long développement textuel.
Les structures chiastiques peuvent aussi transmettre le sens d’un passage
bien au-delà de la signification de mots isolés et d’expressions séparées.
Dans de nombreux cas, l’utilisation du chiasme est un choix délibéré, mais
il n’est pas forcément intentionnel. Les poètes, les auteurs, les
compositeurs et les musiciens créent des œuvres artistiques sans être
conscients de toutes les facettes de leurs compositions. Toutefois, quand
le niveau et la précision de la répétition chiastique sont suffisamment
élevés – comme dans 3:18-19 et 5:10-12 – il est vraisemblable que l’auteur
est conscient de son existence. Il est donc plausible que Homère et les
bardes homériques étaient conscients de ce que quand Ulysse aux enfers
demande sept choses à l’ombre de sa mère Anticléia, elle lui répond en
traitant ces sept questions exactement dans l’ordre inverse [10].
Néanmoins on ne peut pas parler avec une certitude absolue quand on
attribue un caractère intentionnel dans tous les cas de ce genre.
Quand peut-on dire à juste titre qu’un passage est chiastique ou pas ? Les
passages peuvent manifester des degrés divers de « chiasticité ». Certains
passages sont brefs et leur ordre inversé est évident et ne prête pas à
discussion. Par exemple, Genèse 1:27 dit : « [a]
Dieu créa l’homme [b] à son image, il le créa
[b] à l’image [a] de Dieu. » L’ordre a-b-b-a peut ici être vérifié de
manière objective. Il y a au moins dix chiasmes a-b-b-a dans le discours
de Benjamin, tandis que d’autres parties du texte sont plus longues ou la
structure moins certaine. Il faut donc travailler et penser en termes de
degrés de chiasticité [11].
Il faut que plusieurs conditions soient satisfaites pour pouvoir parler
valablement de chiasme dans un passage donné. Plus un texte déterminé
satisfait à ces critères, plus son degré de chiasticité est élevé. Les
chiasmes sont plus forts quand ils se composent d’éléments que l’on peut
observer de manière objective dans le texte, quand ils sont manifestement
placés intentionnellement dans un passage à des fin stylistiques et s’ils
sont les formes dominantes qui fonctionnent dans toute une unité
littéraire et pas simplement dans des fragments ou des sections qui
chevauchent ou débordent sur les divisions du texte. Par exemples, les
ordres parallèles inverses doivent être relativement évidents dans le
passage. Beaucoup de chiasmes du discours de Benjamin se composent
d’éléments que l’on peut effectivement observer de manière objective dans
le texte et ne demandent pas d’explications subtiles. Le texte de Benjamin
se divise clairement en plusieurs unités distinctes à l’intérieur
desquelles on trouve ses chiasmes. Certaines de ces structures sont très
solides : les chiasmes structurels forts sont les sections 1, 3, 5 et 7 ;
on trouve des chiasmes structurels plus faibles dans les sections
restantes, 2, 4 et 6.
On trouve des chiasmes étendus et forts au niveau verbal dans 3:18-19,
5:10-12 et dans quelques autres endroits. Ces chiasmes sont équilibrés :
ils ont, de part et d’autre de la charnière, des éléments presque égaux
pour ce qui est du nombre de mots, de lignes ou d’éléments, et ils
donnent, du commencement jusqu’à la fin, une impression convaincante de
retour et de complétude. De même, plus le chiasme est compact – moins il y
a de manque de pertinence entre ses éléments – et plus le chiasme est
long, plus son degré de chiasticité est élevé. Dans tout le discours de
Benjamin, il y a de nombreux exemples de chiasmes forts.
Le chiasme est l’élément dominant d’un texte quand il est le seul procédé
de structuration utilisé, ce qui semble être le cas de plusieurs passages
du discours de Benjamin (voir, par exemple, 2:26 ; 3:18-19). Bien entendu,
un motif structurel puissant tourne autour de concepts majeurs,
d’expressions uniques ou de mots clefs et, dans un certain nombre de cas,
les seules utilisations d’un mot ou d’une expression dans le Livre de
Mormon se trouvent dans deux parties correspondantes d’un chiasme du
discours de Benjamin (« homme naturel » 3:19 ; « avez et êtes » 2:34 et
4:21 ; « à la gauche » 5:10 et 12). De plus, parce que l’élément crucial
du chiasme tombe généralement dans sa charnière centrale [12], il est
significatif que Benjamin place souvent une idée centrale bien définie au
cœur de ses structures chiastiques. Ces éléments s’insèrent aussi avec
aisance et compatibilité dans l’ensemble de son style, dans lequel on
trouve aussi d’autres formes de parallélisme. Le nombre de facteurs
semblables à ceux-ci témoigne d’un haut degré de chiasticité dans le
discours de Benjamin. Il applique cette forme d’une manière fluide,
cohérente et équilibrée sans attirer indûment l’attention sur elle.
Bien entendu, le chiasme n’est pas propre aux textes hébreux anciens
seulement. On l’a aussi trouvé dans des textes akkadiens, ougaritiques,
égyptiens, araméens, grecs et latins [13]. Bien qu’apparaissant dans
beaucoup d’œuvres littéraires antiques et aussi, dans une certaine mesure,
chez les auteurs modernes, c’est dans la Bible hébraïque plus que
n’importe où ailleurs que le chiasme est utilisé le plus intensivement et
le plus délibérément. La présence de chiasmes complexes, tels que ceux
découverts dans le discours de Benjamin, est reconnue comme une
caractéristique assez typique des écrits hébreux antiques [14].
Tous les auteurs du Livre de Mormon n’utilisent pas le chiasme de la même
façon. Ce sont Benjamin et Alma qui semblent l’avoir employé le plus [15].
Ils ont vécu à un âge d’or de la civilisation néphite où de grandes forces
créatrices dans la littérature, en politique, en théologie, dans le droit,
le calendrier, les poids et mesures et la technologie militaire étaient à
l’œuvre chez les Néphites et il n’est que naturel que l’écriture
chiastique ait aussi fleuri chez les auteurs néphites de l’époque. Mais
même des prophètes tels que Benjamin et Alma n’écrivaient pas tout le
temps à l’aide de chiasmes. Le chiasme n’était qu’un parmi plusieurs
procédés littéraires dont ils disposaient.
Certains chiasmes sont perdus lors de la traduction, mais les structures
chiastiques et les parallélismes plus importants sont généralement
conservés ; le Livre de Mormon ne fait pas exception à cette règle. De
tous les procédés poétiques, les chiasmes et les parallélismes étendus
sont parmi ceux qui ont le plus de chances de survivre à la traduction.
Bien que nos connaissances soient quelque peu limitées à cet égard, il
s’avère que plusieurs de ces structures ont été fidèlement conservées au
cours de la traduction de Joseph Smith.
Du temps de Joseph Smith, on ne savait pas grand-chose sur le chiasme. En
Angleterre, deux auteurs avaient écrit des livres dans les années 1820 sur
la littérature hébraïque dans la Bible et avaient envisagé la présence de
chiasmes dans la Bible. Mais il fallut du temps pour que l’idée prenne
racine et ce ne fut que beaucoup plus tard que les commentateurs bibliques
reconnurent le chiasme. De plus, ces ouvrages pionniers des années 1820 ne
semblent pas être arrivés aux États-Unis du vivant de Joseph Smith [16].
Et même si ce fut le cas, rien ne prouve qu’il en ait eu connaissance.
Dire que Joseph Smith a inconsciemment assimilé le chiasme de par sa
connaissance de la Bible, c’est accorder beaucoup de foi à la possibilité
d’une osmose littéraire.
Que prouve la présence de chiasmes dans le Livre de Mormon [17] ? Bien que
l’on ne puisse pas savoir de manière absolue si Benjamin a créé
intentionnellement les structures chiastiques que l’on peut remarquer dans
son discours ou s’ils sont apparus comme une sorte de seconde nature dans
sa manière de penser et d’écrire, la présence de formes diverses de
parallélismes et de chiasmes dans le discours de Benjamin joue un rôle
important dans toute évaluation littéraire de ses qualités. Cela montre
que ce texte a été composé avec soin, de manière méticuleuse et délibérée
et avec élégance, d’une façon qui correspond aux normes de base en matière
de parallélisme du style hébraïque ancien.
Ces principes généraux étant acquis, les schémas thématiques et les
configurations détaillées ci-dessous de l’ensemble du texte du discours de
Benjamin sont une manière possible de mettre en évidence et d’organiser
tous les mots et tous les concepts qui constituent ce document littéraire.
Il va de soi qu’il est possible d’employer d’autres méthodes pour formater
ce texte, mas il me semble que cette proposition-ci offre plusieurs
avantages et présente plusieurs points forts en fait de cohérence et de
globalité.
Divisions principales du texte de Benjamin
Vu dans son ensemble, il est clair que le texte de Benjamin se décompose
de manière naturelle en sept sections, qui sont délimitées soit par un
cérémonial intermédiaire, soit par des changements brusques de sujet.
Comme on peut le voir ci-dessous, après le récit préliminaire des
préparatifs du discours, la section 1 (qui se trouve dans 2:9-28) est
séparée de la section 2 (2:31-41) par la cérémonie du couronnement
elle-même (2:29-30). Entre les sections 2 et 3 (dont la fin est 3:2-10),
Benjamin commence comme s’il entamait un nouveau discours : « Et
en outre, mes frères, je voudrais attirer votre attention [presque comme
s’ils avaient fait une pause ou s’il avait perdu leur attention], car j'ai
encore à vous parler quelque peu » (3:1). Après la section 4 (qui couvre
3:11-27), le peuple tombe par terre et ses péchés lui sont pardonnés
(4:1-3) dans une cérémonie de purification. Et après les sections 5 et 6
(respectivement 4:4-12 et 4:13-30) et avant la section finale 7 (à savoir
5:6-15), le peuple fait alliance de continuer à vivre selon la volonté de
Dieu et d’obéir aux commandements, honorant ainsi les nouveaux rois qui
allaient le commander le reste de sa vie (5:1-5). Il n’y a que les
frontières entre les sections 3 et 4 et entre les sections 5 et 6 qui ne
sont pas précisées par des déclarations explicites. Mais elles sont
constituées de changements de sens et de focalisation qui sont dictés
essentiellement par le fait que la section 3 est le témoignage de l’ange
sur la vie de Jésus et que la section 5 est le témoignage de Benjamin sur
la nécessité de la foi en Jésus. Le passage de la section 3 à la section 4
est marqué par le transfert de l’accent mis sur le Christ et sur son
expiation à celui mis sur l’humanité et sur ce que celle-ci doit faire
pour tirer profit de l’Expiation ; le passage de la section 5 à la section
6 est fondamentalement le passage de la foi aux œuvres : de la foi en Dieu
à une action conforme à cette foi.
Survol du discours de Benjamin
Préparatifs (1:1-2:8)
Désignation d’un successeur. Un nouveau nom sera donné.
Rassemblement du peuple. Pas encore de dénombrement.
Construction d’une tour.
1. Tous sont redevables envers Dieu (2:9-28)
Dieu est le roi céleste
Dieu a créé physiquement et soutient tous les hommes
Les hommes doivent servir et remercier Dieu
Espérance d’exaltation après la mort
Première pause (2:29-30)
Annonce du couronnement
2. Conséquences de l’obéissance ou de la désobéissance (2:31-41)
L’obéissance apporte la victoire et la prospérité
Interdiction des querelles (2:32)
La rébellion et la désobéissance apportent la souffrance et
l’angoisse
Tous ont une dette éternelle envers leur Père céleste
Deuxième pause (2:41-3:1)
Souvenez-vous, souvenez-vous, le Seigneur a parlé
Benjamin réclame de nouveau l’attention
3. L’ange témoigne des actes du Christ (3:2-10)
Le Seigneur Omnipotent descendra avec puissance et bonté
Le nom sacré de Dieu
Souffrances et mort de Jésus-Christ
4. La sanctification par l’expiation du Christ (3:11-27)
La seule possibilité de réconciliation
Se dépouiller de l’homme naturel et devenir un saint
Les hommes seront jugés selon leurs œuvres
Troisième pause (3:27-4:4)
Ainsi m’a commandé le Seigneur. Amen
Le peuple tombe par terre et confesse
Le sang expiatoire est appliqué ; joie et pardon
Benjamin reprend la parole
5. Benjamin témoigne de la bonté de Dieu (4:4-12)
Dieu est bon, patient et longanime
Croyez en Dieu
Dieu est tout-puissant, aimant et glorieux
Invoquez quotidiennement le nom de Dieu
6. Conduite juste des rachetés (4:13-30)
Vivre dans la paix et l’ordre social
Interdiction des querelles (4:14)
Parce que Dieu donne, tous doivent donner aux nécessiteux
Éviter la culpabilité et le péché
Quatrième pause (4:30-5:6)
Souviens-toi et ne péris pas
Réaction du peuple par une alliance
Benjamin accepte son alliance
7. Fils et filles de Dieu (5:6-15)
Dieu vous a spirituellement engendrés aujourd’hui
Le seul titre auquel vous pouvez être libérés de dette
Excommunication en cas d’infraction aux obligations
Le peuple de l’alliance connaît Dieu en le servant
Espérance d’exaltation après la mort
Actions finales (6:1-3)
Enregistrement des noms de tous ceux qui ont accepté le nom
Consécration de Mosiah
Désignation de prêtres
Renvoi du peuple chez lui
Nous n’allons pas parler des rapports existant entre ces sections tant que
leurs textes complets n’auront pas été examinés, ce que nous allons faire
ci-dessous, mais la nature des trois cérémonies célébrées pendant le
discours mérite qu’on s’y attarde dès le départ. Dans la première, Mosiah
II (le fils de Benjamin) reçoit la responsabilité du peuple comme roi et
gouverneur (2:29-30). Dans la deuxième, qui a lieu au milieu du discours,
tout le peuple est purifié et le mal qu’il a fait lui est pardonné (4:1-4)
[18]. La troisième impose au peuple de faire alliance d’obéir aux
commandements de Dieu (5:1-5) ou, en d’autres termes, d’obéir aux
commandements du nouveau roi (2:31). La séquence des cérémonies est donc
a-b-a, c’est-à-dire installation du roi sur le peuple, purification du
peuple, installation du peuple sous le roi. La cérémonie tout entière est
donc plus qu’un simple couronnement ; c’est un rituel qui reconnaît la
réciprocité des relations et des responsabilités entre un souverain et ses
sujets, impliquant toute la nation, sa pureté et son devoir d’obéissance
civile.
Certains équilibres généraux sont réalisés dans la structure d’ensemble de
ces sept sections. Tout d’abord, leur longueur est cohérente : il y a
trois sections longues (1, 4, 6) qui contiennent respectivement 20, 18 et
19 versets et quatre sections courtes (2, 3, 5, 7) ayant chacune 11, 9, 9
et 10 versets. Ensuite, l’orientation alterne régulièrement entre
l’expression de l’assujettissement ultime de l’homme au roi du ciel (1, 3,
5, 7) et la formulation d’une base humaniste pour un comportement éthique
(2, 4, 6). À la section 1, l’homme est invité à remercier son roi céleste
des bénédictions essentielles de la vie ; à la 3, c’est le ministère du
Christ le Roi qui est prophétisé ; à la 5, Benjamin témoigne de Dieu et à
la 7, le peuple prend sur lui le nom du Christ par alliance. Par contre,
dans les sections à numéros pairs, l’attention se porte sur l’homme, sa
responsabilité pour son état rebelle, la nécessité de se dépouiller de son
état naturel et de devenir charitable. Nous allons maintenant passer à
l’analyse de l’organisation et de la structure de chacune de ces sept
sections.
Section 1
Aperçu.
Benjamin commence son discours par une introduction expliquant pourquoi il
a rassemblé le peuple et il lui rappelle – sous forme chiastique – ses
responsabilités en tant que citoyen du pays et en tant que sujet de Dieu.
A But de l’assemblée
B Qu’est-ce que l’homme ?
C Les lois du royaume de Benjamin
D L’homme ne peut se vanter des
services qu’il rend à son prochain
E Obligation de se servir
mutuellement et de remercier Dieu
D’ L’homme ne peut se vanter des services qu’il rend à Dieu
C’ Les lois du royaume de Dieu
B’ Qu’est-ce que l’homme ?
A’ But de l’assemblée
Benjamin introduit donc d’emblée sa méthode principale de structuration,
le chiasme, ainsi que le thème fondamental de son discours : les habitants
de la terre sont impliqués dans une relation cruciale avec Dieu et les uns
avec les autres.
Analyse détaillée.
Quand on regarde les mots et les expressions du discours de Benjamin, on
distingue sans peine certains éléments importants. On trouve dans cette
section un grand nombre des structures reprises dans l’index ci-dessous [Ndlr :
dans le chapitre en anglais] :
synonymes simples (2:9, vous tous qui vous êtes assemblés, vous qui pouvez
entendre les paroles que je vais vous dire), synonymes étendus (2:11,
choisi par ce peuple, et consacré par mon père, et la main du Seigneur a
permis), alterné simple (2:22, tout ce qu'il exige de vous, c'est que vous
gardiez ses commandements; et il vous a promis que si vous gardiez ses
commandements), détails (2:14, pourquoi il a travaillé), climax (2:9, 11,
13-14, etc.), fins de paragraphes semblables (2:16-17), répétition et
duplication de mots et beaucoup d’autres formes, dont, bien entendu, le
chiasme. Le texte complet de la section 1 peut être présenté comme suit :
A But de l’assemblée
2:9
a Mes frères, vous tous qui vous
êtes assemblés [19],
b vous qui pouvez entendre les
paroles que je vais vous dire aujourd'hui,
a je ne vous ai pas commandé de
monter ici
b pour prendre à la légère les
paroles que je vais dire,
1 mais pour m'écouter
2 et ouvrir les oreilles afin d'entendre,
3 et le cœur afin de comprendre,
4 et l'esprit afin que les mystères de Dieu soient dévoilés à votre vue.
2:10
a Je ne vous ai pas commandé de
monter ici [20] pour que vous me craigniez,
B
Qu’est-ce que l’homme ?
a ou pour que vous pensiez
que, de moi-même [21],
b je suis plus qu'un homme mortel
[22]. 2:11
a Mais je suis semblable à vous
[23],
b sujet à toutes sortes d'infirmités
de corps et d'esprit;
1 cependant j'ai été choisi par ce
peuple,
2 et consacré par mon père,
3 et la main du Seigneur a
permis
4 que je sois gouverneur et roi [24] de ce
peuple;
et j'ai été
gardé et préservé par sa puissance incomparable, pour vous servir
de tout le
pouvoir, de tout l'esprit et de toute la force [25] que le Seigneur m'a
accordés.
C
Les lois du royaume de Benjamin
2:12
a Je vous dis que
b puisqu'il m'a été permis de passer
ma vie
c à votre service
d jusqu'à présent,
e et que je n'ai recherché de vous
ni or, ni argent,
f ni aucune sorte de richesse;
2:13
1 et je n'ai pas souffert non plus que vous soyez enfermés dans des
cachots,
2 ni que l'un de vous fasse de l'autre son esclave,
3 ni que vous commettiez le meurtre,
4 ou le pillage,
5 ou le vol,
6 ou l'adultère;
7 et je n'ai même pas souffert que vous commettiez la moindre méchanceté,
8 et vous ai enseigné que vous deviez garder les commandements du Seigneur
dans tout ce qu'il vous a commandé —
2:14
b Et moi-même j'ai travaillé de mes
mains [26]
c pour vous servir,
e et pour que vous ne soyez pas accablés
d'impôts,
f et qu'il ne vienne rien sur
vous qui soit pénible à supporter —
d et vous êtes vous-mêmes témoins
aujourd'hui
a de tout ce que j'ai dit.
D
L’homme ne peut se vanter des services qu’il rend à son prochain
2:15
a Pourtant, mes frères, je n'ai pas
fait ces choses [27] afin de me
vanter,
b et je ne dis pas non plus ces
choses afin de pouvoir vous accuser;
b mais je vous dis ces choses
afin que vous sachiez que je peux
répondre aujourd'hui d'une conscience nette devant Dieu. 2:16
a Voici, je vous dis que parce que je vous ai dit que j'avais passé ma vie
à votre service, je ne désire
pas me vanter [28],
a car j'étais simplement au service
de Dieu. 2:17
b Et voici, je vous dis ces
choses afin que vous appreniez
la sagesse;
b afin que vous appreniez que
a lorsque vous êtes au service de vos semblables,
vous êtes simplement au service de
votre Dieu [29].
E
Obligation de se servir
mutuellement et de remercier Dieu
2:18
a Voici, vous m'avez appelé votre
roi;
a et si moi, que vous appelez votre
roi,
b je travaille pour vous servir,
c ne devriez-vous pas
b travailler pour vous servir
les uns les autres?
2:19
a Et voici aussi, si moi, que vous
appelez votre roi,
b qui ai passé ma vie à votre
service,
b et cependant ai été au service
de Dieu,
d je mérite un remerciement
quelconque de votre part,
c ô comme vous devriez
d remercier
a votre Roi céleste! [30]
D’
L’homme ne peut se vanter des services qu’il rend à Dieu
2:20
a Je vous dis, mes frères,
b que si vous exprimiez tous les
remerciements et toutes les
louanges [31]
c que votre âme tout entière a
le pouvoir de posséder,
1 à ce Dieu qui vous a créés,
2 et vous a gardés et préservés,
3 et a fait que vous vous réjouissiez,
4 et vous a accordé de vivre en
paix les uns avec les autres —
2:21
a Je vous dis
b que si vous le serviez,
5 lui qui vous a créés depuis
le commencement,
6 et vous préserve de jour en
jour,
7 en vous prêtant le souffle afin que vous viviez, et ayez le mouvement,
et agissiez selon votre volonté,
8 vous soutenant même d'un moment à l'autre — [32]
b je dis, si vous le serviez
c de votre âme tout entière,
a vous ne seriez encore que des
serviteurs inutiles.
C’ Les lois du royaume de Dieu
2:22
a Et voici, tout ce qu'il exige
de vous, c'est que vous gardiez ses commandements;
b et il vous
a promis
c que si vous gardiez ses
commandements,
d vous prospéreriez dans le
pays;
a et il ne varie
jamais [33]
b de ce qu'il a dit;
c c'est pourquoi, si vous gardez
ses commandements,
d il vous bénit et vous fait
prospérer.
B’ Qu’est-ce que l’homme ?
2:23
Et maintenant, en premier lieu,
il vous a créés [34]
et vous a accordé [35] la vie,
ce dont vous lui êtes redevables.
2:24
Et deuxièmement, il exige
que vous fassiez ce qu'il vous a commandé;
et si vous le faites,
il vous bénit immédiatement
pour cela;
c'est pourquoi, il vous a payés
[36].
Et vous lui êtes toujours
redevables [37],
et vous l'êtes, et le serez pour toujours et à jamais [38];
de quoi pouvez-vous donc vous vanter? [39]
2:25
a Et maintenant, je le
demande,
b pouvez-vous dire quoi que ce
soit pour vous-mêmes?
a Je vous réponds: non.
b Vous ne pouvez pas dire [40]
a que vous êtes ne serait-ce qu'autant que la
poussière de la terre;
b pourtant, vous avez été créés
a de la poussière de la terre;
mais voici, elle appartient
[41]
b à celui qui vous a créés.
2:26
Et moi, même moi, que vous appelez votre roi [42],
je ne suis pas meilleur que vous [43];
a car je suis aussi poussière.
b Et vous voyez que je suis vieux,
b et que je suis sur le point de rendre ce corps
mortel [44]
a à la terre [45], sa mère.
A’ But de l’assemblée
2:27
C'est pourquoi, de même que je vous ai dit que je vous ai servis, marchant
la conscience nette [46] devant Dieu, de même
je vous ai maintenant
fait rassembler,
2 et que votre sang ne retombe
pas sur moi lorsque je comparaîtrai pour être
jugé par Dieu sur ce qu'il m'a
commandé à votre sujet. 2:28
Je vous dis que je vous ai fait
rassembler
3 afin de débarrasser mes vêtements de votre
sang, au moment où je suis sur
le point de descendre
dans ma tombe,
4 afin que je descende en paix
et que mon esprit immortel se joigne aux chœurs là-haut pour chanter les
louanges d'un Dieu juste [47].
Commentaires.
À la section 1, Benjamin a recours à un certain nombre de techniques
rhétoriques. L’une d’elles consiste à contrebalancer les mots et les
expressions équivalentes. Par exemple, « service » et « richesse » dans la
première partie de C contrebalancent « servir » et « impôts » dans la
deuxième partie de C. Dans E et D’, le service au prochain et à Dieu
contrebalance les remerciements et les louanges à Dieu. L’association
entre le service et les remerciements était probablement plus étroite dans
l’esprit de Benjamin qu’elle l’est dans le nôtre, puisque les langues
sémitiques anciennes conçoivent les remerciements davantage en termes
d’amour reconnaissant, de bénédiction ou de louanges (comparez avec 2:20),
qu’il fallait exprimer quand un service était rendu [48]. Il y a aussi des
contrastes bien marqués dans C, C’ et E grâce à l’opposition entre le roi
sur terre et le roi dans les cieux.
Nous rencontrons aussi ici l’usage fréquent de dispositions quadripartites
visant à obtenir un effet d’accentuation. Ces figures sont centrales dans
A, B, C (deux fois), D’ (deux fois) et A’, et on les retrouve
systématiquement dans tout le discours. Cela n’a rien d’étonnant puisque
les dispositions en quatre parties sont compatibles avec toutes les
structures parallèles.
La continuité de cette section est renforcée par la façon habile dont
Benjamin passe d’une pensée à la suivante. Une fois l’ordre initial donné
de A à E, Benjamin revient en arrière en rattachant chaque étape à la
précédente. Dans E, il avance deux points : l’homme doit servir ses
semblables et l’homme doit rendre grâces à son Dieu. Dans D’, les mêmes
idées apparaissent, mais dans l’ordre inverse. Les quatrains centraux de
D’ décrivent la source de l’endettement de l’homme et, en tant que tels,
ils préparent l’auditoire aux interrogations de B’. La transition de C’ à
B’ porte sur la condition mortelle, ce qui ramène aux préparatifs de
Benjamin pour sa mort et donc au but même de l’assemblée dans A’.
La disposition chiastique met en évidence le développement de la pensée de
Benjamin aussi bien que son style. Quand il répète, non seulement il
inverse mais intensifie ce qui a été dit précédemment. En conséquence, A’
ajoute une dimension nouvelle à A, car il parle d’abord du but de
l’assemblée du point de vue de l’auditoire en lui disant ce qu’il peut
s’attendre à faire et à recevoir lors de l’assemblée, mais le second
explique le but de l’assemblée du point de vue de Benjamin et énonce ses
propres buts. La sous-section B est une déclaration humble pour un roi,
mais elle est de loin moins avilissante que ce qui est dit dans B’. Dans B
l’homme est simplement un être mortel sujet aux infirmités, tandis que
dans B’ il est irrémédiablement redevable à Dieu et est moins que la
poussière de la terre. Dans C, le sujet est l’ordre civique dans le
royaume de Benjamin, mais dans C’, c’est le fonctionnement des obligations
sous le règne de Dieu qui est décrit. D affirme (et c’est souvent mal
compris) qu’on ne peut pas se vanter des services qu’on a rendus aux
autres parce que tout service est inévitablement du service à Dieu [49].
D’ ajoute alors l’humiliation supplémentaire que nous ne pouvons pas nous
vanter de services rendus à Dieu parce qu’en dépit de nos efforts les plus
diligents, nous sommes tous des serviteurs inutiles pour lui.
La charnière dans E contient les deux impératifs moraux – se servir
mutuellement et remercier Dieu – rédigés sous une forme concise et
parallèle. Nous commentons plus loin sur la logique des versets 2:18-19 en
rapport avec un raisonnement similaire que l’on trouve dans 4:21. Au
centre de cette section on cesse de rendre compte des bienfaits reçus par
Benjamin (B) ou par le peuple (C, D) pour passer à la prise de conscience
approfondie de l’obligation de gratitude et de dépendance qui découle de
la réception de ces bénédictions (D’, B’). La réciprocité et
l’accomplissement finaux de ces obligations n’apparaissent cependant dans
la cérémonie que lorsque l’alliance est consommée à la section 7.
Section 2
Aperçu.
À la section 2, Benjamin explique avec plus de détails les rapports entre
Dieu et ses enfants et les conséquences de la rébellion.
F Bénédictions temporelles de
l’obéissance
G
Condamnation de la rébellion contre Dieu
H Responsabilité du
peuple
G’ Condamnation
de la rébellion contre Dieu
F’ Bénédictions éternelles de l’obéissance
Comme on le voit dans cette structure chiastique, le point central de
cette section est la responsabilité du peuple vis-à-vis de son Créateur.
Le but de Benjamin est de détourner l’attention de son peuple des
bénédictions temporelles de l’obéissance vers les bénédictions éternelles
plus importantes, à savoir demeurer en la présence de Dieu et avoir un
« bonheur sans fin » (2:41).
Analyse détaillée.
La deuxième section du discours emploie diverses dispositions de lignes
chiastiques et alternées pour donner au texte une forme suggestive à
laquelle se superpose un message systématiquement complet. Le chiasme,
dans ce cas-ci, est exécuté avec beaucoup de précision et, en fait, avec
plusieurs variations remarquables qui renforcent la cohésion dans les
transitions d’une sous-section à la suivante. Benjamin met ici en vitrine
sa polyvalence, puisque tout en atténuant la distinction entre les
institutions humaines et divines qui dominaient les augmentations
chiastiques dans la première section, il passe à de nouveaux contrastes
pour exposer ses pensées.
F
Bénédictions temporelles de l’obéissance
2:31
Et maintenant, mes frères, je voudrais que vous fassiez ce que vous avez
fait jusqu'ici.
a1 De même que vous avez gardé mes
commandements,
a2 et aussi les commandements de
mon père,
b1 et avez prospéré,
b2 et qu'il vous a été évité de tomber entre les mains de vos
ennemis,
a1 de même, si vous gardez les commandements de
mon fils,
a2 ou les commandements de Dieu,
qui vous seront remis par lui,
b1 vous prospérerez dans le
pays,
b2 et vos ennemis n'auront
aucun pouvoir sur vous.
G Condamnation de la rébellion
contre Dieu
2:32
Mais, ô mon peuple, prenez garde qu'il ne s'élève des querelles parmi vous
[50],
a et que vous trouviez bon d'obéir
[51] à l'esprit malin [52]
b dont a parlé [53] mon père
Mosiah. 2:33
b Car voici, il y a une malédiction qui est
prononcée contre celui
a qui trouve bon d'obéir à cet
esprit;
car s'il trouve bon de lui obéir,
et reste et meurt dans ses
péchés,
il boit de la damnation pour
son âme [54];
car il reçoit pour salaire un
châtiment éternel,
H La responsabilité du peuple
a ayant transgressé la loi de
Dieu à l'encontre de la
connaissance qu'il avait. 2:34
b Je vous dis qu'il n'en est pas un parmi vous, si ce n'est vos petits
enfants qui n'ont pas été
instruits à ce
sujet,
c qui ne sache
d que vous êtes éternellement redevables à votre
Père céleste,
e de lui rendre tout ce que vous
avez et êtes;
1 et aussi qui n'ait été instruit
au sujet des annales qui contiennent les
prophéties
2 qui ont été dites par les
saints prophètes
3 jusqu'au moment où notre père,
Léhi, a quitté Jérusalem; 2:35
4 Et aussi, tout ce qui a été dit par nos
pères jusqu'à maintenant [55].
d Et voici, aussi, ils ont dit ce que le
Seigneur leur commandait;
e c'est pourquoi, elles sont
justes et
vraies [56]. 2:36 c Et maintenant, je vous dis, mes frères, que si, après avoir connu tout cela
b et en avoir été instruits [Ndlr :
le texte anglais dit : de toutes
ces choses],
a vous transgressez et allez à
l'encontre de ce qui a été dit,
G’ Condamnation de la rébellion
contre Dieu
a vous vous retirez de l'Esprit
du Seigneur,
b pour qu'il n'ait pas de place
en vous
c pour vous guider dans les
sentiers de la sagesse, pour que vous soyez bénis, rendus
prospères et préservés — 2:37
d je vous dis que l'homme qui fait cela entre en
rébellion ouverte
contre Dieu [57];
d’ c'est pourquoi il trouve bon
d'obéir à l'esprit malin
c’ et devient ennemi de toute
justice;
b’ c'est pourquoi, le Seigneur n'a
aucune place en lui,
a’ car il ne demeure pas dans
des temples qui ne sont pas saints.
2:38
a C'est pourquoi, si cet homme ne se repent pas, et
reste et meurt ennemi de Dieu,
b les exigences de la justice
divine éveillent
c son âme immortelle à la conscience vive de sa
culpabilité, ce qui le fait
reculer hors de la présence du
Seigneur
c’ et remplit son sein de
culpabilité, et de souffrance, et d'angoisse, ce qui est semblable à
un feu qui ne s'éteint pas, dont la flamme monte pour toujours et à
jamais. 2:39
b’ Et maintenant, je vous dis que la
miséricorde n'a aucun droit sur
cet homme;
a’ c'est pourquoi sa condamnation
finale est d'endurer un tourment sans fin [58].
F’ Les bénédictions
éternelles de l’obéissance
2:40
Ô, vous tous, hommes âgés, et vous aussi, jeunes hommes, et vous, petits
enfants qui pouvez comprendre mes paroles [59],
a car je vous ai parlé
clairement afin que vous compreniez,
b je prie que vous vous éveilliez au
souvenir de la situation
affreuse de ceux qui sont tombés
dans la transgression.
c Et de plus, je désirerais que vous méditiez sur l'état
béni et
bienheureux de ceux qui gardent
les commandements [60] de Dieu.
c’ Car voici, ils sont bénis en
tout, tant dans le temporel que dans le spirituel [61]; et s'ils tiennent
bon avec fidélité jusqu'à la fin, ils sont reçus dans le ciel, afin de
pouvoir ainsi demeurer avec Dieu
dans un état de bonheur sans fin
[62].
b’ Oh! souvenez-vous, souvenez-vous
que ces choses sont vraies;
a’ car le Seigneur Dieu l'a dit.
Commentaires.
On remarque tout d’abord que le ton général de cette section n’est ni
négatif ni pessimiste, même s’il contient de quoi faire un sermon sur les
flammes de l’enfer. Mais ces considérations n’occupent pas tout
l’avant-plan de ce passage. Le milieu et les extrémités de la section 2
sont chargés de promesses, sont optimistes et encouragent le désir juste
des sujets de continuer à vivre dans l’obéissance civile et spirituelle.
Les thèmes négatifs sont introduits pour créer une opposition et un
soulignement rhétoriques.
Le thème de la section 2 est introduit dans la sous-section F, directement
après le couronnement de Mosiah II : le roi promet la victoire et la
prospérité en échange de la loyauté et de l’obéissance. La sous-section F
est essentiellement une structure double en huit lignes nommant quatre
législateurs, à savoir Benjamin, son père Mosiah Ier, son héritier Mosiah
II et Dieu. Pour Benjamin, les ordres politiques sont sanctionnés par deux
sources : le droit inné et le droit divin. Mosiah Ier se situe donc par
rapport à Benjamin comme Dieu par rapport à Mosiah II comme sources
respectives de ces deux droits souverains (lignes a2). Dans b1 et b2 les
bénédictions de la monarchie sont rendues dans une continuité partant du
règne de Benjamin vers celui de son fils. La perpétuation des pouvoirs
légaux d’une administration à la suivante est l’aspect crucial de toute
succession.
À la sous-section F, ce sont les bénédictions physiques seules qui
retiennent l’attention de l’orateur ; mais dans F’, il se préoccupe des
bénédictions « tant dans le temporel que dans le spirituel ». La
sous-section F’, bien que ne s’occupant pas d’assurer la succession des
droits du roi, est consacrée à l’accroissement de la tendance des sujets à
obéir. Benjamin prie pour que le peuple se rappelle les conséquences de la
désobéissance. Les lignes centrales de F’ contrastent la
situation affreuse de ceux qui désobéissent avec l’état béni et
heureux des justes. Deux lignes (c et c’) répètent ensuite « béni » et
« bienheureux/bonheur », des mots qui apparaissent au centre de la
première ligne avec l’intéressante gravitation de « béni » vers le
commencement de la ligne suivante et celle de « bonheur sans fin » vers la
fin de la même ligne. Dans les bons passages chiastiques, les mots souvent
accentués ont tendance à graviter vers les extrêmes opposés des lignes
correspondantes ; c’est un détail mineur, mais c’est dans les détails que
l’art doit être méticuleusement à la hauteur. En outre, « bénis » et
« bonheur » dans F’ correspondent aux idées de prospérité et de victoire
de F ; les paroles de Benjamin, faisant contraste avec celles de Dieu dans
F’, sont en harmonie avec la position des législateurs de F. F et F’
forment ainsi une paire bien équilibrée tant par le contenu que par la
structure. F’ est légèrement plus élaboré, mais c’est là le résultat de
l’impulsion d’embellir la deuxième de chaque paire pour élever l’idée
originale. Cette élévation se produit systématiquement à la section 2,
puisque F’ et G’ sont nettement plus élaborés que F et G.
La sous-section G contient une courte section chiastique, suivie de quatre
lignes qui mentionnent la volonté d’obéir à l’esprit malin, de rester et
de mourir dans ses péchés, la damnation et le châtiment éternel comme
idées terminales.
La sous-section G introduit les sujets qui sont
plus amplement traités dans G’. Le lien entre eux est assuré par
récurrence des quatre éléments : trouver bon d’obéir à l’esprit malin,
« reste et meurt » dans l’opposition à Dieu, la culpabilité et l’angoisse
de la damnation et une condamnation finale. La première partie de G’ est
en elle-même une belle composition chiastique, rendue très apparente par
la répétition de « pas de place » (b et b’). Il y a une association
significative entre « vous vous retirez de l'Esprit du Seigneur » – ce qui
est un acte volontaire, avec le retrait de l’Esprit – ce qui est
nécessaire, « car il ne demeure pas dans des temples qui ne sont pas
saints » (a et a’). Se laisser guider sur le chemin de la sagesse est le
contre-pied de ce que l’on fait quand on suit l’esprit malin dans
l’antagonisme à l’égard de la justice. Le centre de G’ déclare que celui
qui se retire délibérément de l’esprit entre en rébellion ouverte contre
Dieu. La logique du passage est donc : si vous vous retirez de Dieu il
doit se retirer de vous, car si vous n’êtes pas guidé par la sagesse vous
devenez l’ennemi de tout ce qui est bien et cela signifie que vous êtes en
rébellion contre Dieu. Le « malheur » qui est annoncé en termes généraux
dans (b) est alors prononcé en termes précis sur une telle personne dans
(G’).
La sous-section G’ contient une attitude psychologique mûre à l’égard du
châtiment. Son motif central décrit deux réactions différentes de
l’individu quand il prend conscience de sa culpabilité ; ces réactions
semblent modifier les deux termes introduits dans G, « damnation » et
« châtiment éternel ». Benjamin semble ainsi considérer que le châtiment
va s’exécuter de lui-même, car on peut rattacher « damnation » à « reculer
hors de la présence du Seigneur » et « châtiment éternel » s’identifie à
l’angoisse de l’âme « qui est comme un feu qui ne s’éteint pas ». Dans ce
tableau, le châtiment est strictement interne et existentiel ; aucun
décret extérieur, aucune torture dans les flammes n’est nécessaire pour
qu’il y ait angoisse spirituelle.
Dans la deuxième moitié de G’, Benjamin fait un effort réussi pour
conserver aux lignes une longueur égale dans les parties correspondantes,
même si l’ajout redondant de « et de souffrance, et d'angoisse » est
nécessaire dans l’un des cas. La ligne finale de G’ fonctionne, elle
aussi, d’une manière remarquable, car tandis que « sans fin » renvoie à
« reste » ennemi de Dieu, il annonce aussi le contraste avec « bonheur
sans fin » créé dans le passage final.
Le milieu et la charnière de la section 2 est la sous-section H. Une forme
chiastique lui est donnée par plusieurs lignes (a, b, c, d, e) construites
autour des mots clefs
« transgressé », « à l'encontre », « instruits », « sache », « Père
céleste » ou « le Seigneur », « avez et êtes » ou « justes et vraies ».
La mise en parallèle des mots
« avez et êtes » et « justes et vraies » est une forte association de
concepts, car la justice est la
distribution ou la redistribution équitable de choses, d’avantages ou de
droits que les gens ont et la
vérité porte sur les choses
qui, en fin de compte, sont. Au
centre même, qui ressemble assez bien à la structure du milieu, E, à la
section 1, on nous présente un quatrain composé de deux couplets. Le
premier couplet mentionne, de manière paralléliste, dans les lignes 1 et
2, le contenu et l’origine des annales ; le deuxième couplet mentionne de
manière chiastique au commencement et à la fin des lignes 3 et 4, les deux
périodes de temps où ces documents trouvent leur origine ; le mot
« dites » (« dit ») apparaît dans les deuxième et quatrième lignes comme
cela doit être. La pensée qui se situe sur l’axe est la responsabilité du
peuple basée sur la connaissance qu’il a de son endettement envers Dieu,
qui est la source de son existence matérielle et de son Écriture sainte.
Le changement de sujet au centre est constitué d’éléments temporels, par
la division des périodes de temps avant et après le départ de Jérusalem et
aussi par le contraste entre l’endettement matériel et spirituel. Mais ce
qui est le plus important, c’est que H contient la pensée qui est
indispensable à la logique de la section 2, car il va de soi qu’il est
indispensable de connaître ses obligations avant de se voir attribuer une
responsabilité, ce qui, pour sa part, est nécessaire pour l’attribution de
mérites ou de blâmes. La culpabilité est l’état de choses sur lequel est
basé le châtiment et le mérite est la condition nécessaire à la
récompense. C’est par conséquent la responsabilité qui est la clef de
voûte de la structure de la section 2 dont le thème traite des
bénédictions et des châtiments.
En résumé, bien que cette section soit structurellement complexe, sa
construction sous-jacente peut être simplifiée et mise en évidence en
faisant ressortir certains mots qui apparaissent dans un ordre déterminé
dans la première moitié de la section et dont les contreparties sont
introduites dans l’ordre inverse dans la seconde partie :
gardé les commandements (31)
prospéré (31)
querelles, trouve bon d’obéir, reste et meurt (32-33)
transgressé à l’encontre (33)
instruits à ce sujet (34)
sache (34)
avez et êtes (34)
prophéties, saints prophètes (34)
père Léhi, pères (34-35)
justes et vraies (35)
connu (36)
en avoir été instruits (36)
transgressez à l’encontre (36)
rébellion, trouve bon d’obéir, reste et meurt (37-38)
béni (41)
garde les commandements (41)
L’organisation chiastique de ce passage en rend le point central très
clair et donne aussi de la cohérence à la logique générale de la section.
Section 3
Aperçu.
C’est l’ange du Seigneur qui a donné à Benjamin l’information concernant
le Christ et son expiation que l’on trouve aux sections 3 et 4 [63]. Il
est intéressant de voir comment Benjamin intègre les paroles de l’ange
dans la structure chiastique générale de son propre discours.
J Le Seigneur a jugé ta
justice
K
Le Seigneur descendra
L Les œuvres du
Seigneur parmi les hommes
M Le pouvoir du Christ
sur les esprits malins
N Le Christ sera divin
et apportera le salut
M’ Le Christ sera accusé d’avoir un esprit malin
L’ Traitement infligé à Jésus par les hommes
K’ Le
Seigneur montera
J’ Le Seigneur jugera le monde avec justice
Il n’est pas nécessaire de faire un grand exposé pour mettre en évidence
la forte structure chiastique de cette section. Benjamin expose ici sa
vision prophétique des grandes merveilles du ministère du Sauveur et les
contraste ensuite avec l’ironie profonde que constitue son rejet par son
propre peuple élu. Il apparaît avec évidence que le chiasme est utilisé
ici pour intensifier cette ironie, car il est ironique que « les siens »
le considèrent simplement comme un homme après qu’il a souffert plus pour
eux qu’un homme ordinaire puisse le faire (N), qu’il soit accusé d’être
possédé par le démon alors qu’il en a chassé tant (M) et que la façon dont
il a été mis à mort est enracinée dans la manière dont il a béni leurs
malades et ressuscité leurs morts (L).
Analyse détaillée.
Les concepts importants traités dans cette section sont la justice, le
jugement et la divinité et la mission du Christ.
J Le Seigneur a jugé ta
justice
3:3
Éveille-toi, et entends les paroles que je vais te dire;
a car voici, je suis venu t'annoncer
b la bonne nouvelle d'une grande
joie.
3:4
Car le Seigneur a entendu tes prières, et a jugé de ta justice,
a et m'a envoyé t'annoncer que
b tu peux te réjouir;
a et que tu peux l'annoncer à
ton peuple,
b afin qu'il soit aussi rempli de
joie [64].
K Le Seigneur descendra
3:5
Car voici, le temps vient,
et n'est pas très éloigné,
où [avec puissance – Ndlr : les
mots entre crochets ont été déplacés pour correspondre à
l’ordre des mots en anglais]
le Seigneur Omnipotent
qui règne,
qui était et est
de toute éternité
à toute éternité,
descendra du ciel parmi les
enfants des hommes, et demeurera dans un tabernacle d'argile,
L Les œuvres du Seigneur parmi les
hommes
et s'en ira parmi les hommes,
accomplissant de grands miracles, tels que
guérir les malades,
ressusciter les morts,
faire marcher les boiteux,
rendre la vue aux aveugles
et l'ouïe aux sourds,
et guérir toutes sortes de maladies.
M Le pouvoir du Christ sur les
esprits malins
3:6
Et il chassera les démons, ou les esprits malins
qui demeurent dans le cœur des enfants des hommes.
N
Le Christ sera divin et apportera le salut
3:7
1 Et voici, il
souffrira les tentations, et la
souffrance du corps, la faim, la soif et la fatigue,
2 plus encore que l'homme ne
peut en souffrir sans en
mourir;
3 car voici, du sang lui sort de chaque pore,
4 si grande sera son angoisse
pour la méchanceté et les abominations de son
peuple.
3:8
Et il sera appelé Jésus-Christ,
le Fils de Dieu,
le Père du ciel et de la terre,
le Créateur de tout depuis le commencement;
et sa mère sera appelée Marie.
3:9
5 Et voici [65], il
vient parmi
les siens
6 afin que le salut parvienne
aux enfants des hommes
7 par la foi en son nom;
8 et même après tout cela, on le considérera comme un
homme,
M’
Le Christ sera accusé d’avoir un esprit malin
et on dira qu'il a un démon,
L’ Traitement infligé à Jésus par
les hommes
et on le flagellera, et on le crucifiera.
K’
Le Seigneur montera
3:10
Et le troisième jour, il se lèvera
d'entre les morts [66];
J’ Le Seigneur jugera le monde
avec justice
et voici, il se tient pour juger
le monde;
et voici, toutes ces choses se font pour qu'un
jugement juste vienne sur les
enfants des hommes.
Commentaires.
Cette structure chiastique se construit sur le contraste entre la période
éternelle du règne du Christ dans le ciel et la durée temporelle de sa
rencontre avec la mort, ainsi que la descente (K) et l’ascension (K’) de
Dieu dans l’histoire terrestre. Le centre de K se compose de trois paires
([puissance]-omnipotent, qui-qui, éternité-éternité), tandis que la
formation dans L contient trois triades (guérison-résurrection-causer,
marcher-recevoir-entendre). Autre chose importante : l’apparition de
« jugement » et de « justice » dans les sous-sections J et J’. On peut
comparer cet usage à un
traitement chiastique semblable de cette idée dans certains psaumes, comme
le psaume 58. Si ce passage de Mosiah 3 suit effectivement le schéma de la
psalmodie hébraïque, nous devons nous rendre compte que « jugement » est
utilisé dans l’introduction et la conclusion de plusieurs des psaumes pour
représenter le désir et l’attente généraux d’Israël, mais pas comme sujet
principal de l’unité.
Le tournant (N) est certainement l’idée centrale du passage. La divinité
du Christ et son sacrifice pour l’humanité se situent clairement au centre
de l’intention et de l’attention de cette partie du discours. Il vaut
aussi la peine de relever la nomenclature au centre, car des vocatifs
invoquant le Seigneur apparaissent souvent au centre des systèmes
chiastiques (comparez avec le psaume 58 et Alma 36). Ici la forme est
déclarative, mais l’idée d’utiliser le nom pour invoquer le Seigneur n’est
pas éloignée. La brièveté inhabituelle de M’, L’ et K’ accentuent le vif
contraste qu’ils exposent.
Il y a aussi un bel effet qui est donné grâce aux deux quatrains
étroitement apparentés qui flanquent les noms au centre. Ces deux
quatrains doivent être lus ensemble. L’un d’eux finit (4) et l’autre
commence (5) par une mention du peuple de Jésus ; même après tout ce qu’il
a saigné et souffert (2), il sera considéré comme n’étant qu’un homme
(8) ; ironie des choses, ses souffrances apportent la possibilité du salut
à l’homme (6) ; l’offrande du Christ a été son sang (3) en réponse à quoi
le peuple offre la foi en son nom (7).
Section 4
Aperçu.
Cette section du discours de Benjamin continue avec les paroles de l’ange
et traite de l’expiation et de la loi, du jugement et du salut. On peut
schématiser ses composants comme suit :
P L’Expiation couvre les péchés
des innocents
Q Le repentir est nécessaire pour
les rebelles
R Nous pouvons nous réjouir maintenant comme si le Christ était déjà venu
Q’ L’Expiation est nécessaire pour la loi de Moïse
P’ L’Expiation couvre les péchés de l’innocent
S Le salut est exclusivement en
Jésus-Christ
T
Se dépouiller de l’homme naturel et devenir un saint
S’ Le salut est universel en
Jésus-Christ
U
Dieu témoigne des paroles de l’ange
W Avertissement final concernant le jugement de Dieu
U’ Dieu témoigne des paroles de l’ange
Nous avons ici la section centrale de tout le discours de Benjamin. Il
traite des principes du repentir et du passage de l’état d’homme naturel à
celui de saint.
Analyse détaillée.
La section 4 est relativement difficile à analyser en dépit de deux
indices incontestables concernant sa composition : Premièrement, cette
section est distincte de la section précédente : la section 3 traitait
entièrement de la mission du Christ, tandis que la section 4 traite
exclusivement de la situation humaine et des conditions qui s’y rattachent
dans lesquelles l’Expiation agit pour absoudre les humains du péché.
Deuxièmement, la section 4 contient une des pièces chiastiques centrales
les plus longues et les plus précises du discours de Benjamin
(sous-section T, 3:18-19), qui se présente effectivement au centre de la
section centrale de tout le discours. Jusque-là la structure et la nature
de la section 4 va de soi, mais l’organisation des sujets qui flanquent ce
passage central monumental est moins évidente.
P L’Expiation couvre les péchés
des innocents
3:11
1 Car voici, son sang expie
aussi les péchés
2 de ceux qui sont tombés
3 par la transgression d'Adam,
4 qui sont morts sans connaître
la volonté de Dieu à leur sujet, ou qui ont
péché par
ignorance.
Q Le repentir est nécessaire pour
les rebelles
3:12
5 Mais malheur, malheur à celui qui sait qu'il
se rebelle contre Dieu!
6 Car le salut ne parvient à aucun
de ceux-là,
7 si ce n'est par le repentir
et la foi au Seigneur Jésus-Christ.
R Nous pouvons nous réjouir
maintenant comme si le Christ était déjà venu
3:13
a Et le Seigneur Dieu a envoyé ses
saints prophètes parmi tous les
enfants des hommes, pour annoncer ces choses à toutes tribus, nations
et langues, afin que
b tous ceux qui croient que le Christ
viendra
c reçoivent le pardon de leurs péchés et se réjouissent
c d'une joie extrêmement grande,
b comme s'il était déjà venu
parmi eux. 3:14
Pourtant, le Seigneur Dieu vit que son
peuple [67] était un peuple au
cou roide,
d et il lui imposa une loi,
e la loi de Moïse. 3:15
d Et il lui montra
e beaucoup de signes, et de
prodiges, et de figures, et de préfigurations [68] b concernant sa venue;
a et de saints prophètes lui
parlèrent aussi de sa venue;
Q’ L’Expiation est nécessaire pour
la loi de Moïse
5 et cependant, il s'endurcit
le cœur,
6 et ne comprit pas que la loi de Moïse ne sert à
rien,
7 si ce n'est par l'expiation
de son sang.
P’ L’Expiation couvre les
péchés de l’innocent
3:16
4 Et même s'il était possible aux
petits enfants de pécher, ils ne pourraient pas être sauvés;
mais je vous dis qu'ils sont bénis;
3 car voici, comme []en Adam,
2 ou de par leur nature [ils
tombent] [69],
1 de même le sang du Christ
expie leurs péchés.
S Le salut est exclusivement en
Jésus-Christ
3:17
v Et de plus, je vous dis qu'il
n'y aura aucun autre nom donné, ni aucune autre voie ni moyen par lesquels
le salut puisse parvenir aux
enfants des hommes,
w si ce n'est dans et par
le nom du Christ,
le Seigneur Omnipotent. 3:18
x Car voici, il juge, et son
jugement est juste;
y et le tout petit enfant qui
meurt dans sa prime enfance ne
périt pas;
z mais les hommes boivent de la
damnation pour leur âme
T
Se dépouiller de l’homme naturel et devenir un saint
a s'ils ne s'humilient,
b et ne deviennent comme des petits
enfants,
c et ne croient que le salut a été, et est, et sera, dans et par le sang
expiatoire
du Christ, le
Seigneur
Omnipotent. 3:19
d Car l'homme naturel
e est ennemi de Dieu,
f et l'est depuis la chute
d'Adam,
f et le sera pour toujours et à
jamais,
e à moins qu'il ne se rende aux persuasions de
l'Esprit-Saint,
d et ne se dépouille de l'homme
naturel, c et ne devienne un saint par l'expiation du Christ, le Seigneur,
b et ne devienne semblable à un
enfant,
a soumis, doux, humble,
patient, plein d'amour, disposé à se soumettre à tout ce que le Seigneur
juge bon de lui infliger, tout comme un enfant se soumet à son père.
S’ Le salut est universel en
Jésus-Christ
3:20
v Et de plus, je te dis que le
temps viendra où la connaissance d'un
Sauveur se répandra parmi toutes
les nations, tribus, langues et peuples [70]. 3:21
x Et voici, lorsque ce temps viendra, nul ne sera
trouvé innocent devant Dieu, y
si ce n'est les petits enfants,
w autrement que par le repentir
et la foi au nom du Seigneur
Dieu Omnipotent. 3:22
z Et en ce moment même, lorsque tu auras enseigné à ton peuple ce que le
Seigneur, ton Dieu, t'a commandé, même alors il ne sera plus trouvé
innocent aux yeux de Dieu, si ce
n'est selon les paroles que je t'ai dites.
U Dieu témoigne des paroles de
l’ange
3:23 Et maintenant, j'ai dit
les paroles que le Seigneur Dieu m'a
commandé de dire.
3:24 Et ainsi dit le
Seigneur:
W Avertissement final
concernant le jugement de Dieu
a Elles resteront comme un témoignage éclatant contre ce peuple au jour du
jugement;
a par elles il sera jugé,
b chaque homme selon ses œuvres,
qu'elles soient bonnes
b ou qu'elles soient mauvaises. 3:25
c Et si elles sont mauvaises,
ils sont condamnés à la vision affreuse
c de leur culpabilité et de leurs abominations personnelles,
d ce qui les fait reculer hors de la présence du Seigneur, vers un état de
misère
d et de tourment sans fin d'où
ils ne peuvent plus revenir;
a c'est pourquoi, ils ont bu
a de la damnation pour leur âme. 3:26
b C'est pourquoi, ils ont bu à
la coupe
b de la colère de Dieu,
c que la justice ne pourrait pas
plus leur refuser
c qu'elle ne pouvait refuser
qu'Adam tombât parce qu'il avait mangé du fruit défendu;
d c'est pourquoi, la miséricorde ne
pourrait plus jamais avoir de
droit sur eux. 3:27
d Et leur tourment est comme un
étang de feu et de soufre, dont les flammes ne s'éteignent pas et dont la
fumée monte pour toujours et à
jamais.
U’ Dieu témoigne des
paroles de l’ange
Ainsi m'a commandé le Seigneur.
Amen.
Commentaires.
Quand on va de l’intérieur vers l’extérieur, la charnière ici (T) est
exceptionnelle. Elle est composée de six éléments répétés très rapidement
dans l’ordre inverse.
L’expression
homme naturel n’est pas
seulement propre à cette section du discours, mais ce sont ses deux seules
apparitions dans tout le Livre de Mormon [71]
Le chiasme central qui se trouve dans 3:18-19 peut être résumé et
schématisé comme suit :
a s’humilier
b devenir comme des petits enfants c salut par le sang expiatoire du Christ le Seigneur
d homme naturel
e ennemi de Dieu
f l’est depuis la chute d’Adam
f le sera pour toujours et à jamais
e se rend à l’Esprit Saint
d homme naturel
c devienne un saint par l’expiation du Christ le Seigneur
b
devienne comme un enfant
a soumis, doux, humble
En outre, 3:17-18 (S) peut facilement être rapproché de 3:20-22 (S’). L’un
et l’autre sont introduits par « Et de plus » et tous deux qualifient le
traitement qui vient d’être fait des effets généraux de l’expiation du
Christ. Benjamin enseigne qu’il n’y aura pas d’autre nom sur lequel le
salut reposera (ce qui rend le nom du Sauveur universel). S et S’
mentionnent tous deux le salut ou le fait d’être trouvé innocent
uniquement par le nom de Jésus-Christ (W), l’innocence des petits enfants
(Y), la responsabilité des hommes pour leurs mauvaises actions (Z) et le
jugement (ou en d’autres termes, le fait d’être trouvé coupable devant
Dieu). Ces concepts sont présentés dans des ordres presque identiques dans
les deux groupes, qui, de ce
fait, forment des lignes alternantes par contraste avec le long élément
chiastique central.
Deux autres groupes restent aux extrémités, à savoir les versets 3:11-16
(P-Q-R-Q’-P’) et les versets 23-27 (U-W-U’). Les deux n’ont qu’un rapport
par contraste, puisque le seul lien direct est une allusion à Adam (3:26),
qui fait peut-être écho à P (3:11) et à P’ (3:16), les seules autres
allusions à Adam dans le discours. Mais le contraste entre ces deux
groupes est fort et très vraisemblablement intentionnel, ce qui justifie
donc qu’on les aligne. Dans 3:11-16, l’accent est mis sur les
manifestations miséricordieuses de l’Expiation et sur les bénédictions qui
sont conférées aux âmes par son fonctionnement. Ainsi, « son
sang expie aussi les péchés de ceux… qui sont morts sans connaître la
volonté de Dieu à leur sujet, ou qui ont péché par ignorance » (P). De
même, les petits enfants sont bénis (P’). Pour ceux qui se sont rebellés
ou se sont endurci le cœur, la voie de la réconciliation est préparée par
le repentir et la foi (Q) et l’Expiation (Q’). Par-dessus tout, il fallait
pour l’époque de Benjamin que l’on sache que l’Expiation pouvait agir sur
ceux qui croient que le Christ viendra, même si le Christ n’a pas encore
reçu son tabernacle mortel [72]. C’est dans R que le secret du
fonctionnement favorable, positif et généreux de l’Expiation parmi le
peuple de Benjamin est donné : afin qu’ils « se réjouissent… comme s’il
était déjà venu » et que la loi elle-même est un signe, un prodige, un
symbole et une ombre qui préfigure sa venue future. La structure de R
lui-même est compliquée par la présence de « saints prophètes » à son
début et à sa fin, suivie de deux chiasmes mineurs, b-c-c-b dans 3:13 et
d-e-e-d dans 3:14-15. Bien que R manifeste moins de discrétion dans la
forme, je préfère le laisser dans un arrangement structurel
simple juxtaposant le caractère futur de la venue du Christ et la présence
de son expiation.
Par contraste avec le fonctionnement futur de l’Expiation, 3:23-27 se
concentre sur la lourde responsabilité qui se rattache à la connaissance
et à la conscience que l’on a de la nature de l’Expiation. L’ambiance pour
cet avertissement sévère se prépare dès 3:10 : « toutes
ces choses se font pour qu'un jugement juste vienne sur les enfants des
hommes. » La cadence de ces lignes est introduite quand Benjamin impute
sans équivoque à son peuple la responsabilité de sa propre connaissance ;
il n’est plus « trouvé innocent aux yeux de Dieu » (3:22). Les huit
segments qui constituent W décrivent la nature du jugement. Pour Benjamin,
le jugement se produit intérieurement dans chaque âme, laquelle voit sa
culpabilité et recule d’elle-même hors de la présence du Seigneur, se
soustrayant ainsi à l’aide de la miséricorde elle-même par une
introspection et une prise de conscience impitoyable de culpabilité sur
laquelle il est impossible de se méprendre. Il se peut que ces huit
strophes, dont chacune comporte un redoublement, se divise dans la
dispositions conventionnelle de deux moitiés de quatre strophes chacune
(comparer avec Alma 34:18-25), car le jugement est le thème des lignes une
et cinq (a) et la charnière est le sujet des lignes quatre et huit (d) ;
on peut faire d’autres associations qui sont utiles mais pas
nécessairement contraignantes.
Section 5
Aperçu.
Après le passage en revue de la vie et de l’œuvre du Christ, la section
suivante de Benjamin décrit comment la connaissance de la puissance de
Dieu pousse à l’action et à la progression de l’esprit humain.
X
Connaissance que l’homme a de la bonté de Dieu
Y Articles de foi
X’ Connaissance que l’homme a de la bonté de Dieu
La section 5 contient le témoignage que le roi rend de Dieu et de
l’efficacité de l’expiation du Christ, assorti de réflexions qui mettent
l’accent sur le besoin qu’a l’humanité du pardon des péchés si elle veut
être rachetée d’un état de « néant » et d’indignité. S’il est exact que
l’organisation générale du discours associe le témoignage que Benjamin
rend de Dieu au témoignage que l’ange rend du ministère du Christ, nous
pouvons garantir que l’antécédent de l’expression « dans
la foi de ce qui est à venir » (4:11) est le ministère et les actes
expiatoires du Sauveur. Le chiasme de cette section est puissant et
efficace aussi bien dans son intégralité que dans ses sous-sections.
Analyse détaillée.
Cette section contient pour le reste des aspects positifs et négatifs de
la vie et de l’obéissance et beaucoup de formes de parallélismes.
4:5 k Car voici, si, en ce
moment, la connaissance de la bonté
de Dieu
– vous a fait prendre
conscience de votre néant,
– et de votre état vil et
déchu —
4:6 k Je vous le dis, si vous
êtes parvenus à la connaissance de
la bonté de Dieu,
+ et de sa puissance
incomparable, et de sa sagesse,
+ et de sa patience, et de
sa longanimité
a envers les enfants des hommes;
b et aussi de l'expiation qui a été
préparée dès la fondation du monde,
c afin que le salut parvienne
ainsi à celui
d qui place sa confiance dans
le Seigneur,
e et est diligent à garder ses commandements,
d et persévère dans la foi
jusqu'à la fin de sa vie, je veux dire la vie du corps mortel — 4:7
c Je dis que c'est cet homme-là qui reçoit le
salut,
b par l'intermédiaire de
l'expiation qui a été préparée, dès la fondation du monde,
a pour toute l'humanité
qui a jamais été depuis la chute d'Adam,
ou qui est,
ou qui sera jamais,
jusqu'à la fin du monde.
Y Articles de foi
4:8
1 Et c'est là le moyen par lequel le
salut vient.
Et il n'est pas d'autre salut
que celui dont j'ai parlé;
2 et il n'y a pas non plus de
conditions par lesquelles l'homme puisse être sauvé, si ce n'est les
conditions que je vous ai
dites. 4:9
3 Croyez en Dieu; croyez qu'il est,
et qu'il a tout créé, tant
dans le ciel que sur la terre;
4 croyez qu'il a toute la
sagesse
et tout le pouvoir, tant dans le
ciel que sur la terre;
5 croyez que l'homme ne
comprend pas tout
ce que le Seigneur peut comprendre. 4:10
6 Et encore, croyez que vous devez vous
repentir de vos péchés, et les
délaisser,
7 et vous humilier devant Dieu;
et demandez avec sincérité de
cœur qu'il vous pardonne;
8 et alors, si vous croyez toutes ces choses, veillez à les faire.
X’ L’homme connaît la bonté de
Dieu
4:11 Et je vous dis encore,
comme je l'ai déjà dit [73],
k que de même que vous êtes parvenus à la
connaissance de la
gloire de Dieu,
k ou si vous avez connu sa
bonté
v et goûté à son amour,
s et avez reçu le pardon de vos
péchés,
j ce qui cause une joie aussi
extrême dans votre âme,
r de même je voudrais que vous vous
souveniez,
r et gardiez toujours le souvenir
+ de la grandeur de Dieu,
– et de votre propre néant,
+ et de sa bonté et de sa longanimité
– envers vous, créatures indignes
[74],
h et vous humiliiez
h dans les profondeurs de
l'humilité,
n invoquant quotidiennement le nom du Seigneur,
f et demeurant avec constance dans la foi
f de ce qui est à venir,
n qui a été dit par la bouche de l'ange [75].
4:12 Et voici, je vous dis
que
j si vous faites cela, vous vous
réjouirez toujours,
v et serez remplis de l'amour
de Dieu,
s et conserverez toujours le pardon
de vos péchés;
k et vous progresserez dans la
connaissance de la gloire
de celui qui vous a créés,
k ou dans la connaissance de ce
qui est juste et
vrai.
Commentaires.
La section 5 est constituée de trois sous-sections : X-Y-X’. X et X’
contiennent toutes deux d’habiles dispositions chiastiques et sont
étroitement associées entre elles par la répétition d’un certain nombre de
pensées et d’expressions que l’on retrouve dans les deux cas.
X est introduit par deux mentions de la « connaissance de la bonté de
Dieu », une expression qui réapparaît sous des formes de plus en plus
élaborées deux fois au début de X’ et deux fois à la fin (k). Les deux
aspects négatifs de l’existence mortelle (– –) et les deux traits positifs
correspondants de la nature divine (+ +) gravitent du début de X vers le
milieu de X’, avec la répétition d’expressions identiques revenant dans
des lignes alternantes dans le passage complémentaire (+ - + -). Cette
gravitation accompagne une transition plus importante de la focalisation
de X vers X’ en ce que X traite de l’Expiation dans le sens où elle est
« préparée dès la fondation du monde »
et est apportée à l’humanité, tandis que X’ aborde l’Expiation dans
le sens que l’humanité va vers elle par la foi, l’humilité et la
connaissance de son triste état. Cela renforce l’objectif de Benjamin de
localiser les conditions du salut au milieu de X (d-e-d) et de déplacer
les termes décrivant les apports de l’humanité au processus salvateur vers
le milieu de X’ (h-n-f).
Il ne reste pas grand chose d’autre à dire sur le caractère chiastique de
X – puisque a-b-c-d-e-d-c-b-a va de soi – mais le contenu de X’ est
présentée sous une forme créative. Les deux paires de lignes k au
commencement et à la fin de ce système portent sur la connaissance de la
gloire et de la bonté de Dieu ; elles sont intéressantes à la lumière de
Moroni 10:6, qui dit : « ce
qui est bon est juste et vrai ». La structure chiastique de X’ rattache
« bonté » dans 4:11 à « ce qui est juste et vrai » dans 14:2. On peut donc
en conclure que les racines de la définition donnée dans Moroni 10:6
remontent au moins à l’époque de Benjamin (124 av. J.-C.) dans la pensée
néphite.
Dans X’ apparaissent trois idées groupées dans un ordre presque inversé
dans les secondes positions. Comme cela se présente souvent dans de bons
écrits chiastiques, ces répétitions s’accompagnent aussi d’une
intensification bien calculée : le premier cas (v) parle de goûter l’amour
de Dieu (4:11), tandis que la ligne correspondante dans 4:12 fait la
promesse d’être « rempli de »
cet amour. D’un côté le pardon des péchés (s) est mentionné dans 4:11,
mais de l’autre côté, sa contrepartie dans 4:12 parle de « conserv[er]
toujours le pardon de vos péchés » ; de même, la ligne (j) traite d’abord
d’un sentiment de « joie aussi extrême dans
votre âme » maintenant, mais l’intensification dans 14:12 promet : « vous
vous réjouirez toujours ». La
portée de ces contre-positionnements peut être eschatologique, de sorte
que nous devons comprendre que Benjamin dit que la joie éternelle, la
plénitude de l’amour et la conservation du pardon viendront toutes le jour
du jugement final du Seigneur. Ou alors nous pouvons considérer que la
portée de ses commentaires est plus limitée à des événements qui sont
situés au niveau d’expériences et d’attentes de ce monde. Dans ce dernier
cas, Benjamin s’attend à ce que les effets du salut se manifestent dans le
domaine de cette vie-ci. À la lumière des tendances humanistes générales
de Benjamin, et d’après le sens qui apparaît dans la ligne « si vous
faites cela, vous vous réjouirez toujours » (4:12), nous pouvons déduire
que la perspective de Benjamin concernant le jugement de l’homme envisage
autant les événements de ce monde que ceux de l’autre.
Au centre de X’ nous rencontrons une structure intéressante constituée de
deux couplets contenant un parallélisme climactique dans leur deuxième
ligne : « vous vous souveniez » devient « gardiez toujours le souvenir »
et « vous humiliiez » devient « les profondeurs de l’humilité ». Le
premier quatrain fait ensuite alterner les concepts positifs et négatifs
(+ – + –) qui sont apparus dans l’introduction de X (– –
+ +), tandis que le deuxième
quatrain est constitué de parallélismes normaux (n-f-f-n) dans lesquels
les deux premières lignes décrivent deux formes justes de conduite,
« invoquant quotidiennement le nom du Seigneur » et « demeurant avec
constance dans la foi », tandis que les deux deuxièmes lignes sont des
propositions relatives qui modifient de manière chiastique les deux
premières : les premières et quatrièmes lignes (n) sont liées parce que
l’ange a donné le nom qu’il faut invoquer quotidiennement et les deuxième
et troisièmes lignes sont toutes deux associées à l’idée de foi dans les
événements futurs.
Entre X et X’ le texte contient un interlude en huit parties dans la
sous-section Y. Ces huit lignes constituent une magnifique profession de
foi et de promesse, qui soutient la comparaison avec l’exhortation en huit
parties d’Alma 34:18-25 ou avec la structure des Béatitudes dans Matthieu
5:2-9.
La sous-section Y peut être envisagée sous plusieurs angles. En tant que
couplets en paire, il est évident que 1 et 2 sont étroitement liés,
puisque les deux expriment des conditions communes de salut et confirment
la nature exclusive de ce chemin du salut. Les lignes 3 et 4 sont unies
par l’expression « tant dans le ciel que sur la terre », qui apparaît dans
chacune d’elles et aussi par des pensées semblables sur Dieu, son
existence et sa puissance.
Les lignes 5 et 6 traitent de l’ignorance et de l’iniquité de l’homme. Les
lignes 7 et 8 décrivent la façon dont l’homme peut remplir les conditions
nécessaires pour atteindre le but du salut. Ces paires se répartissent
ensuite en deux groupes, à savoir 1-2-7-8, qui parlent des conditions du
salut, demander et agir avec humilité ; et 3-4-5-6, qui commencent tous
par le mot croyez, les deux
premiers à propos de Dieu, les deux autres à propos de l’homme. Et au-delà
de cela, il se produit une alternance au sein de cette structure : les
lignes 1-2-6-7 décrivent des événements bien déterminés ou sont limitées
par des mots d’exclusion (« pas d'autre », « si ce n'est » et « devez ») ;
d’un autre côté, 3-4-5-8 traitent de généralités et d’universels et sont
particulièrement détectables par la présence des mots
« tout », « toute la
sagesse », « toutes ces choses ». Ainsi donc, dans la structure
conventionnelle de couplets par paires
qui se pratique
fréquemment dans la littérature hébraïque, Benjamin incorpore une
alternance de traits universels (U) et spécifiques (S) dans la structure
SS-UU-US-SU dans 4:9-10. On a déjà rencontré ce genre de schéma notamment
dans Mosiah 3:7, 9, le panneau central de la section 3 (la contrepartie de
cette section-ci), où la structure était l’inverse de celle-ci,
c’est-à-dire, ab-ba-aa-bb. On la trouve aussi dans X et X’, où les aspects
positifs et négatifs se combinent dans l’ordre – – + + ; +
– + – .
Section 6
Aperçu.
L’avant-dernière section du discours de Benjamin décrit avec plus de
détails les obligations de justice sociale qui exigent des membres de la
collectivité qu’ils donnent de leurs biens aux nécessiteux.
A Distribution des biens
B Enseignez les lois de Dieu
à vos enfants
C Pourvoir aux besoins
des pauvres
D L’excuse du riche
E Malédiction en cas
de non repentir
F Obligation de donner
de ses biens aux autres
E’ Malédiction en cas de non repentir
D’ L’excuse du pauvre
C’ Pourvoir aux besoins des pauvres
B’ Manière
adulte de respecter les lois de Dieu
A’ Distribution des biens
Avertissement final contre le péché
Benjamin établit ici un parallèle important entre la façon dont nous
traitons nos semblables et la façon dont Dieu nous traite.
Analyse détaillée.
À part deux écarts exceptionnels par rapport à la forme standard, à savoir
la logique au centre et la répétition de la sanction, l’organisation de
base de la section 6 peut être considérée à juste titre comme chiastique,
même si le style de Benjamin est
plus sous forme d’exposé et est plus personnel. À certains égards,
c’est comme si Benjamin n’écrivait qu’au départ d’un schéma chiastique
très général avec l’impératif au milieu. Car il n’a pas l’intention
d’abandonner – dans le but de renforcer le chiasme à ce stade – des
pensées importantes ou même des pensées ultérieures qui étaient la logique
de l’obligation morale qu’il décrète. Ses pensées reviennent malgré tout
sur elles-mêmes à mesure que le passage se déroule depuis la dépendance de
l’homme vis-à-vis de Dieu, prononcée deux fois (prémisse principale 4:19,
21), le « malheur » invoqué deux fois sur ceux qui rejettent leur prochain
nécessiteux (E, E’, 4:18, 23) et la mention des deux états d’esprit dans
lesquels les riches et les pauvres traitent le mendiant (4:17, 24). Le
verset 25 semble être un refrain, répétant l’une des idées centrales du
passage (4:22). Les versets 29 et 30 sont un peu des parenthèses et
constituent à eux deux un épilogue prononcé comme avertissement final
avant la cérémonie dans laquelle le peuple répond au roi et fait alliance
avec le Seigneur (5:1-5).
A Distribution des biens
4:13 Et vous ne serez pas
enclins à vous nuire les uns aux autres,
mais à vivre en paix
selon son dû [76].
B Enseignez les lois de Dieu à vos
enfants
4:14 a Et vous ne souffrirez pas que vos enfants
b soient affamés ou nus;
a et vous ne souffrirez pas non
plus qu'ils transgressent les lois
de Dieu, et
b se battent et
se querellent,
et servent le diable,
qui est le maître du péché,
ou qui est l'esprit malin
dont ont parlé nos pères,
l'ennemi de toute justice.
4:15
a Mais vous leur enseignerez
b à marcher dans les voies de la
vérité et de la sagesse;
a vous leur enseignerez
b à s'aimer
les uns les autres et à
se servir
les uns les autres.
C Pourvoir aux besoins des
pauvres
4:16
Et vous-mêmes, vous porterez aussi
secours
à ceux qui ont besoin de votre
secours;
vous donnerez de vos biens
à celui qui est dans le besoin;
renverrez pas pour qu'il périsse.
D L’excuse du riche
4:17
Peut-être diras-tu:
L'homme s'est attiré sa misère;
c'est pourquoi je retiendrai ma main,
et ne lui donnerai pas de ma
nourriture,
ni ne lui accorderai de mes biens
pour qu'il ne souffre pas,
car ses châtiments sont justes
—
E Malédiction en cas de non
repentir
4:18
Mais je te dis,
a ô homme, quiconque fait cela
b a grand sujet de se repentir;
b et s'il ne se repent pas
a de ce qu'il a fait,
il périra [77] à jamais
et n'aura pas de part dans le royaume de Dieu.
F Obligation de donner de
ses biens aux autres
4:19
Car voici, ne sommes-nous pas tous
mendiants?
Ne dépendons-nous pas tous du
même Être, Dieu,
pour tous les biens que nous avons,
à la fois pour la nourriture et le vêtement, et
pour l'or, et pour l'argent, et
pour toutes les richesses de
toutes sortes que nous avons?
4:20
Et voici, en ce moment même,
vous venez d'invoquer son nom
et de mendier le pardon de vos
péchés.
Et a-t-il souffert que vous
mendiiez en vain?
Non; il a déversé son Esprit sur vous,
et a fait que
votre cœur soit rempli de
joie,
et a fait que
votre bouche soit muette, de
sorte que vous ne pouviez trouver à vous
exprimer, tant votre joie était
grande.
4:21
a Et maintenant, si Dieu, qui vous a créés, dont vous dépendez pour votre
vie et pour tout ce
que vous avez
et êtes,
b vous accorde
c tout ce que vous demandez de
juste,
d avec foi,
d croyant
c que vous recevrez,
b oh alors, comme vous devriez vous
accorder
a les uns aux autres des biens que
vous avez.
4:22
Et si vous jugez l'homme qui vous adresse sa supplication pour obtenir de
vos biens afin de ne
pas périr,
et le condamnez,
à quel point votre condamnation
ne sera-t-elle pas plus juste
pour avoir refusé vos biens,
b à vous
c mais à Dieu,
c à qui
b [votre vie];
a [appartient aussi]
E’ Malédiction en cas de
non repentir
et pourtant vous n'adressez aucune supplication,
ni ne vous repentez de ce que
vous avez fait.
4:23
Je vous le dis, malheur à cet homme,
car ses biens périront [78]
avec lui;
et maintenant, je dis ces choses à ceux qui sont riches
quant aux choses de ce monde [79].
D’ L’excuse du pauvre
4:24
a Et encore, je dis aux pauvres, à vous qui
n'avez pas
et cependant avez suffisamment
pour subsister de jour en jour;
je veux dire: vous tous qui refusez au mendiant parce que vous
n'avez pas;
b je voudrais que vous disiez dans
votre cœur:
c Je ne donne pas
d parce que je n'ai pas,
d mais si j'avais,
c je donnerais. 4:25
b Et maintenant, si vous dites
cela dans votre cœur,
et votre condamnation [80] est juste,
car vous convoitez [81] ce que
vous n'avez pas reçu.
C’ Pourvoir aux besoins des
pauvres
4:26
Et maintenant, pour les choses
que je vous ai dites,
c'est-à-dire pour conserver
de jour en jour le pardon de
vos péchés,
afin de marcher innocents
devant Dieu,
je voudrais que vous accordiez de vos biens [82] aux pauvres,
chaque homme selon ce qu'il a,
comme nourrir les affamés,
vêtir les nus,
visiter les malades et
leur apporter [83] du soulagement,
tant spirituellement que temporellement,
selon leurs besoins [84].
B’ Manière adulte de
respecter les lois de Dieu
4:27
Et veillez à ce que tout cela
se fasse avec sagesse et
ordre;
– car
il n'est pas requis
que l'homme coure plus vite
qu'il n'a de force.
+ Et en outre, il est nécessaire
qu'il soit diligent,
afin qu'il remporte ainsi le prix;
c'est pourquoi, tout doit se
faire avec ordre.
A’ Distribution des biens
4:28
Et je voudrais que vous vous souveniez que
a quiconque parmi vous emprunte
à son prochain,
a doit rendre la chose qu'il
emprunte,
selon [85] qu'il est convenu,
b sinon tu commettras un péché;
b et peut-être feras-tu aussi
commettre un péché à ton
prochain.
Avertissement final contre le
péché
4:29
a Et finalement, je ne peux pas
vous dire
b toutes les choses par
lesquelles vous pouvez commettre le péché; b car il y a divers voies et moyens,
a oui, tant que je ne peux les
énumérer.
4:30
Mais il y a une chose que je peux
vous dire,
c'est que si vous ne veillez pas à vous-mêmes,
et à vos pensées, et à vos paroles, et à vos actes,
et n'observez pas les commandements de Dieu, et ne continuez pas dans la
foi de ce que vous
avez entendu concernant la venue de notre Seigneur jusqu'à la fin de votre
vie,
vous périrez.
Et maintenant, ô homme, souviens-toi,
et ne péris pas [86].
Commentaires.
Les sous-sections A-B-C (4:13-16) font pendant à C’-B’-A’ (4:26-28), avec
des répétitions importantes qui sont « donnez de vos biens » (C, C’, 4:16,
26), « les affamés » (4:14, 26) et « rendre à chaque homme selon son dû »
(4:13, comparer avec « rendre la chose qu'il emprunte,
selon qu'il est convenu » (4:28). En intégrant les deux moitiés de
ces sous-sections apparentées en une seule unité, nous voyons que, dans
chaque cas, Benjamin déclare explicitement à la fois le genre de
comportement qu’il désire voir le peuple éviter et aussi les critères
qu’il prescrit pour remédier aux difficultés si elles devaient se
produire : dans A, le comportement désiré est la restitution des biens, ce
qui devait être particulièrement significatif étant donné l’obligation de
restitution des biens lors des rites de l’année du jubilé (voir note 18).
Les critères nécessaires étaient tout d’abord de ne pas être « enclins à
[se] nuire les uns aux autres » et en fin de compte désirer éviter de
commettre le péché ou d’amener son prochain à commettre également un
péché. Le remède trouvé consistait à rendre à chacun ce qui lui était dû,
ce que semble vouloir dire « selon qu'il est convenu » (A’ 4:28). A-A’ dit
donc au peuple de tenir ses promesses et de respecter ses conventions
concernant la restitution des biens à ce moment-là et à titre de règle
morale générale.
Dans B, le comportement désiré est d’élever les enfants en leur
fournissant un soutien temporel et spirituel suffisant. Les conditions
requises sont d’écarter le diable et d’éviter les querelles (comparer avec
la section 2.G, 2:32). Cela doit s’accomplir dans B en leur enseignant à
obéir aux « lois de Dieu », à « marcher dans les voies de la vérité et de
la sagesse » et à s’aimer et à se servir et dans B’ « tout cela se [fait]
avec sagesse et ordre » pas en
courant plus vite qu’on n’a de force.
Dans C, Benjamin désire encourager la distribution charitable de biens aux
nécessiteux. Ceci est associé dans C’ à la conservation « de jour en jour
[du] pardon de vos péchés », que l’on assure en nourrissant les affamés,
en vêtant les nus, en visitant les malades et en servant ceux qui sont
spirituellement ou temporellement dans le besoin.
Bien que cette section soit plus douce de style que certaines des sections
précédentes du discours de Benjamin, les passages fluides, presque
lyriques de cette section communiquent un sentiment de chaleur, de bonté
et d’assurance, propice à l’esprit de générosité et de bonté humanitaire
que Benjamin veut créer dans l’esprit de son auditoire. L’impression
générale de plénitude et de totalité de cette section est créée par
l’utilisation du chiasme dans plusieurs de ses sous-sections : les beaux
chiasmes dans les sous-sections E (a-b-b-a), F (a-b-c-d-d-c-b-a,
a-b-c-c-b-a) et D’ (a-b-c-d-d-c-b-a) créent un sentiment naturel de
persuasion logique et de parachèvement moral. De plus, dans une plus
grande mesure que dans d’autres sections de son discours, Benjamin utilise
avec efficacité des répétitions dans d’autres dispositions en parallèle :
souffrirez-souffrirez, enseignerez-enseignerez (B), secours-secours (C),
ma nourriture-mes biens (D), tous les biens-toutes les richesses, mendier-
mendiiez, joie-joie, biens-biens, condamnez- condamnation
(F), n’ai pas-n’avez pas (D’),
innocents-innocents (B’,C‘), pour-pour, selon-selon (C’), ordre-ordre
(B’), emprunte-emprunte, commettras un péché-commettre un
péché, ne peux-ne peux, périrez-ne péris pas (A’). La récurrence de
ces nombreuses répétitions en deux parties correspond stylistiquement au
thème central de cette section qui met l’accent sur la réciprocité, le
soutien mutuel et l’égalité équilibrée entre individus.
Au centre, la logique de Benjamin ne manque pas d’intérêt. En rapprochant
certains rapports, il est en mesure de faire découler un impératif moral à
partir d’un transfert conditionnel d’obligations. La logique ici est tout
à fait différente de la logique syllogistique traditionnelle et pour en
comprendre le fonctionnement dans ce cas-ci, il faut l’étudier
parallèlement à un raisonnement du même genre dans 2:18-19 (1.E) et en
termes de la structure de ces passages. Dans les trois cas, l’argument
commence par un énoncé de faits qui, de par sa nature, entraîne certains
droits, avantages ou obligations. Suit alors une prémisse conditionnelle
ou contingente par l’intermédiaire de laquelle une obligation est
transférée au peuple. Ainsi dans 2:18 l’argumentation peut être
schématisée comme suit :
Je suis votre roi (fait)
Vous devriez me servir (obligation découlant de la royauté)
Je vous sers (condition)
Par conséquent vous devriez vous servir les uns les autres
(conclusion)
Cette conclusion ne s’ensuit logiquement que parce que Benjamin a
volontairement choisi de servir les autres, en les désignant comme étant
les bénéficiaires de tous ses efforts et de tous ses avoirs. L’obligation
que le peuple a envers lui est ainsi transférée de lui à « d’autres »
bénéficiaires. Remarquez cependant que sans l’implication stipulée,
l’argument ne passe pas parce que
Je suis votre roi
Je vous sers
C’est pourquoi vous devez vous servir les uns les autres
n’est pas persuasif du tout et semble faire découler un « vous devez »
d’un « je suis », ce qui est un faux raisonnement. 2:19 donne :
Je suis votre roi (fait)
Vous devez me remercier du service que je vous rends (implication)
Le service que je vous rends est un service à Dieu (condition)
Vous devez donc remercier Dieu (conclusion)
Ici, le droit du roi aux remerciements dépend d’un service qui appartient
à Dieu. Benjamin transfère donc à Dieu les mérites qu’il a pu s’acquérir
dans ce service, et puisque le peuple a encore une dette de
reconnaissance, l’obligation de payer cette dette à Benjamin est
transférée à une obligation de remercier Dieu.
Dans 4:19-22, le raisonnement emploie la même méthodologie et la même
structure :
Nous dépendons tous du même Dieu pour tout (prémisse principale)
Vous devez le reconnaître comme la source et le maître de tout
(implication)
Dieu accorde ce qui lui est demandé et même ce qu’on ne lui demande
pas (promesse conditionnelle)
Vous devez donc vous donner de vos biens les uns aux autres
(conclusion)
Benjamin ne se borne pas à dire ici qu’il préfère que les gens soient
charitables entre eux. Il prétend au contraire que l’obligation d’être
charitable découle de l’obligation de l’homme de reconnaître ce qui
découle directement de la relation mentionnée dans la prémisse principale.
S’il existe un devoir de reconnaître Dieu comme le maître et que Dieu
décide de distribuer universellement la bienveillance, les gens sont tenus
de distribuer leurs biens comme le ferait le maître lui-même. De même que
l’obligation est effectivement transférée dans 2:18 de celle qui existe
entre le peuple et son roi à une obligation entre le peuple et ses
semblables, il y a ici transfert d’une relation entre Dieu et l’humanité à
une relation entre êtres humains. De cette façon, les arguments de
Benjamin ont du mérite et constituent un modèle exceptionnel de déduction
morale et de présentation.
Section 7
Aperçu.
Benjamin conserve le format chiastique jusqu’à la fin de son mémorable
discours. Non seulement chacune des sous-sections est équilibrée et
habilement construite, mais la section 7 dans son ensemble est une
harmonie, contient une charnière chiastique étendue (Z, 5:10-12) et
contient d’autres chiasmes dans 5:7 et 5:8-9.
X Nés du
Christ
Y Obéissance au nom du
Christ
Z Excommunication pour
transgression
Y’ Le meilleur moyen
de connaître le nom du maître est de le servir
X’ Scellés par Dieu
Ces éléments contiennent les avertissements finaux de Benjamin contre le
péché et décrivent les bénédictions éternelles de l’obéissance.
Analyse détaillée.
Les principes de l’obéissance et de la liberté ou de la nouvelle naissance
et de la dignité traités dans cette dernière section du discours de
Benjamin sont soigneusement sertis dans des chiasmes et des parallélismes.
X Nés du
Christ
5:6
Vous avez dit les paroles que je désirais,
5:7
a Et maintenant, à cause de
l'alliance que vous avez faite,
vous serez appelés enfants du Christ,
b ses fils et ses
filles;
c car voici, aujourd'hui il vous a
engendrés spirituellement;
d car vous dites que votre cœur est changé par la foi en son nom;
c c'est pourquoi, vous êtes nés
de lui
b et êtes devenus ses fils et
ses filles. 5:8
a Et, à ce titre, vous êtes
affranchis,
a et il n'y a aucun autre titre auquel vous pouvez être
affranchis [87].
Y Obéissance au nom du Christ
a Il n'y a aucun autre nom
donné par lequel le salut vienne;
a c'est pourquoi, je voudrais que vous preniez sur vous le
nom du Christ,
b vous tous qui avez conclu avec
Dieu l'alliance
c d'être obéissants jusqu'à la
fin de votre vie. 5:9
c Et il arrivera que quiconque fait
cela
b se trouvera à la droite de Dieu,
a car il connaîtra le nom par
lequel il est appelé;
a car il sera appelé par le nom du
Christ.
Z Excommunication pour
transgression
5:10
a Et maintenant, il arrivera que quiconque ne prend pas sur lui le
nom du Christ
b devra être appelé par un
autre nom;
c c'est pourquoi, il se trouve à la
gauche de Dieu. 5:11
d Et je voudrais que vous vous
souveniez aussi que c'est là le nom que j'ai dit que je vous
donnerais,
e qui ne serait jamais effacé,
f si ce n'est par la transgression;
f c'est pourquoi, veillez à ne pas
transgresser,
e afin que le nom ne soit pas
effacé de votre cœur. 5:12
d Je vous le dis: Je voudrais que vous vous souveniez de toujours
retenir le nom écrit dans votre
cœur,
c afin de ne pas vous trouver à la
gauche de Dieu,
b mais que vous entendiez et connaissiez la voix par laquelle vous serez
appelés,
a et aussi le nom par lequel il
vous appellera.
Y’ Le meilleur moyen de
connaître le nom du maître est de le servir
5:13
a Car, comment un homme connaît-il
le maître qu'il n'a pas servi, et qui est un étranger pour lui, et est
loin des pensées et des intentions de son cœur? 5:14
b Et encore, un homme prend-il l'âne qui appartient à son voisin et le
garde-t-il? Je vous le dis:
non;
b il ne souffre même pas qu'il paisse parmi ses troupeaux, mais le
chasse et l'expulse.
a Je vous dis qu'il en sera de même parmi vous, si vous ne
connaissez pas le nom par
lequel vous êtes appelés.
X’ Scellés par Dieu
5:15
C'est pourquoi, je voudrais
1 que vous soyez constants et immuables, étant toujours abondants en
bonnes œuvres,
2 afin que le Christ, le Seigneur Dieu Omnipotent, vous scelle comme
siens,
3 afin que vous soyez amenés au ciel,
4 que vous ayez le salut éternel et la vie éternelle,
par
1 la sagesse,
2 et la puissance,
3 et la justice,
4 et la miséricorde
de celui
qui a tout créé
dans le ciel et sur la terre,
qui est Dieu au-dessus de tout.
Amen.
Commentaires.
À propos de la section 7, nous relevons ce qui suit : Dans X, il est
intéressant qu’une double mention (a a) de la conclusion d’une alliance
(5:6-7) fait contraste avec une double mention (a a) de l’idée
d’affranchir un peuple (5:8). Cette association directe est confirmée par
le lien entre le concept israélite antique de la liberté et les droits de
la liberté et la notion de peuple de l’alliance (Exode 21:2 ; Jérémie
35:9-10 ; Jean 8:33) ;
La nouvelle naissance de la multitude (5:7) est, semble-t-il, la mise en
application de l’exhortation et de l’exigence centrales du discours de
Benjamin (3:18) que l’on doit devenir comme un enfant. Ce qui nous amène à
la conclusion que pour Benjamin « devenir comme de petits enfants »
signifie naître de Dieu.
Les composants de la section 7 sont presque exclusivement constitués de
couplets et sont assortis par paires avec leurs éléments correspondants.
Cette technique est appliquée de manière plus uniforme dans cette section,
qui est le point culminant du discours, que dans n’importe quelle autre
partie du sermon. Les couplets apparentés dans X sont presque synonymes.
Dans Y les lignes (a) nomment l’obligation et la récompense de
l’obéissance. De plus, les passages (a) dans Y sont apparentés aux
passages (a) dans Y’, avec en supplément le fait que dans Y la
connaissance du nom est simplement acquise dans le cadre de la cérémonie
tandis que dans Y’ elle s’acquiert par une connaissance qui découle du
service.
La sous-section X’ invoque l’aspiration finale du peuple de l’alliance, à
savoir d’être scellé, ou marqué d’un sceau, attestant la pureté de la
qualité et de l’exactitude de la mesure en vue de la réception par le
Seigneur. Il se peut que les quatre étapes de l’exaltation mentionnées
dans 5:15 soient censées avoir pour parallèles les quatre attributs de
Dieu mentionnés immédiatement après. Le scellement est un produit de la
sagesse de Dieu ou de la connaissance qu’il a de la qualité des œuvres
d’une personne ; « afin que vous soyez amenés au ciel » est accompli par
le pouvoir de Dieu ; « que vous ayez le salut éternel » découle de la
justice de l’Expiation, et la « vie éternelle », qui est le plus grand des
dons de Dieu, est conférée aux mortels par la miséricorde du Père.
Le chiasme central, qui se trouve dans 5:10-12, peut se résumer et se
schématiser comme suit :
a nom du Christ
b appelé par un autre nom
c à la gauche de Dieu
d se souvenir du nom
e effacé
f transgression
f transgresser
e effacé
d se souvenir de retenir le nom
c à la gauche de Dieu
b voix par laquelle vous serez appelés
a le nom par lequel il vous appellera
La précision soutenue de la forme dans ces versets centraux mérite
commentaire. La longueur de ce chiasme à elle seule est impressionnante et
n’est égalée que par le chiasme central de tout le discours dans 3:18-19.
Mais ce qui est encore plus significatif, c’est l’intégration réussie de
certains termes inhabituels. Par exemple, l’expression « à la gauche de
Dieu » apparaît deux fois dans la sous-section Z (5:10, 12) et est une
métaphore rare dans les Écritures. De même « effacé » (5:11) n’apparaît
que dans ces versets du Livre de Mormon. Ce passage conduit avec succès à
son point culminant et intensifie son exhortation finale contre la
transgression par l’introduction frappante de ces termes soigneusement
choisis et intentionnellement répétés.
Le chiasme au niveau de l’ensemble du discours
Jusqu’ici nous avons examiné les limites entre les sept sections du
discours et la présence de chiasmes au niveau des principaux concepts et
de mots déterminés tels qu’ils apparaissent un peu partout dans les sept
sections principales. Il reste à examiner un niveau final : l’analyse
générale. Quand on les contemple dans l’ensemble et dans le détail, les
sept grandes sections du discours de Benjamin s’associent entre elles
d’une manière qui s’équilibre et qui est complémentaire. Encore une fois,
l’ordre est chiastique, faisant correspondre les sections 1 et 7, 2 et 6,
3 et 5, avec 4 au centre. Le sujet traité dans chaque section est en
rapport avec celui de sa section complémentaire d’une manière plus
avantageuse qu’avec n’importe quelle autre section du système.
Section 1 (2:9-28) Section 2 (2:31-41)
Section 3 (3:2-10)
Section 4 (3:11-27)
Section 5 (4:4-12)
Section 6 (4:13-30)
Section 7 (5:6-15)
De nombreux liens créent une unité forte entre les première et dernière
sections du discours. Les rôles de Dieu en tant que roi céleste (2:19) et
Père céleste (5:7) sont portés à l’attention de l’auditoire dans 1 et 7.
Le premier parle de la création physique, l’autre d’être engendré
spirituellement aujourd’hui. À la fin de 1.A’ (2:28), les pensées de
Benjamin se tournent vers sa mort dans l’espoir que son esprit sera
ressuscité pour louer Dieu ; la conclusion de 7.X’ exprime le même espoir
pour tous les hommes, « afin que vous soyez amenés au ciel » (5:15). Le
tournant de 7.Z (5:10-12) insiste auprès de l’auditoire sur l’importance
de l’alliance (5:1-5), qui place le peuple sous le gouvernement du roi et
de Dieu ; de même, les impératifs dans 1.E (2:18-19) insistent sur
l’obligation qui incombe au peuple sous le gouvernement de Dieu et de son
roi. Dans 1.D-D’, Benjamin déprécie ses années de service, car on ne peut
pas se vanter de ses services à ses semblables, puisque ce service n’est
qu’au service de Dieu, mais le service à Dieu est inévitablement inutile à
Dieu et par conséquent il n’est pas, lui non plus, au crédit de l’homme.
Toutefois, dans 7.Y-Y’, nous apprenons que le but et l’avantage du service
ne consistent pas à rembourser Dieu, mais à augmenter notre connaissance
du Seigneur, « car, comment un homme connaît-il le maître qu’il n’a pas
servi ? » (5:13). L’idée que tout service est un service à Dieu (1.D,
2:16-17) est aussi en rapport avec les déclarations de Lévitique 25:8-55,
qui interdisent à un enfant de l’alliance d’en réduire un autre en
esclavage après le début de l’année du jubilé, parce que « ce sont mes
serviteurs, que j’ai fait sortir du pays d’Égypte » (Lévitique 25:42 ;
voir 25:55). Donc en fin de compte toute charité est de Dieu et par
conséquent Benjamin explique : « Je n'ai pas souffert non plus que vous
soyez enfermés dans des cachots, ni que l'un de vous fasse de l'autre son
esclave » (2:13, 1.C). Lévitique 25:10 exigeait aussi qu’à cause de cette
liberté et de cette égalité parmi les Israélites, au jubilé « vous
publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants ». En
conséquence, dans 7.X (5:8), Benjamin proclame que son peuple soit passé
en revue sous l’alliance « et à ce titre, vous êtes affranchis ».
Les sections 2 et 6 s’efforcent l’une et l’autre de créer une communauté
de l’alliance bien ordonnée basée sur la justice et la générosité
individuelles motivées par la bonté et le pardon de Dieu. Les deux
sections condamnent les querelles et invitent à l’obéissance. Benjamin
avertit dans 2:32 : « prenez
garde qu'il ne s'élève des querelles parmi vous, et que vous trouviez bon
d'obéir à l'esprit malin dont a parlé mon père Mosiah » et dans 4:14 :
« Et vous ne souffrirez pas… qu'ils… se battent et se querellent, et
servent le diable, qui est le maître du péché, ou qui est l'esprit malin
dont ont parlé nos pères. » Il y a suffisamment d’allusions aux lois du
jubilé de Lévitique 25-26 aux sections 2 et 6 pour qu’il soit probable que
Benjamin a cette partie du Pentateuque à l’esprit quand il parle des
« annales » (2:34, 2.H) et des « lois de Dieu » (4:14, 6.B). Par exemple,
Lévitique 25:10 dit : « Chacun de vous
retournera dans sa propriété » et Mosiah 4:28 dit que chaque personne
« doit rendre la chose qu’il emprunte » ; Lévitique 26:3 déclare :
« Suivez mes lois… gardez mes commandements et… mettez[-les] en pratique »
et Mosiah 2:31 encourage : « Gardez les commandements de mon fils,
ou les commandements de Dieu ». Les sections 2 et 6 sont donc étroitement
liées par plusieurs facteurs, notamment la densité de leur utilisation
simultanée de sujets provenant de Lévitique 25-26 [88].
Les sections 3 et 5 sont naturellement complémentaires : l’ange proclame
la mission du Christ et Benjamin témoigne de la bonté de Dieu qui fournit
le chemin du salut.
La section 4, au centre, exprime la condition à laquelle tous doivent
satisfaire pour pouvoir être rachetés de leurs iniquités. C’est clairement
le tournant d’une relation juste avec Dieu, le point de conversion et la
condition préalable à l’alliance. Le Pentateuque exige plus ou moins la
même condition : « Ils confesseront leurs
iniquités… leur cœur incirconcis s’humiliera… Je me souviendrai de mon
alliance avec Jacob » (Lévitique 26:20-42 ; comparer avec Mosiah 4:2 ;
3:18-19).
Conclusion
Depuis 1830, quand le Livre de Mormon a été publié, ceux qui ont cru au
livre ont affirmé que son style ressemble à celui des textes hébreux [89].
Ceux qui n’ont pas accepté le livre ont prétendu que son style est
« guindé, compliqué, diffus, insignifiant voire même brutal » [90] et que
toute ressemblance entre le style du Livre de Mormon et l’hébreu est due
exclusivement aux passages du Livre de Mormon qui ont été « plagiés de la
Bible [91] ». Le livre a souvent été attaqué pour sa manière répétitive et
apparemment redondante de s’exprimer. Pendant de nombreuses années, les
qualités littéraires du Livre de Mormon n’ont pas reçu l’étude qu’elles
méritaient [92]. Même chez ses critiques littéraires, « le Livre de Mormon
n’a pas été considéré universellement comme l’un de ces livres qu’il faut
lire pour s’en faire une opinion [93]. » Toutefois, plusieurs publications
récentes ont fait de grands pas dans la direction d’une inversion de ces
évaluations austères du Livre de Mormon en tant que littérature [94] et la
présente étude fait un pas de plus dans cette direction en examinant la
structure littéraire d’une partie limitée mais importante de ce livre. Les
résultats ont montré que Benjamin avait atteint un niveau élevé et
distingué d’habileté littéraire dans l’utilisation de formes anciennes de
parallélisme et de chiasme. Ces techniques montrent que le discours de
Benjamin est un exemple merveilleux de littérature chiastique.
Il est impressionnant de constater l’habileté avec laquelle Benjamin
emploie des ordres chiastiques et maintient des équilibres précis de
longueur et de signification dans les sections et sous-sections
apparentées de sa présentation. C’est révélateur de voir à quel point ces
figures littéraires mettent en évidence et font passer les messages et
particulièrement les applications pratiques des principes éthiques de
Benjamin ; beaucoup de détails prennent une importance nouvelle à la
lumière de l’analyse comparative et structurelle. Chose intéressante,
Benjamin place souvent l’homme et la situation humaine au centre de
l’attention de ses dispositions chiastiques. Ceci diffère de Néphi, par
exemple, qui met systématiquement la parole du Seigneur ou les révélations
du Seigneur au point focal. À cet égard, l’approche choisie par Benjamin
est en accord avec sa personnalité d’homme nouveau et le fait qu’il se
situe dans la société néphite à un moment où plusieurs impulsions
démocratiques transfèrent des droits importants aux membres ordinaires de
la société.
Pour toutes ces raisons, je crois qu’une analyse littéraire soigneuse aide
à beaucoup d’égards à comprendre le discours de Benjamin lui-même. Quand
on le contemple sur la toile de fond de la littérature et des techniques
artistiques hébraïques, il s’en dégage une ressemblance incontestable
entre les conventions du vieux monde, les qualités universelles et la
structure littéraire de l’incomparable discours du roi Benjamin.
Notes
1. Mark Twain, Roughing lt, New York, Harper, 1899, p. 132.
2. Sidney B. Sperry, « The Book of Mormon as Literature », réimprimé dans
JBMS 4/1, 1995, p. 44.
3. James Muilenburg, « Form Criticism and Beyond », JBL 88/1, 1969,
p. 18.
4. Donald W. Parry, « Hebrew Literary Patterns in the Book of Mormon »,
Ensign,
octobre 1989, p. 59.
5. Id.
6. James Muilenburg, « A Study in Hebrew Rhetoric: Repetition and Style »,
Vetus Testamentum suppl. 1, 1953, p. 98, cité dans David I. A.
Clines, « The Parallelism of Greater Precision: Notes from Isaiah 40 for a
Theory of Hebrew Poetry», dans Directions in Biblical Hebrew Poetry,
dir. de publ. Elaine R. Follis, Sheffield, Angleterre, JSOT, 1987, p. 87.
7. Définitions dans Donald W. Parry, The Book of Mormon Text
Reformatted according to Parallelistic Patterns, Provo, Utah, FARMS,
1992, i-li. Voir également Donald W. Parry, « Poetic Parallelisms in the
Book of Mormon », FARMS, 1988 ; Donald W. Parry, « Parallelisms Listed in
Textual Sequence », FARMS, 1983 ; et Donald W. Parry, « Parallelisms
according to Classification », FARMS, 1988.
8. Parry, « Hebrew Literary Patterns », p. 59, citant Robert Lowth,
Isaiah: A New Translation, Londres, Nichols, 1795, ix.
9. Voir John W. Welch, dir. de publ., Chiasmus in Antiquity,
Hildesheim, Gerstenberg, 1981, et John W. Welch, « Chiasmus
Bibliography », Provo, Utah, FARMS, 1997.
Une première version de cette recherche a été présentée sous le titre
« Chiasmus in King Benjamin's Speech » au Brigham Young University Book of
Mormon Symposium, 1970.
10. Voir L’Odyssée II:170. Pour un traitement plus approfondi, voir
Welch, Chiasmus in Antiquity, pp.
253-254.
11. On trouvera une liste de quinze critères importants dans John W.
Welch, « Criteria for Identifying and Evaluating the Presence of
Chiasmus », JBMS 4/2, 1995, pp. 1-14.
12. Lund mentionne ce qui suit comme étant les deux premiers de ses sept
critères du chiasme dans la Bible : « 1. Le centre est toujours la
charnière. 2. Au centre il y a souvent un changement de l’orientation de
la pensée et une idée antithétique est amenée. » Nils W. Lund, Chiasmus
in the New Testament, Chapel Hill, Caroline du Nord, université de
Caroline du Nord, 1942 ; réimpression Boston, Hendrickson, 1992, pp.
40-41.
13. Voir les divers chapitres de Welch, Chiasmus in Antiquity.
14. On trouvera une reconnaissance populaire du chiasme comme étant « l’un
des styles d'écriture de la Bible… [utilisé par] beaucoup d'auteurs
bibliques » dans James I. Packer, Merrill C. Tenney et William White, dir.
de publ., The Bible Almanac,
Nashville, Nelson, 1980, p. 364. Ma bibliographie récente des études
spécialisées sur le chiasme prouve que l’on a trouvé beaucoup plus de
grands chiasmes dans la Bible que dans n'importe quel autre genre de la
littérature.
15. Voir, par exemple, Alma 36 ; Alma 41:13-15.
16. En tous cas, ils n’apparaissent dans aucune des listes de livres que
j'ai examinées dans les collections des bibliothèques des États-Unis dans
les années 1830.
17. Voir John W. Welch, « What Does Chiasmus in the Book of Mormon
Prove? » dans Book of Mormon Authorship Revisited: The Evidence for
Ancient Origins, dir. de publ.
Noel B. Reynolds, Provo, Utah, FARMS, 1997, pp. 199-224.
18. Ces cérémonies présentent plusieurs ressemblances avec les fêtes
antiques de nouvel an, en particulier dans les proclamations de paix et de
prospérité faites par le roi, Mosiah 2:31, 41. La purification était
également associée au calendrier juif pendant l'année sabbatique de jubilé
(Lévitique 25:8-17). Il se peut que la purification de la nation effectuée
ici au début du règne de ce nouveau monarque ressemble au nettoyage de
l'année sabbatique, l'abolition des dettes, le retour aux familles et la
restitution des biens aux pauvres, etc. Ceci permettrait d’expliquer la
mention spéciale du rassemblement des familles (Mosiah 2:5) et également
l'accent mis dans 4:13-30 sur la nécessité de donner de ses biens aux
indigents.
19. Comparer avec « vous ai fait rassembler » (2:27-28).
20. Cette expression constitue une inclusio au commencement et à la
fin de l’appel de Benjamin à l'attention.
21. Le manque de force de Benjamin seul fait contraste avec « la force que
le Seigneur m’a accordé[e] » (2:11).
22. Comparer avec « corps mortel » (2:26).
23. Comparer avec « je ne suis pas meilleur que vous » (2:26).
24. Ces lignes contiennent peut-être le chiasme : peuple, mon père (=
roi), Seigneur, gouverneur (= Seigneur), roi, peuple.
25. En affirmant qu’il a servi son peuple avec tout le pouvoir, tout
l’esprit et toute la force que Dieu lui a donnés, Benjamin prépare la voie
à un renforcement puissant du devoir de l'homme de servir Dieu de tout son
pouvoir, de tout son esprit et de toute sa force (comparer avec
Deutéronome 6:5). Puisque Dieu par Benjamin a servi l'homme de cette
façon, l'homme tombe sous l’obligation de servir Dieu de la même manière.
26. Dans ce chiasme, Benjamin assortit l'utilisation de son temps au
travail de ses mains.
27. En d'autres termes, été à votre service.
28. La futilité de se vanter d’avoir rendu service à ses semblables
encadre les idées parallèles incluses au sujet de l'accusation dans 2:15.
Benjamin ne désire pas accuser son peuple, tout comme il espère que Dieu
ne l'accusera pas.
29. La déclaration importante que servir son prochain ne constitue qu’un
service à Dieu apparaît deux fois : d'abord, en ce qui concerne le service
du roi Benjamin ; et en second lieu, comme principe général en ce qui
concerne le service à tout son peuple. Ces deux points encadrent les deux
idées au milieu au sujet d'apprendre la sagesse.
30. Plusieurs éléments renforcent le parallélisme de ces deux idées
maîtresses qui se trouvent au centre de la section 1. Les mots
remercier et doivent apparaissent chacun deux fois. Les mots
roi et service apparaissent quatre fois. En ce qui concerne le
service, le modèle est a-a-b-b : servir, servir, service, service. Pour ce
qui est du mot roi, l'ordre
est lui-même chiastique, a-b-b-a : les deux occurrences du milieu sont des
conditionnels identiques, tandis que la première et la dernière forment
une inclusio par la transformation de « votre roi » en « votre roi
céleste ».
31. Dans la sous-section précédente, Benjamin avait parlé du service,
puis des remerciements,
mentionnés deux fois ; dans cette sous-section, il inverse l'ordre,
parlant d'abord de l'inutilité de remercier
Dieu,
remerciements et louanges, et
puis de l'inutilité de servir Dieu, mentionnée deux fois.
32. Dans cette structure en huit parties, les première et troisième paires
(1, 2, 5, 6) et les deuxième et quatrième paires, 3, 4, 7, 8)
correspondent. Les deux moitiés
sont clairement séparées par le passage de l'idée de remercier Dieu
pour revenir à l'idée de servir Dieu. La première moitié est plus simple
que la deuxième. La deuxième moitié ajoute un fort élément temporel
(« depuis le commencement », « de jour en jour », « d'un moment à
l'autre ») qui unifie le deuxième quatrain. La séquence tout entière
évolue depuis les idées générales jusqu’à l'instant présent et les
bénédictions de Dieu deviennent plus graves dans cette progression : (3)
se réjouir seuls ou ensemble, (4) vivre dans la paix ensemble, (7) vivre
et se mouvoir librement selon sa propre volonté, et (8) vivre purement et
simplement.
33. La règle absolument sûre que Dieu ne reniera jamais sa promesse
correspond à la règle absolue que tout ce qu’il demande, c’est
l’obéissance à ses commandements.
34. Cette répétition tire cette expression des éléments 1 et 5 de la
sous-section D’ et l'emploie pour introduire la sous-section B'.
35. Ce mot fait écho au pouvoir et à la force que Dieu donne à Benjamin à
la sous-section B ci-dessus (2:11).
36. « Bénit » et « payés » dans cette deuxième strophe semblent répondre à
« créés » et « accordé » de la première strophe.
37. Dans la sous-section D', l'humanité était simplement inutile, mais
dans la sous-section B', Benjamin voit l'humanité comme redevable envers
Dieu.
38. Les mots « pour toujours et à jamais » réapparaissent au centre (3:27)
du discours à la section 4 ci-dessous.
39. Dans la sous-section D, Benjamin était la personne qui cherchait à ne
pas se vanter ; dans cette partie-ci, D', il transfère le même état de
choses à son peuple, car lui non plus n’a pas de quoi se vanter.
40. Structurellement, ces deux questions rhétoriques et ces deux négations
de toute prétention humaine à des mérites indépendants de Dieu constituent
le point central de la sous-section B'. La partie tout entière comporte
deux propositions avant le centre, en premier lieu, l’humanité a été créée
par Dieu ; et deuxièmement, Dieu récompense l'obéissance ; et deux
segments après le centre, en premier lieu, l'humanité a été créée de la
poussière qui appartient à Dieu ; et de plus, le roi a également été créé
de la poussière. Notez également que
réponds dans 2:25 fait écho
répondre dans 2:15.
41. L'idée que la poussière appartient à Dieu intensifie l'idée dans le
premier segment (2:23) de cette section que l'humanité est redevable à
Dieu à cause de la création, non seulement pour l'ordre et la forme de la
création, mais aussi pour sa substance matérielle.
42. Ceci fait écho au point-clef de cette section dans 2:19.
43. L'expression « je ne suis pas meilleur que vous » rappelle
l'expression « je suis semblable à vous » à la sous-section B (2:11).
44. Comparez avec l’ « homme mortel » à la sous-section B ci-dessus
(2:10).
45. Ces lignes ramènent Benjamin sur la scène. Comme son peuple (1) il est
poussière et (3) dans un corps mortel ; il rattache (2) sa vieillesse et
sa mort proche à l'idée (4) de naissance et de la terre, notre mère.
46. Voir la sous-section D ci-dessus (2:15).
47. Le segment final de cette section poursuit le style parallèle typique
qui caractérise toute cette section. A deux reprises, Benjamin mentionne
qu’il a fait assembler son peuple. A deux reprises, Benjamin parle de
descendre dans sa tombe. A deux reprises, il mentionne l’idée du sang du
peuple retombant sur lui. A deux reprises, il a la vision du jugement et
de la justice de Dieu. L'assemblée terrestre de la première moitié devient
l'assemblée céleste de la deuxième moitié. Dans les sous-sections A et A',
il semble énoncer quatre fonctions de l'assemblée. Tandis que le but de
Benjamin à la sous-section A était de révéler les mystères de Dieu à son
peuple, son but à la sous-section A’ est de se préparer à rencontrer Dieu
; ces deux buts sont cependant reliés par le concept qui sous-tend toute
cette partie du discours de Benjamin, à savoir le caractère commun et
l'identité entre la situation du roi et du peuple dans le dessein éternel
du plan de Dieu.
48. Si une personne peut se sentir reconnaissante sans que cela ne
l’incite à une action quelconque, bénir, louer et honorer impliquent
forcément des manifestations. La manifestation publique de gratitude à
l’égard de Benjamin qui est sous-entendu au verset 19 a dû se présenter
sous la forme des actions de grâces présentées au roi lors de ces
rassemblements officiels.
49. Comme dans la féodalité, toutes les obligations sont dues en fin de
compte au roi. Mosiah 2:18 ne dit pas : « Si vous voulez servir Dieu,
faites-le en servant l'homme. »
Il dit qu’on ne peut pas éviter de servir Dieu même lorsqu’on n’est
pas conscient de la destination véritable du bénéfice du service qu’on lui
rend. Ainsi l’exhortation et l'impératif de se servir l’un l’autre au
verset 19 doit découler d'une autre source, à savoir l'exemple de
Benjamin, pas de la relation inhérente entre le service de l’homme et le
service de Dieu.
50. Se battre et se quereller, lutter, servir « l'esprit malin dont ont
parlé nos pères » et devenir « ennemi de toute justice » sont des thèmes
dont on retrouve l’écho à la section 6 dans 4:14.
51. Trouver bon d’obéir
apparaît trois fois dans la sous-section G et une fois dans G'.
52. Esprit malin apparaît une fois dans la sous-section G et une
fois dans G'.
53. Le mot parlé apparaît six fois dans la section 2, à savoir, une
fois dans la sous-section G, trois fois dans H, et deux fois dans F'.
54. Cette expression apparaît de nouveau à la section 4 (3:25).
55. Le thème des « pères » commence à la sous-section G par « mon père
Mosiah » (2:32) et continue à la sous-section H avec « notre père, Léhi »
(2:34) et « nos pères » (2:35) qui sont rattachés au Seigneur (d, 2:35)
« votre Père céleste » (d, 2:34).
56. Bien que non identiques, la paire de mots décrivant deux vertus
principales des choses divines, « justes et vraies », peut
contrebalancer en poids verbal la paire précédente décrivant les maigres
attributs de l'homme morteI, « avez
et êtes » (2:34), à quoi fait écho 4:21.
57. L'idée d’entrer en rébellion ouverte contre Dieu et la malédiction
placée sur une telle personne réapparaissent à la section 4 (3:12).
58. La sous-section G a introduit les notions de « trouver
bon d’obéir à l'esprit malin », de « rester et mourir » dans ses
péchés et de récolter en récompense un « châtiment éternel ». La
sous-section G’ traite de nouveau du même sujet dans un ordre qui est
fondamentalement le même, en développant plus complètement la
signification de « trouver bon d’obéir à l'esprit malin », les
conséquences de « rester et mourir » dans ses péchés, et le « tourment
sans fin » qui en résulte.
59. Cette ligne est la contrepartie de 2:34 ci-dessus, « Je vous dis qu'il
n'en est pas un parmi vous, si ce n’est vos petits enfants qui n'ont pas
été instruits. »
60. Rappelez-vous : « Gardez les commandements » dans F (2:31).
61. La paire « temporel et spirituel » dans cette sous-section
contrebalance les idées de paix (« vous a été évité de tomber entre les
mains de vos ennemis ») et de prospérité dans F (2:31).
62. Rattache « le châtiment éternel » dans G à « tourment sans fin » dans
G’ et à « bonheur sans fin » dans F'.
63. Les sections 3 et 4 découlent des paroles de l'ange et il est donc
naturel de se demander de quelle souplesse Benjamin disposait pour
composer ces parties du message qu’il remet à son peuple. Bien que toute
conclusion quant à la façon dont Benjamin a reçu et a enregistré sa
révélation doive forcément demeurer incertaine, il est clair qu'il affirme
s’inspirer directement des paroles de l'ange, car il écrit à la première
personne du singulier au nom de l'ange (3:3, 17, 20, 22, 23, 27). Nous
avons au moins trois explications que nous pourrions examiner. La première
affirme que Benjamin répète in extenso les paroles prononcées par l'ange.
Si c'est le cas, c’est l'ange qui est responsable de l'ordre chiastique
des mots dans ces sections du discours, que Benjamin a ensuite retranscrit
en bloc dans le discours. C’est aussi une bonne illustration de la
pratique du Seigneur de parler dans la langue et dans le style du prophète
et des personnes qui reçoivent la révélation.
Une deuxième explication propose que puisque l'utilisation systématique du
chiasme dans ce passage correspond exactement au style d’écriture de
Benjamin dans les autres sections de son discours, on peut supposer que
Benjamin a eu une grande vision dans laquelle on lui a dit beaucoup de
choses qu'il a alors présentées dans sa manière de parler et d'écrire.
Cette explication trouve un certain appui dans le fait que Néphi a reçu
sensiblement la même vision que Benjamin (comparer Mosiah 3:5-9 avec 1
Néphi 11:31-33) et cependant leurs récits diffèrent considérablement :
Néphi se sert de parallélismes directs dans une narration pure, tandis que
les paroles de Benjamin sont disposées en chiasmes. Cependant, à d’autres
égards, leurs récits présentent certaines ressemblances : Mosiah 3:13-14
ressemble fort à 2 Néphi 25:24-27 et l'avertissement que ces paroles
seront un témoignage sur la base duquel les hommes seront jugés est
présent dans 2 Néphi 25:18, 28 et Mosiah 3:24. Nous pourrions donc en
conclure que si les expériences spirituelles essentielles, qui sont à la
base d’idées religieuses aussi apparentées, sont très semblables, la mise
en forme de cette connaissance spirituelle peut différer d’un prophète à
l’autre. Une troisième possibilité combine les deux premières. Peut-être
Benjamin a-t-il pris les paroles de l'ange et les a-t-il employées comme
matériaux qu’il a disposés de manière à ce qu’elles aillent avec ses
conceptions littéraires.
64. Encore une fois, la structure de ce passage reflète les relations de
Dieu avec le roi et celles du roi avec son peuple.
65. L'expression et voici [Ndlr :
and lo en anglais] n’apparaît que deux fois dans le discours de
Benjamin, les deux fois dans cette partie de la section 3.
66. Comparer avec « descendra » (3:5) dans la sous-section K.
67. Le texte oppose « les enfants des hommes » et « toutes tribus, nations
et langues » qui ont été invités à croire à « son peuple », à savoir les
enfants d'Israël qui n'ont pas cru.
68. Benjamin met en parallèle la réception du pardon des péchés avec les
lois ou les commandements de Moïse, qui ont été donnés pour faciliter
l'obéissance et le repentir ; « se réjouissent » et « joie » se rattachent
à la réception de « beaucoup de signes, et de prodiges, et de figures »,
qui étaient une occasion de bénédictions et de bonheur.
69. Notez l’inversion chiastique : tombés-Adam (3:11), tombent-Adam
(3:16).
70. « nations, tribus, langues et peuples » est en parallèle avec
« enfants des hommes » (3:17) dans la section correspondante S ci-dessus.
71. À cet égard 3:18-19 doit être
comparé à 5:10-12, le même chiasme central prolongé à six éléments de la
section 7 contenant également un
hapax legomenon
en paire, « la gauche de Dieu ».
72. Comparer avec 2 Néphi 25:24-27 pour un contrepoint chiastique entre la
loi de Moïse et l’accomplissement de la loi dans le Christ.
73. On a ici l’aveu explicite que ces répétitions sont intentionnelles.
74. Dans la sous-section X, la structure était - - + +, qui devient + - +
- dans la sous-section X'.
75. Il est possible de voir une faible structure a-b-b-a dans ces quatre
lignes : (a) les gens doivent invoquer le Seigneur avec la bouche, (b)
avoir la foi, (b) à l'avenir, (a) comme l'ange l’a dit de sa bouche.
76. Comparer avec « rendre » et « selon qu’il est convenu » dans 4:28 dans
la sous-section A’ ci-dessous.
77. Cette condamnation reflète le fait que cette personne a chassé le
mendiant « pour qu’il périsse » (4:16) ; voir la sous-section C
ci-dessus. Le concept de justice réciproque commun dans la loi biblique et
dans le Livre de Mormon exige que le châtiment soit à la mesure du crime.
Voir aussi 4:23.
78. Comparez avec la destruction d'Acan et de ses possessions dans Josué
7. Le sens de la justice et de la logique de Benjamin veut que si
quelqu’un chasse un mendiant pour qu’il périsse, la justice de Dieu exige
que non seulement la personne mais également que ses biens périssent.
79. « Ce monde » dans la sous-section E fait contraste avec le « royaume
de Dieu » dans la sous-section E.
80. La double occurrence de « condamner » pourrait faire pendant à la
double occurrence de « jour » dans 4:24, la première partie de cette
sous-section.
81. La structure de ce passage indique que le problème de la convoitise
est le fait de désirer plus qu'il n’en faut pour ses besoins, puisque ces
deux idées sont des contreparties.
82. Voir « vos biens » dans la sous-section C, plus haut (4:16).
83. Voir « donnerez » dans la sous-section C, plus haut.
84. Voir « dans le besoin » dans la sous-section C, plus haut.
85. Comparer avec « selon son dû » dans la sous-section A de la section
ci-dessus (4:13).
86. La double occurrence de « périr » met un accent sur le problème du
péché qui fait pendant à la double reconnaissance au début de cet
avertissement des manières innombrables dans lesquelles une personne peut
commettre le péché. En outre, l'ordre des positifs et des négatifs dans ce
passage est chiastique : ne peux pas dire, peux dire, périrez, ne péris
pas.
87. Un lien direct est établi entre « faire » l'alliance et « être
affranchi », car les fils et les filles sont libres d’endettement ou de
servitude vis-à-vis du père.
88. On peut trouver les détails d'une comparaison entre le Lévitique et
Mosiah dans « Le discours du roi Benjamin dans le contexte des anciennes
fêtes israélites », dans
http://www.idumea.org/Etudes/Ecritures/LM/Fetes_israelites.htm.
89. Voir Parley P. Pratt, AVoice of
Warning, Salt Lake
City, Deseret Book, 1920, 1e éd1837, p. 105.
(Voix
d'avertissement,
http://www.idumea.org/Livres/Voix_avertissement/04.htm.
90. Bruce Kinney, Mormonism, the Islam of America, New York,
Revell, 1912, p. 60.
91. Id.
92. Voir Douglas Wilson, « The Book of Mormon as Literature »,
Dialogue
3, 1968, p. 30.
93. Thomas F.O'Dea, The Mormons,
Chicago, University of Chicago Press, 1957, p. 26.
94. Voir, par exemple, Richard Dilworth Rust, Feasting on the Word: The
Literary Testimony of the Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret Book
et FARMS, 1997; Eugene England, « A Second Witness for the Logos: The Book
of Mormon and Contemporary Literary Criticism », dans By Study and Also
by Faith, dir. de publ. John M. Lundquist et Stephen D. Ricks, Salt
Lake City, Deseret Book et FARMS, 1990, 2:91-125; Alan Goff, « A
Hermeneutic of Sacred Texts: Historicism, Revisionism, Positivism, and the
Bible and Book of Mormon », thèse de maîtrise, université Brigham Young,
1989; Bruce W. Jorgensen, « The Dark Way to the Tree: Typological Unity in
the Book of Mormon », dans Literature of Belief: Sacred,
Scripture and Religious Experience, dir. de publ. Neal E. Lambert,
Provo, Utah, BYU Religious Studies Center, 1981, pp. 217-231; Victor L.
Ludlow, « Scribes and Scriptures », dans Studies in Scripture: 1
Nephi to Alma 29, dir. de publ. Kent P. Jackson, Salt Lake City,
Deseret Book, 1987,pp. 196-204; Stephen P. Sondrup, « The Psalm of Nephi:
A Lyric Reading », BYU Studies 21/3, 1981, pp. 57-72; Robert K.
Thomas, « A Literary Critic Looks at the Book of Mormon », dans A
Believing People, Provo, Utah: Brigham Young University Press,
1974, pp. 213-219; John A. Tvedtnes, « Hebraisms in the Book of Mormon: A
Preliminary Survey », BYU Studies 11/1, 1970, pp; 50-60; Stephen C.
Walker, « More than Meets the Eye: Concentration of the Book of Mormon »,
BYU Studies 20/2, 1980, pp; 199-205; Donald W. Parry, Jeanette W.
Miller et Sandra A. Thome, dir. de publ., A Comprehensive Annotated
Book of Mormon Bibliography, Provo, Utah, FARMS, 1996.
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