Jérusalem – y monter, en descendre : un cachet d’authenticité
Par Warren Aston

Certains des joyaux cachés dans le Livre de Mormon n’apparaissent qu’une fois que nous nous sommes mis dans les souliers de l'auteur. Cela peut mettre en évidence des choses que nous avions lues bien des fois mais que nous n’avions pas remarquées, des choses qui non seulement révèlent la présence de plusieurs auteurs dans le Livre de Mormon, mais aussi qu'il est vraiment un document ancien authentique.

En novembre 2011, je me suis rendu dans une grande partie du Proche-Orient avec cinq de mes six enfants. Chacun d'eux avait amené son conjoint pour l'aventure ; l’un d’eux a amené ses deux jeunes fils. Ce fut un voyage en famille inoubliable et épanouissant. Vers la fin, nous sommes passés de Jordanie en Israël et nous avons commencé le voyage vers Jérusalem. Le lecteur sait certainement que si l’on va de Tel-Aviv à l'ouest, de la Galilée au nord, de l'est en traversant le Jourdain ou du sud, on doit monter dans les montagnes qui abritent la ville antique.

Tandis que nos voitures de location roulaient sur la grande route moderne qui monte de la mer Morte vers Jérusalem, j'ai pensé à Néphi et à ses frères. Depuis leur camp de base dans la vallée de Lémuel, ils avaient fait deux voyages de retour pénibles à Jérusalem, tout d'abord pour se procurer les plaques d’airain et ensuite pour amener Ismaël et sa famille à se joindre à eux. En les imaginant faire cela à pied ou même à dos d’animal, j'ai commencé à me demander si la longue montée jusqu'à chez eux avait contribué aux plaintes de Laman et de Lémuel. Tandis que nous montions rapidement dans un confort climatisé, j’ai demandé aux membres de la famille si Néphi avait constaté qu'ils devaient monter à Jérusalem et en descendre. Ses annales, souvent pleines de détails frappants, disaient-elles quelque chose à ce sujet ?

Bien entendu, Jérusalem est un endroit majeur, pas accessoire, dans les annales de Néphi ; c'était son chez lui et il en connaissait certainement très bien la configuration. C’est là qu’avait commencé l’odyssée de Léhi et de Sariah qui allait leur faire faire quasiment le tour de la planète. De plus, Jérusalem se distingue par sa position géographique élevée accentuée de manière toute particulière par l’immense Wadi Arabah à l'est, contenant la mer Morte, à quelque 417 mètres au-dessous du niveau de la mer. Plus j’y pensais, plus je me disais qu'il serait étrange qu’un récit de voyages décrivant plusieurs aller-retour par rapport à Jérusalem n’en parle pas.

Plus tard, j'ai jeté à nouveau un coup d’œil sur les écrits de Néphi que je connais si bien. Il y a une poignée d’occasions où il est question, d’une manière générale, d’aller à Jérusalem ou d’en revenir, comme dans 1 Néphi 3:2 où Léhi lui rapporte le songe qui lui commande de retourner à Jérusalem avec ses frères chercher les annales. De toute évidence, ici la topographie est un élément sans importance. Mais ensuite, quand il décrit les déplacements proprement dits de sa famille, Néphi change de langage. Sur plusieurs chapitres, entre de longs récits de visions et de songes, Néphi fait de fréquentes allusions à la localisation de Jérusalem sur une hauteur :

Passages dans 1 Néphi :
2:5 il descendit [de Jérusalem] jusqu’aux régions frontières
3:4 redescendiez [de la maison de Laban] avec elles [les plaques] ici dans le désert
3:9 pour monter au pays de Jérusalem
3:10 lorsque nous fûmes montés au pays de Jérusalem
3:15 nous ne descendrons pas [de Jérusalem] vers notre père dans le désert
3:16 descendons [de Jérusalem] au pays de l'héritage de notre père
3:22 nous descendîmes [de Jérusalem] au pays de notre héritage
3:23 nous remontâmes à la maison de Laban [à Jérusalem]
3:29 vous allez remonter à Jérusalem
4:1 remontons à Jérusalem
4:2 c’est pourquoi, montons [à Jérusalem]
4:3 montons [à Jérusalem]
4:4 ils montèrent derrière moi [à Jérusalem]
4:33 si [Zoram] descendait dans le désert avec nous
4:34 si tu [Zoram] descends dans le désert
4:35 [Zoram] promit qu'il descendrait dans le désert
5:1 après que nous fûmes descendus [de Jérusalem] dans le désert
5:5 les fera redescendre vers nous dans le désert
5:6 pour monter vers le pays de Jérusalem
7:3 pour monter à Jérusalem
7:4 nous montâmes à la maison d'Ismaël [à Jérusalem]
7:5 pour descendre [de Jérusalem] dans le désert
7:15 montez au pays [de Jérusalem]
7:22 nous descendîmes à la tente de notre père… fûmes descendus à la tente de mon père

Cette cohérence totale dans le récit des voyages de ce jeune Néphi est déjà assez impressionnante ainsi, mais elle le devient encore plus lorsque nous lisons plus loin dans le Livre de Mormon les nombreuses références qui rappellent Jérusalem et le voyage des Léhites. La façon dont elles sont formulées constitue un contraste frappant : que ce soit Néphi qui en soit l’auteur ou ses successeurs, aucune mention de Jérusalem n'utilise la terminologie que l'on trouve dans les versets ci-dessus. À une seule exception près, il n'est tout simplement jamais question de monter à Jérusalem ou d’en descendre. (1)

Deux exemples de ces allusions ultérieures à Jérusalem devraient suffire :

La plupart des passages ressemblent à 2 Néphi 30:4, écrit des années plus tard dans le Nouveau Monde. Vers la fin de sa vie, Néphi prophétise que dans un avenir lointain on enseignera à ses descendants « comment nous sommes sortis de Jérusalem ». Bien entendu, dans ce contexte, il est tout simplement superflu de parler de la pente descendant de Jérusalem ou de la direction prise par les voyageurs – encore un élément de cohérence. Ç’aurait été un détail inutile en parlant à des gens qui n’avaient jamais connu, ni ne connaîtraient jamais personnellement Jérusalem.

L’Introduction de Néphi au premier livre de Néphi aborde la géographie de la même façon. C’est un aperçu général qui mentionne deux fois l’exode initial de Léhi hors de Jérusalem ainsi que le retour des fils pour se procurer les plaques de Laban. Il n'y a aucune indication géographique lorsqu’il est question de Jérusalem.

Le deuxième exemple date de centaines d'années plus tard et donne un aperçu de la perception que les Néphites ont de leur histoire fondatrice. Dans Mosiah 10:10, Zénif n’utilise pas moins trois fois le terme « nous montâmes/je montai livrer bataille aux Lamanites », ce qui nous donne l’assurance que pareille terminologie ne lui était pas inconnue.

Pourtant, à peine deux versets plus loin (v. 12), lorsqu'il évoque le départ de Jérusalem, il n’est pas question de monter ou de descendre.

À tout le moins, il semble improbable qu'un jeune paysan de 1830 ait pu connaître suffisamment la topographie de Jérusalem, et encore bien moins être en mesure de l'intégrer (et de s’en passer) aussi parfaitement dans un récit fictif.

On pourrait prétendre que ces textes ne font que refléter le fait que Joseph Smith connaissait bien sa Bible et en imitait, consciemment ou non, le langage quand elle parle de Jérusalem, comme dans la célèbre parabole du Bon Samaritain. S'il est vrai que la Bible était la base de l'éducation dans la plupart des foyers du XIXe siècle, cela n'expliquerait pas la cohérence parfaite dans l'utilisation des termes désignant les voyages vers et à partir de Jérusalem dans les écrits de Néphi et tout au long du Livre de Mormon.

Une autre chose qui milite en défaveur de cette idée, c'est une réflexion de la mère de Joseph Smith. Dans son histoire, elle relève le fait que le jeune Joseph était en en fait moins enclin à lire que ses frères et sœurs et davantage porté sur la « méditation ».(2) Et il y a aussi le témoignage bien connu d’Emma où elle explique que lors de la traduction des plaques d'or, Joseph en savait si peu sur la Jérusalem antique qu'il ignorait qu'elle était entourée d’une muraille. (3)

Jérusalem est traitée différemment dans le récit des voyages de Néphi de toutes les autres mentions du Livre de Mormon, qu’elles aient été faites par lui ou par des auteurs plus tardifs. Qu’on le prenne comme on veut, ces détails subtils mais cohérents tout au long du Livre de Mormon sont le signal que le premier livre de Néphi a été écrit par quelqu’un qui connaissait personnellement la topographie de la Jérusalem antique.

L'explication la plus simple reste donc que l'auteur était bien Néphi, fils cadet de Léhi et de Sariah de Jérusalem.

Notes

1. Cette exception est 2 Néphi 17:1 où Néphi cite Ésaïe 7:1 où le roi de Syrie « monta… contre Jérusalem pour l’assiéger » avec le roi d’Israël.
2. Scot & Maurine Proctor, Histoire de Joseph Smith
3. Scot & Maurine Proctor, Histoire de Joseph Smith