Le Livre de Mormon a été rédigé avec beaucoup de soin
par des personnes qui savaient où elles se situaient dans le programme de Dieu à
légard de son peuple. Cest ainsi que Néphi était parfaitement conscient des
parallèles entre lexpédition entreprise par son groupe et lExode des
Israélites dÉgypte et il prend grand soin de mettre ces parallèles en évidence
dans son récit.
LE THEME DE L'EXODE DANS LE LIVRE DE MORMON
par S. Kent Brown
BYU Studies 30 n° 3, 1990, pp. 111-122
Le souvenir de l'Exode d'Israël hors d'Égypte imprègne si profondément et si
clairement le Livre de Mormon qu'il a tout naturellement attiré l'attention des
spécialistes modernes. Des études récentes se sont particulièrement intéressées au
fait que le départ de la famille de Léhi de Jérusalem reproduit, presque comme le
reflet dans un miroir même dans de petits détails la fuite des Hébreux
[1]. Pareil intérêt est raisonnable puisque les instructeurs néphites eux-mêmes font
des comparaisons entre la colonie de Léhi et ses ancêtres israélites. Par exemple, dans
un discours important, le roi Limhi fait allusion à la sortie dIsraël hors
d'Égypte et fait immédiatement le parallèle avec le départ de Léhi de Jérusalem
(Mosiah 7:19-20). Alma, dans un discours quil adresse à son fils Hélaman, rattache
délibérément, lui aussi, l'Exode d'Égypte au voyage de Léhi (Alma 36:28-29). Plus
d'une fois, un prophète ou un prédicateur, qui veut prouver à d'autres qu'on peut
compter sur l'aide divine, rappelle les actes de Dieu en faveur des Israélites asservis.
Cest ce rappel quutilise Néphi, par exemple, dans sa tentative de convaincre
ses frères récalcitrants que cest Dieu qui conduit leur père, Léhi (1 Néphi
17:23-35). En outre, ce sont des prédicateurs du Livre de Mormon qui sont les premiers à
comprendre que l'Exode, le plus merveilleux de tous les actes de Dieu en faveur dun
peuple, va être dépassé par la splendeur de l'Expiation [2]. Dans ce qui suit, je me
propose d'esquisser quelques-unes des couleurs primaires de la perspective
merveilleusement variée de l'Exode que nous dépeint le Livre de Mormon.
La famille de Léhi reproduit l'Exode
Il n'y a aucune déclaration claire indiquant que les membres de la famille immédiate de
Léhi ont compris que leur départ de Jérusalem reproduisait la fuite d'Israël vers la
liberté. Il convient donc dexaminer un à un les éléments dont nous disposons.
Dans 1 Néphi 4:1-3, l'unique passage qui pourrait servir de base à une argumentation en
faveur dune reproduction délibérée, les comparaisons sont assez percutantes [3].
Le chapitre quatre s'ouvre avec le bref discours d'encouragement de Néphi à ses frères,
qui sont naturellement découragés après leur deuxième tentative avortée d'obtenir les
plaques dairain de Laban. Déclarant que le Seigneur pourrait lemporter en
force sur Laban et cinquante de ses hommes, Néphi mentionne Moïse et la traversée
miraculeuse de la mer qui a mené à la délivrance pour les Israélites et à la mort
pour « les armées du pharaon » (4:2). Néphi essaye ensuite d'affermir la résolution
de ses frères en leur faisant remarquer qu'ils ont aussi été instruits par un ange,
puis il ajoute : « Le Seigneur est capable de nous délivrer, comme il a délivré nos
pères, et de faire périr Laban, comme il a fait périr les Égyptiens » (4:3). En ces
termes, Néphi exprime clairement sa croyance que le Seigneur aidera ses frères et
lui-même dans leurs efforts, tout comme il a aidé leurs ancêtres israélites. Mais
Néphi ne va pas plus loin dans son analogie [4]. Néanmoins, les commentateurs, depuis
Hugh Nibley [5] jusquà Tate et Szink ont rassemblé une masse impressionnante de
passages qui montrent que l'Exode de Léhi est la réplique de celui des Israélites. Mais
ce ne sont pas Néphi ni Jacob, membres de la famille immédiate de Léhi, qui
établissent explicitement ce lien ; ce sont plutôt d'autres, qui vont venir cinq cents
ans plus tard [6]. Il est néanmoins clair que les allusions foisonnent dans les écrits
de Néphi et de Jacob [7] et je crois que lon peut démontrer quil y a eu
réplique délibérée en examinant le tableau densemble d'une manière qui
représente avec précision les idées de la génération fondatrice aussi bien que celles
des auteurs néphites postérieurs.
Nous pouvons dresser une longue liste de ressemblances et d'échos entre les expériences
des Israélites et celles de la famille de Léhi : l'appel du dirigeant responsable par
une révélation accompagnée de feu (Exode 3:2-4 ; 1 Néphi 1:6) ; la spoliation des
Égyptiens et la prise de ce qui appartenait à Laban (Exode 12:35-36 ; 1 Néphi 4:38 ; 2
Néphi 5:12, 14) ; la délivrance de l'autre côté d'une barrière constituée par de
leau (Exode 14:22-30 ; 1 Néphi 17:8 ; 18:8-23, dans laquelle la poussée du vent
est sûrement dirigée de manière divine) ; une période prolongée d'errances (Exode
16:35 ; Nombres 14:33 ; 1 Néphi 17:4) ; les murmures en chemin (Exode 15:24 ; 1 Néphi
16:2-3 ; 17:2-3, etc. ; 1 Néphi 2:11-12 ; 5:2-3 ; 16:20, 25, 35-38 ; 17:17-22) ; les
révoltes (Nombres 16:1-35 ; 25:1 ; 1 Néphi 7:6-16 ; 18:9-21) ; et une nouvelle loi qui
va gouverner le peuple du Seigneur (Exode 20:2-17 ; 1 Néphi 2:20-24 ; etc.). On pourrait,
bien entendu, citer d'autres ressemblances et allusions.
Cependant, pour déterminer de manière décisive si les membres de la famille de Léhi se
rendaient compte de limportance historique de leur propre exode, plusieurs facteurs
doivent être pris en considération. Néphi écrit ses deux livres sur les petites
plaques apparemment à une époque précise de sa vie, environ trente ans après son
départ de Jérusalem (2 Néphi 5:28-32). En conséquence, le récit de 1 et 2 Néphi doit
être pris dans son ensemble, Néphi ayant profité de nombreuses années de réflexion et
de rédaction dans son autre récit plus détaillé des mêmes événements (2 Néphi
5:29, 33). Quand on réfléchit à ce que Néphi sait quand il écrit le récit, cela
soulève un problème difficile : Néphi a-t-il pris graduellement ou soudainement
conscience de ce que, comme le dit Tate, « sa famille et lui allaient reproduire l'Exode
? » [8] Nous trouvons des rappels constants de l'Exode dans tout le récit de Néphi,
soit sous forme dallusions directes, comme Tate et Szink lont montré, soit
par un langage et des descriptions qui cadrent bien avec le récit biblique [9].
Néanmoins, puisque nous ne possédons aucune déclaration indéniablement explicite de
Néphi ou de Jacob, son frère, dailleurs, mais que nous possédons cependant un
nombre substantiel d'allusions et de citations en rapport avec le récit de l'Exode, nous
devrons faire notre démonstration en faisant appel à tous les éléments.
La servitude néphite et l'Exode
Le thème de lExode apparaît également dans le récit de la colonie néphite qui
quitte Zarahemla sous la direction d'un homme appelé Zénif (Mosiah 7-24). Le but avoué
des colons est de retourner au pays de Néphi, où la civilisation néphite a grandi, «
pour posséder le pays » (Mosiah 9:3) [10]. Ce récit nous raconte que plus tard deux
groupes de colons vont senfuir et retourner à Zarahemla. Lun de ces groupes
se compose de ceux qui suivent Alma. Il a fui les armées du roi Noé (Mosiah 18:31-35 ;
23:1, 19) et, plus tard, les Lamanites qui lont capturé [11]. Le deuxième groupe
est sous la direction de Limhi, fils du roi Noé, qui, avec l'aide de seize guerriers de
Zarahemla, a également brûlé la politesse à ses suzerains lamanites (Mosiah 22:1-13)
[12]. Dans chaque cas, le texte indique clairement que le Seigneur a orchestré les
événements et a manuvré les gens au cours de la période qui conduit à la
délivrance du peuple de la servitude [13].
C'est précisément de cette façon quil faut lire les événements du livre de
l'Exode [14]. Par exemple, les esclaves hébreux en Égypte ne tardent pas à apprendre
quon ne peut pas espérer que le pharaon et ses dirigeants vont respecter longtemps
les accords conclus [15]. De même, les colons néphites se considèrent comme victimes de
suzerains capricieux. Limhi compare explicitement les Néphites aux Israélites captifs
dans son discours passionné au temple dans la ville de Léhi-Néphi où il récapitule ce
que Dieu a fait pour ses deux peuples dans le passé, faisant dabord allusion aux
événements de l'Exode d'Égypte et puis aux événements du départ de Léhi de
Jérusalem :
« C'est pourquoi, levez la tête, et réjouissez-vous, et placez votre confiance en Dieu,
en ce Dieu qui a été le Dieu d'Abraham, et d'Isaac, et de Jacob; et aussi, ce Dieu qui a
fait sortir les enfants d'Israël du pays d'Égypte, et a fait en sorte qu'ils marchent à
pied sec à travers la mer Rouge, et les a nourris de manne afin qu'ils ne périssent pas
dans le désert; et il a fait beaucoup d'autres choses pour eux. Et en outre, ce même
Dieu a fait sortir nos pères du pays de Jérusalem et a gardé et préservé son peuple
jusqu'à maintenant » [16].
Passant ensuite à la situation de son propre peuple, Limhi note que le roi lamanite avait
conclu un accord avec son grand-père « dans l'unique but de réduire ce peuple en
sujétion ou en servitude » (Mosiah 7:22). Limhi voit clairement les parallèles entre
les difficultés que les membres de sa colonie affrontent dans leur servitude et celles
que les anciens Israélites et la famille de Léhi ont affrontées. Bien entendu, Limhi
connaît la raison des souffrances de son peuple. Il les impute carrément à son père et
au fait que la génération précédente a rejeté la parole du Seigneur apportée par le
prophète Abinadi (Mosiah 7:25-28) [17]. Cela nempêche pas le roi Limhi
dêtre décidé à s'échapper et ce sont les succès de ses ancêtres qui lui
donnent de lespoir (Mosiah 7:33).
Plusieurs ressemblances entre l'Exode des Israélites et celui des deux colonies néphites
sautent tout de suite aux yeux. Dans tous les cas, les captifs séchappent dans le
désert avec leurs troupeaux de gros et de petit bétail (Exode 12:32, 38 ; Mosiah
22:10-11 ; 23:1 ; 24:18). Fuir avec son bétail n'était pas rien, car selon David Daube,
un des droits de lesclave que lon affranchissait était quil pouvait
emporter ses biens [18]. En outre, selon Psaumes 105:37, il n'y avait pas une seule
personne faible parmi les esclaves hébreux qui sétaient mis en route, une
indication claire de la sollicitude et de la protection divines [19]. Cest
implicitement ce qui se passe aussi pour la fuite de tous ceux qui font partie des deux
groupes néphites. En outre, le Seigneur adoucit le cur de ceux qui empêchent le
départ des captifs, et les maîtres de corvée et les gardes lamanites traitent leurs
captifs avec plus de douceur et de gentillesse (Exode 11:3 ; 12:36 ; Mosiah 21:15 ;
23:29). Enfin, et cest peut-être le plus important, dans chaque cas cest le
Seigneur qui orchestre à ses conditions les événements avant le départ, ce qui est
aussi un élément clair du récit de l'Exode. Par exemple, même lorsque seize soldats
arrivent de Zarahemla, Limhi est prompt à reconnaître dans son discours au temple que la
sortie de servitude ne se fera pas à la pointe de lépée. Il va jusquà dire
à son peuple : « Placez votre confiance en Dieu
ce Dieu qui a fait sortir les
enfants d'Israël du pays d'Égypte » (Mosiah 7:19).
Il est possible, en effet, de voir en Alma l'Ancien un symbole de Moïse. Je ne veux pas
aller trop loin dans cette direction, néanmoins, les parallèles donnent à réfléchir.
Chacun est membre d'une cour royale et est forcé de fuir à cause dune injustice.
Chacun arrache son peuple aux griffes des suzerains qui lasservissent. Chacun lui
fait traverser le désert pour rejoindre le pays dont ses ancêtres proviennent. De plus,
chacun donne la loi à son peuple et lui fait contracter lalliance dobéir au
Seigneur [20]. En outre, à cause de ses dons spirituels hors du commun, Alma est chargé
par le roi Mosiah, qu'il n'avait jamais rencontré avant son arrivée à Zarahemla,
dy gérer les affaires de l'Église, ce qui lui confère même un poste et une
autorité supérieurs à ceux des prêtres de lentourage de Mosiah qui détiennent
manifestement des fonctions qui leur permettent dexercer une influence et de
définir des règles [21]. Moïse est, lui aussi, placé par le Seigneur à la tête de
son peuple, qui avait été servi par d'autres prêtres.
Un des passages les plus importants du Livre de Mormon est celui qui contient les
assurances données par le Seigneur à un Alma inquiet. Ce passage souligne encore
davantage le lien avec Moïse. Dans ce cas-ci, Alma cherche à savoir ce quil faut
faire des membres de l'Église qui se sont égarés et ont renié leurs alliances. Même
si entre-temps Alma et son peuple ont été délivrés de la servitude physique il y a des
années, dans sa réponse aux prières d'Alma, le Seigneur fait certaines promesses à
ceux qui sont disposés à porter son nom et à rester fidèles à leurs alliances. Et ces
promesses sont garanties d'une manière particulière : le Seigneur utilise son nom « le
Seigneur » comme assurance suprême qu'on peut lui faire confiance (Mosiah 26:26) [22].
À partir du verset 17 du chapitre 26 et jusqu'à la fin de la révélation du Seigneur au
verset 32, il y a une répétition systématique des pronoms je, mon, ma et moi, qui
ressortent dans cette partie du récit. On trouve un phénomène semblable au chapitre six
de l'Exode, du verset un au verset huit. Ici aussi un prophète Moïse se
présente devant le Seigneur, le cur troublé. Il est vrai que sa raison de faire
appel à Dieu est différente, parce que dans ce cas il cherche simplement à apprendre
pourquoi le pharaon a réussi non seulement à le rejeter et à le repousser mais aussi à
rendre la vie plus difficile pour les esclaves hébreux. Sa question (Exode 5:22-23)
montre quil avait tout dabord cru que ce serait chose plus facile pour lui de
vaincre l'intransigeance du pharaon. Dans la réponse du Seigneur à Moïse, il y a une
série saisissante de pronoms à la première personne, une réponse divine truffée de je
et de moi ou mon. Chose plus importante encore, comme signal à Moïse et à Alma, le
Seigneur s'identifie en disant : « je suis le Seigneur/lÉternel », l'assurance
finale donnée à l'interlocuteur que lon doit faire confiance à Dieu et que
lon peut compter sur lui [23].
Ces chapitres de Mosiah sont donc parcourus par un certain nombre de thèmes qui non
seulement racontent les histoires d'une colonie néphite au pays de Néphi, mais qui
amènent également le lecteur à comprendre que l'évasion et la délivrance des colons
hors de la servitude doivent être comprises comme une sorte de répétition et
donc dune assurance dune époque antérieure, dun peuple plus
ancien, dune précédente série d'actes posés par un Dieu aimant envers un peuple
opprimé. Il ne fait aucun doute que Mormon, le compilateur de ces rapports, a une raison
importante de les relater. Il a peut-être lui-même trouvé du réconfort dans leur
contenu, au moment où il voyait son propre peuple se ruer vers l'abîme de l'extinction
(Mormon 5:1-5 ; 6:17). Dans ces récits, il a dû voir un message d'espoir pour ceux qui
ont besoin de délivrance divine.
LExode en tant que preuve de la puissance de Dieu
Les instructeurs et les prophètes néphites citent aussi le récit de l'Exode comme
preuve de la capacité de Dieu de tenir ses promesses. La fidélité de Dieu est évidente
dans les paroles d'encouragement de Néphi à ses frères découragés (1 Néphi 4:1-3) et
dans plusieurs autres passages. Par exemple, 1 Néphi 17 raconte l'arrivée de la famille
de Léhi au bord de la mer, le commandement du Seigneur à Néphi de construire un bateau
et la réaction hostile des frères à cette nouvelle. La réponse plutôt longue de
Néphi propose l'expérience de lExode comme première et principale preuve « du
pouvoir de Dieu » et du pouvoir de « sa parole » (vv. 23-51). Dans 2 Néphi 25:20
également, Néphi rappelle des éléments de l'expérience de l'Exode, tout
particulièrement la guérison de ceux qui avaient été mordus par les serpents venimeux
qui avaient envahi le camp d'Israël (Nombres 21:6-9) [24] et l'écoulement miraculeux de
l'eau du rocher frappé par Moïse, pour prouver le pouvoir infaillible de Dieu [25].
Néphi, fils dHélaman, utilise également la tradition de lExode quand il
sexprime sur la tour dans son jardin. Ses auditeurs sont essentiellement des
passants (Hélaman 7:11-12), parmi lesquels « des hommes qui étaient juges, qui
appartenaient aussi à la bande secrète de Gadianton » (Hélaman 8:1). Après avoir
averti ses auditeurs quà cause de leurs péchés, ils peuvent s'attendre à la
destruction (7:22-28) il le sait grâce à la révélation (7:29) il se fait
rabrouer par des gens qui prétendent « que cela est impossible, car voici, nous sommes
puissants, et nos villes sont grandes, et c'est pourquoi nos ennemis ne peuvent avoir
aucun pouvoir sur nous » (Hélaman 8:5-6). Dans sa réponse, Néphi présente une série
de preuves, toutes tirées de l'Écriture, de ce que Dieu a le pouvoir d'accomplir sa
parole. [26] Son exemple principal est le récit de lExode, en particulier le
miracle de la mer :
« Voici, mes frères, n'avez-vous pas lu que Dieu a donné à un seul homme, Moïse, le
pouvoir de frapper les eaux de la mer Rouge, et elles se partagèrent çà et là, de
sorte que les Israélites, qui étaient nos pères, passèrent à pied sec, et les eaux se
refermèrent sur les armées des Égyptiens et les engloutirent? » (Hélaman 8:11)
Jusqu'ici, Néphi a seulement attiré l'attention sur ce simple incident pour démontrer
le pouvoir merveilleux de Dieu sur la nature et les hommes. Mais dans ce discours il va
faire un pas de plus : « Et maintenant, voici, si Dieu a donné tant de pouvoir à cet
homme, alors pourquoi contestez-vous entre vous et dites-vous qu'il ne m'a donné aucun
pouvoir par lequel je puisse connaître les jugements qui s'abattront sur vous, à moins
que vous ne vous repentiez? » (Hélaman 8:12). Avec ce commentaire, Néphi indique
clairement quaccepter le pouvoir de Dieu manifesté à la mer Rouge cest aussi
accepter sa capacité de révéler ou de faire connaître « les jugements qui vont
sabattre ». En d'autres termes, c'est le même pouvoir divin qui cause les miracles
et les révélations de ce qui est encore futur. Néphi fait ressortir plus tard un autre
événement lié à l'Exode, lélévation du « serpent d'airain dans le désert »,
qui annonce prophétiquement la venue du Fils de Dieu (Hélaman 8:14-15). Encore une fois,
ce qui est le plus important pour notre étude, cest la place centrale de l'Exode
dans les preuves avancées.
Le passage final que je vais examiner dans cette optique apparaît dans les instructions
d'Alma le Jeune à son fils Hélaman (Alma 36) [27]. Ce passage a été examiné par
d'autres, avec, toutefois, un autre ensemble de questions [28]. Les premier et dernier
versets de ce chapitre réaffirment la promesse que « si tu gardes les commandements de
Dieu, tu prospéreras dans le pays ». Le dernier verset ajoute : « Et tu devrais savoir
aussi que si tu ne gardes pas les commandements de Dieu, tu seras retranché de sa
présence » (Alma 36:30). Ces Écritures, qui récapitulant les enseignements d'Alma au
sujet des promesses et des châtiments ont leur contre-partie détaillée dans les
dernières instructions de Moïse à son peuple dans le Deutéronome. Chose significative,
les Israélites étaient sur le point de prendre possession d'une terre promise et les
paroles de Moïse étaient non seulement pleines de promesses pour ceux qui obéiraient au
Seigneur, mais également hérissées de châtiments pour ceux qui viendraient à
désobéir [29]. Ainsi, même les mots qui ouvrent et clôturent Alma 36 sont en rapport
avec l'expérience fondamentale de lExode. De plus, les versets 1 et 2, tout comme
les versets 27 et 29 à la fin du chapitre, parlent tous du pouvoir merveilleux de Dieu de
délivrer et de soutenir ceux qui sont en esclavage et dans les afflictions. Les
mots-clefs sont des termes tels que servitude, captivité et afflictions, d'une part, et
confiance, pouvoir et délivrance de l'autre. Au cur de ce chapitre se trouve
naturellement l'histoire remarquable de la conversion spectaculaire d'Alma, dans laquelle
il « naît de Dieu ». Et cette histoire, telle quAlma la raconte, contient des
réminiscences de l'Exode. Par exemple, il témoigne que la confiance au Seigneur permet
le soutien et la délivrance par Dieu (vv. 3, 27) [30]. De plus, la jeunesse d'Alma est
caractérisée par la rébellion, laquelle est à coup sûr un élément de l'expérience
d'Israël. En outre, ce qui est en jeu dans l'intervention du Seigneur auprès dAlma
n'est pas sa propre dignité. Cest également vrai en ce qui concerne les
Israélites. Finalement, le chapitre tout entier est constitué par le récit que fait
Alma de sa propre histoire ; il ressemble donc dune manière générale aux
récitations apprises par cur par les Israélites des actes merveilleux accomplis
par Dieu en leur faveur au cours de l'Exode [31].
LExode et l'Expiation
Létude d'Alma 36 débouche tout naturellement sur l'observation que l'Exode se
rattache symboliquement aux effets de l'expiation de Jésus. Un exemple lumineux de ceci
est le récit autobiographique quAlma fait ici de son expérience, à ajouter au
récit biographique fait dans Mosiah 27 [32]. Comme je l'ai noté, le récit que fait Alma
de lexpérience remarquable au cours de laquelle il naît de Dieu (Alma 36) est
encadré à la fois par la mention de la promesse de la prospérité faite par le
Deutéronome (vv. 1, 30) et par son appel à son fils Hélaman pour quil se rappelle
« la captivité de nos pères » (vv. 2, 28) [33]. Entre ces parenthèses, Alma rappelle
son expérience d'une manière qui non seulement démontre l'efficacité de l'Expiation
avant que Jésus ne laccomplisse, mais rattache aussi le fait quil délivre
des liens du péché à la délivrance d'Israël des liens de l'esclavage [34].
Au tant que je sache, Jacob, fils de Léhi, est le premier auteur à rattacher la
terminologie de lExode à l'Expiation. Bien que tout traitement doive se limiter aux
textes choisis pour les annales du Livre de Mormon, et bien qu'il soit possible que
quelqu'un d'autre de la famille de Jacob son père ou son frère aîné Néphi
ait été le premier à voir le rapport, les textes actuels désignent Jacob.
Le lien entre les deux concepts est établi dans le long discours de Jacob dans 2 Néphi
6-10. Dans ce sermon, il cite Ésaïe 50-52:2, un passage qui parle du nouvel exode ou
rassemblement d'Israël quand « le Messie se mettra pour la seconde fois en devoir
de
recouvrer » la maison d'Israël (2 Néphi 6:14). Ces versets particuliers
d'Ésaïe fourmillent dallusions à l'Exode alors même qu'ils parlent du
rassemblement. Après avoir cité ce long passage d'Ésaïe, Jacob en vient aux « choses
à venir » (9:4), passant dabord en revue les implications de la Chute (vv. 6-9)
avant de se mettre à traiter de choses plus générales, dont le « pouvoir de
résurrection » (v. 6) et « l'expiation infinie » (v. 7) : « Oh! comme elle est
grande, la bonté de notre Dieu qui prépare une voie pour que nous échappions à
l'étreinte de ce monstre affreux, oui, ce monstre, la mort et l'enfer, que j'appelle la
mort du corps, et aussi la mort de l'esprit » (2 Néphi 9:10). Lidée
dévasion, bien que nutilisant pas le vocabulaire spécifique de l'Exode,
nen évoque pas moins l'image de la sortie d'Israël d'Égypte. Et quand il utilise
lexpression j'appelle, il indique clairement que cette association du deuxième
exode, mentionné dans les deux chapitres précédents, avec l'Expiation est une
interprétation à laquelle il est parvenu indépendamment des autres. À ce moment Jacob
choisit d'illustrer à quel point ces idées se rattachent entre elles :
« Et à cause du moyen de délivrance de notre Dieu, le Saint d'Israël, cette mort, dont
j'ai parlé, qui est la mort temporelle, livrera ses morts; laquelle mort est la tombe. Et
cette mort dont j'ai parlé, qui est la mort spirituelle, livrera ses morts; laquelle mort
spirituelle est l'enfer; c'est pourquoi, la mort et l'enfer vont livrer leurs morts, et
l'enfer va livrer ses esprits captifs, et la tombe va livrer ses corps captifs, et le
corps et l'esprit des hommes seront rendus l'un à l'autre; et c'est par le pouvoir de la
résurrection du Saint d'Israël » (2 Néphi 9:11-12 ; italiques ajoutés).
Le premier mot qui attire l'attention dans ce passage est délivrance, un terme dont la
racine verbale est tout à fait à sa place dans le récit de lExode. Une forme
verbale manifestement apparentée, « livrer », apparaît ensuite quatre fois dans les
lignes suivantes [35]. De plus, ladjectif captif fait de toute évidence écho à
lesclavage d'Israël. Quoiquil n'apparaisse pas dans le récit de lExode
proprement dit, ce terme est utilisé dans la prophétie d'Ésaïe concernant le nouvel
exode (Ésaïe 51:14), que Jacob vient de citer (2 Néphi 8:14). En outre, la notion
dêtre « rendu », tout en ne se trouvant pas dans le vocabulaire spécifique de
l'Exode, est certainement la notion centrale qui sous-tend le concept d'un nouvel exode ou
retour dans les anciennes terres. Cest effectivement ainsi que Jacob voit les
choses, parce qu'il observe que ceux qui ont été « emmenés captifs » de Jérusalem «
reviendraient » (2 Néphi 6:8-9) et que « le Messie se mettra pour la seconde fois en
devoir de les recouvrer » (6:14).
Il vaut la peine de noter que le discours de Jacob est parsemé dallusions à
l'Exode. Dès le départ, il dit qu'il va parler « des choses qui sont et des choses qui
sont à venir » (6:4) aussi bien que « concernant toute la maison d'Israël » (6:5).
Cest pour réaliser ce dernier but qu'il cite un long passage d'Ésaïe. Parmi les
trente-trois allusions, au moins, à lExode qui apparaissent dans les paroles de
Jacob (2 Néphi 6, 9-10) et dans Ésaïe 50:1-52:2 (2 Néphi 7-8), les suivants sont
particulièrement significatifs :1. Israël
reviendra (2 Néphi 6:9)
2. Le Seigneur Dieu se manifestera, une révélation de lui-même qui rappelle les
révélations de lui-même sur la montagne sainte (6:9).
3. Israël dispersé parviendra à la connaissance de son Rédempteur (6:11, 15, 18).
4. Il retournera aux pays de son héritage (6:11, 10:7-8).
5. Le Seigneur sera miséricordieux envers son peuple (6:11).
6. Le Messie le recouvrera pour la seconde fois (6:14).
7. Il est question de la peste, ce qui rappelle les fléaux (6:15).
8. L'expression ajoutée à Ésaïe 49:25, qui apparaît dans 2 Néphi 6:17, est une
allusion claire à l'Exode : « Le Dieu puissant délivrera le peuple de son alliance. »
9. Le Seigneur est capable de délivrer (7:2), et « les rachetés du Seigneur
retourneront » (8:11).
10. Le Seigneur est capable de délivrer (7:2 ; 9:11-13, 26).
11. Le Seigneur est capable de dessécher la mer, les fleuves et les eaux (7:2 ; plus
explicite dans 8:10 ; comparez avec les « flots » dans 8:15).
Pour les croyants parmi les peuples néphite et lamanite, l'événement qui dépasse tous
les autres y compris lExode est l'Expiation, révélée comme
certitude dans la visite de Jésus ressuscité au temple au pays dAbondance. Une
caractéristique intéressante du compte rendu de cet événement est le grand nombre
d'allusions à l'Exode [36], en commençant par la destruction considérable qui précède
l'arrivée de Jésus en Amérique. Bien que Mormon ne donne pas destimation des
dégâts causés à la nourriture des humains et des animaux, on peut à bon droit
considérer que le texte implique pareille dévastation puisque « la surface tout
entière du pays fut changée » et « la surface de toute la terre se déforma » (3
Néphi 8:12, 17). De plus, l'infrastructure tout entière fut dévastée : « Les grandes
routes furent fragmentées, et les routes plates furent abîmées, et beaucoup de lieux
nivelés devinrent raboteux. Et
les lieux fu[r]ent laissés désolés » (8:13, 14).
Les fléaux qui furent le prélude à l'Exode eurent aussi comme conséquence au moins
l'interruption de la vie normale et, dans certains cas, la destruction parmi toutes les
formes de vie. Le fléau de la grêle fut particulièrement ruineux, décimant « tout ce
qui était dans les champs, depuis les hommes jusqu'aux animaux; la grêle frappa aussi
toutes les herbes des champs, et brisa tous les arbres des champs » (Exode 9:25). Les
sauterelles qui suivirent « dévorèrent toute l'herbe de la terre et tout le fruit des
arbres, tout ce que la grêle avait laissé », complétant la dévastation des cultures
nécessaires pour entretenir la vie humaine et animale (Exode 10:15).
Les citations de l'Ancien Testament par Jésus, en particulier louvrage d'Ésaïe,
comprennent aussi des allusions à l'Exode [37]. Dans 3 Néphi 16, qui rappelle les plans
du Père pour les Gentils et pour Israël, le peuple de l'alliance antique, la conclusion
des paroles de Jésus comme de celles attribuées au Père (vv. 7-15)
consiste en une citation d'Ésaïe 52:8-10. Dans Ésaïe, ce passage se situe dans un
contexte qui renvoie à l'Exode d'une part (Ésaïe 52:24, 11-12) et de l'autre à la
venue du Serviteur du Seigneur, le Roi-Messie (Ésaïe 52:13-53:12). Les thèmes
généraux comportent la rédemption de Sion « pas à prix dargent » (52:3) et le
mouvement du peuple de Dieu de limpur vers le pur (v. 11). Outre quil
mentionne l'Égypte comme lieu du séjour d'Israël (v. 4), le Seigneur affirme : «
L'Éternel ira devant vous [les rachetés dIsraël], et le Dieu d'Israël fermera
votre marche » (v. 12), une allusion claire à la protection divine que le camp
israélite avait reçue pendant l'Exode. De plus, dans la nouvelle rédemption, deux
éléments de l'ancien Exode doivent être inversés : « Ne sortez pas avec
précipitation, ne partez pas en fuyant » (v. 12).
Il y a aussi une allusion à l'Exode quand Jésus fournit miraculeusement du pain et du
vin le deuxième jour de sa visite aux Néphites et aux Lamanites. L'analogie entre ce
geste et le fait que Jéhovah a fourni de l'eau et de la manne aux enfants d'Israël dans
le désert a déjà fait lobjet dune certaine attention [38], mais jai
lintention de suivre dautres dimensions du récit tel qu'il est relaté dans 3
Néphi 20. L'eau et la manne fournis dans le désert sauvèrent la vie aux Hébreux en
fuite. Dans le cas des dons de Jésus, bien que le pain et le vin commémorent dans un
certain sens sa mort, dans un sens bien plus important, ils célèbrent sa vie
accompagnée de la promesse que ceux qui en prennent seront « rassasiés » (20:8) et
donc nourris. Et ce fut effectivement le cas, parce que le premier et le deuxième jour,
la multitude entière mangea et but jusqu'à ce que leur faim et leur soif eurent été
satisfaites [39]. Cétait pour pourvoir aux besoins physiques d'Israël que le
Seigneur fournit l'eau et la manne, accompagnées, de toute évidence, de bénédictions
spirituelles. Le miracle du pain et du vin fournis par Jésus (20:3-7) rappelle
dautant plus la manne et l'eau dans le désert quand on se souvient que le premier
jour de sa visite il avait demandé que lon apporte du pain et du vin (3 Néphi
18:1-3). En effet, cela donne au lecteur l'impression quil devait également y avoir
du pain le deuxième jour sauf si cétait le sabbat cest
pourquoi Jésus fit un effort particulier pour faire passer son idée en fournissant les
éléments de la Sainte-Cène.
La dernière ressemblance évidente que je souhaite explorer a trait aux coutumes
juridiques qui régissaient la récupération dune personne asservie à l'étranger
[40]. Dans de tels cas, un ou plusieurs envoyés recevaient des lettres de créance qu'ils
devaient présenter comme représentants de la personne désirant la récupération. Les
envoyés étaient dépêchés par le protecteur au pays pour plaider auprès du maître.
Moïse retourna en Égypte en tant que personne autorisée pour récupérer les esclaves :
« Le fait que Dieu, lui-même extérieur à lÉgypte, au buisson ardent, lait
envoyé, est conforme à la procédure normale dans ce genre daffaire » [41]. Chose
significative, Jésus se présente à lassemblée au pays dAbondance comme un
Moïse, un détail quil souligne expressément dans 3 Néphi 20:23, où il applique
à lui-même la prophétie de Moïse donnée dans Deutéronome 18:15, avec une légère
variante : « Voici, je suis celui dont Moïse a parlé, disant: Le Seigneur, votre Dieu,
vous suscitera, d'entre vos frères, un prophète comme moi » (italiques ajoutés).
Dans le récit de l'Exode, ce sont Moïse et Aaron qui sont expédiés comme envoyés
(Exode 3:10 ; 4:10) et, dune manière peu commune, présentent au pharaon les «
lettres de créance » qui prouvent quils représentent le Seigneur (Exode 7:8-12).
Dans le même ordre didées, il était parfois nécessaire de convaincre le
prisonnier lui-même de l'autorité du représentant. Dans le cas de Moïse, Moïse avait
prévu quil allait devoir convaincre les esclaves hébreux et par conséquent avait
été muni par le Seigneur de signes que les Israélites reconnaîtraient comme venant de
leur Dieu, notamment la connaissance du nom de Dieu et le pouvoir d'accomplir trois signes
[42]. Quand nous prenons 3 Néphi, la nécessité et l'effort pour récupérer ceux qui
sont captifs du péché deviennent clairs [43]. Les différences principales sont
naturellement que Jésus ressuscité, celui qui souhaite la récupération, va en personne
plutôt que d'envoyer un messager et il ny a pas de maître auquel il doit
présenter ses lettres de créance [44]. Des éléments importants de la visite de Jésus
découlent de la scène dans laquelle il présente ses « lettres de créance » et les
signes de sa mission à ceux qu'il cherche à sauver. Notez les échos dans les moments
merveilleux qui suivent immédiatement son arrivée : « Voici, je suis Jésus-Christ,
dont les prophètes ont témoigné qu'il viendrait au monde. Et voici, je suis la lumière
et la vie du monde » (3 Néphi 11:10-11 ; italiques ajoutés). Les ressemblances avec la
situation de Moïse sont évidentes. Jésus s'identifie comme étant celui que la foule
assemblée attend. Moïse avait dû, lui aussi, s'identifier comme étant lenvoyé
du Dieu d'Israël (Exode 4:29-31). En outre, Jésus s'annonce explicitement en employant
le nom divin JE SUIS, le même nom que Moïse avait pris avec lui après son entretien sur
la montagne sainte (Exode 3:14) [45]. En plus, de même que Moïse avait emporté au moins
un signe de son autorité sous la forme dune maladie physique sa main qui
pouvait être rendue lépreuse (Exode 4:6-8) de même Jésus porte les signes de sa
crucifixion sur sa personne. En outre, pour démontrer lauthenticité de ses
blessures, Jésus demande à la foule tout entière de deux mille cinq cents âmes (3
Néphi 17:25) de savancer « afin de toucher la marque des clous dans mes mains et
dans mes pieds, afin que vous sachiez que je suis le Dieu d'Israël et le Dieu de toute la
terre, et que j'ai été mis à mort pour les péchés du monde » (11:14). Pour finir, de
même que les enfants d'Israël crurent Moïse et « s'inclinèrent et se prosternèrent
» (Exode 4:31), de même, le peuple dAbondance « s'avança et mit la main dans son
côté, et toucha la marque des clous dans ses mains et dans ses pieds; et cela, ils le
firent, s'avançant un à un jusquà ce quils
connussent avec certitude
et eussent témoigné qu'il était celui à propos duquel les prophètes avaient écrit
qu'il viendrait » (3 Néphi 11:15). Eux aussi « tombèrent aux pieds de Jésus et
l'adorèrent » (11:17).
Même si cette étude n'a pas exploré tous les recoins du texte du Livre de Mormon, je
crois que j'en ai vu assez pour montrer que le thème des actes puissants de Dieu dans
l'Exode, accomplis en faveur de l'Israël antique, colore beaucoup de récits du document
néphite. Non seulement certaines expressions et certains mots suggèrent que la famille
de Léhi et de Sariah Néphi en particulier voyait le rapport entre ses
expériences et celles de ses lointains ancêtres, mais il est évident que l'Exode a fini
par être considéré comme larchétype de la délivrance, par Dieu, des peuples
néphites toutes les fois qu'ils se trouvaient en servitude. Les prophètes et les
instructeurs faisaient régulièrement appel aux événements de l'Exode comme étant la
preuve par excellence que Dieu est capable de veiller à ce que ses objectifs soient
atteints conformément à sa volonté divine. Le Livre de Mormon dit clairement que
l'Expiation de Jésus lemporte sur lExode comme événement le plus important
de l'histoire du salut. Il nempêche que les descriptions de l'Expiation et de son
importance contiennent des éléments que lon retrouve aussi dans le récit de
l'Exode. Une fois de plus, le Livre de Mormon nous apparaît comme le réceptacle d'une
tradition extraordinairement riche ayant des racines antiques, un ouvrage dune
complexité renversante et tout en nuances subtiles.
NOTES
[1] Il faut relever particulièrement George S. Tate, "The Typology of the Exodus
Pattern in the Book of Mormon", dans Literature of Belief: Sacred Scripture and
Religious Experience, dir. de publ. Neal E. Lambert, Religious Studies Monograph Series,
vol. 5, Provo, Religious Studies Center, université Brigham Young, 1981, pp. 245-262; un
résumé des travaux de George S. Tate, John W. Welch et Avraham Gileadi dans
"Research and Perspectives: Nephi and the Exodus", Ensign 17, avril 1987, pp.
64-65; Noel B. Reynolds, "The Political Dimension in Nephi's Small Plates", BYU
Studies 27 (automne 1987), en particulier la typologie Moïse-Néphi pp. 22, 24, 29, 33;
Terrence L. Szink, "To a Land of Promise (1 Nephi 16-18)", dans Studies in
Scripture: Volume Seven, 1 Nephi to Alma 29, dir. de publ. Kent P. Jackson, Salt Lake
City, Deseret Book Co., 1987, pp. 60-72.
[2] Tate, « Typology », pp. 254-259, attire l'attention sur le fait que le Christ
réalise le thème de lExode dans le Livre de Mormon.
[3] Reynolds pense quà ce moment « Néphi se compare quasiment à Moïse » («
Political Dimension », pp. 22, 24). Comparez avec les commentaires de Tate : « Bien que
les correspondances entre lExode des Israélites et cet exode soient incontestables,
la conscience qua Néphi de répéter le thème est encore plus frappante
Mais
à ce stade [1 Néphi 4:2], il naurait pas pu savoir à quel point l'allusion (au
passage de la mer Rouge) est dapplication
À mesure que sa prise de conscience
grandit, il fait de plus en plus souvent allusion à l'Exode » («Typology», p. 250). À
mon sens, il est difficile défendre lidée d'une répétition consciente puisque ce
qui intéresse principalement Néphi ici est de citer l'expérience de Moïse comme preuve
de ce que le Seigneur peut et va les aider, ses frères démoralisés et lui. Cependant,
dans d'autres passages sur lesquels Reynolds attire l'attention (« Political Dimension
», pp. 29, 33), les comparaisons possibles consciemment notées par Néphi
entre lui et Moïse sont plus fortes.
[4] Le problème tourne en outre autour de la façon dont on comprend le mot « aussi »
dans 1 Néphi 5:15, qui nest guère une base sur laquelle on peut élaborer une
thèse. Si Néphi veut dire que les esclaves israélites avaient été conduits par Dieu,
comme sa famille, il serait possible de conclure que la première ou les deux premières
générations ont clairement vu dans le départ de la famille vers une terre promise une
répétition de l'Exode précédent. Mais le passage peut facilement se comprendre
autrement. Comparez également avec 1 Néphi 17:13-14, 37.
[5] [5] Hugh W. Nibley, An Approach to the Book of Mormon, 3e éd., vol. 6 de The
Collected Works of Hugh Nibley, dir. de publ. John W. Welch, Salt Lake City et Provo,
Utah, Deseret Book Co. et Foundation for Ancient Research and Mormon Studies, 1988, pp.
135-144.
[6] Notez les paroles du roi Limhi, Mosiah 7:19-20, et celles d'Alma le Jeune, Alma
36:28-29.
[7] Tate relève douze éléments de lExode qui sont abordés ou répétés dans 1
Néphi ; de ceux-ci, il y en a bien neuf qui se rattachent plus ou moins au chapitre 17
(voir la colonne 3 de son diagramme, « Typology », pp. 258-259).
[8] Tate, « Typology », p. 250.
[9] La remarque de Szink, par exemple, sur l'utilisation du verbe murmurer est
incontestable (« Land of Promise », pp. 64-65).
[10] La première région où sinstalle la famille de Léhi sera appelée pays de
Néphi (2 Néphi 5:8 ; Omni 1:27) et pays de Léhi-Néphi (Mosiah 7:1 ; 9:6). Au bout de
quatre cents ans environ, les habitants néphites seront forcés d'abandonner la région
à cause des pressions militaires (Omni 1:12-13).
[11] Dans Mosiah 24:10-25, le vocabulaire fait écho à celui de l'Exode israélite : ils
élevèrent la voix vers le Seigneur (vv. 10-11 ; comparez avec 23:28 et Exode 3:7, 9) à
cause de leur servitude (vv. 13, 16, 17, 21 ; comparez avec Exode 1:14 ; 2:23 ; 6:5 ; etc.
et il se mit en devoir de les délivrer (vv. 13, 16-17, 21 ; comparez avec 23:23-24, 27 et
Exode 3:8).
[12] Dans ce cas-ci aussi, certains mots-clefs rappellent lExode d'Israël :
servitude (22:1-4), cri (21:14-15), et délivrer (22:1-2 ; comparez avec 21:5, 14, 36).
[13] Pour ce qui concerne la situation de Limhi, voir Mosiah 21:5, 14-15 ; pour Alma, voir
Mosiah 23:23-24 ; 24:13, 16-17. La différence dans limportance relative de la
participation du Seigneur dans la délivrance des deux peuples peut être due au fait que
le groupe d'Alma avait la bénédiction davoir un prophète, alors que le peuple de
Limhi n'en avait pas. Notez les idées du roi Mosiah sur la question dans sa lettre
publique (Mosiah 29:19-20).
[14] Voir J. Coert Rylaarsdam, The Book of Exodus: Introduction and Exegesis",
dans The Interpreter's Bible, dir. de publ. George Arthur Buttrick et autres, 12 vols.,
New York, Abingdon Press, 1952, 1:854, 856-57, 895, 900; et S. Kent Brown, "Trust in
the Lord: Exodus and Faith", dans The Old Testament and the Latter-Day Saints, Sperry
Symposium 1986, Salt Lake City, Randall Book Co., 1986, pp. 85-94.
[15] Exode 5:6-19; voir Rylaarsdam, "The Book of Exodus", pp. 886-887.
[16] Mosiah 7:19-20. Dans Mosiah 8:1, Mormon fait la réflexion que Limhi en a dit
beaucoup plus en cette occasion.
[17] Soit dit en passant, Limhi cite immédiatement daffilée trois paroles du
Seigneur qui ne font pas partie de la prédication d'Abinadi telle que nous lavons
par écrit et qui ne proviennent daucune autre source connue (vv. 29-31). En outre,
les trois passages ont tous en commun le souci de « mon peuple », un terme bien connu du
récit de lExode qui dénote également une relation d'alliance (voir Exode 6:7 ;
8:20, 23:9:13 ; 10:3 ; etc.)
[18] David Daube, The Exodus Pattern in the Bible, Londres, Faber and Faber, 1963, pp.
48-61. Deutéronome 15:16 montre que l'esclave aurait dû être heureux sous la direction
de son maître. Comme les Lamanites faisaient preuve de dureté, en vertu du code
mosaïque, cet aspect des relations était violé, lui aussi, justifiant la désertion des
Néphites.
[19] Voir Daube, Exodus Pattern, p. 55.
[20] Les termes de l'alliance sont répétés dans Mosiah 18:8-10 ; le signe de l'alliance
est le baptême (8:12-16) ; le nom du peuple de l'alliance est « l'Église de Dieu, ou
l'Église du Christ » (18:17) ; et les termes de la nouvelle loi, notamment les offices
dans la prêtrise, sont décrits dans 18:18-28.
[21] Voir la référence concernant ces prêtres que Mosiah consultait régulièrement sur
les sujets religieux délicats dans Mosiah 27:1.
[22] Le passage dit : « Et alors, ils sauront que je suis le Seigneur, leur Dieu, que je
suis leur Rédempteur. » Les paroles parallèles adressées à Moïse dans Exode 6:7 sont
« Je vous prendrai pour mon peuple, je serai votre Dieu, et vous saurez que c'est moi,
l'Éternel, votre Dieu, qui vous affranchis des travaux dont vous chargent les Égyptiens
» (italiques ajoutés). En outre, cela semble être l'objectif principal aussi bien dans
lExode des Israélites que celui de la famille de Léhi ; comparez 1 Néphi 17:14
avec Exode 7:5 ; 8:22 ; 9:29 ; 14:4, 18 (les Égyptiens devaient, eux aussi, savoir que le
Seigneur est Dieu) ; 16:12 ; 20:12 ; 29:45-46 ; Lévitique 25:38 ; 26:13 ; Nombres 15:41 ;
Deutéronome 4:35 ; etc.
[23] En donnant la loi à Moïse, après l'alliance faite au Sinaï, le Seigneur utilise
systématiquement l'expression je suis lÉternel comme autorité suprême pour les
diverses exigences légales et religieuses auxquelles son peuple, maintenant récupéré,
doit se soumettre pour rester en faveur ; voir, par exemple, Lévitique 18:1-6 ; 19:3,
etc.
[24] Voir également 1 Néphi 17:41. Chose intéressante, ce n'est pas Néphi mais Alma le
Jeune qui, autant que je sache, fait le lien entre lépisode où Moïse élève le
serpent sur la perche, serpent qui apporte la guérison si lon tourne les yeux vers
lui, et la mission du Messie « pour racheter son peuple » et « expier pour ses péchés
» (Alma 33:19-22) ; voir également les paroles de Néphi, fils dHélaman, dans
Hélaman 8:14-15, ainsi que Jean 3:14-15, où les remarques portent sur autre chose.
[25] Selon le texte biblique, à deux reprises, Moïse frappe un rocher et de l'eau en
sort, une fois sur la montagne sainte (Exode 17:5-6) et une fois à Kadès dans le désert
de Tsin (Nombres 20:1-11). Cest de toute évidence à lune delles que
Néphi fait allusion dans 1 Néphi 17:29. L'ordre biblique dans lequel sont racontés
lévénement du rocher et celui du serpent nest conservé que dans 1 Néphi
17:29, 41, tandis que 2 Néphi 25:20 linverse. Il est clair que le contexte de 2
Néphi 25:20 est celui dun serment fait pour prouver quelque chose, alors que Néphi
fait le récit des actions de Dieu dans 1 Néphi 17 et suit les points principaux de
l'histoire de l'Exode aussi bien que de la conquête. En fait, ce dernier passage semble
empreint des récitations israélites (apprises par cur) résumant les actions de
Dieu en faveur de son peuple quand il le sauve de l'esclavage (voir Deutéronome 6:21-24 ;
26:5 ; Josué 24:2-8).
[26] L'ordre des preuves est intéressant, parce que la première et principale preuve
lExode nest pas dans l'ordre chronologique, ce qui souligne son
importance : (1) Moïse et l'Exode (vv. 11-15) ; (2) Abraham (vv. 16-17) ; (3) ceux qui
ont précédé Abraham (v. 18) ; (4) ceux qui ont suivi Abraham, notamment Zénos, Zénock
et d'autres (vv. 19-20) ; (5) lancêtre Mulek, qui a échappé à la destruction de
Jérusalem, un événement prophétisé (v. 21) ; et (6) Léhi, son fils Néphi, et les
prophètes néphites (v. 22). À lexception de Jérémie, qui a prophétisé la
chute de Jérusalem (v. 20) et est confirmé par le témoignage de Mulek, fils de
Sédécias (v. 21), toutes les personnes mentionnées dans ce passage sont, daprès
Néphi au courant de la venue du Messie (v. 23). La liste des preuves, dans cet ordre,
soulève la question intéressante de savoir si les croyants néphites avaient élaboré
des catalogues de tels sujets tirés de l'Écriture.
[27] Les instructions d'Alma à ses fils (Alma 36-42), aussi bien que les derniers mots de
Léhi à ses enfants (2 Néphi 1-4:11), correspondent au genre connu sous le nom de
littérature testamentaire, qui consiste en récits dans lesquels divers patriarches
donnent leurs dernières instructions et bénédictions à leurs enfants. Ces passages
demandent un examen soigneux à la lumière de ce que lon sait maintenant sur ce
genre littéraire.
[28] Voir, par exemple, John W. Welch, Chiasmus in the Book of Mormon", dans
Book of Mormon Authorship: New Light on Ancient Origins, dir. de publ. Noel B. Reynolds,
Religious Studies Monograph Series vol. 7, Provo, Religious Studies Center, université
Brigham Young, 1982, pp. 49-50; et Tate, « Typology », pp. 254-255, où un certain
nombre de liens typologiques entre la conversion d'Alma le Jeune et le thème de
lExode sont passés en revue.
[29] Tandis que les résultats de l'obéissance et de la désobéissance sont rappelés
dans divers passages du Deutéronome, la liste des bénédictions promises est regroupée
dans Deutéronome 28:1-14 et les malédictions ou les châtiments pour la désobéissance
apparaissent dans Deutéronome 28:15-68. À ces derniers viennent sajouter les
malédictions qui devaient être récitées par les Lévites (Deutéronome 27:14-26).
Toute la question du ton deutéronomique du Livre de Mormon doit encore être approfondie,
particulièrement à la lumière du fait que le livre de la Loi découvert dans le temple
en 621 av. J.-C. (2 Rois 22:8-23:3), qui fut à lorigine dune réforme
religieuse importante (2 Rois 23:4-24), était vraisemblablement le Deutéronome ou une
version abrégée de ce livre et devait être connu de Léhi et récemment intégré aux
plaques dairain (comme limplique 1 Néphi 5:11).
[30] Le thème de la délivrance imprègne toute l'histoire de l'Exode. Dans Alma 36, le
verbe délivrer apparaît trois fois dans les versets qui résument l'Exode d'Israël (vv.
2, 28). Dans l'Ancien Testament, la racine hébraïque traduite par « délivrer »
(natsal) apparaît régulièrement dans le récit de lExode (Exode 3:8 ; 12:27 ;
18:8 ; Deutéronome 23:14 ; comparez avec Psaumes 18:48 ; 34:7, 17, 19 ; 97:10).
[31] Voir Deutéronome 6:21-24 ; 26:5 ; Josué 24:2-14 ; comparez avec Amos 2:9-10 ; 3:1
[32] Tate a attiré l'attention sur ces liens (« Typology », 254-255).
[33] L'expression vient du verset 2 où l'accent est fortement mis sur l'incapacité
absolue d'Israël de se délivrer : « Car ils étaient dans la servitude, et nul ne
pouvait les délivrer, si ce n'est le Dieu d'Abraham, et d'Isaac, et de Jacob, et il les a
assurément délivrés dans leurs afflictions » (italiques ajoutés). L'autre passage qui
sert dencadrement, les versets 28-29, souligne la sollicitude constante et
continuelle du Seigneur tant pour des personnes telles qu'Alma, que pour lensemble
de son peuple, quel quil soit : « Et je sais qu'il me ressuscitera au dernier
jour
, car il a fait sortir nos pères d'Égypte
par son pouvoir
oui, et
il les a délivrés de temps en temps de la servitude et de la captivité. Oui, et il a
aussi emmené nos pères [la famille de Léhi] du pays de Jérusalem; et il les a aussi
délivrés de temps en temps, par son pouvoir éternel, de la servitude et de la
captivité, jusqu'à ce jour » (italiques ajoutés).
[34] Le récit biographique de Mosiah 27 comporte des allusions à lExode qui sont
par certains côtés encore plus impressionnantes que celles du compte rendu direct d'Alma
36. Si nous devons garder à lesprit que l'expérience dAlma ne concernait que
lui-même et ses quatre amis, alors que cétait tout un peuple qui était impliqué
dans le cas de Moïse, les ressemblances sont néanmoins plutôt frappantes. La
description de l'apparition de l'ange ressemble davantage à l'expérience des Israélites
au Sinaï qu'à d'autres expériences semblables telles que l'appel, par le Seigneur, de
Jérémie (Jérémie 1), d'Ésaïe (Ésaïe 6), de Léhi (1 Néphi 1), ou même
dÉzéchiel (Ézéchiel 1-3). Par exemple, l'ange qui apparaît aux cinq jeunes gens
« descendit » pour les rencontrer (Mosiah 27:11) ; d'une manière semblable, «
l'Éternel descendit sur la montagne de Sinaï » (Exode 19:20 ; italiques ajoutés).
Deuxièmement, l'ange apparaît aux jeunes « comme dans une nuée » (v. 11 ; italiques
ajoutés), de la même manière dont le Seigneur apparaît tant à Moïse quau
peuple. Troisièmement, l'ange parle comme « avec une voix de tonnerre, qui fit trembler
la terre » (Mosiah 27:11 ; italiques ajoutés). De même, le son de la trompette
provenant de la montagne sainte « retentit fortement » et « retentissait de plus en
plus fortement » (Exode 19:16, 19 ; aussi 20:18). Au son de la voix de Dieu (Exode
19:19), tous les Israélites prirent peur et tremblèrent ; et il (le peuple) « se tenait
dans léloignement », demandant que Dieu ne lui parle pas « de peur que nous ne
mourions » (Exode 20:18, 19). De plus, à la présence de Dieu sur la montagne, « il y
eut des tonnerres, des éclairs » (Exode 19:16 ; aussi 20:18) et « toute la montagne
tremblait avec violence » (Exode 19:18). Quatrièmement, l'ange mentionne spécifiquement
la « servitude » des ancêtres d'Alma (Mosiah 27:16), rappel clair des termes employés
pour décrire la situation pénible des esclaves israélites. Ce fait même évoque un des
liens les plus clairs entre l'Exode et l'Expiation. Tous les mots qui décrivent la
servitude d'Israël dérivent de la racine bd. Un nom provenant de cette même
racine se traduit par « serviteur » dans Ésaïe 53, qu'Abinadi cite longuement et
rattache ensuite immédiatement au ministère de Jésus. Il est clair ici que Jésus est
le serviteur attendu ('ebed) qui, en payant le prix de la rédemption, délivre de la
servitude tous ceux qui le suivent ('abodah), le terme même qui est utilisé dans le
récit de l'Exode. Il y a, bien entendu, d'autres échos des thèmes de lExode, mais
la place et le temps ne nous en permettent pas un passage en revue complet.
[35] Livrer apparaît également deux fois au verset suivant (2 Néphi 9:13) et est
employé pour désigner le nouvel exode dans Ésaïe 50:2 (2 Néphi 7:2).
[36] Reprenant des idées émises par dautres, Tate attire l'attention sur les
échos dexode non seulement dans les récits du ministère de Jésus dans les
évangiles mais également dans la narration de sa visite au peuple dAbondance («
Typology », pp. 255-257, et colonnes 2 et 7 du schéma, pp. 258-259).
[37] Jai le sentiment que quand on aura dûment passé en revue lensemble des
citations de Jésus tirées de lAncien Testament, on verra que les passages cités
portent uniformément sur la période du nouvel exode ou sur le temps de la fin. Par
exemple, tout les passages suivants pris dans l'ordre dans lequel ils sont cités
par le Sauveur ont trait au nouvel exode : Ésaïe 52:8-10 (3 Néphi 16:18-20)
Michée 5:8-9 (3 Néphi 20:16-17) ; Michée 4:12-13 (3 Néphi 20:18-19) Ésaïe 52:9-10 (3
Néphi 20:34-35) Ésaïe 52:1-3 (3 Néphi 20:36-38) Ésaïe 52:7 (3 Néphi 20:40) Ésaïe
52:11-15 (3 Néphi 20:41-45) Ésaïe 52:15 (3 Néphi 21:8) Ésaïe 52:14 (3 Néphi 21:10)
Michée 5:8-14 (3 Néphi 21:12-18) et Ésaïe 52:12 (3 Néphi 21:29). Les chapitres 3 et 4
de Malachie, cités par Jésus dans 3 Néphi 24-25, peuvent également être compris comme
portant sur le nouvel exode. Par exemple, la mention du chemin préparé par le messager
attendu (Malachie 3:1 ; 3 Néphi 24:1) peut être comprise comme une allusion au « chemin
de lÉternel » qui sera préparé au désert, mentionné dans Ésaïe 40:3. De
plus, la mention de la purification des « fils de Lévi » pour les préparer à
présenter « à l'Éternel des offrandes avec justice » trouve des échos clairs dans le
choix et la mise à part des Lévites dans le désert (Nombres 3:41, 45 ; 8:6).
[38] Voir Tate, « Typology », p. 257.
[39] Le deuxième jour, nous dit-on seulement, quand « toute la multitude eut mangé et
bu » après quoi « elle fut remplie de l'Esprit » (20:9). Mais le texte semble assez
clair. Dans le cas du premier jour, la déclaration est encore plus claire. Les disciples
furent les premiers à manger le pain et à être rassasiés et donnèrent ensuite le pain
à la multitude de deux mille cinq cents personnes jusqu'à ce qu'elle soit rassasiée (3
Néphi 18:3-5). Le vin était de même abondant (18:8-9). Nous devons garder à
lesprit quà ce moment de la journée la multitude était sans nourriture
depuis plusieurs heures, sétant avancée « un par un » pour sentir les blessures
de Jésus (11:15), avait écouté son « sermon sur la montagne » (chapitres 12-14) et
ses autres paroles (15-16), lavait regardé guérir ses infirmes (17:5-10), et
lavait vu bénir ses enfants (17:11-24). Par conséquent, quand le texte dit que la
multitude « fut rassasiée », que ce soit le premier ou le deuxième jour, en prenant le
pain et le vin, cela veut dire au moins que sa faim et sa soif ont été apaisées.
[40] Toute la question de l'esclavage à l'étranger est traitée dans Daube, Exodus
Pattern, pp. 39-41. Une dimension importante qui doit encore être explorée dans le Livre
de Mormon concerne les fondements sociaux et juridiques des actes de délivrance posés
par le Seigneur. Ces liens sont très visibles dans le récit de lExode, comme le
fait remarquer Daube : « Dieu était perçu comme intervenant, non pas comme un despote,
mais dans l'exercice fidèle dun droit reconnu, qui allait, à son tour, imposer des
engagements durables à ceux en faveur desquels il intervenait. » Un exemple d'une piste
pour étudier cette sorte de lien entre le Seigneur et tous les descendants de Léhi
serait d'étudier lidée qu'ils étaient le peuple du Seigneur dont les relations
étaient enracinées dans l'alliance (Mosiah 24:13). Les autres passages où lon
retrouve ce trait et qui sont également reliés au thème de lExode sont 2 Néphi
8:4 (Ésaïe 51:4) et Mosiah 7:29-31 ; voir également Mosiah 11:22 ; 12:1,4 14:8 ; 24:13
; 26:17, 30, 32 ; Alma 5:57 ; 10:21 ; comparez avec Exode 6:7.
[41] Daube, Exodus Pattern, p. 40. Même lâge de Moïse et d'Aaron, quatre-vingts
et quatre-vingt-trois respectivement, a pu être un facteur important, parce que, comme
Daube lécrit : « Les envoyés étaient
soigneusement choisis pour leur
distinction et leur aptitude pour la tâche
. Un âge minimum était parfois exigé.
»
[42] Moïse apprit que le nom de Dieu était JE SUIS (Exode 3:13-14) et il portait
également trois signes : le bâton qui allait se transformer en serpent, sa main qui
pouvait être rendue lépreuse et le pouvoir de changer l'eau en sang (Exode 4:1-9). Voyez
les commentaires à ce sujet dans Daube, Exodus Pattern, p. 40.
[43] Voir 3 Néphi 9:21, où la voix qui se fit « entendre
sur toute la surface de
ce pays » (9:1) dit : « Voici, je suis venu au monde pour apporter la rédemption au
monde, pour sauver le monde du péché. » Les paroles de Samuel le Lamanite servent à
souligner lidée : « Voici, la résurrection du Christ rachète l'humanité
et la ramène en la présence du Seigneur » (Hélaman 14:17 ; italiques ajoutés). Il est
important de noter que le verbe ramener ou sa contre-partie faire sortir apparaît souvent
pour décrire les actions de Dieu dans l'Exode (voir Daube, Exodus Pattern, pp. 32-33).
Cest particulièrement le verbe faire sortir qui est employé dans le Livre de
Mormon pour résumer l'Exode (1 Néphi 17:25, 40 ; Mosiah 7:19 ; etc. pour décrire le
départ de Léhi (1 Néphi 17:14 ; 2 Néphi 1:30 ; Mosiah 2:4 ; etc. et pour décrire
l'Expiation (3 Néphi 28:29). Comparez avec les paroles passionnées de Jésus aux
survivants dans 3 Néphi 10:4-6.
[44] Bien quaucun dominateur ne soit mentionné, excepté peut-être le diable et
ses anges (3 Néphi 9:2), Jésus cite un passage clef d'Ésaïe qui porte sur le sujet :
« Car ainsi parle le Seigneur: C'est gratuitement que vous avez été vendus, et ce n'est
pas à prix d'argent que vous serez rachetés » (3 Néphi 20:38 ; Ésaïe 52:3), un
passage qui est entouré par les prophéties d'Ésaïe sur le deuxième exode. Il est
clair quil ny a pas de dominateur vers lequel Jésus peut aller. Cela
nempêche pas Jésus de se présentes aux survivants presque comme sil
présentait ses lettres de créance à quelquun avec qui il doit négocier la
libération de captifs (voir 3 Néphi 9:15-18 ; comparez avec 11:14-16). Parlant de Jésus
pendant son ministère terrestre, Daube observe : « De Jésus envoyé par Dieu pour
sauver lhumanité, de sa légitimation ou du refus de fournir la légitimation,
devant les adversaires et les disciples, de l'insistance sur la nécessité de croire en
lui, un fil conducteur parmi un grand nombre
ramène à travers les siècles aux
pratiques du commerce international en matière de prisonniers de guerre » (Exodus
Pattern, p. 41).
[45] Certains peuvent contester cette interprétation, mais il est conforme au consensus
général des spécialistes du Nouveau Testament que quand Jésus est cité
particulièrement dans lÉvangile de Jean utilisant l'expression je suis,
cest le nom révélé à Moïse sur la montagne sainte quil utilise (Jean 4:26
[cest moins clair dans la KJV] ; 6:35, 48, 51 ; 8:12 ; etc.). Soutenir que Jésus
mortel a employé l'expression en faisant clairement allusion au nom divin et puis, quand
il a visité lAmérique en tant que Seigneur et Roi ressuscité, na employé
l'expression que dans le sens d'une copule grammaticale, cest faire violence à
lun des sens clairs du texte. Car les paroles de Jésus aux survivants ressemblent
davantage au langage de l'Évangile de Jean quà celui des Synoptiques (3 Néphi
9:13-22 ; seules les paroles dans 3 Néphi 10:4-7 portent clairement la marque des
évangiles synoptiques). En outre, ses paroles introductrices à ceux dAbondance
ressemblent clairement au vocabulaire de l'Évangile de Jean (3 Néphi 11:10-11).
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