Est-ce pendant la Pâque qu’Alma a donné des instructions à ses fils ?
Par Book of Mormon Central· 18 juillet 2016

Et maintenant, mon fils Shiblon, je voudrais que tu te souviennes que dans la mesure où tu placeras ta confiance en Dieu, dans cette même mesure tu seras délivré de tes épreuves, et de tes difficultés, et de tes afflictions, et tu seras exalté au dernier jour. Alma 38:5

Ce que l’on sait

Après leur ministère parmi les Zoramites, Alma « fit rassembler ses fils afin de donner à chacun séparément sa charge concernant les choses relatives à la justice. » (Alma 35:16). À cette occasion, les exhortations d’Alma à ses fils peuvent être rattachées à une pratique juive ancienne associée à la Pâque. Selon Gordon C. Thomasson et John W. Welch :

« Selon des traditions au moins aussi anciennes que l’époque du Christ et probablement plus anciennes encore, c’était un moment où, après avoir réuni sa famille, le père instruisait ses fils et répondait à leurs questions. Ses paroles n’étaient pas fixes mais devaient « répondre à la connaissance et à la compréhension de l’enfant » et étaient censées « traiter de l’enchaînement du péché, de la souffrance, de la repentance et de la rédemption [1]. »

On ne sait pas quand cette pratique a commencé, mais la fête de la Pâque était toujours célébrée comme un moment important pour les réunions de famille, pour manger l’agneau pascal et se rappeler les textes traditionnels parlant de la façon dont Dieu avait délivré Israël de la servitude en Égypte. En outre, il est important de noter que, selon les savants, cette cérémonie de la Pâque s’est développée au fil du temps à partir de traditions de sagesse plus anciennes [2]. Il est possible que les thèmes utilisés par Alma dans ses exhortations à ses fils découlent de formes anciennes de ces mêmes traditions de sagesse.

Ce qui rend particulièrement frappant le lien entre les paroles d’Alma à ses trois fils et cette tradition de la Pâque, c’est que, selon certaines coutumes juives, les fils qui posent des questions jouaient souvent différents rôles et personnages [3].

Le premier était un fils sage, qui citait le Deutéronome et demandait:« Que signifient les témoignages, les lois et les ordonnances que le Seigneur notre Dieu t’a commandés ? » (Deutéronome 6:7). Hélaman, l’aîné des fils d’Alma, ressort clairement comme étant le fils préféré ou sage d’Alma [4] et il faut remarquer que quand il s’adresse à lui, Alma « mentionne au moins huit fois la ‘sagesse’dans Alma 37 [5]. »

Le second était un fils méchant, qui citait l’Exode en demandant:« Qu’entends-tu par ce service ? » (Exode 12:26 ).

Ce fils est représenté dans la littérature juive comme coupable de délits sociaux, qui s’était exclu de la communauté et croyait en de fausses doctrines. Selon la pratique juive, il doit s’entendre dire, d’une manière qui « le fera grincer des dents », qu’il sera puni pour ses péchés [6].

De toute évidence, cette description s’applique parfaitement à Corianton, qui était aux prises avec des transgressions morales et trouvait plusieurs fausses doctrines attrayantes [7].

Enfin, un troisième fils demandait : « Qu’est ceci ? » (Exode 13:14). « La tradition israélite disait que le fils mal informé qui posait cette question devait se faire enseigner la loi et recevoir des instructions préventives pour l’éloigner de tout risque d’enfreindre la loi [8]. » C’est dans ce sens qu’Alma met Shiblon [9] en garde contre les problèmes posés par l’orgueil, l’arrogance, les passions débridées, l’oisiveté et les pratiques apostates des Zoramites [10].

Bien qu’on ne soit pas certain si l’exhortation d’Alma à ses fils correspond directement à l’observance néphite de la Pâque, la méthode et le contenu de son enseignement font certainement penser à ses thèmes, notamment la souffrance en captivité et l’affliction, les prières pour obtenir la délivrance, l’apparition d’un ange puissant et la délivrance des ténèbres et de douleurs violentes [11]. Le timing convient également : tout comme les Israélites retournaient chez eux pour célébrer la Pâque, Alma et son équipe missionnaire venaient de rentrer à Zarahemla après avoir mené à bien leurs efforts pour ramener les Zoramites d’Antionum à la foi (Alma 35:14 ).

Le pourquoi

La façon dont les sermons d’Alma s’intègrent aux anciennes traditions de la Pâque juive montre qu’il se conformait consciemment aux justes « traditions de [ses] pères » (Alma 3:11). En outre, le fait d’être conscient de la nature sacrée et cérémonielle de ces moments patriarcaux de témoignage, d’enseignement et d’exhortation peut aider à expliquer la sophistication et l’élégance remarquables des formes littéraires et rhétoriques utilisées par Alma à cette occasion [12].

La tradition de la Pâque était censée aider Israël à se souvenir de l’intervention du Seigneur dans la sortie de l’oppression égyptienne. De même, les paroles d’Alma à ses fils sont remplies d’exhortations à se rappeler les choses sacrées. Par exemple, son discours chiastique [13] à Hélaman commence précisément avec l’exhortation « je voudrais que tu fasses comme moi et que tu te souviennes de la captivité de nos pères » (36:2) et se terminée de la même façon en réaffirmant qu’Alma a « toujours gardé le souvenir de leur captivité » (v. 29). Dans ce contexte, Alma mentionne même expressément l’exode israélite en disant : « Je le louerai à jamais, car il a fait sortir nos pères d'Égypte » (v. 28 ).

Les paroles et les commandements d’Alma à ses fils sont donc parfaitement adaptés à la période de la Pâque. Le fait de s’exprimer en une telle occasion ne pouvait que renforcer l’aspect solennel de l’événement.

Comme pour les divers récits de l’Exode chez les Néphites, [14] l’Église moderne a ses propres parallèles avec la délivrance miraculeuse de l’Israël antique. Ces observances de nos jours peuvent aider les lecteurs des écritures à apprécier l’impact solennel des paroles d’Alma. d’il y a des siècles. Russel M. Nelson a enseigné : « Les deux groupes ont en commun plusieurs miracles que l’on commémore chaque année. La célébration de la Pâque porte sur les voyages des anciens Israélites. Et chaque mois de juillet, nous répétons les histoires légendaires de nos pionniers [15]. »

Comme les fils d’Alma, les membres modernes de la maison d’Israël, quels qu’ils soient, ont le devoir de « toujours garder le souvenir » de la main de Dieu dans leur propre délivrance divine (Alma 36:29 ).

Autres lectures

Gordon C. Thomasson et John W. Welch, “The Sons of the Passover,” dans Reexploring the Book of Mormon: A Decade of New Research, (Provo UT, FARMS, 1992, p. 196–198.
Fred O. Francis, “The Baraita of the Four Sons,” Journal of the American Academy of Religion 42, no. 2 (1974), p. 280–297.
[1] Gordon C. Thomasson et John W. Welch, “The Sons of the Passover,” dans Reexploring the Book of Mormon: A Decade of New Research, dir. de publ. John W. Welch, Salt Lake City et Provo UT, Deseret Book et FARMS, 1992, p. 196.
[2] Fred O. Francis, “The Baraita of the Four Sons,” Journal of the American Academy of Religion 42, no. 2 (1974): 290: “« Nous sommes enclins à croire que les trois versions qui sont parvenues jusqu'à nous entrecroisent une multitude de traditions de sagesse alliées en quelques torons… Bien que la possibilité d’un « texte original » soit toujours fascinante, nous prenons les trois versions comme représentant une tradition de sagesse générale — plus générale qu’elle ne l’indique elle-même. » Francis, « The Baraïta of the Four Sons » p. 280 – 297, donne un bref aperçu, puis une comparaison des trois textes existants qui ont découlé de ces traditions. Il est à noter que la plupart des traditions de la Pâque comprennent quatre fils, mais il n’y en a que trois qui posent des questions. Pour voir ce qui explique la présence de quatre fils (plutôt que deux ou trois), voir Francis, “Baraita of Four Sons,” p. 291–292.
[3] Voir Martin Sicker, A Passover Seder Companion and Analytic Introduction to the Haggadah, New York, iUniverse, 2004, p. 55–64, pour une analyse et une interprétation de cette cérémonie telle qu’on la trouve dans la Haggada juive.
[4] Quoi qu’Alma lui-même ait pensé de la dignité ou de la justice d’Hélaman, il lui dit : « Dieu t’a confié ces choses qui sont sacrées » (Alma 37:14). En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un père qui choisit simplement son fils préféré, mais plutôt d’un exemple où Dieu choisit celui qui succédera au prophète président. Fait intéressant, bien qu’Hélaman soit choisi comme le nouveau chef spirituel de l’Église, Alma ne le félicite pas explicitement de sa justice, comme il le fait pour Shiblon. En fait, ses paroles à Hélaman sont strictement remplies d’exhortations et d’avertissements. Voir les exemples suivants :« prête l’oreille à mes paroles » (Alma 36:1), « je voudrais que tu fasses comme moi » (v. 2), « je te supplie d’entendre mes paroles » (v. 3), « tu devrais savoir comme je le sais » (v. 30), « Je te commande de prendre ces annales » (Alma 37:1), « je te commande aussi de tenir les annales de ce peuple » (v. 2) , « garder sacrées toutes ces choses » (v. 2), « il se peut que tu penses que c’est là folie de ma part ; mais... (v. 6), « Ô souviens-toi, souviens-toi, mon fils Hélaman, comme les commandements de Dieu sont stricts. » (v. 13), « maintenant, souviens-toi, mon fils, que Dieu t’a confié ces choses » (v. 14), « si tu transgresses les commandements de Dieu, voici, ces choses qui sont sacrées te seront enlevées » (v. 15), « mais si tu gardes les commandements... aucune puissance de la terre ou de l’enfer ne pourra te les enlever » (v. 16), « C'est pourquoi je te commande… d'être diligent à accomplir toutes mes paroles, et d'être diligent à garder les commandements de Dieu tels qu'ils sont écrits » (v. 20), « Je te commande de garder pour toi tous leurs serments » (v. 27), « C'est pourquoi tu soustrairas à ce peuple ces plans secrets de leurs serments et de leurs alliances » (v. 29), « Et maintenant, mon fils, souviens-toi des paroles que je t’ai dites » (v. 32), « prêche-lui le repentir et la foi » (v. 33), « enseigne-lui à ne jamais se lasser des bonnes œuvres » (v. 34), « Oh! souviens-toi, mon fils, et apprends la sagesse dans ta jeunesse; oui, apprends dans ta jeunesse à garder les commandements de Dieu » (v. 35). « invoque Dieu pour tout ton entretien » (v. 36) ; « consulte le Seigneur dans toutes tes actions » (37:14) ; « je voudrais que tu comprennes (v. 43) » ; « Ô mon fils, ne soyons pas paresseux (v. 46) « veille à prendre soin de ces objets sacrés (47) ».
[5] Thomasson et Welch, “Sons of Passover,” p. 197.
[6] Thomasson et Welch, “Sons of Passover,” p. 197.
[7] L’exhortation d’Alma à Corianton constitue Alma 39–42. Bien qu’il commence par réprimander (voir Alma 39:1–7), son but final est d’aider son fils à se repentir : et à ne plus laisser ces choses-là [le] troubler (Alma 42:29). Voir aussi Book of Mormon Central, “Why Was Corianton’s Sin So Serious? (Alma 39:5),” KnoWhy 147 (18 juillet 2016).
[8] Thomasson et Welch, “Sons of Passover,” p. 197.
[9] Contrairement à Hélaman, Shiblon se voit donner plusieurs affirmations de sa justice :« Et maintenant, mon fils, j'ai l'assurance que tu seras pour moi une grande joie, à cause de ta stabilité et de ta fidélité à Dieu; car de même que tu as commencé dans ta jeunesse à regarder vers le Seigneur, ton Dieu, de même j'espère que tu continueras à garder ses commandements… tu as déjà été une grande joie pour moi à cause de ta fidélité, et de ta diligence, et de ta patience, et de ta longanimité parmi le peuple des Zoramites. Car je sais que tu as été dans les liens; oui, et je sais aussi que tu as été lapidé pour l'amour de la parole; et tu as supporté tout cela avec patience, parce que le Seigneur était avec toi; et maintenant tu sais que le Seigneur t'a délivré. » (Alma 38:2–4). Il est possible qu’Alma ait tenu à assurer à Shiblon que son manque relatif de responsabilité n’était pas un signe d’indignité. Même s’il n’était pas choisi pour diriger l’Église ou pour prendre en charge les annales sacrées, Shiblon était certainement un fils bon et honorable.
[10] Voir Alma 38:11–14. On peut contraster ces avertissements à Shiblon avec Hélaman, qui, en dépit du fait qu’il avait été strictement désigné et avait reçu le commandement de s’acquitter de sa mission, (voir note 5), n’est pas mis en garde de manière aussi explicite ou directe contre le péché.
[11] Voir Thomasson et Welch, “Sons of Passover,” p. 197–198: « Plusieurs autres thèmes de la Pâque sont détectables dans Alma 35-42. Alma parle de « s’écrier » (comparez avec Deutéronome 26:7; Alma 36:18 ) pour être délivré de « l’affliction » (comparez avec Deutéronome 26:6; Alma 36, 27:3 ; surtout le « pain de l’affliction » sans levain de la Pâque) et de l’esclavage en Égypte (Alma 36:28), de la « nuit de ténèbres » (comparez avec Alma 41:7; Exode 12:30 ) et de la souffrance amère (Alma 36:18, 21) liée aux « herbes amères » de la Pâque dans Exode 12:8). L’agneau pascal peut être en parallèle avec certaines des allusions d’Alma au Christ et la dureté de cœur du Pharaon (voir Exode 11:10) peut être mise en parallèle avec les références d’Alma à la dureté de cœur de son peuple (voir Alma 35:15). Tout comme la délivrance d’Alma a été précédée de trois jours et trois nuits de ténèbres (voir Alma 36:16), ce qui fut aussi le cas de la première Pâque (voir Exode 10:22). »
[12] Par exemple, John W. Welch, “A Masterpiece: Alma 36 » dans Rediscovering the Book of Mormon: Insights You May Have Missed Before, dir. de publ. John L. Sorenson et Melvin J. Thorne, Salt Lake City et Provo, Utah, Deseret Books et FARMS, 1991, p. 114-131. Il est à noter qu’Alma parle à Hélaman en utilisant une structure chiastique doublée dans Alma 36 alors qu’à Shiblon il ne donne que la première moitié de son récit de conversion dans Alma 38, peut-être parce qu’Hélaman était le fils premier-né avec le droit d’hériter d’une double portion de la succession de son père. Pour afficher les sermons d’Alma formatés en parallèles poétiques, voir Donald W. Parry, Poetic Parallelisms in the Book of Mormon: The Complete Text Reformatted (Provo, Utah: Neal A. Maxwell Institute for Religious Scholarship, 2007), p. 318 – 336. Voir aussi les articles sur les chiasmes dans Idumea. Pour une évaluation littéraire de la narration d’Alma concernant sa conversion, voir Grant Hardy, Understanding the Book of Mormon: A Reader’s Guide, New York, New York,Oxford University Press, 2010, p. 137-142. [13] Voir Book of Mormon Central, “Why was Alma Converted? (Alma 36:21),” KnoWhy 144 (15 juillet 2016). Welch, “A Masterpiece,” p. 114–131; John W. Welch, “Chiasmus in the Book of Mormon,” dans Book of Mormon Authorship: New Light on Ancient Origins, dir. de publ.. Noel B. Reynolds, Provo, UT, Religious Studies Center, Brigham Young University, 1982,p. 33–52; John W. Welch, “Criteria for Identifying and Evaluating the Presence of
Chiasmus,” Journal of Book of Mormon Studies 4, no. 2, 1995, p. 1–14.
[14] Voir George S. Tate, “The Typology of the Exodus Pattern in the Book of Mormon,” dans Literature of Belief: Sacred Scripture and Religious Experience, dir. de publ. Neal E. Lambert, Provo, UT, Religious Studies Center, Brigham Young University, 1981, p. 245–262; S. Kent Brown, “The Exodus Pattern in the Book of Mormon,” dans From Jerusalem to Zarahemla: Literary and Historical Studies of the Book of Mormon, Provo, UT, Religious Studies Center, Brigham Young University, 1998, p. 75–98.
[15] Russel M. Nelson, “The Exodus Repeated,” Ensign, juillet 1999, sur lds.org.