LE DÉFI DU LIVRE DE MORMON
Marcel Kahne
Au printemps de 1820, un jeune garçon du nom de Joseph Smith avait une
vision dans laquelle Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, le
chargeaient de rétablir l’Évangile et l’Église du Christ. Des visions,
d’autres en ont eu. Le propre des visions, c’est qu’elles sont
personnelles et que les autres n’ont aucun moyen de savoir si elles ont
vraiment eu lieu ou si elles ne sont que le produit de l’imagination… ou
d’une volonté d’escroquer son entourage.
L’idéal serait donc de disposer d’un résultat concret de la vision, de
quelque chose qui soit de nature à emporter la conviction de ceux qui
n’ont pas vu. Dans le cas de Joseph Smith, c’est incontestablement le
Livre de Mormon.
Qu’est-ce que le Livre de Mormon ? C’est essentiellement l’histoire de
deux familles israélites parties de Jérusalem vers 600 av. J.-C., qui
traversèrent l’océan pour aboutir sur le continent américain. Le livre est
un abrégé de l’histoire religieuse des descendants de ces deux familles au
cours d’une période de mille ans avec, comme point culminant, l’apparition
du Christ parmi eux après sa résurrection en Terre Sainte.
Histoire invraisemblable ? À chacun d’en juger, mais nous recommandons de
ne le faire qu’en connaissance de cause et pas en fonction des idées
toutes faites que chacun de nous véhicule. D’une manière générale, il est
absurde d’émettre une opinion sur un sujet que l’on n’a pas approfondi. Ce
le serait d’autant plus ici que l’enjeu est de taille : Si Dieu est
vraiment apparu à Joseph Smith, c’est l’événement le plus important qui se
soit produit ici-bas depuis la résurrection du Christ. Il touche à notre
destinée éternelle et qu’y a-t-il de plus important que cela ?
Les quatre types de défis
Le premier défi se trouve dans le texte du Livre de Mormon lui-même, dans
Moroni 10:4-5. Le deuxième est celui de témoins extérieurs au livre. Le
troisième est le témoignage d’Emma, femme du prophète. Le quatrième est
d’ordre scientifique. Nous allons examiner chacun de ceux-ci en détail.
1. Le défi de Moroni 10:4-5
« Et lorsque vous recevrez ces choses, je vous exhorte à demander à Dieu,
le Père éternel, au nom du Christ, si ces choses ne sont pas vraies; et si
vous demandez d'un cœur sincère, avec une intention réelle, ayant foi au
Christ, il vous en manifestera la vérité par le pouvoir du Saint-Esprit.
Et par le pouvoir du Saint-Esprit, vous pouvez connaître la vérité de
toutes choses. »
C’est, de loin, le défi le plus important. Tout ce qui vient des hommes
est sujet à contestation, à mise en doute. Mais le témoignage du
Saint-Esprit ne laisse la place à aucun doute et est indélébile.
L’invitation du Livre de Mormon est simple : « Lisez et demandez à Dieu si
c’est vrai. Si votre demande est sincère, la réponse vous parviendra d’une
manière telle qu’il n’y aura plus de discussion possible. » Très nombreux
sont ceux qui ont fait cette expérience, qui les a ancrés dans la vérité.
2. Les trois et les huit témoins
Au début de chaque exemplaire du Livre de Mormon se trouvent deux textes
intitulés respectivement Témoignage de trois témoins et Témoignage de huit
témoins. Ces deux témoignages se renforcent mutuellement. Pendant qu’il
détenait les plaques du Livre de Mormon, Joseph Smith ne fut autorisé à
les montrer à personne, peut-être pour éviter des témoignages
contradictoires. Les trois témoins ont vu les plaques dans une vision
glorieuse, dans laquelle un ange les leur a montrées tandis que la voix de
Dieu leur commandait d’en témoigner au monde. Les huit témoins, de leur
côté, ont vu les plaques dans une situation normale, dans laquelle Joseph
Smith les leur a montrées. Ils ont pu les toucher et les soupeser.
Sans le témoignage des huit, on aurait pu dire que les trois avaient eu
une hallucination ; sans le témoignage des trois, on aurait pu dire que
les plaques n’avaient rien de surnaturel.
Ce qui renforce le témoignage de ces hommes, c’est que les trois témoins
et trois des huit témoins ont eu des différends avec Joseph Smith et ont
quitté l’Église (deux des trois témoins sont revenus plus tard). Ces
hommes étaient très aigris contre le prophète et il aurait été tout à fait
normal de leur part de renier leur témoignage et de dévoiler publiquement
le pot aux roses s’il y avait eu collusion ou s’ils avaient eu le moindre
doute quant à la réalité de ce qu’ils avaient vu. Tous sans exception ont
réitéré leur témoignage jusqu’à la fin de leurs jours.
3. Le témoignage d’Emma
La personne la mieux placée pour parler d’un homme est incontestablement
sa femme. Dans un témoignage rendu à la fin de sa vie, Emma Smith a mis en
évidence le fait que son mari aurait été incapable d’écrire le Livre de
Mormon :
« Quand Joseph entreprit la traduction, il eut besoin de quelqu’un pour
écrire sous sa dictée. Emma joua le rôle de secrétaire. L’institutrice
qu’était Emma se rendait bien compte des difficultés de Joseph face à
l’anglais écrit. ‘Il ne pouvait pas prononcer le mot Sariah’, dit-elle. Si
Joseph n’avait lu les Écritures que sporadiquement tout au plus, Emma,
elle, connaissait bien la Bible et la lisait souvent. Un jour, au cours de
la traduction, le texte mentionnait les murs de Jérusalem. Joseph
s’arrêta. ‘Emma, demanda-t-il, est-ce que Jérusalem était entourée de murs
?’ Elle lui dit que oui. ‘Oh, j’ai cru qu’on me trompait’, répondit-il…
Quand on lui demanda si Joseph aurait pu écrire l’histoire en cachette
pour ensuite la dicter en faisant semblant de traduire les plaques, elle
répliqua : ‘Joseph Smith était incapable d’écrire ou de dicter une lettre
cohérente et formulée correctement. Alors dicter un livre comme le Livre
de Mormon… c’est aussi merveilleux pour moi que pour n’importe qui
d’autre… Je suis certaine que personne n’aurait pu dicter le texte des
manuscrits sans être inspiré, car lorsque j’étais sa secrétaire, il me
dictait heure après heure et quand il s’y remettait après les repas ou
après une interruption, il reprenait immédiatement là où il s’était arrêté
sans voir le manuscrit ni s’en faire lire une partie … Il est peu probable
qu’un savant aurait pu le faire et pour quelqu’un d’aussi ignorant et sans
instruction que lui, c’était tout simplement impossible.’ » (Linda King
Newell et Valeen Tippetts Avery, Mormon Enigma: Emma Hale Smith, New York,
Doubleday, 1984, pp. 25-26).
4. Le témoignage scientifique
Nous vivons à une époque de l’histoire du monde où la science a acquis
droit de cité, reléguant la foi et le spirituel à l’arrière-plan. Nos
contemporains sont devenus comme Saint-Thomas, ils ne croient que ce
qu’ils voient et les histoires de visions et d’apparitions les laissent
plus que sceptiques. Le Livre de Mormon a quelque chose pour ceux-là
aussi.
Il se présente, en effet, non comme un roman, mais comme un document
historique. Les familles de Léhi et d’Ismaël sont, selon le livre, des
personnes réelles, de chair et d’os, ayant existé. Elles ont réellement
traversé la péninsule arabique. Elles ont effectivement traversé l’océan
et débarqué sur le continent américain. Leurs descendants y ont réellement
vécu, à un endroit bien précis et à une époque bien déterminée.
L’historicité d’un document, cela se vérifie. Même si l’auteur du livre se
préoccupe essentiellement de religion et est avare de détails sur le
reste, il ne peut empêcher les détails culturels de son époque et sa
culture propre de transparaître à travers ses écrits. Joseph Smith (et le
monde entier de son époque) ignorait tout ou presque du désert arabe et du
mode de vie et de la culture de gens tels que les familles de Léhi et
d’Ismaël, ainsi que des particularités du monde mésoaméricain dans lequel
se situe la majorité des événements du livre, des éléments culturels
radicalement différents de ce que connaissait un Américain du XIXe siècle.
Il aurait été matériellement impossible à quelqu’un comme Joseph Smith
d’écrire un ouvrage comme le Livre de Mormon sans se trahir quasiment à
chaque ligne.
Ce qui nous met devant une équation très simple : si le Livre de Mormon
est un document historique véritable, Joseph Smith, pas plus qu’aucun de
ses contemporains, ne peut en être l’auteur, ce qui veut dire que la seule
explication que l’on puisse fournir de son existence est que l’histoire de
Joseph Smith est vraie.
Il ne faut bien entendu pas s’attendre à ce que des historiens non mormons
risquent leur réputation en entreprenant (du moins sérieusement) pareille
investigation. (Ceci est d’ailleurs également vrai pour les plaques. Quand
nous expliquons aux gens, qui nous demandent où elles sont, que Moroni les
a reprises, ils ont un petit sourire entendu, comme pour dire : pas de
pièce à conviction, pas de preuve. Mais même si nous pouvions les montrer,
cela ne changerait rien : aucun savant ne risquerait sa réputation en
accordant la moindre attention à un document apporté par un ange.)
Ce sont donc des spécialistes mormons qui ont fait les recherches qui
s’imposaient et le résultat est impressionnant :
En 1950, le professeur Hugh Nibley, de l’université Brigham Young, publie
l’ouvrage fondateur dans l’étude scientifique du Livre de Mormon, Léhi
dans le Désert, ouvrage dans lequel il relève un grand nombre de détails
culturels que l’on ignorait ou sur lesquels on avait des idées erronées à
l’époque de Joseph Smith. On le trouvera en français sur Idumea dans la
section livres.
En 1967, John Welch découvre l’existence d’une structure largement
utilisée au Proche-Orient ancien et notamment par les Hébreux, le chiasme.
Ses recherches l’amènent à constater la présence de cette structure dans
le Livre de Mormon. Aujourd’hui une centaine de chiasmes ont été repérés
dans le volume, dont certains recouvrent des livres entiers ou sont d’une
complexité remarquable. (Voir dans la rubrique ‘Etudes’ d’idumea : Livre
de Mormon / Structure / Chiasmes. D’autres exemples seront donnés plus
tard.)
Au cours des années 1970, Lynn et Hope Hilton font un voyage d’exploration
en Arabie qui montre que l’itinéraire général suivi par Léhi et les siens,
décrit par le Livre de Mormon, cadre avec la configuration de la péninsule
arabique. On trouvera un compte rendu en français de leurs recherches dans
L’Étoile, de juillet à septembre 1977.
En 1985, l’ethnologue John Sorenson publie un ouvrage magistral, An
Ancient American Setting for the Book of Mormon, dans lequel il démontre
que le Livre de Mormon est, d’un point de vue géographique, historique et
culturel, parfaitement à l’aise dans une partie bien déterminée de la
Mésoamérique. C’est ce livre que nous mettons à votre disposition en
traduction française à partir de ce mois sur Idumea.
Entre-temps, des professeurs d’université et d’autres chercheurs ont formé
une association, la Foundation for Ancient Research and Mormon Studies
(F.A.R.M.S.), qui s’est donné pour but de publier les résultats de
recherches menées avec la plus grande rigueur scientifique sur divers
aspects du Livre de Mormon. Cela a donné un flot constant d’articles dont
Idumea a commencé la traduction et l’affichage (voir sous Livre de
Mormon).
Enfin, en 2003, George Potter et Richard Wellington ont publié Lehi in the
Wilderness, fruit de plusieurs années de recherches et de cent mille
kilomètres parcourus sur le terrain, dans lequel ils montrent qu’en
suivant les indications de Néphi, ils ont trouvé « les régions frontières
près du rivage de la mer Rouge », « les régions frontières qui sont plus
proches de la mer Rouge » (1 Néphi 2:5), la vallée de Lémuel (v. 14 – voir
sur Idumea Etudes : Livre de Mormon / Géographie / Vallée de Lémuel),
Shazer (1 Néphi 16:14), « les parties les plus fertiles du désert » (v.
14), « les parties plus fertiles du désert » (v. 16), du bois convenant à
la fabrication de l’arc de Néphi (v. 23), l’itinéraire vers l’est (17:1)
[1] et le site le plus convaincant pour Abondance. (Nous allons essayer
d’obtenir de l’éditeur la permission de publier ce livre en français).
On peut décider d’ignorer la masse impressionnante d’éléments qui ont été
publiés en faveur de l’authenticité du Livre de Mormon, ne serait-ce que
parce que reconnaître l’authenticité du Livre de Mormon signifierait aussi
reconnaître l’authenticité de la Première Vision de Joseph Smith, un pas
que beaucoup préféreraient ne pas franchir pour ne pas remettre en
question leurs convictions actuelles. Mais dorénavant, plus personne ne
pourra contester honnêtement la validité de l’ouvrage sans tenir compte de
ces découvertes.
* * * * * * *
[1] Le site de Nahom, où Ismaël a été enterré, et la preuve que le nom
remonte à l’époque de Léhi ont été traités ailleurs. Voir Idumea Etudes :
L’endroit qui était appelé Nahom, par S. Kent Brown, et Découverte d’un
autel en rapport avec le Nahom de Néphi, par Warren P. Aston
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