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Toute activité humaine
laisse des traces. Cest également vrai dans la création du Livre de Mormon où
nous voyons Néphi, sur lordre du Christ faire
un ajout au chapitre 14 du livre dHélaman, Mormon se tromper en recopiant un
texte et corriger comme il le peut, Mormon
découvrir les petites plaques de Néphi, être frappé par elles et décider de construire le reste de son abrégé
de manière à montrer que les prophéties de 1 Néphi chapitre 12 se sont réalisées. Le
présent article nous permet de nouveau de regarder par dessus lépaule de Mormon et
de le voir à louvrage. COMMENT MORMON A CONCU SON ABREGE ET LE MESSAGE QU'IL VEUT FAIRE PASSER Exposé fait à la Conférence de FAIR daoût 2008 par Brant A. Gardner Mormon reçut à lâge de dix ans la tâche de conserver les plaques de Néphi. Il ne reçut les documents quà lâge de 24 ans, mais il passa les 50 à 60 années suivantes de sa vie à écrire dessus et à y penser pour finir par écrire un livre qui condensait ce qu'il considérait être leur message essentiel. Nous ne pouvons pas savoir quand Mormon est passé de chroniqueur à auteur, mais nous pouvons reconstituer une chronologie plausible. La 345ème année après la naissance du Sauveur, Mormon retira au moins certaines des plaques de Néphi de la colline Shim (Mormon 2:16-17). Il ne nous dit pas combien de plaques il enleva à ce moment-là, mais il est improbable que çait été l'ensemble complet des «plaques de Néphi», bien qu'il nous dise explicitement que c'étaient les plaques mêmes sur lesquelles d'autres auteurs dannales avaient écrit (voir Mormon 2:18). Il écrit à ce moment-là que «sur [ces] plaques de Néphi, je fis le récit complet de toute la méchanceté et de toutes les abominations.» Sur ces plaques, Mormon sacquitte de ses fonctions de secrétaire national. Il n'a pas encore commencé ce que nous connaissons comme étant le Livre de Mormon. Nous voyons ensuite la collection complète des plaques la 367ème année [1] quand Mormon a 46 ans. À ce moment-là il sort de nouveau les plaques de la colline Shim parce que le pays est envahi par les Lamanites (Mormon 4:23). Le scénario plausible est donc que Moroni ait écrit pendant vingt-deux ans comme chroniqueur ou responsable ordinaire des annales sur les grandes plaques de Néphi. Il ne pouvait pas rédiger son propre livre sans avoir accès aux documents complets de Shim, et apparemment il ne les a pas obtenus avant la 367ème année. A mon sens, pendant les treize années suivantes, il a dû les lire et les assimiler, probablement en prenant des notes et certainement en élaborant une esquisse ou un brouillon. Il a alors commencé à écrire louvrage qui constitue notre Livre de Mormon au moins dès 379 (Mormon 5:5, 9), quand il avait 58 ans et a dû continuer jusquau début de 385. Il meurt peu après le début de 385 apr. J.-C. et avant 391 apr. J.-C., date à laquelle cest Moroni qui écrit. Le schéma de Mormon Plusieurs indices dans le texte de Mormon montrent qu'il avait au moins créé une esquisse complète de son travail avant de se mettre à écrire sur les plaques. Le signe sans doute le plus évident, ce sont les introductions de chapitres qui ont été écrites sur les plaques avant les chapitres qu'elles résument. La partie existante du manuscrit original conserve les introductions synthétisant Hélaman et 3 Néphi [2] confirmant que les introductions de lédition de 1830 faisaient partie de la traduction et n'ont pas été ajoutées lors de la préparation du manuscrit de l'imprimeur quand Joseph ou Oliver auraient pu les créer suite à leur lecture de l'original. Étant donné quelles représentaient des informations venant des plaques, elles indiquent que Mormon les a écrites avant les chapitres et quil devait donc connaître le contenu du chapitre suivant avant de commencer à lécrire [3]. La majorité des
introductions sont au début des livres qui ont un nom. Dans les petites plaques, elles
napparaissent quau commencement de 1 Néphi, 2 Néphi et Jacob. Dans la
confection des grandes plaques faite par Mormon, elles apparaissent au début de chaque
livre sauf de Mosiah. Labsence dintroduction dans ce cas précis est
compréhensible parce que les 116 pages perdues devaient comprendre au moins le premier
chapitre de Mosiah. Je crois pouvoir conclure sans crainte de me tromper que Mosiah devait
avoir ce genre dintroduction, étant donné que cest ce que Mormon a fait dans
le reste des livres qu'il a édités. Sil y a des signes quil y a eu un schéma, il y a aussi des indications de ce que Mormon ne sest pas contenté de copier sur les plaques un texte précédemment écrit. Sil a certainement copié les divers sermons dans leur source, quand il sagit de son propre texte, il se laisse aller à une interaction avec les données qu'il écrit. Nous le voyons souvent sécarter de son schéma pour se livrer à une digression sur les réflexions que lui inspire le texte qu'il écrit. On repère les apartés et le schéma dont ils sécartent à la façon dont il retourne à sa tâche. Pour en revenir à son schéma, Mormon répète au moins l'idée et souvent une grande partie des termes de la dernière partie du schéma davant la digression. J'avais remarqué ce processus dans le texte bien avant davoir un nom à mettre dessus, nom que jai maintenant grâce à David Bokovoy. Bokovoy rattache cette technique à celle connue de l'Ancien Testament : «La reprise réitérée désigne le retour du chroniqueur à un récit original après une digression délibérée. Les auteurs de l'Ancien Testament le faisaient en répétant un mot ou une expression clef qui précédait immédiatement l'interruption dans le texte [4]. On trouve un exemple par
Mormon au chapitre 17 d'Alma. Au verset 13, Mormon nous dit que quand les fils de Mosiah
arrivèrent «dans les régions frontières du pays des Lamanites, ils se séparèrent et
se quittèrent.» À ce moment-là, Mormon se lance dans une diatribe contre les Lamanites
et explique pourquoi il fallait vraiment que les fils de Mosiah leur prêchent. Au verset
17, quand Mormon revient à son schéma, il dit : «C'est pourquoi ils se séparèrent et
s'en allèrent parmi eux
» «Et il arriva que la
malédiction ne fut pas enlevée à Korihor; mais il fut chassé et alla de maison en
maison, mendiant sa nourriture. Alors que les rédacteurs de l'Ancien Testament utilisaient cette méthode pour retourner à un récit original après une interruption délibérée, Mormon a recours à cette technique pour en revenir à son schéma après une interruption spontanée. Les sources de Mormon et la construction de son texte Les noms des livres À quel point les sources de Mormon sont-elles conservées dans son schéma et son texte ? Bien que nous nous basions sur des indications indirectes, nous pouvons donner quelques idées, qui valent ce quelles valent, de ce qui vient des plaques-sources et de ce qui est du cru de Mormon. Celui-ci nous dit que sa source principale, ce sont les «plaques de Néphi». Lélément le plus évident du Livre de Mormon est la division des textes en livres portant le nom d'un homme. Ce sont ces noms de livres eux-mêmes qui nous disent qu'ils étaient les noms originels des plaques et n'étaient pas le résultat des retouches de Mormon. Il ne semble pas très difficile ou inintéressant de voir pourquoi les noms des livres changent dans le Livre de Mormon. Néphi écrit le livre de Néphi. Jacob écrit Jacob. Énos écrit Énos. Les noms des livres changent-ils quand il y a un nouveau prophète ? Oui et non. Oui quand nous parlons de la plupart des livres qui faisaient partie des petites plaques de Néphi. Non pour le Livre de Mormon conçu et retouché par Mormon. Notre Livre de Mormon est merveilleux mais ce n'est pas le livre que Mormon voulait que nous ayons. Le texte que nous avons de Néphi à Paroles de Mormon a été ajouté pour remplacer ce que nous avons perdu de luvre de Mormon. Joseph Smith a dit que les 116 pages perdues comportaient le livre de Léhi [5]. Luvre de Mormon, tel quelle était conçue au départ, devait être :
Léhi
Léhi : Contient les annales de Léhi, de Néphi et de souverains
inconnus jusqu'au règne de Mosiah. Ceci couvre une période de presque 400 ans. Il est clair que les noms des livres ne changent pas en fonction de l'auteur ou du prophète associé au livre. Selon quel principe changent-ils ? On trouve un renseignement important dans la transition entre le livre d'Alma et le livre dHélaman. Le livre d'Alma contient les écrits d'Alma le Jeune (mais pas de son père) et de Hélaman. Le livre dHélaman commence par Hélaman, fils dHélaman. Dans Alma 63:11, nous apprenons que les plaques ont été données à Hélaman le Jeune. Dans Hélaman 2:2, nous apprenons quHélaman le Jeune est nommé pour siéger comme grand juge. Son père n'était pas grand juge en fonction, bien que son grand-père (Alma le Jeune) lait été. Alma le Jeune avait laissé le siège du jugement pour consacrer ses efforts à prêcher l'Évangile. Il avait les annales et les prenait avec lui. Quand son fils, Hélaman lAncien, reçut les plaques, elles étaient en dehors de la lignée politique. Quand le nouveau livre commence avec Hélaman le Jeune, c'est un nouveau livre dans les mains d'une nouvelle lignée de juges en fonction. Ceci donne lieu à l'hypothèse que le changement des noms des livres était lié au passage dans une lignée régnante. La théorie tient-elle la route ? Le premier livre des
grandes plaques était le livre de Léhi. Néphi dit que ces plaques contenaient «le
récit du règne des rois» (1 Néphi 9:4). Après Néphi, il y aura dautres rois
ayant reçu le nom de trône de «Néphi» (Jacob 1:11). Nous devons donc supposer que les
grandes plaques contenaient les annales de ces «Néphis». Quoique nous n'ayons pas les
116 pages perdues, nous savons que le livre de Léhi allait jusqu'au livre suivant portant
un nom, qui est Mosiah. Que se passe-t-il entre le livre de Léhi et Mosiah ? Omni 1:12-14
nous dit que Mosiah se sauve de la ville de Néphi avec les plaques et devient roi de
Zarahemla. Cest un nouveau roi dans un nouvel endroit. Il est le fondateur d'une
nouvelle dynastie et commence donc un nouveau livre à son nom. Nous avons déjà fait remarquer que la transition du livre d'Alma à Hélaman est un changement de lignée politique puisque les annales sont retombées aux mains du juge en fonction. Dans le livre dHélaman, les brigands de Gadianton saisissent le gouvernement et Néphi, fils de Hélaman le Jeune, le grand juge néphite en fonction, prend la fuite en emportant les annales. Comme dans le cas dAlma le Jeune et de Hélaman lAncien, les annales sont sorties de la lignée politique. Quand nous en arrivons à 4 Néphi, les annales et la souveraineté ont été réunies en la personne de Néphi, fils de Néphi. C'est un changement à la fois d'endroit et de dynastie après l'usurpation des Gadianton et représente donc un nouveau livre. Reste le passage dHélaman à 3 Néphi. Les annales sont déjà hors des mains de la lignée régnante et sont tenues par Néphi, fils dHélaman. Il n'y a aucune indication que la position de Néphi dans le gouvernement change au début de ces annales. Ce changement de livre est une exception à la règle du changement de dynastie. Cependant, ce livre ne vient pas des grandes plaques de Néphi, mais tire son nom d'un document différent. Mormon nous dit qu'il tire ce récit d'un document séparé et personnel de Néphi, fils dHélaman (3 Néphi 5:8-10). Par conséquent, il n'est pas appelé selon les règles régissant les noms sur les plaques de Néphi. Les noms des livres changent parce qu'ils changent dans la source de Mormon. Quand cette source est les grandes plaques de Néphi, qui était le document plus politique, ils changent lorsquun nouveau souverain en fonction les a en sa possession. La division en chapitres Royal Skousen, professeur
de linguistique et de langue anglaise à l'université Brigham Young, a étudié le
manuscrit dicté original du Livre de Mormon et nous dit : «Il semble évident que tandis
quil traduisait, Joseph Smith voyait une certaine marque (ou peut-être un
espacement supplémentaire) toutes les fois qu'une section prenait fin, mais était
incapable de voir le texte qui suivait. Quand il en arrivait là, Joseph décidait de
qualifier ces ruptures de fin de chapitre et disait au secrétaire décrire
«chapitre» à ces endroits, mais sans attribuer de numéro au chapitre puisquil ne
voyait ni numéro ni le mot chapitre [8].» Par conséquent, dans l'édition
de 1830 du Livre de Mormon, les chapitres représentaient la décision de Mormon de faire
une coupure dans le texte. Nous pouvons examiner ces divisions pour essayer de comprendre
quels étaient les événements textuels qui déclenchaient une coupure conceptuelle dans
l'esprit de Mormon. Il ne faut bien entendu pas oublier que dans notre recherche des
coupures textuelles de Mormon, nous devons retourner aux chapitres de l'original de 1830
qui représentent celles qui existent sur les plaques. La division en chapitres des
éditions du Livre de Mormon de 1879 à 1981 suivent les nouveaux chapitres créés par
Orson Pratt et ne représentent pas la construction originale de Mormon [9]. Bien que
jaie déjà traité ailleurs de toutes les raisons de changer de chapitre [10], je
voudrais en mettre une en évidence qui nous donne plus quune simple raison
deffectuer ce changement. Pour le lecteur moderne,
il n'y a rien dans un sermon qui impose particulièrement un changement de chapitre. En
fait, quand il reçut les chapitres en 1879, Orson Pratt recoupa souvent en fonction de
notre façon de faire moderne, de sorte que ces récits ajoutés après coup furent à
nouveau affectés à ce que le lecteur moderne considérerait comme une fin ou un
commencement. Le processus de Mormon
est différent. Il crée les récits denchaînement en se basant sur ses
textes-sources ; mais les sermons sont des citations directes. Dune manière très
réelle, ce que Mormon fait, cest passer dune source à lautre, ce qu'il
marque aussi en changeant de chapitre. Les citations insérées ont tendance à ouvrir et
à clore des chapitres parce qu'il doit consulter les plaques pour trouver ces textes ; il
peut écrire le récit de mémoire, peut-être en vérifiant un événement ou deux. Les
sermons, eux, viennent directement des plaques. L'histoire découle de la compréhension
et de l'interprétation que Mormon a des plaques. Quand Joseph Smith a dicté le Livre de Mormon il a fourni les mots et les indications pour les coupures entre les chapitres et les livres. Il n'a fourni aucune information pour les coupures entre les paragraphes et les phrases. Tous ces aspects importants d'un texte moderne ont été ajoutés par John H. Gilbert, le compositeur [12]. Il est clair que quand Gilbert a lu le texte, il sest basé sur deux marqueurs verbaux pour commencer de nouveaux paragraphes. Il ne faut pas longtemps, quand on jette un coup d'il sur un fac-similé de l'édition de 1830 du Livre de Mormon, pour voir que «et il arriva que» est visuellement encore plus répandu que dans notre version moderne [13]. Nous voyons «et il arriva que» (ou une variante) au début de 37 sur les 49 paragraphes au chapitre 1 de 1 Néphi (comportant les chapitres 1-5 en notre édition actuelle) de l'édition de 1830. Cependant, la raison pour laquelle cette expression apparaît si souvent au début des paragraphes est la raison même de son existence. Intuitivement, Gilbert a reconnu dans «et il arriva que» et dans sa compagne «et alors», deux marqueurs verbaux régissant le flux du texte. Dans un original ne disposant pas des conventions modernes de ponctuation, ces fonctions étaient remplies par d'autres parties du texte. Dans ce cas-ci, deux expressions verbales. «Et alors» remplit les fonctions de lien dans des listes d'événements ou est simplement un outil pour faire passer le récit dun sujet à lautre. L'autre expression «et il arriva que» est liée au mouvement dans le temps plutôt quaux idées. Alors que «et alors» marque le mouvement des idées, «et il arriva que» décrit des suites dévénements. La distinction entre le mouvement des idées et le mouvement dans le temps est la raison pour laquelle «et il arriva que», une expression qui est utilisée si souvent dans le Livre de Mormon, napparaît que treize fois dans 2 Néphi. Ces treize occurrences sont concentrées aux chapitres 4 et 5. Contrairement à son utilisation relativement clairsemée dans 2 Néphi, 1 Néphi utilise l'expression 109 fois [14]. Cette différence résulte de la différence de nature de 1 Néphi par rapport à 2 Néphi, 1 Néphi ayant une vocation plus historique. Les deux chapitres de 2 Néphi ayant une concentration élevée de «et il arriva que» sont précisément ceux qui contiennent les données historiques. Néphi utilise également l'expression combinée «et alors il arriva que» (1 Né. 16:1 ; 17:19, 48 ; 22:1 ; 2 Né. 1:1) pour marquer la combinaison d'un changement de sujet important et dune différence de temps. Bien que lon puise concevoir que Joseph Smith ait inventé ces deux marqueurs structuraux pour remplacer labsence de ponctuation, ce serait assez extraordinaire dans un monde qui était tout à fait habitué à la ponctuation des textes. Ou peut-être que Joseph Smith aurait introduit ces expressions au petit bonheur sur la base de sa connaissance de la Bible. Je suis naturellement certain que les formes proprement dites viennent de la Bible, mais ce que je trouve le plus intéressant, cest que ce n'est pas simplement une affaire d'utilisation de mots mais plutôt dutilisation correcte des expressions pour leur fonction de gestion du flux du texte. Ce même Joseph Smith qui confondait régulièrement la grammaire de la langue biblique jacobéenne [langue de la King James Version, ndlr] qu'il imitait, fait un usage impeccable de ces deux marqueurs. Ce système de marqueurs verbaux faisant fonction de ponctuation a un précédent historique dans le Nouveau Monde. La traduction récente de l'écriture glyphique maya confirme lexistence d'une paire très semblable de marqueurs verbaux. Les textes mayas utilisent ces deux verbes pour donner un sens sur leurs monuments écrits. Comme décrit dans le dictionnaire des glyphes créé par Michael D. Coe et Mark Van Stone, nous avons des parallèles directs avec le «et alors» (ou «et ainsi») et «et il arriva que» du Livre de Mormon [15].» Les textes mayas utilisent aussi ces verbes pour indiquer le flux de l'action. Le glyphe signifiant «il arrive» correspond dans sa fonction à «et alors» ou «et ainsi» dans le texte du Livre de Mormon, «il arriva» étant l'équivalent fonctionnel de «et il arriva que». Je ne veux naturellement pas insinuer que le maya a influencé la rédaction du Livre de Mormon ou que le Livre de Mormon a influencé le maya. Cela fournit cependant une base comparative solide indiquant que dans un texte sans ponctuation, le flux du texte peut être dirigé par des marqueurs verbaux. Le Livre de Mormon utilise une fonction qui est connue dans l'antiquité et la région appropriées. Linteraction de Mormon avec son texte Indépendamment de l'information structurelle qui nous parle de la façon dont il a créé son chef d'uvre, quels éléments avons-nous qui nous disent le genre d'historien quil était ? À quel point Mormon était-il fidèle à ses sources ? Si on fait abstraction de la question de son inspiration évidente, à quel point était-il soigneux quand il rapportait des faits d'histoire ? La façon dont Mormon insère les discours montre quil avait un grand respect pour eux. Les changements de sujet qui suivent les sermons insérés suggèrent fortement qu'ils sont copiés à partir des plaques et nous devons supposer qu'il avait l'intention de les reproduire fidèlement. Quand Mormon ne cite pas, mais crée son propre récit de liaison, à quel point est-il fidèle à ses sources à ce moment-là ? À quel point ressemble-t-il à un historien moderne ? La réponse est que, dans son rapport avec ses sources, il na pas grand chose en commun avec lhistorien moderne, mais beaucoup plus avec les historiens de l'Antiquité. Mormon voulait enseigner, pas reconstituer. Il raconte une histoire morale dans laquelle la morale est plus importante que les faits. Il manipule souvent ses faits pour les faire entrer dans l'histoire morale qu'il raconte et à certains moments (lui ou peut-être l'auteur des plaques originelles) invente tout simplement de l «histoire» quand le récit lexige et ni lui, ni l'auteur des plaques originelles, ne pouvaient pas ne pas le savoir. Quand il raconte l'histoire du peuple de Zénif, Mormon commence en citant la totalité des annales du roi Zénif. Puis, quand il commence l'histoire de Noé, il passe de la citation à la narration. Je présume que c'était un changement nécessaire parce que le texte original concernant le règne de Noé naurait pas pu être aussi péjoratif que le tableau dressé par Mormon. Dès le départ, Noé est un sale type. La description que Mormon fait de lui est si efficace que le lecteur moderne le déteste immédiatement. Si laversion de Mormon est certainement fondée, elle vient de sa lecture des sources et ne représente pas l'attitude des sources elles-mêmes. Les annales royales du souverain en poste nauraient pas pu être aussi négatives. Si nous lisons entre les lignes de la description de Mormon, il est facile de voir que Noé présidait au cours dune période de croissance et d'expansion économiques. Son peuple se considérait probablement comme aisé sous Noé. Il ne se plaignait probablement pas, en tous cas pas beaucoup. Cest Mormon qui voit les choses avec du recul et décrit son Noé comme pourri dès le commencement de l'histoire, même si ses sources nauraient pas pu le dire directement. Dans ce cas-ci, Mormon interprète l'histoire plutôt que de rester fidèle à ses sources. Il est également probable que Mormon a manipulé ses textes dans le livre d'Alma où nous avons l'histoire de Néhor. Comme pour Noé, Mormon veille à ce que nous n'aimions pas Néhor. Naturellement, il y a encore une fois une raison à cela. Cependant, comme dans le cas de Noé, il y avait des gens qui étaient de chauds partisans de Néhor. Mormon reste absolument silencieux sur cette facette de lhistoire.. Mais il y a plus encore que le jour sous lequel Mormon nous fait apparaître Néhor : cest le fait que Mormon donne le nom de Néhor à tout un mouvement religieux. De toute évidence, les facettes de la religion que Néhor prêchait étaient précisément celles qui existaient à la cour de Noé longtemps avant que Néhor napparaisse sur la scène. Néhor n'était pas le premier praticien ni même le plus infâme. L'histoire qui suit immédiatement dans le texte met en évidence le fossé créé par le néhorite Amlici, clairement une fracture sociale beaucoup plus grave. À mon avis, Mormon donne intentionnellement à cette religion le nom dun meurtrier parce qu'il veut clairement lui coller une connotation peu reluisante. Je parierais bien que les plaques-sources lui donnaient un autre nom et que l'identification «ordre des Néhor» est létiquette donnée par Mormon longtemps après les faits. Il arrive que Mormon doive faire de l «histoire» avec quelque chose que personne naurait pu connaître. Par exemple, il raconte comment le peuple de Limhi échappe aux Lamanites et déplace personnes et animaux dans le désert. Ils sont poursuivis, mais néanmoins Mosiah 22:16 nous dit avec assurance : «et lorsqu'ils l'eurent poursuivi pendant deux jours, ils ne purent plus trouver ses traces; ils se perdirent donc dans le désert.» Quand on essaie de simaginer ce qui aurait pu être connu de cette situation, il est probable que le peuple de Limhi a dû se rende compte qu'il était suivi pendant deux jours et qu'ensuite il ne la plus été. Cependant, quand Mormon nous dit que cest parce que les Lamanites ne pouvaient plus trouver ses traces, il nous dit quelque chose que ses sources ne pouvaient pas savoir. Les Limhites n'auraient pas pu savoir si leurs traces étaient visibles et certainement pas ce qui se passait dans l'esprit des Lamanites quand ils ont mis fin à la poursuite. Il est également probable que les Lamanites se sont rendu compte que le jeu nen valait tout simplement pas la chandelle, étant donné quils étaient en possession d'une ville en parfait état de fonctionnement dans laquelle ils pouvaient facilement installer leur propre peuple et commencer à être productifs. De même, au début du livre d'Alma, les Néphites repoussent une invasion de Lamanites qui soutenaient la rébellion interne d'Amlici. Mormon décrit le résultat de la bataille : «Et ils s'enfuirent devant les Néphites vers le désert qui était à l'ouest et au nord, loin au-delà des frontières du pays; et les Néphites les poursuivirent de toutes leurs forces, et les tuèrent. «Oui, ils furent assaillis de toutes parts, et tués et chassés, jusqu'à ce qu'ils fussent dispersés à l'ouest, et au nord, jusqu'à ce qu'ils eussent atteint le désert qu'on appelait Hermounts; et c'était cette partie du désert qui était infestée de bêtes sauvages et féroces. Et il arriva que beaucoup moururent de leurs blessures dans le désert et furent dévorés par ces bêtes et aussi par les vautours de l'air; et leurs os ont été trouvés, et ont été entassés sur la terre» (Alma 2:36-38). Nous pouvons confortablement accepter l'information historique que les Néphites ont été victorieux et ont chassé les Lamanites de leurs terres. Cependant, cest la description finale qui est ce qui nous intéresse. Mormon nous dit que les Lamanites se sont perdus dans le désert et quils ont été attaqués par des bêtes sauvages. Il en veut pour preuve que «leurs os ont été trouvés». Le fait que lon ait trouvé des os et pas des corps est également historiquement probable. Mais lidée que les os étaient justement ceux de ces Lamanites est très vraisemblablement une invention après coup, une histoire arrangée pour correspondre aux faits existants. Y a-t-il quelque chose dans tout ceci qui veut dire que Mormon était moins qu'un prophète ? Absolument pas. Ce que cela veut dire, cest que la compréhension quil avait de sa tâche était propre à son époque. Il écrivait avec la sensibilité historique du monde antique, qui voyait nécessairement tous les événements tels quils cadraient avec leur compréhension religieuse et la soutenaient. Le message que Mormon veut faire passer Lidée que Mormon ait intégré les événements dans une histoire morale est la clef la plus importante pour comprendre pourquoi il pensait que le texte qu'il a écrit convaincrait «Juif et Gentil que Jésus est le [Messie], le Dieu éternel». (Oui, je sais que j'ai remplacé Christ par Messie, mais cest important pour l'argument de Mormon). Sil est vrai que Mormon a copié de grands sermons expliquant la doctrine du Messie, ce ne sont pas les points de doctrine qui étaient la raison pour laquelle il pensait que son livre serait convaincant. Mormon n'écrivait pas pour nous convaincre que la doctrine du Messie est vraie, mais plutôt que Jésus est le Messie. Le meilleur endroit pour voir comment Mormon se sert de tout son texte pour nous convaincre que Jésus est le Messie se trouve dans 4 Néphi. Le livre de 4 Néphi est devenu lun de mes préférés parce qu'il est absolument unique dans luvre de Mormon. Je l'appelle le «livre de Seinfeld» parce que c'est un livre sur rien. Tous les autres livres que nous avons reçus de la main de Mormon sont remplis d'événements importants et de longs discours qui éclaircissent des principes importants d'Évangile. Il ny a rien de tout cela dans 4 Néphi. Alors que le procédé rédactionnel typique de Mormon est denchaîner de grandes citations provenant de ses documents-sources avec un minimum de texte de liaison, 4 Néphi ne contient aucune citation identifiable tirée de ses plaques-sources. 4 Néphi est le livre que Mormon a intentionnellement écrit sur rien. Dans cette absence même de contenu, il révèle comment il sattend à ce que la structure tout entière de son uvre nous convainque que Jésus est le Messie. Comment Mormon utilise ses sources dans 4 Néphi Mormon commence 4 Néphi par une description historique qui donne très peu de renseignements. «Et il arriva que la trente-sixième année, le peuple fut entièrement converti au Seigneur, sur toute la surface du pays, tant les Néphites que les Lamanites, et il n'y avait pas de querelles ni de controverses parmi eux, et tous les hommes pratiquaient la justice les uns envers les autres.» (4 Né. 1:2) Ce verset dit quelque
chose de très important, mais remarquez comment. Deux ans seulement après la visite du
Messie au peuple assemblé à Abondance, «le peuple fut entièrement converti au
Seigneur.» Cette conversion est si complète qu'elle comprend les Néphites et les
Lamanites. Elle est si efficace qu'il n'y a aucun ennemi à combattre et que même à
l'intérieur de cette nouvelle société néphite il ny a «pas de querelles ni de
controverses
tous les hommes pratiquaient la justice les uns envers les autres.» Est-ce vrai que tout le monde a été converti ? Nous devons croire Mormon sur parole, mais nous devons également nous rendre compte que quand il parle de «tout le pays», cela a dû être une géographie très limitée. Cette description dune unité et dune entente absolues dans «tout le pays» se réalise en deux ans seulement. En commençant par la population survivante d'une seule ville, ce nouvel ordre sociopolitique a dû se répandre dune personne à lautre à partir de cet emplacement central vers d'autres endroits. Quelle distance cette nouvelle vision des choses a-t-elle pu parcourir en deux ans ? Nous nallons pas essayer de répondre, mais il suffit de savoir qu'en deux ans ce ne pouvait être quun secteur limité. Mormon ne nous donne aucune indication permettant de déterminer à quel point il était limité. En fait, cela lui est égal. Dans 4 Néphi cest la généralisation qui est importante, pas le fait historique. Cela se voit quand Mormon passe à ce qui semble être une description plus historique du nouvel ordre au verset qui suit immédiatement : «Et ils avaient tout en commun; c'est pourquoi il n'y avait ni riches ni pauvres, ni esclaves ni hommes libres, mais ils étaient tous affranchis et participants du don céleste» (4 Né. 1:3). Mormon reprend un renseignement qui se trouve à la fin de 3 Néphi, où il avait noté : «Et ils s'instruisaient et se servaient les uns les autres, et ils avaient tout en commun, tous agissant avec justice l'un envers l'autre» (3 Né. 26:19). La similitude des termes fait penser à une répétition intentionnelle. Elle nous donne lassurance que les valeurs culturelles continuent mais ne fournit aucun renseignement nouveau. C'est bien entendu de l'information, mais la répétition structurelle nous prévient que c'est une information creuse. Elle rattache le nouvel ordre à sa cause, l'apparition du Messie, mais ne dit rien de neuf. Examinons maintenant un autre endroit où Mormon semble nous donner des détails qui ne sont en réalité que dautres renseignements creux : «Et ils se mariaient, et
mariaient leurs enfants, et étaient bénis, selon la multitude des promesses que le
Seigneur leur avait faites» (4 Né. 1:11). Le verset suivant continue cet étalage de renseignements creux : «Et ils ne marchaient plus selon les observances et les ordonnances de la loi de Moïse; mais ils marchaient selon les commandements qu'ils avaient reçus de leur Seigneur et de leur Dieu, persévérant dans le jeûne et la prière, et se réunissant souvent, à la fois pour prier et pour entendre la parole du Seigneur» (4 Né. 1:12). Comme le passage au sujet
du mariage, ces versets sont presque de la non-information. Mormon a déjà noté
l'explication de Jésus qu'il avait accompli la loi de Moïse (3 Né. 9:17, 15:4-6) et que
les observances religieuses des Néphites viennent maintenant de son Évangile (3 Né.
15:9-10). Ce passage est donc non seulement répétitif mais insignifiant. Il ne nous dit
rien de neuf. Lévénement n'est pas propre à lépoque considérée, ce qui
renforce l'hypothèse que, dans 4 Néphi, Mormon ne fait que du sur place ; les quelques
événements qu'il mentionne nont rien doriginal. Le message est dans la
structure, pas dans les épisodes. Mormon va jusquà
structurer le temps dans 4 Néphi de manière à ce quil communique son message
plutôt que de relater une histoire. Dans les deux versets qui suivent, il est
manifestement question de temps et manifestement de rien dautre : Dans chaque verset Mormon répète une série d'années où rien ne se produit. Même avec le renseignement quil accole à la fin du verset 14, tout ce que nous apprenons, cest que tous ceux qui avaient été témoins de lapparition du Messie sont morts à part les trois disciples. Comme les précédentes déclarations, il sagit ici de renseignements creux. Néanmoins, ce qui est intéressant, ce ne sont pas les renseignements creux, mais les années creuses. Mormon a déjà précédemment énuméré des années creuses, mais jamais autant daffilée. Ce qui est le plus fascinant, cest que ces groupes d'années creuses répètent exactement la même suite de non-information.
41, 42, 49 Ce procédé de répétition se produit trois fois dans 4 Néphi et nulle part ailleurs dans le Livre de Mormon. La triple répétition confirme qu'elle n'est pas une affaire de hasard et quelle nest pas liée au texte-source de Mormon. Mormon est en train de nous dire quelque chose. En fait, il ne nous dit rien. Intentionnellement et manifestement. Mon hypothèse est qu'il cite les années où il n'y a aucun événement pour signaler que ces années creuses sont des repères dans une structure. Il est passé du «temps réel» au «temps symbolique» ou de l'historique au narratif. La répétition dintervalles de sept ans (42-49, 52-59, 72-79) donne à penser qu'il utilise délibérément cet espacement de manière symbolique, probablement pour marquer une «semaine dannées». Outre quil fait ouvertement du sur place, Mormon divise la totalité de son «histoire» de 4 Néphi en quatre blocs d'approximativement cent ans. Bien que les événements imposent ce rythme, il intègre cette histoire dans sa structure à lui. Quatre cents ans est un nombre très important dans le calendrier méso-américain. De même que nous groupons les années en décennies et en siècles, les Méso-Américains groupaient leurs années dans de plus grandes entités. Lune des plus importantes était le groupe de quatre cents ans, appelé baktun. Étant donné que la Méso-Amérique basait ses mathématiques et son calendrier sur vingt comme unité de base (plutôt que notre système décimal), la division saillante du baktun que Mormon devait utiliser était le chiffre culturellement important de quatre et non le nombre cent, que lhomme moderne préférerait. Il ne devait pas disposer dune unité collective dannées égale à cent mais devait parler du quart d'un baktun. Mormon résume les cent premières années aux versets 1-13 et le groupe suivant aux versets 14-21. Le verset 22 commence exactement avec la deux centième année. Dans ces deux cents premières années, Mormon ne traite pas de faits historiques précis, de sorte que les deux correspondent. Rien de mémorable ne se produit dans les deux cents premières années. Chacune des sections de cent ans est traitée en bloc et les «événements» sont valables pour nimporte quelle période. En fait, les «événements» de la deuxième centaine dannées répètent presque les «événements» des cent premières années idylliques. Il est important pour Mormon que les effets de la visite du Messie durent pendant deux cents années complètes. Aucune dégénérescence ne se produit avant la 201ème année (v. 22). C'est l'anomalie même de ce livre qui ne traite de rien qui nous dit que Mormon avait un but important à lesprit en lécrivant. Ou plutôt, ce livre na guère de raison dêtre si ce nest de faire ressortir le but global de Mormon, qui est de «convaincre Juif et Gentil que Jésus est le [Messie], le Dieu éternel» (Page de titre). Quand nous regardons comment il traite le temps dans lensemble de son texte, nous trouvons ce qui suit :
Le livre de Léhi couvre environ quatre cents ans d'histoire néphite. Mormon utilise
structurellement le temps pour mettre en évidence la partie importante de son texte.
Après la visitation du Messie, Mormon accélère considérablement le rythme de la
narration en utilisant beaucoup plus intensivement le résumé, le survol et la
généralisation. La prochaine fois qu'il va fournir des détails correspondant à ceux de
ses autres livres, cest dans son livre éponyme. La totalité de 4 Néphi nest
rien dautre quun repère entre l'apparition du Messie et la propre histoire de
Mormon. [1] Les années sont
basées sur mes calculs de la correspondance des années néphites avec le calendrier
moderne. Voir Brant A. Gardner, Second Witness Analytical and Contextual Commentary on the
Book of Mormon, 6 vols., Salt Lake City, Greg Kofford Books, 2007) 1:188-189. |
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