La véracité de l'Eglise de Jésus-Christ des
Saints des Derniers Jours est indissolublement liée à l'authenticité du
Livre de Mormon. Ou bien celui-ci est véritablement le document historique
qu'il affirme être, et dans ce cas ni Joseph Smith, ni personne d'autre,
que ce soit au 19e siècle ou de nos jours, n'aurait pu en être l'auteur,
ou bien c'est un faux, et alors il sera inévitablement démasqué par les
progrès des connaissances scientifiques, et l'Eglise se révélera être une
fausse église. Or, depuis une cinquantaine d'années, les indices en faveur
de l'authenticité historique du Livre de Mormon n'ont cessé de se
multiplier au point que quiconque veut mettre le Livre de Mormon (et
l'Eglise) en doute ne peut plus - s'il est intellectuellement honnête -
les ignorer. L'article suivant traite d'un de ces indices.
LE CHIASME DE HELAMAN 6:7-13
Reexploring the Book of Mormon, pp. 230-232
Basé sur des recherches de John W. Welch, mai 1987
Hélaman 6:10 « Or, le pays au sud était appelé Léhi, et le pays au nord
était appelé Mulek, d'après le nom du fils de Sédécias; car le Seigneur
avait amené Mulek dans le pays au nord et Léhi dans le pays au sud. »
C’est en 1967 que John W. Welch rencontra pour la première fois l’étude du
chiasme dans le Nouveau Testament. Cela l’amena en quelques semaines à sa
découverte-clé du chiasme dans le Livre de Mormon, suivi de la publication
de plusieurs articles bien connus et d’un livre sur le sujet [1].
Aujourd’hui, l’étude des structures parallèles inversées dans le Livre de
Mormon se poursuit toujours. Tout récemment, un nouvel exemple remarquable
de chiasme a été découvert dans Hélaman 6:7-13, rapport annuel de la 64e
année du règne des Juges, dont les éléments principaux peuvent être mis en
évidence comme suit :
A « Et voici, il y eut la paix dans tout le pays »
(6:7)
B [Description de la liberté de
voyage et de commerce dans les deux pays (6:7 8).]
C « Et il arriva qu’ils devinrent extrêmement riches,
tant les Lamanites que les Néphites ;
D « et ils eurent une abondance extrême d'or,
et d'argent, et de toutes sortes de métaux précieux,
tant dans le
pays au sud que dans le pays au nord (6:9)
E Or, le pays au sud
était appelé Léhi
et le pays au nord
était appelé Mulek,
d’après le nom du fils de Sédécias [2];
car le Seigneur
avait amené Mulek
dans le pays au nord
et Léhi
dans le pays au sud (6:10)
D Et voici, il y avait toutes sortes d'or
dans ces deux pays, et d'argent et de
métaux précieux de toute espèce ;
C Et il y avait aussi des ouvriers habiles, qui travaillaient des
métaux de toute espèce, et les raffinaient ; et ainsi, ils
devinrent riches » (6:11)
B [Prospérité économique dans
les deux pays] (6:12 13)
A « Et ainsi, la soixante quatrième année passa dans la paix
» (6:13).
Cette composition est remarquable à plusieurs égards. Premièrement, le
compte rendu lui-même est admirablement exécuté. Les mots, les expressions
et les idées qui apparaissent dans la première moitié sont répétés avec
précision et de manière équilibrée dans la deuxième moitié. Ce passage se
caractérise aussi bien par une grande qualité que par une longueur
admirable.
Deuxièmement, étant donné que le chiasme englobe la totalité du compte
rendu de l’année, cette structure unificatrice suggère fortement que le
récit a été écrit comme une unité littéraire unique que Mormon a insérée
telle quelle des grandes plaques de Néphi dans son abrégé. De toute
évidence, l'historien de l'époque a utilisé le chiasme pour rendre compte
d'une année extraordinaire dans les annales de son peuple. Le rapport rend
compte d'un grand changement qui s'est produit pendant la 64e année, qui a
connu la prospérité, la possibilité de voyager librement et la paix entre
les Néphites et les Lamanites. Des traités commerciaux et de paix
importants ont dû être conclus pour que ce genre de paix et de prospérité
soit possible, étant donné qu'avant cela, les restrictions sur les voyages
étaient de règle dans la société néphite, comme on le voit dans Mosiah 7:1
; 8:7 ; 28:1 ; Alma 23:2 ; 50:25 et Hélaman 4:12. Les décrets officiels de
ce genre peuvent être apparentés aux édits misharum du Proche-Orient, qui
proclamaient la liberté pour les esclaves et accordaient « l’équité » pour
le pays. Outre qu'il marque un tournant sans précédent dans l'histoire
néphite, l'usage du chiasme est une garantie contre les ajouts ou les
suppressions dans le texte, puisque toute altération pourrait être
directement constatée.
Troisièmement, et c'est la chose la plus remarquable, le centre de ce
chiasme comporte deux mots. A la charnière, le mot « Sédécias » est le
pendant de « Seigneur », ce qui est frappant puisque le mot hébreu voulant
dire « Seigneur » constitue le suffixe théophorique -yah à la fin du nom «
Zedekiah » (N.d.T., Zedekiah est la forme anglicisée du français Sédécias
; voir la note 2).
Enfin, il se peut que d'autres rapports de l'Antiquité aient été écrits
sous forme chiastique. Le document Chilam Balam de Chumayel, (ouvrage maya,
N.d.T.) comme Hélaman 6, non seulement se concentre de manière chiastique
sur la migration du peuple vers le pays qu’il occupe maintenant, mais on y
trouve également au centre un jeu de mots sur le nom du pays, comme l'a
noté J. E. S. Thompson [3].
Ce texte mérite de prendre sa place parmi les plus beaux exemples de
chiasme dans le Livre de Mormon et au-delà. Quand nous comprenons ce texte
magistral, nous pouvons mieux apprécier la précision et la richesse des
influences stylistiques de l'Ancien Monde sur les registres historiques
néphites.
Traduit et publié avec la permission de FARMS
NOTES
[1] Par exemple, John W. Welch, dir. de
publ., Chiasmus in Antiquity, Hildesheim: Gerstenberg, 1981 et “Chiasmus
in the Book of Mormon”, BYU Studies 10, automne 1969, pp. 69-84. On peut
se procurer auprès de F.A.R.M.S. la bibliographie complète des
publications sur le chiasme.
[2] En hébreu, Sédécias se dit Tsedekyahou, nom théophorique, c’est-à-dire
comportant le nom de la Divinité (« yahou »), ce qui explique que Sédécias
est bien le parallèle de Seigneur.
[3] Correspondance personnelle avec John Sorenson, 13 juin 1970,
mentionnant les pp. 4-6 de la traduction de Ralph Roys (voir édition
brochée, University of Oklahoma Press, 1973).
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