SUR SES TRACES : AMMON1 ET AMMON2
Val Larsen
Résumé : Mormon est un historien qui a une sensibilité et une habileté littéraires
considérables. Bien que son message principal soit évident pour le lecteur un tant soit
peu compétent, il faut une lecture attentive pour en dégager le contexte. Il y a
beaucoup de choses à dire qui se lisent en filigrane. Et son témoignage du Christ
sexprime parfois par le biais de récits parallèles subtils ou par des allégories
historiques. Le présent article se concentre sur des récits parallèles dont les héros
sont Ammon1 et Ammon2, mais avec une attention particulière pour le récit allégorique
dAmmon2 aux eaux de Sébus. Pour bien comprendre la puissance du témoignage du
Christ que Mormon fait passer dans ses récits sur les deux Ammon, le lecteur doit se
faire, au départ de détails fournis par le texte, une idée du contexte social et
politique dans lequel se déroulent les récits [1].
Comparé aux écrits sacrés des grandes religions du monde, le Livre de Mormon se
distingue par la longueur et la complexité des textes narratifs quil contient. Mais
malgré sa longueur proportionnellement remarquable et sa complexité, le Livre de Mormon
raconte moins de la centième partie de ce qui sest passé durant la période
quil couvre (Paroles de Mormon 1:5). La brièveté du récit par rapport à la
période historique traitée a deux conséquences importantes : tout dabord, Mormon
disposait dune grande marge de manuvre pour sélectionner un contenu
susceptible dalimenter ses objectifs idéologiques et stylistiques et,
deuxièmement, une grande partie de lhistoire ne sera présente dans la
mesure où elle lest quen filigrane.En ce qui concerne la première
conséquence, lhistoire, telle que Mormon la raconte, comme dautres histoires
antiques, nest pas avant tout un compte rendu dévénements. Il est clair que
ce qui donne à son récit la forme quil a cest le message quil cherche
à faire passer, à savoir : rendre témoignage du Christ et montrer ce qui arrive quand
on laccepte ou quon le rejette. Étant donné que son histoire est si brève,
Mormon a la possibilité et il ne sen prive pas de choisir du texte
qui est stylistiquement unifié, qui peut être organisé de manière à contenir des
récits parallèles et des contrastes qui anticipent, font écho et amplifient [2]. Si
nous faisons attention à sa façon de faire passer son message, nous serons mieux en
mesure de voir des faits supplémentaires importants quil présente de manière
allégorique ou en filigrane dans la structure générale et les détails de son histoire.
Pour ce qui est de lhistoire présente uniquement en filigrane, on peut la
classer en quatre grandes catégories: (a) il y a des éléments dans le texte dont le
sens est obscurci par des erreurs identifiables dans la production ou la transmission du
texte qui peuvent être corrigées grâce à la critique textuelle ; (b) certains
événements se produisent essentiellement dans les coulisses parce quils ne sont
pas lobjet principal de la narration mais ils ajoutent un contexte important si on
les reconstitue par une lecture attentive de leur apparition fragmentaire dans le récit
principal ; (c) certaines choses que lauteur voulait dire ne sont pas claires parce
quil suppose connus des détails que la plupart des lecteurs ignorent, mais que
lon peut déduire de ce quil dit ; et (d) il y a des choses que lauteur
voulait cacher mais quil na pas pu éliminer entièrement parce quelles
étaient une partie trop importante de lhistoire pour quil puisse les occulter
complètement.
Le présent article vise à proposer et à illustrer une façon littéraire de lire le
Livre de Mormon qui met en évidence lunité du texte et fait ressortir des détails
sous-jacents. Lobjectif est de permettre une compréhension plus profonde de deux
récits intimement liés dans les livres de Mosiah et Alma qui ont pour héros Ammon1 et
Ammon2 .
Méthode
Comme cest le cas pour presque tous les écrivains, Mormon doit affronter la
tâche difficile dentrer dans la tête de ses lecteurs et de prévoir ce quils
savent déjà et ce quil faut leur expliquer pour quils comprennent le message
quil veut faire passer. Du fait que son auditoire est varié et éloigné tant par
la culture que par le temps, cette tâche normale de lauteur est particulièrement
redoutable pour Mormon. Bien que, comme Moroni (Mormon 8:35), il avait sans aucun doute,
en tant que prophète, une certaine compréhension de ce que pouvait être son auditoire,
il ne pouvait pas être pleinement conscient de la connaissance que ses lecteurs pouvaient
avoir en commun avec lui [3].
Compte tenu de ces difficultés inévitables que Mormon a rencontrées en tant
quauteur, le lecteur moderne ne peut pas être passif sil veut comprendre
totalement le témoignage que Mormon lui transmet. Le lecteur doit aller à sa rencontre
et à celle de ses sources. En lisant attentivement entre les lignes, il doit repérer les
liens subtils qui révèlent lunité et la cohérence sous-jacentes des vraies vies
et des cultures réelles quil décrit. Cest quelque chose quil doit
faire parce que ce sont justement les faits inconsciemment considérés comme connus et
qui napparaissent donc quen filigrane qui peuvent être lélément qui
permettra de mieux comprendre le message que lauteur veut faire passer. Cest
la raison pour laquelle le lecteur, sil veut comprendre pleinement la réalité que
Mormon a vécue et quil voulait exprimer (ou ne pas exprimer), doit farfouiller dans
les coins et recoins de son texte à la recherche dinformations quil ne lui
était pas venu à lesprit de nous dire de manière explicite, cest à dire
les faits de civilisation qui sont à la base du message quil veut communiquer [4].
Un moyen de découvrir ces récits en filigrane cest la convergence dun
faisceau de faits et de suppositions plausibles menant à une conclusion inéluctable [5].
Pris ensemble, les faits et les suppositions peuvent, dans certains cas, déboucher sur un
compte rendu clair ou même évident de ce qui sest passé. Quand on reconstitue
lhistoire qui se laisse deviner en filigrane, les éléments qui étayent le mieux
linterprétation, ce sont les faits secondaires mentionnés explicitement dans le
texte. Ces faits peuvent être un élément mineur du récit principal mais être
dune importance cruciale pour le récit en filigrane. Ce qui est particulièrement
important, ce sont les faits insolites qui semblent incongrus dans le texte. Les anomalies
de ce genre donnent à penser quil y a plus de choses qui se passent quon ne
pense. Puisque lauteur ne les introduit pas délibérément pour faire avancer le
récit en filigrane, ces faits insolites ne sont généralement pas développés
complètement et peuvent ne pas être tout à fait dans le sujet dans ce récit. Pris
isolément, ils peuvent ne pas être déterminants pour la mise en évidence de la
réalité qui se trouve en filigrane. Mais pris ensemble, le faisceau de faits insolites
peut converger puissamment vers une conclusion inéluctable et faire clairement ressortir
une autre dimension du récit.
En plus des faits insolites à lintérieur du texte, la conclusion peut être
étayée par des éléments extérieurs au texte. La façon dont on comprend un texte peut
être étayée par des informations provenant de la Bible et dautres ouvrages
anciens. Nous pouvons aussi combler dune manière plausible les lacunes dun
récit en partant de lidée que les gens se comportent en coulisse comme cela se
fait habituellement dans des circonstances analogues. Cest ainsi que lhistoire
ou les sciences sociales peuvent approfondir notre compréhension.
La manière décrire de Mormon et la façon quil a de sexprimer
peuvent aussi transparaître dans la façon dont on le lit. Bien quil soit souvent
didactique dans ses écrits, Mormon développe également des thèmes de manière subtile
par des parallèles et des contrastes [6]. Une façon de le lire qui le montre en train
dutiliser une fois de plus ses techniques habituelles sera dautant plus
plausible. Ce genre de lecture peut de même être plus plausible si le thème
quelle fait ressortir correspond au reste de luvre de Mormon,
cest-à-dire lorsque la lecture proposée témoigne puissamment du Christ.
Quand on lit entre les lignes comme nous le proposons dans le présent article, la
lecture que lon fait ne peut être persuasive que si elle se base sur un faisceau
déléments convergents plutôt que sur un élément unique, aussi juste quil
soit. Les éléments insolites doivent avoir un autre but dans le texte que de développer
le récit en filigrane. Mais même si, pris isolément, les éléments en question sont
généralement imprécis, lorsquils sont combinés pour faire pleinement ressortir
le récit en filigrane, ils doivent semboîter sans contradiction et avoir une force
de persuasion cumulative parce quils racontent la vie réelle de gens réels.
Les Amlicites Amalékites
Un exemple de lefficacité dune lecture basée sur une convergence de faits
est la constatation que les Amlicites et les Amalékites sont les mêmes personnes et
quils étaient motivés par le désir de rétablir la monarchie davidique après que
la lignée royale néphite, qui avait commencé avec Mosiah1 et avait pris fin avec
Mosiah2 avait renoncé au pouvoir. Christopher Conkling démontre de manière convaincante
quil sagit des mêmes gens en sappuyant sur un nombre considérable de
preuves textuelles internes, par exemple, le fait (voir plus en détail plus loin) que les
Amalékites apparaissent dans le texte au moment même où les Amlicites disparaissent
[7]. Il cite aussi le raisonnement de Royal Skousen sur la création et la transmission du
texte du Livre de Mormon, par exemple, le changement bien démontré dorthographe
chez Oliver Cowdery et la probabilité que le c de Amlicites est censé représenter le
son k qui, combiné avec un accent sur la première syllabe de ces deux mots, rend la
prononciation Amlicite et Amalékite virtuellement identique [8].
Une fois que nous comprenons que les Amlicites sont les Amalékites, nous pouvons mieux
apprécier lunité et la force littéraire du livre dAlma. Le livre
souvre sur un texte de loi ayant une valeur moralement et politiquement
contraignante, qui donne le ton du récit: « [Mosiah2] avait établi des lois, et elles
étaient reconnues par le peuple : c'est pourquoi ils étaient obligés de se conformer
aux lois qu'il avait faites » (Alma 1:1). Le fil conducteur principal du livre va
dorénavant être le conflit entre ceux qui acceptent et ceux qui rejettent cette
obligation.
Ce qui nest pas dit, mais qui apparaît clairement en filigrane, cest
lantithèse de la thèse du livre : lorsque Mosiah2 meurt sans successeur royal, le
trône revient, en vertu de lalliance davidique, à la lignée royale mulékite qui
avait régné avant larrivée de Mosiah1 [9]. Mormon ne mentionne pas cette
antithèse probablement parce quelle est si évidente que sil en parlait, le
lecteur risquerait de se poser des questions concernant le conflit entre les juges et les
hommes-du-roi amlicites/amalékites revanchards [10]. Mormon ne révèle ce qui est
certainement un fait politique clé et largument le plus fort des Mulékites
quils descendent de Mulek, fils de David quaprès que le pays de
Zarahemla est tombé entre les mains des Lamanites, ce qui a affaibli toute prétention
des Mulékites au trône (Hélaman 6:10 ; 8:21). Ce conflit entre les idéologies
incompatibles des Néphites et des Mulékites est la raison non mentionnée de la guerre
civile sous le règne du roi Benjamin (Paroles de Mormon 1:1510), et tout le livre
dAlma baigne dedans, depuis lapparition, au premier chapitre, verset deux, de
Néhor, le chef spirituel des Amlicites (Alma 2:1, 24:28), jusquà une grande
bataille finale dans les trois derniers versets du livre où les dissidents suscitent de
nouveau la colère et envoient une fois de plus une armée quil faut repousser (Alma
63:1417).
Cette interprétation très forte du texte confirme la lecture attentive des récits
dAmmon1 et Ammon2 et est confirmée par elle. Lhistoire de ces deux Ammon se
situe au sein de ce récit politique plus large dans lequel le règne des rois cède la
place au gouvernement des juges, lequel débouche, de son côté, sur une rébellion
davidique et un effort pour réaffirmer lautorité monarchique. Les deux Ammon
jouent des rôles interdépendants dans le déroulement de ce récit plus vaste.
Cest par les yeux et les oreilles dAmmon1 que le lecteur voit et entend pour
la première fois pourquoi la monarchie doit être abolie. Ensuite, cest Ammon2 qui
joue son rôle dans labolition de la monarchie en refusant dêtre roi et en
persuadant des milliers de Lamanites dembrasser la religion ancienne, le mythe
fondateur et la nouvelle culture civique des Néphites.
Application de la méthode à Ammon1 et à Ammon2
Ammon1
Le premier Ammon que nous rencontrons dans le Livre de Mormon est un Mulékite qui est
un descendant un petit-fils ou un arrière-petit-fils du dernier roi
mulékite, Zarahemla (Mosiah 7:3). Alors que lui-même a certains droits au trône dans le
pays de Zarahemla, il est un partisan et un confident du roi Mosiah2, troisième dans la
lignée des rois néphites qui succèdent à Zarahemla comme souverains des peuples
néphite et mulékite combinés. Il est très évident et pas surprenant que
le passage du règne mulékite au règne néphite ne sest pas tout à fait accompli
sans heurt. Descendants directs du roi David, les Mulékites étaient les habitants
originaux du pays commun et étaient plus nombreux que les Néphites (Mosiah 25:2). Selon
toute logique, cétaient eux qui avaient le droit le plus évident au trône lorsque
les deux peuples ont fusionné. Ce fut néanmoins Mosiah1 qui fut désigné comme roi,
sans doute avec lassentiment du roi Zarahemla (Omni 14-19).
Certains Mulékites étaient apparemment mécontents de ce transfert de la
souveraineté aux Néphites. Ainsi donc, comme cest souvent le cas lorsque la
légitimité dun gouvernement est en cause, le moment de la succession devient
particulièrement périlleux pour le régime. Lorsque Benjamin, fils de Mosiah1, succède
à son père, « il y eut quelques dissensions parmi son peuple » (Paroles de Mormon
1:12). Il est clair que Benjamin craignait que son fils, Mosiah2, doive de même affronter
une résistance mulékite lorsquil deviendrait roi. Au cours de lassemblée
pour le couronnement de Mosiah2,, Benjamin cherche à unifier ses deux peuples en leur
donnant un nom commun qui pourrait supplanter les deux noms qui les divisent (Mosiah
1:1112, 5:7-8) [11]. Bien que les thèmes spirituels prédominent dans le sermon
quil prononce à cette occasion, le sujet politique sous-jacent dans le discours du
couronnement de Benjamin est indéniable. Il condamne la «rébellion ouverte » (Mosiah
2:37; cf. Alma 3:18) et invite son peuple à se soumettre au gouvernement de Mosiah2 comme
il sest soumis à son autorité. Il rend les commandements de Mosiah2 égaux aux
commandements de Dieu, faisant de lobéissance à Mosiah2 et du maintien de la paix
un devoir religieux. Il déclare que quiconque écoute Satan et lutte contre Mosiah2,
comme certains ont lutté contre Benjamin lui-même, risquent la damnation de leur âme
(Mosiah 2:3133). Ainsi les tensions qui produiront des conflits lorsque les fils de
Mosiah2 refuseront la royauté se retrouvent à chacune des accessions précédentes au
trône de la dynastie de Mosiah1.
Mais ces tensions semblent diminuer avec le temps. On peut lexpliquer par des
conjectures concernant des détails non mentionnés par Mormon. Dans le cadre de la fusion
des deux peuples, Mosiah1 a dû arranger un mariage entre un ou plusieurs de ses enfants
et ceux de Zarahemla. Si Benjamin, son héritier, a été ainsi marié (une hypothèse
raisonnable), Mosiah2 serait à moitié mulékite. Si lon accepte cette prémisse,
il sensuit quAmmon1 est étroitement apparenté à Mosiah2 par mariage, étant
très probablement un frère, en tous cas au moins un cousin germain ou un petit cousin de
la femme de Mosiah2. Dans ce cas, la conclusion soutient mutuellement la prémisse, parce
que nous savons quAmmon1 a été un aide militaire de confiance de Mosiah2, un état
de chose qui augmente la probabilité quils étaient apparentés, puisque
cétait une pratique courante dans les anciennes monarchies, comme dans les
dictatures modernes, de confier des postes militaires importants à des proches [12].
Cela peut expliquer pourquoi Mosiah2 va demander à Ammon1, un Mulékite « fort et
puissant », de prendre la tête dun groupe d « hommes forts » pour partir
à la recherche des compagnons néphites de Zénif disparus depuis longtemps (Mosiah
7:23). Ammon1 respecte profondément Mosiah2 et reconnaît sa désignation non
seulement comme roi, mais comme prophète et voyant (Mosiah 8:1318). Cette mission
de retrouver les Zénifites est un signe de respect réciproque de Mosiah2 pour Ammon1 un
commandant militaire compétent et fiable. Les Zénifites étaient des Néphites qui,
après avoir suivi Mosiah1, avaient ensuite rejeté à tort sa direction en tant que
prophète et étaient retournés au pays de Néphi, leur pays ancestral vieux de quatre
cents ans. En envoyant un Mulékite pour les trouver, Mosiah2 lance subtilement le signal
que son peuple est devenu un. Et en acceptant la tâche, Ammon1 montre quil voit,
lui aussi, les Néphites et les Mulékites comme un seul peuple.
Ne sachant pas où le peuple de Zénif se trouve, Ammon1 et ses compagnons entreprennent
un voyage ardu de quarante jours pour trouver le pays de Néphi (Mosiah 7:4), souffrant,
lors de ce voyage, "beaucoup de choses... la faim, la soif, la fatigue" (Mosiah
7:16). Quarante jours est une période de temps symboliquement chargée de sens dans
lAncien et le Nouveau Testament ; par conséquent cette pléiade de détails
suggère fortement que le voyage dAmmon1 doit être lu sous langle de
lallégorie aussi bien que sous celui de lhistoire. Du temps de Noé, quarante
jours de pluie purifièrent la terre et donnèrent un nouveau départ à lhumanité.
Moïse passa quarante jours sur le mont Sinaï, comme Ammon1, sans nourriture ni eau, pour
recevoir la Loi de Moïse, quil présenta ensuite aux Israélites comme une nouvelle
alliance. Moïse envoya des espions qui explorèrent Israël pendant quarante jours et
puis, quand les Israélites refusèrent dentrer dans le pays où coulaient le lait
et le miel, ils furent contraints de passer quarante ans dans le désert du Sinaï avant
de passer en terre promise. Le Christ jeûna quarante jours avant dentreprendre son
ministère, et ensuite, après la résurrection, instruisit les disciples pendant quarante
jours avant de finalement monter au ciel. Ces parallèles bibliques et dautres
créent une symbolique de la délivrance succédant à quarante jours de tribulations.
Ici, Ammon1 apparaît soudain après un voyage de quarante jours comme Sauveur
dun peuple qui est pris au piège du péché et de lesclavage et qui na
aucun espoir de se sauver. Il dresse le camp à la frontière du pays de Shilom,
peut-être une variante orthographique du mot hébreu shalom, qui signifie paix,
sécurité, prospérité, complétude, plénitude. Shalom est littérairement le mot
voulu, car Ammon1 va apporter la paix, la sécurité et la prospérité à ce peuple
misérable et appauvri. Il va rétablir la plénitude en ramenant les égarés dans la
bergerie de Zarahemla (Mosiah 7 8) [13].
Prenant Hem [14] et deux autres compagnons, Ammon1 pénètre dans le pays de Shilom.
Comme les autres sauveurs divinement chargés de mission, Ammon1 nest pas bien
accueilli dans un premier temps. Il est lié et jeté en prison. Mais le troisième jour,
il en sort et explique qui il est. Le roi Limhi, petit-fils de Zénif, le reçoit alors
avec joie comme le sauveur qui va délivrer le peuple de Zénif de lesclavage. Limhi
avait précédemment cherché à trouver Zarahemla mais son équipe dexploration
avait au lieu de cela trouvé « un pays qui avait été peuplé; oui, un pays qui était
couvert d'ossements desséchés; oui, un pays qui avait été peuplé et qui avait été
détruit » (Mosiah 21:26; cf. Mosiah 8:8). Nous pouvons supposer de manière plausible
que, se souvenant des tensions entre Néphites et Mulékites, Limhi en avait conclu que
cette destruction était le résultat dune guerre civile et sétait dit que «
que cétait le pays de Zarahemla » (Mosiah 21:26). (Cétaient en fait les
Jarédites.) Ainsi, quand Ammon1 arrive, Limhi et son peuple sont plongés dans le
désespoir sans espoir de salut.
Mais ayant beaucoup souffert et sétant repentis de leurs péchés, ils sont
maintenant secourus. Ammon1 prend la tête dun exode qui les ramène au pays de
Zarahemla où ils sont de nouveau les sujets du roi Mosiah. Parlant au peuple, maintenant
installé dans le pays de Gédéon, le prophète Alma1, qui a pris part à leurs péchés
et à leurs souffrances sous le roi Noé, exhorte « le peuple de Limhi et ses frères,
tous ceux qui avaient été délivrés de la servitude, à se souvenir que c'était le
Seigneur [pas Ammon] qui les avait délivrés » (Mosiah 25:16). À la fois histoire et
allégorie, ce récit rend ainsi hommage et témoigne de la puissance salvatrice du
Christ.
En tant quhistoire, la récupération des Zénifites par Ammon1 conduit
directement à un changement majeur dans la culture politique des Néphites. Le récit de
la souffrance des Zénifites sous le méchant roi Noé et une traduction des annales des
Jarédites détruits permettent au peuple de Zarahemla dapprendre les dégâts que
peut causer un méchant roi, quelque chose quil naurait pas pu apprendre de
ses propres rois qui étaient des justes. Ainsi la mission dAmmon1 et les paroles
dAlma1 convainquent Mosiah2 et ses fils que la monarchie doit être abolie [15].
Cela ouvre la porte à lhistoire dAmmon2 .
Ammon2
Ammon2, qui est une génération plus jeune quAmmon1 , est un fils de Mosiah2 .
Comme Ammon1, il na pas été aussi fidèle à Dieu quil aurait dû
lêtre (Mosiah 22:33; Mosiah 27:8), ce qui ne lempêche pas de devenir le
protagoniste dun long récit. Ces deux longs récits ont plusieurs parallèles en
commun. Chaque récit commence lorsque des sujets de Mosiah2 vont le trouver et ne cessent
de plaider pour quil autorise une mission importante au pays de Néphi (Mosiah
7:12 ; 28:18). Les deux missions ont pour but de réintégrer dans le monde
religieux et civil néphite une population parente qui a eu le tort de sen séparer.
Dans le récit dAmmon1, ce sont les Zénifites qui ont quitté Zarahemla et qui ont
installé un nouveau roi dans le pays de Néphi dominé par les Lamanites. Dans le cas
dAmmon2, ce sont les Lamanites qui ont rejeté beaucoup plus tôt le gouvernement
légitime de Néphi1.
Dabord réticent (Mosiah 7:1 ; 28:5), Mosiah2 finit par accéder aux deux
demandes et envoie dans chaque cas un petit groupe dhommes armés qui est dirigé
par leur Ammon respectif (Mosiah 7:3; Alma 17:18) [16]. Ces groupes, de taille à peu
près égale, entreprennent un voyage difficile jusquau pays de Néphi, voyage au
cours duquel ils éprouvent une grande faim (Mosiah 7:16; Alma 17:9). Arrivés à la
frontière de Néphi, chaque Ammon laisse tous ses compagnons ou la plupart dentre
eux derrière lui et saventure à la rencontre des gens quil est venu sauver
(Mosiah 7:6; Alma 17:1719). Chaque Ammon est pris et lié par les habitants du pays
et est amené devant le roi pour être jugé et éventuellement exécuté (Mosiah
7:78 ; Alma 17:20). Chacun se défend avec un discours qui plaît énormément au
roi (Mosiah 7:1214 ; Alma 17:2324). Et chacun est finalement autorisé à
prêcher lÉvangile au roi et à son peuple, Ammon1 le faisant de manière indirecte
en rapportant le grand sermon du roi Benjamin (Mosiah 8:3), Ammon2 le faisant en ses
propres termes (Alma 18:2439). Dans chaque cas, la population réagit favorablement
à lenseignement et conclut une alliance avec Dieu (Mosiah 22:3235 ; Alma
19:3335).
Mais les deux peuples de lalliance sont menacés par les incrédules qui les
entourent (Mosiah 21:1319 ; Alma 27:2). Chaque Ammon sentretient alors avec le
roi et conçoit un plan pour conduire les croyants vers le pays de Zarahemla, où ils
peuvent être réintégrés dans la communauté légitime (Mosiah 22:18 ; Alma
27:415). Les groupes rescapés suivent leur Ammon à Zarahemla (Mosiah 22:11 ; Alma
27:1114) et chacun sinstalle maintenant dans un nouveau pays, Gédéon ou
Jershon, qui est allié de Zarahemla. Chacun reçoit le nom de « peuple de Dieu »
(Mosiah 25:24 ; Alma 25:13). Contrairement aux autres pays néphites, Jershon et Gédéon
rejettent ensuite le faux prédicateur Korihor. Dans les deux pays les gens le lient et
lamènent devant leur grand prêtre pour quil le juge (Alma 30:1921).
(Le peuple de Gédéon avait précédemment fait la même chose avec Néhor [Alma
1:710].) Les deux peuples seront par la suite à plusieurs reprises lobjet
déloges pour leur fidélité remarquable, leur justice étant explicitement
mentionnée ou autrement signalée pour le reste de leur histoire (p. ex., Alma
7:1719 ; Alma 27:2627).
Que devons-nous déduire de ces nombreux parallèles ? La thèse de cet article est
quils ne sont pas accidentels. Comme noté plus haut, Ammon1 a très bien pu être
loncle dAmmon2 et il est certain quils se connaissaient. Aucun membre de
la cour ou de la famille de Mosiah2 naurait pu sempêcher dentendre
parler les exploits dAmmon1 au cours de sa mission réussie pour sauver les âmes
perdues dans le pays de Néphi. Et aucun proche collaborateur du roi naurait pu
ignorer lexistence de ses fils, les princes du royaume. Vu limportance
dAmmon1 comme conseiller militaire de Mosiah2 et son lien familial probable avec la
femme de Mosiah2, il est même probable quAmmon2 a été appelé comme Ammon1, une
circonstance qui a dû renforcer la loyauté mutuelle entre Mosiah2 et Ammon1 et a dû
créer un lien entre les deux Ammon, vedettes de ces récits parallèles. Également
distingué par ses prouesses militaires (Alma 17:3638), il est tout à fait possible
que le jeune Ammon ait cherché à reproduire lexploit du héros de son enfance en
menant sa propre mission de sauvetage au pays de Néphi et a pu mettre laccent sur
les parallèles quand il a raconté ce quil a vécu. Ces parallèles ont pu faire
vibrer la corde sensible du chroniqueur quétait Mormon. Cest ainsi que
lhistoire est sublimée pour devenir le dessein divin révélé par la répétition.
Les deux Ammon deviennent des sauveurs allégoriques aussi bien que des sauveurs
historiques [17], et cela pourrait répondre à un certain nombre de questions que
lon peut se poser dans le Livre de Mormon.
Pourquoi est-ce Ammon2 qui mène lexpédition au pays de Néphi et pas son frère
Aaron? Dans une culture qui respecte manifestement la primogéniture, il est curieux que
ce soit Ammon2 qui se retrouve à la tête de la mission qui se rend au pays de Néphi
plutôt que son frère Aaron. Il est évident que cest Aaron qui est laîné
puisque cest lui que le peuple réclame comme roi lorsque Mosiah2 soulève avec lui
la question de la succession (Mosiah 29:13). La culture veut que ce soit Aaron, le
frère aîné, qui dirige, et cependant cest Ammon2 qui est le dirigeant du groupe.
Il est explicitement dit que cest lui le chef (Alma 17:18), et lorsque les noms des
frères sont mentionnés ensemble, comme ils le sont souvent, cest toujours celui
dAmmon qui est le premier : Ammon, Aaron, Omner et Himni. Si, comme nous le
supposons plus haut, cest Ammon2 qui a lancé lidée de la mission afin de
réaliser son vieux rêve de suivre les traces de son homonyme, il est possible
quAaron ait renoncé à son rôle traditionnel de chef en se disant que cest
le rêve dAmmon après tout. Aaron reprend néanmoins brièvement son rôle quand il
croit que son frère cadet, emporté par son succès, se vante de façon inconvenante
(Alma 26:10). Il est également possible que Mormon ait mis davantage laccent sur le
rôle dAmmon que sur celui dAaron pour renforcer les parallèles des récits.
Pourquoi les Mulékites sont-ils prêts à accepter les fils de Mosiah2 comme leurs
souverains, mais pas Alma2 ? Comme indiqué plus haut, lorsque Mosiah2 demande à son
peuple qui il veut pour le remplacer comme roi, il répond quil veut Aaron,
lhéritier légitime (Mosiah 29:12). Comme nous lavons vu plus haut,
tout porte à croire que les fils de Mosiah2 sont des descendants directs de Zarahemla, le
dernier roi mulékite et quils sont au moins à moitié et, peut-être même aussi
aux trois quarts Mulékites. Le lignage par le sang explique probablement en partie
lagitation qui se déchaîne lorsquAlma2, un Néphite pur sang avec des
racines zénifites, est nommé premier grand juge. La nomination dAlma2 rétablit le
statuquo instable de lépoque de Mosiah1, au moins en ce qui concerne
lappartenance ethnique du souverain. Amlici, qui est probablement un descendant de
Zarahemla, de Mulek et de David, devient le premier homme-du-roi à revendiquer le trône
auquel la dynastie de Mosiah1 vient de renoncer. Il est clair que les prétentions
dAmlici sont fortes et bénéficient dun grand soutien populaire, parce que ce
nest que la première dune série de prétentions crédibles de ce genre qui
continuent à se produire et à susciter des conflits jusquà la fin du livre
dAlma. La cinquième année du règne des juges, Amlici lève une armée et tente de
monter sur le trône par la force. Quand il est vaincu, son peuple fuit vers les terres
lamanites et devient, semble-t-il, les Amalékites.
Pourquoi les dissidents de Zarahemla construisent-ils une ville nommée Jérusalem en
territoire lamanite et pourquoi Aaron, Muloki et Ammah sont-ils envoyés là-bas pour
prêcher? Dans Alma 21:12, nous apprenons que les Lamanites et deux groupes de
dissidents néphites, les Amalékites et les Amulonites, ont construit une grande ville
nommée Jérusalem. Les Amulonites (descendants des prêtres de Noé), nous savons qui ils
sont. Mais qui sont les Amalékites ? Ils sont introduits, comme les Amulonites, sans
aucune explication quant à leur origine, comme si nous devions déjà le savoir, comme
pour les Amulonites. Lexplication la plus plausible est que ce sont les partisans
dAmlici. Ils apparaissent dans le récit à lendroit précis où les Amlicites
disparaissent et ils ont la même religion néhorite que les Amlicites. Comme Amlici, ce
sont des hommes-du-roi qui détestent les Néphites et veulent établir une monarchie à
Zarahemla.
La création dune ville nommée Jérusalem est une chose à laquelle nous
pourrions nous attendre de la part des Amlicites. Contrairement aux Néphites qui doivent
avoir, au mieux, des sentiments partagés envers la ville perverse de Jérusalem dont les
dirigeants avaient cherché à tuer Léhi et Néphi, les Mulékites (comme les Lamanites
[1 Néphi 17:21]) voient très probablement en Jérusalem un endroit merveilleux
quils ont tragiquement perdu. Le fait dappeler leur ville Jérusalem, tout en
notant explicitement quelle porte le nom « du pays où leurs pères étaient nés
» (Alma 21:1), peut avoir pour objectif de rappeler aux Néphites et aux Lamanites que
les Amalékites sont de lignée royale, quen tant que Mulékites ils ont « le sang
de la noblesse » (Alma 51:21) et ont le droit, en vertu de lalliance davidique, de
régner dans cette nouvelle Jérusalem comme leur ancêtre David a régné dans
lancienne.
Lidée que les Amalékites sont des dissidents mulékites et celle quAaron,
fils de Mosiah2, a du sang mulékite sont des suppositions qui se renforcent mutuellement
et qui sont toutes les deux étayées par le même détail révélateur. Lorsque les fils
de Mosiah2 se séparent et vont chacun de leur côté, Aaron se dirige vers Jérusalem et
« commença par prêcher tout dabord aux Amalékites » (Alma 21:4). Nous savons
quAaron est le roi légitime de la patrie mulékite, Zarahemla. Il est populaire
auprès des gens qui veulent que la monarchie continue, y compris peut-être même
certains de ces dissidents. Qui pourrait être mieux placé pour commander le respect et
persuader les hommes-du-roi mulékites mécontents quAaron ? Par conséquent, si la
visite nest pas une réussite, elle représente probablement un effort stratégique
de la part des fils de Mosiah2 de jouer sur le prestige dAaron, le roi mulékite
légitime, afin de sauver les âmes perdues de ces hommes-du-roi mulékites [18].
Pourquoi est-ce Aaron plutôt quAmmon2 qui dirige la mission pour instruire le
père de Lamoni au pays de Néphi alors que le roi avait requis la présence dAmmon2
? Si, comme nous lavons vu plus haut, Ammon2 est clairement présenté comme le chef
de la mission au pays de Néphi, Aaron, à la différence dOmner et de Himni, les
autres frères dAmmon2, joue également un rôle de premier plan dans la mission. En
effet, sur ordre de Dieu, Aaron supplante Ammon2 dans la situation même qui aurait le
plus accompli le rêve de jeunesse dAmmon2, sil a rêvé de suivre les traces
dAmmon1. Ammon2 commence sa mission au pays dIsmaël. Suite à son succès et
à laffrontement quil a mené à son avantage avec le père de Lamoni, roi de
tout le pays, Ammon2 est invité à se rendre dans la capitale, qui se trouve au pays de
Néphi, à aller peut-être au palais même de Noé où Ammon1 avait été reçu par Limhi
[19], et à prêcher lÉvangile au grand roi du pays (Alma 20:27). Mais Dieu envoie
Ammon2 ailleurs et il abandonne humblement ce qui aurait probablement été la
réalisation complète, le couronnement de son rêve de suivre les traces dAmmon1.
Lesprit du Seigneur conduit Aaron au palais du roi où il doit expliquer au roi
déçu quAmmon2 ne viendra pas (Alma 22:14). En amenant Aaron plutôt
quAmmon2 à la capitale, le Seigneur fait le nécessaire pour que le roi légitime
de tous les Néphites prêche lÉvangile au roi de tous les Lamanites et le
convertisse. La symétrie de cette rencontre nest probablement pas accidentelle.
Peut-être Mormon, sa source la plus probable, Ammon2, et même Dieu lui-même
veillent-ils à reconnaître et à commémorer le statut et le rôle dAaron comme
roi légitime des Néphites.
Pourquoi les Lamanites et les Amalékites réagissent-ils si violemment à la
conversion religieuse de certains de leurs concitoyens lamanites? Il est évident que les
Amalékites et les Lamanites non convertis considèrent la mission réussie des fils de
Mosiah comme un acte très agressif et très menaçant. En réponse aux conversions, ils
massacrent plus dun millier des Anti-Néphi-Léhis et ensuite attaquent et
détruisent totalement la ville mulékite dAmmonihah [20]. Bien que moralement
répréhensible, leur réaction est compréhensible sur le plan politique. Les
Amlicites/Amalékites veulent semparer du pouvoir à Zarahemla mais nont pas
une force militaire suffisante pour le faire par leurs propres moyens. Alliés aux
Lamanites, ils ont une chance de parvenir à leur objectif politique. Cest pour cela
quils ont embrassé le mythe fondateur des Lamanites (qui est compatible avec leur
propre mythe fondateur mulékite) et ont volontairement pris sur eux la marque des
Lamanites (Alma 3:410, 1318).
Et voilà que les fils de Mosiah2, celui-là même qui a mis sur pied lordre
politique quAmlici et ses Amalékites cherchent à renverser, sont maintenant venus
chez eux et ont convaincu un bon nombre de leurs alliés lamanites, y compris le plus
puissant de tous, le roi de tout le pays, de changer de camp dans leur longue lutte dans
lombre contre les usurpateurs néphites. En effet, cest le roi présomptif de
tous les Néphites lui-même qui a persuadé le roi de tous les Lamanites de changer de
camp. Le roi des Lamanites a décidé de renoncer à son pouvoir coercitif sur son peuple,
ce qui signifie de facto la fin de la monarchie lamanite et un mouvement dans le sens du
règne des juges. En bref, les fils de Mosiah2 ont convaincu beaucoup de Lamanites
dadopter lidéologie politique et le mythe fondateur des Néphites (Alma
18:3638), un changement de croyance qui fait de ces nouveaux convertis des Néphites
(Alma 2:11). Et ces changements ne sont pas un accident. Depuis le début de leur mission,
les fils de Mosiah2 cherchent à « convaincre [les Lamanites] de liniquité de
leurs pères, et... les guérir de leur haine à légard des Néphites, afin
quils devinssent amicaux les uns envers les autres, et quil ny eût plus
de querelles dans tout le pays » (Mosiah 28:13). En dautres termes, dès le
début, leur mission avait un but politique aussi bien que religieux. Il ne faut donc pas
sétonner que cela suscite une violente réaction politique chez leurs ennemis.
Ironie du sort, leffort des fils de Mosiah2 pour établir la paix entre les
Néphites et les Lamanites va avoir leffet inverse de ce quils souhaitent. Il
réduit le nombre des Lamanites qui sont disposés à attaquer le pays de Zarahemla. Mais
il déclenche une très longue série de guerres entre les Néphites et leurs ennemis
coalisés, les Lamanites et les Amalékites [21]. Et au lieu de renforcer les Néphites
sur le plan militaire, les convertis lamanites pacifistes des fils de Mosiah2 vont, dans
un premier temps, alourdir le fardeau militaire des Néphites en les obligeant à
défendre un peuple allié qui ne veut pas se défendre.
Ammon2 aux eaux de Sébus
Il ny a pas, dans le Livre de Mormon, dépisode plus étrange et, à
première vue, plus incohérent que le récit du combat dAmmon2 aux eaux de Sébus
et ce qui sensuit [22]. Il y a, dans ce récit, des éléments tout à fait
surprenants : (a) les troupeaux du roi sont régulièrement pillés et cest quelque
chose de prévisible, mais il nenvoie pas une force capable de protéger ses biens ;
(b) les serviteurs du roi ne font aucun effort pour lutter contre les maraudeurs en dépit
du fait quils seront exécutés sils ne parviennent pas à protéger les
troupeaux ; (c) lorsque, comme on peut sy attendre, ils échouent, le roi tue ses
propres serviteurs et affaiblit ainsi ses forces ; (d) quand le roi parle des maraudeurs,
il les appelle « mes frères » et (e) les maraudeurs et leurs familles ne craignent pas
de se promener dans le palais du roi au lendemain du combat. Nous sommes ici devant un
ensemble invraisemblable de détails. Comment lexpliquer ? La réponse doit se
trouver dans les us et coutumes de la politique lamanite au pays dIsmaël. Dans ce
qui suit, je mappuie fortement sur linterprétation de Brant Gardner [23], en
ajoutant toutefois, ce qui est probablement le pivot de toute laffaire le
rôle du père de Lamoni.
Selon mon interprétation, ce quil y a derrière laffaire de Sébus est un
conflit entre Lamoni, le roi en titre du pays dIsmaël [24], et un autre groupe de
nobles que Lamoni appelle « mes frères » (Alma 18:20), sans doute un mélange de
frères, doncles ou de cousins. Laffrontement entre les deux groupes est on ne
peut plus sérieux, mais aucun deux ne peut faire violence à lautre car tous
sont aimés et protégés par le père de Lamoni, le grand roi du pays, qui est coléreux
et qui réagit avec férocité si quelquun, quel quil soit, y compris sa
propre famille, le contrarie (Alma 20:816). Ne pouvant sattaquer directement
entre eux sans risquer leur vie en contrariant leur patron commun, Lamoni et ses rivaux
cherchent à affaiblir leurs adversaires en attaquant leurs intérêts économiques et en
ruinant leur réputation aux yeux du grand roi. Cest dans ce contexte que les
serviteurs de Lamoni vont à leur perte aux eaux de Sébus. Les serviteurs bergers sont
des citoyens ordinaires du royaume. Connaissant la mentalité du père de Lamoni, ils
comprennent probablement quils connaîtront, eux et leur famille, une mort
douloureuse sils font le moindre mal à un membre quelconque de la parenté du grand
roi. Par conséquent, sils ont la malchance de se faire attaquer aux eaux de Sébus
par les membres de la famille noble du roi, ils sont perdus. Ils ne peuvent pas lever la
main pour éviter que les troupeaux de Lamoni ne soient dispersés et pillés par ses
rivaux nobles. Et sils narrivent pas à éviter la dispersion et la perte de
troupeaux, Lamoni les mettra à mort.
Mais pourquoi Lamoni va-t-il les exécuter en cas déchec ? Ne se fait-il pas du
tort puisque, ce faisant, il réduit sa base politique et militaire dans le pays
dIsmaël ? Dans une situation politique ordinaire, ce serait le cas. Aucun roi ne
pourrait se permettre de se retrouver piégé dans un processus qui loblige à
éliminer régulièrement ses propres forces et ainsi affaiblir son pouvoir contre ses
ennemis. Mais dans ce cas, Lamoni na quun seul électeur qui compte : son
père. Tant quil est mandaté par son père pour gouverner, il na pas besoin
de se préoccuper de ce quune personne, ordinaire ou noble, quelle quelle soit
pense de lui, car personne nose défier lautorité de son père. Chose
importante, le père de Lamoni croit quun roi doit recourir à la violence pour
imposer sa volonté. Lamoni ne conserve son royaume que si son père est persuadé
quil est, lui aussi, un homme de violence qui impose les sanctions les plus
sévères à ceux qui le déçoivent. Lamoni exécute ses serviteurs non pas parce
quil est en colère contre eux, mais comme acte théâtral politique pour apaiser
son père, un fait qui, bien entendu, ne console guère ses serviteurs condamnés.
Lapparition soudaine dAmmon2 au pays dIsmaël donne à Lamoni
loccasion de modifier cet équilibre politique insatisfaisant. Ammon2 est le fils
dun roi voisin puissant et constitue donc une autre base potentielle pour le pouvoir
politique de Lamoni. Ayant appris quAmmon2 est un prince, Lamoni lui propose « une
de ses filles pour femme » (Alma 17:24), un mariage qui pourrait allier Mosiah2 à Lamoni
dans sa lutte contre ses frères. Quand Ammon2 refuse et exclut cette option mais propose
de devenir un serviteur, Lamoni conçoit un autre plan pour nuire à ses ennemis. Il
envoie Ammon2 à Sébus où il sait que ses ennemis nobles vont attaquer. Quand ils le
feront, ce noble étranger, contrairement aux serviteurs ordinaires, naura aucun
scrupule à se défendre. Il y a des chances pour quAmmon2 tue certains des ennemis
de Lamoni (ce qui sera une bonne chose pour celui-ci) et une quasi-certitude que les
ennemis de Lamoni tueront le fils dun roi voisin puissant qui risque de vouloir se
venger deux (ce qui sera aussi bon pour Lamoni).
En fait, les événements qui se produisent à Sébus se déroulent dune manière
que Lamoni naurait jamais pu prévoir. Quand les nobles ennemis attaquent et
dispersent le troupeau, Ammon2 tue six des agresseurs avec sa fronde. Lorsque les
agresseurs restants donnent lassaut et essayent de le tuer avec des bâtons, il
coupe tous les bras qui se lèvent contre lui et tue le chef des attaquants nobles.
Sauvés par cette intervention quasi divine, les compagnons de service dAmmon2 sont
remplis dune gratitude qui les prépare à être éternellement sauvés ce
qui était le plan dAmmon2 dès le départ (Alma 17:29). Les serviteurs, de leur
côté, préparent Lamoni et sa femme à recevoir la grâce de Dieu grâce au ministère
dAmmon2, que Lamoni croit maintenant être un dieu. Et après avoir entendu
lÉvangile prêché avec puissance, Lamoni et toute sa maison sont remplis de
lEsprit et accablés par lui, de même quAmmon2 (Alma 19:14).
Une foule de gens du commun et de nobles sassemblent au palais pour contempler la
destruction apparente du roi et de sa famille. Parmi les nobles se trouvent certains des
maraudeurs qui étaient à Sébus, une preuve quasi infaillible quil sagit
dun cas dintrigues politiques entre nobles. Leur sympathie allant à leurs
concitoyens, les gens du commun supposent que ce mal est tombé sur Lamoni et sur sa
maison parce quil a tué théâtralement ses serviteurs pour navoir pas pu
protéger ses troupeaux (Alma 19:20). Bien que ce soit Lamoni, lennemi des nobles
présents, que les gens du commun traitent de manière désobligeante, la solidarité de
classe de ces nobles est plus forte que leur inimitié pour leur noble rival. Ils
réprimandent les gens du peuple de ce quils pensent quun noble puisse être
puni pour avoir exercé le droit dôter la vie à quelquun du peuple, mais ils
sont furieux quAmmon2, un soi-disant serviteur, ait tué des nobles (Alma 19:21).
Bien que Lamoni soit hors détat de se défendre, ses rivaux nobles nosent pas
lattaquer (il est toujours fils de lhomme féroce quest son père). Mais
le frère de celui qui était le meneur à Sébus, quAmmon2 a tué, tente maintenant
en vain de tuer Ammon2. Quand il ny arrive pas, les autres nobles détalent
apparemment vers le pays de Néphi pour assister à une fête déjà prévue avec le père
de Lamoni et pour allumer la colère du grand roi contre son fils et son nouveau serviteur
néphite. Fou de rage, le père de Lamoni se rend au pays dIsmaël, est finalement
vaincu par Ammon2, libère Lamoni et son peuple de son règne (accordant donc à Lamoni la
prééminence dans son royaume quil ambitionnait davoir) et se dit disposé à
se faire prêcher lÉvangile dans son palais. Cest le salut pour des milliers
de personnes, suivi dune grande guerre de représailles.
Si nous interprétons correctement la dynamique politique au pays dIsmaël, nous
pouvons reconnaître dans ce récit une allégorie profonde de la condition humaine et du
plan du salut, notamment de son élément essentiel, lExpiation. Les serviteurs de
Lamoni sont pris dans un horrible dilemme. Ils sont tenus par deux lois incompatibles qui,
prises ensemble, scellent leur destin. Ils ne doivent pas manquer à leur tâche de garder
le commandement de leur seigneur de protéger son troupeau et ils ne doivent pas lever la
main contre aucun parent noble du grand roi. Quand les nobles dispersent le troupeau, la
seule chose qui reste aux serviteurs est le désespoir et limpuissance parce que
leur sort est inéluctable.
Pour leurs prédécesseurs, cétait la fin de lhistoire. Mais pour ces
serviteurs chanceux, lhistoire change merveilleusement. Un noble quasi divin
le plus puissant de tous, celui qui peut vaincre même le grand roi lui-même a
daigné venir parmi eux partager volontairement leur statut de serviteurs. Quand la crise
vient et quils tombent dans le désespoir, il les rassemble. Il leur donne le
courage et la capacité de garder les commandements de leur seigneur. Mettant leur foi en
lui et faisant ce quil commande (un élément essentiel de leur rédemption), ils
rassemblent le troupeau dispersé et lencerclent pour empêcher sa fuite.
De son côté, lui, le serviteur maltraité, savance pour essuyer le plus fort de
la violence qui leur était destinée, une violence à laquelle ils étaient incapables de
résister. Contre vents et marées humaines, ce noble daspect divin défait les
forces déployées contre lui et contre eux. Il réconcilie les deux lois, ce qui permet
à ses compagnons de service de garder les deux. Ils nont ni permis que le troupeau
soit pillé ni levé la main contre les proches du grand roi. Dirigés par leur sauveur,
ils retournent sans tare auprès de leur souverain, ayant la vie sauve grâce à
lintervention gratuite du personnage quasi divin qui a daigné partager leur vie.
Leur foi en ce noble sauveur rachète non seulement leur corps mais leur âme éternelle,
car il ne les ramène pas seulement à leur seigneur temporel, Lamoni, mais à leur
seigneur éternel, le Seigneur Dieu.
Mormon a apparemment reconnu le potentiel symbolique de laventure dAmmon2
à Sébus et la insérée précisément parce que, lue de manière allégorique,
elle témoigne si puissamment du Christ. Si lapplication générale de cette
allégorie est probablement évidente, son application précise mérite commentaire. Comme
les serviteurs de Lamoni, toute lhumanité est prisonnière dun dilemme
horrible. Nous sommes tenus dobserver deux lois incompatibles entre elles.
Dune part, nous devons rester purs et innocents, complètement préservés du
péché, ce que nous ne pouvons faire quen restant dans la présence protectrice de
Dieu. Dautre part, nous devons obtenir un corps, multiplier et remplir la terre et
faire de grands choix moraux entre le bien et le mal, ce que nous ne pouvons faire
quen quittant la présence de Dieu et en vivant dans un monde déchu, où nous
sommes tentés et commettons inévitablement le péché. (Comme le comprenaient les
premiers chrétiens, lhistoire dAdam et Ève dans le jardin dÉden
illustre de manière allégorique ce choix que tout le monde doit faire.) [25] La
conséquence de la violation de lune ou de lautre de ces lois est la
damnation. Le respect de la première loi et la violation de la deuxième conduisent à la
damnation bénie de rester éternellement en présence de Dieu comme enfants desprit
sans péché mais non développés, jamais en mesure dêtre nous-mêmes ou de nous
connaître nous-mêmes, parce que le plein exercice de notre libre arbitre nest pas
possible. La conséquence du respect de la deuxième et de la violation de la première
est la damnation plus sévère de la mort spirituelle, la séparation éternelle
davec Dieu, que nous, hommes naturels impurs, nous imposons à nous-mêmes, parce
que nous ne pouvons pas nous sentir tolérablement à laise en présence de Dieu,
mais devons, par une nécessité interne, la fuir et nous réfugier dans lenfer
mental que nos péchés ont créé pour nous (Alma 12:1314). Prise dans ce dilemme,
lhumanité tout entière est aussi condamnée dans léternité que les
serviteurs de Lamoni aux eaux de Sébus.
Mais, comme les serviteurs de Lamoni, nous sommes sortis de là par un sauveur, dans ce
cas le Sauveur, dont la filiation divine et la personnalité extraordinaire le rendent
seul capable dobserver les deux lois. Lui seul est capable de venir sur la terre,
daffronter léventail complet des tentations et des choix moraux tout en
demeurant totalement pur. Lui seul, après avoir fait face à tout ce que la vie dans ce
monde a à offrir, est en mesure dêtre à nouveau en présence de Dieu avec joie
plutôt quavec le désir danéantissement que tous les autres ressentent à
cause de leurs péchés. Toutefois, il ne retourne pas vers Dieu par le chemin de la
facilité qui est à sa disposition. Comme Ammon2 à Sébus mais à une échelle
infiniment plus grandiose il daigne nous rejoindre, nous, êtres humains
ordinaires, dans la souffrance. Dans lenfer que nos péchés ont créé pour lui et
pour nous, il porte le poids de notre damnation éternelle. Ce faisant, comme Ammon2
mais à une échelle infinie il ouvre la voie qui doit nous permettre
déchapper à notre damnation éternelle. Sortis de notre désespoir, nous pouvons
naître à nouveau comme âmes sanctifiées si nous faisons preuve de foi en lui, puis, le
cur brisé et lesprit contrit, entendons ses commandements et y obéissons. En
puisant de la discipline et du courage dans le pouvoir habilitant de son expiation, nous
pouvons nous joindre à lui pour ramener les dispersés du troupeau, puis le suivre dans
la pureté tandis quil nous ramène humblement dans la présence de son et de notre
Seigneur [26].
Ces histoires ont une profondeur. Bien que chacune contienne des éléments qui en font
un bon récit daventure, il est impossible dapprécier convenablement les
histoires des deux Ammon si lon concentre principalement son attention sur
lintrigue. Ces récits concrets de condamnation et de délivrance humaines
témoignent du Christ. Quand les parallèles sont omniprésents, cela signifie quils
dépassent lhistoire, que limportant cest leur témoignage allégorique
que Jésus est le Christ.
Conclusion
Lapologétique et lherméneutique, la défense et la compréhension, sont
les deux grandes tâches que le Livre de Mormon propose aux chercheurs fidèles. Les
érudits dans lÉglise peuvent sacquitter plus complètement des deux tâches
sils sont attentifs au fait que les gens qui habitent le Livre de Mormon ont une vie
qui continue en coulisse. La brièveté nécessaire du Livre de Mormon signifie que la
plupart des détails de la plupart des vies ne seront présents dans le texte si
tant est quils y sont quen filigrane. Si le Livre de Mormon est un
texte historique authentique, des détails apparemment présents par hasard devraient se
révéler être interconnectés lorsque le texte est lu attentivement. Dans cet article,
jai tenté de montrer que ces interconnexions sont omniprésentes.
Le message fondamental du Livre de Mormon son puissant témoignage de
Jésus-Christ est immanquable pour tout lecteur compétent en raison de la passion
de Néphi pour la simplicité lorsquil rend témoignage et la volonté didactique de
Mormon de rendre un témoignage sans équivoque du Sauveur [27]. Mais ni Néphi ni Mormon
ne sont des auteurs purement didactiques. Comme les auteurs de lAncien Testament,
ils ont une sensibilité littéraire [28]. Par conséquent, même quand il sagit du
message fondamental le plus lourd de conséquence du Livre de Mormon, nous pouvons
découvrir dans le texte des dimensions nouvelles importantes si nous faisons attention à
la structure du récit et au milieu culturel et historique implicite du testament qui nous
a été transmis. Dune manière générale, ce qui est en filigrane renforce et rend
parfois plus profond le témoignage de Jésus-Christ qui est le thème dominant du Livre
de Mormon.
1. Peter Eubanks, Brant Gardner, Grant Hardy, et deux réviseurs chez Interpreter ont
lu et commenté utilement une ébauche précédente de cet article.
2. Richard Dilworth Rust, «Recurrence in Book of Mormon Narratives » Journal of Book of
Mormon Studies, 3/1, 1994, p. 3952.
3. Voir Deborah Brandt, Literacy as Involvement: the Acts of Writers, Readers, and Texts,
(Carbondale, IL: Southern Illinois University Press, 1990) sur les difficultés et les
obligations mutuelles que doivent affronter les auteurs et les lecteurs quand ils
co-créent la signification dun texte.
4. On trouvera une excellente analyse des questions en la matière dans Brant A. Gardner,
«The Case of Historicity: Discerning the Book of Mormons Production Culture »,
consulté le 13/12/2011 sur
http://www.fairlds.org/FAIR_Conferences/2004_Case_for_Historicity.html. Voir aussi la
source principale de Gardner, Bruce J. Malina et Richard L. Rohrbaugh, Social-Science
Commentary on the Synoptic Gospels, (Minneapolis, MN: Fortress Press, 1992).
5. On trouvera dans Stephen C. Pepper, World Hypotheses, (Berkeley, CA: University of
California Press, 1970) un traitement de la corroboration structurelle.
6. La didactique et la subtilité littéraire de Mormon sont traitées dans Heather Hardy,
« Another Testament of Jesus Christ: Mormons Poetics, Journal of Book of
Mormon Studies, 16 /2, 2007, p. 16-27.
7. J. Christopher Conkling, Almas Enemies: The Case of the Lamanites,
Amlicites, and Mysterious Amalekites, Journal of Book of Mormon Studies, 14/1, 2005,
p.108117. Cf. Gary L. Sturgess, The Book of Mosiah: Thoughts about Its
Structure, Purposes, Themes, and Authorship, Journal of Book of Mormon Studies, 4/2,
1995, p. 107135. Il semble que cette idée ait été avancée pour la première fois
par John A. Tvedtnes, Book of Mormon Tribal Affiliation and Military Castes,
dans Warfare in the Book of Mormon, dir. de publ. Stephen D. Ricks et William J. Hamblin,
Salt Lake City, Deseret Book, 1990, p. 298301.
8. Royal Skousen, History of the Critical Text Project of the Book of Mormon,
dans M. Gerald Bradford et Alison V.P. Coutts dir. de publ., Uncovering the Original Text
of the Book of Mormon, Provo, UT, FARMS, 2002, p. 15; Royal Skousen, dir. de publ., The
Original Manuscript of the Book of Mormon: Typographical Facsimile of the Extant Text,
Provo, UT, FARMS, 2001, p. 245; et Royal Skousen, dir. de publ., The Printers
Manuscript of the Book of Mormon: Typographical Facsimile of the Entire Text in Two Parts,
Provo, UT, FARMS, 2001, p. 396397, 514.
9. Voir Grant Hardy, The Book of Mormons Missing Covenant, Meridian
Magazine, décembre 27, 2010, http://www.ldsmag.com/1/article/7089, qui traite de la
suppression de lalliance davidique dans le Livre de Mormon.]
10. La prétention des Mulékites au droit de régner fondée sur lalliance
davidique est analogue à laffirmation du Nouveau Testament que le Christ est le roi
légitime dIsraël parce quil descend de David (Matt 1:117). La foi et
les sympathies politiques de Mormon lempêchent darticuler avec bienveillance
le point de vue des Amlicites, mais son intégrité dhistorien loblige à
donner suffisamment dinformations pour nous permettre de reconstituer les
motivations de ceux dont Mormon conteste les idées. Voir H. Hardy, « Mormons
Poetics ».
11. Brant A. Gardner, Second Witness: Analytical and Contextual Commentary on the Book of
Mormon, Salt Lake City, Greg Kofford Books, 2007, p. 3:107108.
12. Voir Wayne T. Brough et Mwangi S. Kimenyi, On the Inefficient Extraction of
Rents by Dictators, Public Choice 48, 1986, p. 3748.
13. Le mot Shilom/Shalom peut avoir une résonance plus profonde liée au temple. D. John
Butler montre quil est lié à la chambre du milieu, le Hékal, de lancien
temple à trois chambres. La mention de Shilom/Shalom peut donc situer le séjour des
Zénifites dans le pays de Néphi dans le cadre dune allégorie tripartite du
temple, le départ initial de Zénif de Zarahemla correspondant à lOulam, le
portique du temple et le retour à Zarahemla correspondant au passage dans le Débir, le
saint des saints, le pays de Gédéon étant une sorte de paradis sur terre (voir Alma 7)
; D. John Butler, Plain and Precious Things, Charleston, NC, CreateSpace, 2012.
14. Hem, en égyptien, signifie serviteur, en particulier, serviteur ou prêtre
dAmon ; voir Hugh Nibley, Léhi dans le désert et le monde des Jarédites, Salt
Lake City, Bookcraft, 1952, p. 23. Également sur Idumea.
15. Sturgess, « Book of Mosiah »
16. Mosiah2 est la figure politiquement et religieusement légitime qui relie le récit
principal dans le pays de Zarahemla aux deux récits divergents situés au pays de Néphi.
Cest lui aussi qui fixe les normes politiques contre lesquelles les revanchards
mulékites ont le tort de se rebeller.
17. Le nom Ammon a pu attirer lattention de Mormon sur le fait que ces récits
avaient un potentiel allégorique. Ammon était le grand dieu universel des Égyptiens,
lêtre qui, dans leur théologie, était le plus apparenté à Jéhovah et était le
prénom le plus populaire dans lempire égyptien du temps de Sédécias ; voir
Nibley, Léhi dans le désert, p. 27. Amon, un roi populaire de Juda pendant la jeunesse
de Léhi, était appelé du nom de ce dieu égyptien (voir J. P. Lesley, «Notes on an
Egyptian Element in the Names of Hebrew Kings, and Its Bearing on the History of the
Exodus », Proceedings of the American Philosophical Society, 19/109, 1881, p.
419420) et semble avoir adoré son homonyme (2 Rois 21:1824). Le culte
dAmmon était donc sûrement bien connu des émigrants mulékites qui ont pu
utiliser Ammon comme lun des noms de Dieu, un détail que Mormon devait connaître
sil est exact. Voir aussi D&A 95:17, 78:20 et Hugh Nibley, Teachings of the Book
of Mormon, Part 2, Provo, UT, Foundation for Ancient Research and Mormon Studies, 2004, p.
342.
18. Bien que ce récit dans lequel Aaron fait son premier arrêt missionnaire dans la
ville de Jérusalem et sy adresse aux Amalékites saccorde avec la supposition
que les Amalékites sont les hommes-du-roi mulékites dissidents appelés ailleurs
Amlicites, cest également le seul élément majeur susceptible de montrer que les
Amlicites et les Amalékites ne sont peut-être pas les mêmes personnes. Amlici ne lève
son armée contre Alma2 que dans la cinquième année du règne des juges (Alma 2:1) alors
que les fils de Mosiah2 arrivent au pays de Néphi dans la première année du règne des
juges (Alma 17:6). Alors, comment Amlicites peuvent-ils être les bâtisseurs de
Jérusalem, une ville qui est déjà construite quand Aaron arrive ? Paroles de Mormon
1:16 montre bien que des dissidents passent chez les Lamanite depuis lépoque de
Benjamin. Et la religion néhorite commune aux Amlicites/Amalékites implique également
un mouvement de population entre Jérusalem et Zarahemla antérieur à la première année
du règne des juges qui est lannée au cours de laquelle Alma2 exécute Néhor à
Zarahemla. Il y a donc des Mulékites dissidents qui ont vécu aux deux endroits avant et
après linstauration du règne des juges. Le fait que le soulèvement des Amlicites
au pays de Zarahemla était coordonné avec une attaque au départ du pays de Néphi (Alma
2:24) donne aussi à penser quil y a des relations continues entre les dissidents
dans les deux pays. À cet égard, il est possible que le meneur Amlici tire son nom du
peuple quil dirige et qui existait avant lui plutôt que linverse. Amalickiah,
le chef suivant de linsurrection des hommes-du-roi, porte un nom remarquablement
similaire, à nouveau en supposant un accent sur la première syllabe. Amalickiah pourrait
vouloir dire fils dAmlici (Amliki) comme Moronihah est le fils de Moroni. Nous
verrions ainsi une tendance semblable dans les changements de nom des meneurs successifs
tant des armées des Néphites que des armées des Amalékites/Amlicites/Amalickiahites.
Enfin, il napparaît pas dune manière tout à fait claire à quel moment dans
leurs quatorze années de mission Aaron a entrepris sa mission à Jérusalem.
19. Hélaman 5:21 montre que le complexe du palais de Noé où Ammon 1 fut emprisonné
était encore utilisé par les Lamanites du temps dAmmon2 .
20. Ce qui montre quAmmonihah est une ville mulékite, cest son nom, sa
religion (néhorite), qui la rattache aux dissidents mulékites et le fait quAmulek
trouve nécessaire de dire à Alma2 quil est Néphite quand il le rencontre (Alma
8:20). Si Ammonihah était une ville à prédominance néphite, cette déclaration de
lignée aurait été inutile. Voir Tvedtnes, « Book of Mormon Tribal Affiliation », p.
301.
21. Sur le plan politique, il y a un parallèle évident entre la mission des fils de
Mosiah auprès des Lamanites et la mission dAlma auprès des Zoramites. Les deux
groupes de missionnaires espèrent favoriser la paix avec des ennemis réels ou potentiels
en incitant ces ennemis à embrasser lÉvangile. Dans les deux cas, les
missionnaires rencontrent un succès considérable et beaucoup de gens à qui ils
prêchent adoptent lidéologie néphite et vont sinstaller au pays néphite de
Jershon. Mais dans les deux cas, ce succès devient la cause immédiate dune guerre
féroce et destructrice parce que les Lamanites et les Zoramites restants considèrent les
conversions et les départs comme une grave menace pour leur idéologie et leur pouvoir.
22. Voir Hugh W. Nibley, The Prophetic Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret Book, 1989,
p. 539.
23. Brant A. Gardner, Second Witness: Analytical and Contextual Commentary on the Book of
Mormon, Salt Lake City, Greg Kofford Books, 2007, 3:274278.
24. Alma 20:26 montre que Lamoni naura de pouvoir indépendant quaprès
quAmmon2 aura pris le dessus sur son père.
25. Voir Terryl L. Givens, When Souls Had Wings: Pre-Mortal Existence in Western Thought,
Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 94, 107.
26. Il vaut la peine de remarquer que tout comme les serviteurs de Lamoni ne sont pas
coupables pour avoir laissé disperser le troupeau, du moment quil est finalement
rendu sain et sauf au roi, de même nous ne sommes pas coupables des péchés que nous
commettons si nous retournons en présence de Dieu comme quelquun qui na «
plus de disposition à faire le mal, mais à faire continuellement le bien » (Mosiah
5:2). En nous ralliant, le cur brisé et lesprit contrit, au Sauveur, qui
sest joint à nous dans notre souffrance pour le péché, en trouvant auprès de lui
la force de garder humblement ses commandements, nous naissons de nouveau comme fils et
filles sans péché du Christ qui néprouvent que de la joie en présence de Dieu.
Dieu se souciera et nous nous soucierons de ce que nous sommes, pas de ce
que nous avons été.
27. H. Hardy, « Mormons Poetics ».
28. Robert Alter, The Art of Biblical Narrative, New York, Basic Books, 2011.
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