Leçons spirituelles dans leur cadre géographique
Par D. Kelly Ogden Vendredi 4 novembre 2011
Goethe a dit
: « Wer den Dichter will verstehen, muss in Dichters Lande gehen », ce qui
signifie : « Celui qui veut comprendre un poète doit aller dans le pays du
poète. » Si l'on veut réellement comprendre Wordsworth, on doit visiter
les paysages qui ont inspiré ses images. Il en va de même pour les auteurs
bibliques, non seulement les Psalmistes mais aussi les prophètes, comme
Ésaïe, qui était un poète par excellence. Les écrits des prophètes, des
apôtres et de Jésus, le Maître des maîtres lui-même, ne peuvent être
pleinement compris que dans le contexte physique et le cadre géographique
dans lesquels ils ont été conçus.
Jérôme, l’un des pères, de
l'Église (5ème siècle apr. J.-C.), observe avec sagesse : « Tout comme
ceux qui ont vu Athènes comprennent mieux l'histoire grecque, et tout
comme ceux qui ont vu Troie comprennent les mots du poète Virgile, on
comprend les Saintes Écritures d’une manière plus claire quand on a vu le
pays de Juda de ses propres yeux... »1
Le célèbre archéologue
biblique G. Ernest Wright conclut que « la géographie, l’histoire et la
religion sont si inextricablement liées... qu’on ne peut pas comprendre
[pleinement] le message religieux si l’on ne fait pas attention au cadre
et aux circonstances dans lesquels la révélation a été donnée. »2
Les enseignements et les événements bibliques sont, d’une façon ou d’une
autre, liés aux endroits où ils se sont produits ou ont été donnés.
Pourquoi Élie a-t-il choisi le sommet du Mont Carmel comme décor pour sa
démonstration convaincante et concluante concernant le point de savoir qui
était Dieu (1 Rois 18) ? La plus grande menace contre la mission d’Élie
était le roi et la reine d’Israël, Achab et Jézabel, et la perversion
religieuse qu'ils favorisaient, le culte de Baal.
Jézabel était
une princesse phénicienne, adoratrice de Baal. Pendant des siècles au
cours de la période de l'Ancien Testament, l’influence phénicienne
s’étendit vers le sud jusqu’au Mont Carmel. Cette montagne était donc le
point de rencontre géographique entre le culte de Baal et le culte de
Jéhovah. C’est sur le Carmel qu’Élie organise la confrontation directe
entre son Dieu, Jéhovah, et celui de Jézabel, Baal. Le prophète accuse et
demande : « Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés? » Élie,
utilisant la puissance de son Dieu, avait lancé une malédiction sur la
terre d'Israël — trois ans et demi sans pluie. Baal était censé être un
dieu de la fertilité, capable de faire venir la pluie et de rendre la
fertilité et la vie à la terre. Ce que le Baal de Jézabel ne pouvait pas
faire, le Jéhovah d’Élie sa le faire. Lorsque les centaines de faux
prophètes de Baal sont exécutés sur l’ordre d’Élie au bord du Kison, qui
longe le côté nord ou phénicien du Carmel, Jéhovah fait se former les
nuées d'orage sur la Méditerranée et provoque les pluies torrentielles
dans un déversement impressionnant d'eau, source de vie et de témoignage.
Se pourrait-il que ce soit un simple accident si le peuple le plus
vil, le plus dégénéré dont il soit question dans l'Ancien Testament ait
également vécu à l'endroit le plus bas de la terre, à Sodome ? Ou que
l’emplacement où les préceptes de conduite les plus élevés donnés à
l’Israël de l'Ancien Testament aient été révélés sur l'une des plus hautes
montagnes des pays bibliques, le Sinaï ? Ce n’est pas par hasard que le
niveau le plus bas du comportement contraire à l'éthique se trouvait au
niveau le plus bas de la terre, et qu’un temps fort de l'enseignement se
situait au sommet d’un lieu élevé.
Lorsqu’Ésaïe supplie : « Oh ! si
tu déchirais les cieux, et si tu descendais... » (Ésaïe 63:19), jusqu'à
quel point Dieu était-il disposé à descendre ? Jésus condescendit à
descendre dans notre monde mortel et était prêt à montrer la voie aux
autres par l’immersion dans les eaux du baptême. Le Seul à être sans péché
se soumit au baptême, pas n'importe où, mais à l’endroit le plus bas du
monde. Il descendit non seulement à notre condition, il descendit plus bas
qu’elle. Il fut baptisé par Jean dans le Jourdain (hébreu yarden dérivé de
yarad, signifiant « aller vers le bas »). En effet, il descendit au
Jourdain à l’endroit le plus bas en altitude, puis il descendit encore
plus bas dans l'eau pour pouvoir élever l'humanité jusqu'à une nouveauté
de vie.
Le Jourdain
où Jésus a été baptisé
Au puits de Jacob, Jésus a tout
naturellement parlé d'eau vive. Pendant des siècles, les Juifs et les
Samaritains avaient puisé de l'eau dans des citernes — des chambres
souterraines de stockage de l'eau — et des puits, comme le puits de Jacob.
Jésus va parler à une Samaritaine de la source d’ « eau vive »,
c’est-à-dire d’une eau coulant en permanence. Lui-même était la source où
toute personne pouvait puiser de l'eau spirituelle et étancher la soif
spirituelle: « L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau
qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jean 4:14).
Bédouins tirant de l'eau
au puits de Jacob (photos de la fin du XIXe siècle)
Jésus parle
très à propos du « pain de vie » à Capernaüm, où l’on a trouvé une plus
grande quantité de meules utilisées pour la fabrication du pain qu'en tout
autre endroit du pays, ce qui en a amené certains à conclure que ces
meules étaient fabriquées dans cette ville galiléenne et exportées vers
les autres. À l’endroit où elles étaient fabriquées pour faire du pain,
Jésus a parlé du pain spirituel capable de nourrir ceux qui en prennent
jusqu’à la vie éternelle (Jean 6).
Meules à Capernaüm
À Césarée de
Philippe, Jésus utilise une paronomase, un jeu de mots, sur le nom de
Pierre. Il dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église
» (Matthieu 16:18). Étant donné le contexte de cette déclaration (Jésus
vient de dire à Pierre qu’il est heureux parce que Dieu lui a révélé et
lui a témoigné que Jésus est le Messie et le Fils de Dieu), la pierre, en
l'espèce, pourrait signifier la révélation. Ou, quand il dit « cette
pierre », Jésus s’est peut-être désigné lui-même d’un geste pour montrer
qu'il était la Pierre du salut, le Rocher d'Israël.
Ce que Jésus a
très bien pu vouloir dire, c’est : « Pierre, tu es une pierre (en tant que
président de mon Église, détenant les clés du Royaume), et sur la Pierre
du salut, qui donnera la révélation, la fermeté, la force et la stabilité
[les significations symboliques de la pierre dans les Écritures], je
bâtirai mon Église. » L'image correspondait particulièrement approprié à
l'endroit, puisque Césarée de Philippe est située au pied du mont Hermon,
la formation rocheuse la plus massive du pays.
Césarée de Philippe au pied du
mont Hermon
Un pouvoir de guérison était attribué au début de
la période romaine à la piscine de Béthesda, et c’est là que Jésus va se
rendre pour guérir. « Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a
une piscine qui s’appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques »
(Jean 5:2). La piscine double appelée piscine de Béthesda (ou Bethzatha -
peut-être en araméen, avec le sens de « maison de la miséricorde ») se
trouvait juste au nord de la porte du Mont du Temple appelée porte des
brebis, porte par laquelle on pense que l’on faisait passer les brebis
pour les conduire au Temple pour le sacrifice.
Cinq portiques
entouraient les deux piscines : quatre sur les côtés et une qui les
divisait. Certaines propriétés médicinales ou curatives leur étaient
attribuées. « Il est possible qu’un pouvoir de guérison ait déjà été
attribué à l’époque du Second Temple aux eaux de ces bassins, parce qu'un
temple pour la guérison y fut érigé à l'époque romaine qui suivit la
destruction du Second Temple. »3 La tradition des guérisons continua après
l’époque de Jésus avec la construction, sur cet emplacement, d’un temple
dédié à Esculape, dieu grec de la guérison. Selon une tradition
superstitieuse, un ange descendait « agiter » l’eau — probablement le
résultat d'un afflux d’eau en provenance d’un siphon karstique provoquant
un bouillonnement à la surface. C’est là que Jésus rencontre un homme non
valide, boiteux ou paralysé depuis trente-huit ans. Le jour du sabbat, il
le fait lever, complètement guéri.4
Lorsque, sur le Mont du Temple
à Jérusalem au cours de Succoth, la fête des Tabernacles, il dit de
lui-même qu’il est l'eau vive et la lumière du monde, Jésus réagit à la
cérémonie de la libation d’eau qui se pratiquait à cette occasion et à
l'illumination du Temple par des menoras ou chandeliers. Il était d'usage
au cours de chaque journée de la semaine de célébration de Succoth de
transporter en procession une cruche en or remplie d’eau provenant du
réservoir de Siloé au Mont du Temple pour des libations rituelles — sauf,
selon certaines autorités juives et chrétiennes, le dernier jour de la
fête. « Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, se tenant
debout, s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive.
Celui qui croit en moi des fleuves d’eau vive couleront de son sein »(Jean
7:37-38).
Comme des foules de pèlerins juifs continuaient à se
rendre sur le Mont du Temple jusque dans la nuit, au cours de cette fête
des Tabernacles, un éclairage artificiel était nécessaire. Faisant le
contraste entre lui-même et les grandes menoras qui brillaient dans
l'obscurité sur le Mont, Jésus leur parla de nouveau, disant: "Je suis la
lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres,
mais il aura la lumière de la vie" (Jean 8:12).5
Le mont des
oliviers est l’endroit où Jésus est descendu au-dessous de tout
(l'Expiation) et où il est monté au-dessus de tout (l'Ascension). Le mot
oliviers apparaît onze fois dans les évangiles, chaque fois pour parler du
mont des oliviers, où des oliviers poussaient dans l'Antiquité et poussent
encore aujourd'hui. L'olivier a eu la première place dans l'agriculture
tout au long de l'histoire d'Israël jusqu’à l'époque de Jésus, et il a
même fourni l’une des désignations du pays : un pays d’oliviers
(Deutéronome 8:8). Il prospère dans les collines et n’a pas besoin
d'irrigation. Il peut supporter de longues périodes de sécheresse et peu
de soins sont nécessaires jusqu'à la récolte. La partie supérieure de la
feuille d'olivier est vert foncé, tandis que le dessous est recouvert
d'écailles miniature blanchâtres, qui lui donnent un lustre argenté. «
Israël était appelé 'Olivier verdoyant, remarquable’ [Jérémie 11:16] parce
qu’il [Israël] verse de la lumière sur tous. »6
Anciennement, on
utilisait l’huile d'olive à des fins culinaires, cosmétiques, funéraires,
médicinales et rituelles. Mais son usage le plus important était de donner
de la lumière. L’huile d'olive donne la flamme la plus claire, la plus
brillante et la plus stable de toutes les huiles végétales. Dans l'une des
dernières paraboles que nous avons de lui, Jésus décrit une procession de
jeunes filles (les membres du Royaume de Dieu) qui sortent à la rencontre
de l'Époux (le Messie). Les lampes étaient requises pour donner éclat et
beauté. L'huile pour les lampes symbolisait la préparation spirituelle des
membres de son royaume, ceux qui souhaitent participer au festin de noces,
qui symbolise sa venue en gloire.
Au début de l'histoire israélite,
l’ huile d'olive était utilisée pour des rites sacrés. Les objets et les
personnes mis à part pour l’œuvre de Dieu, comme les prophètes, les
prêtres et les rois, étaient oints d'huile consacrée. Avec le Messie
(hébreu maschiah, signifiant « l’oint »), les rôles de prophète, de prêtre
et de roi sont réunis. Jésus, citant une prophétie messianique d'Ésaïe
(61:1), dit aux personnes présentes à la synagogue de Nazareth : «
L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il a m’a oint pour [prêcher] »
(Luc 4:18).
Sur les pentes du mont des oliviers, il y avait un
jardin dans lequel Jésus aimait se retirer pour méditer et prier. Jean
écrit que Jésus et ses disciples s’y réunissaient souvent (voir Jean
18:2). Le jardin s’appelait à juste titre Gat Shemen, ce qui signifie
pressoir à huile en hébreu. Tout comme le jus (ou sang) du raisin ou de
l'olive est pressé et écrasé par la lourde pierre du pressoir, de même le
lourd fardeau des péchés du monde que Jésus portait allait faire jaillir
le sang du corps de ce Oint. À Gethsémané, parmi les oliviers qui
eux-mêmes symbolisaient le peuple d'Israël, s’accomplit avec son point
culminant au Golgotha, la souffrance la plus désintéressée de l'histoire
de l'humanité.
Antiques oliviers dans le jardin de Gethsémané,
au bas de la pente du mont des oliviers
Du début à la fin de
la vie de Jésus, les enseignements et les événements correspondaient d’une
façon ou d’une autre aux endroits où ils se produisaient. Comme l'a écrit
Farrar : « C'était son procédé constant de façonner les illustrations de
ses discours en fonction des incidents extérieurs susceptibles d’éveiller
l'attention la plus profonde et de fixer les mots de la manière la plus
indélébile dans la mémoire de ses auditeurs. »7
Le pain de vie est
né à Bethléhem, le toponyme signifiant « maison du pain ». Et le Rameau
fut élevé à Nazareth. Matthieu note : « [Il] vint demeurer dans une ville
appelée Nazareth, afin que s’accomplît ce qui avait été annoncé par les
prophètes : Il sera appelé Nazaréen » (Matthieu 2:23). Matthieu a vu, dans
le lien de Jésus avec Nazareth, l'accomplissement d'une prophétie
messianique. En fait, il n’y a aucun passage explicite dans la littérature
biblique où des prophètes déclarent que le Messie serait un Nazaréen, à
moins qu'il s'agisse d'une allusion paronomastique à Ésaïe 11:1. Ésaïe y
prophétise qu'un « rameau » (netzer) sortira du tronc d’Isaï (c'est-à-dire
de la lignée davidique) et que Jésus sera donc un Nazaréen (notzri). Les
deux mots hébreux proviennent de la même racine.
Jésus a dit un
jour à ses disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »
(Jean 14:27). Il est ironique que ce Prince de la paix ait été tué dans
une ville appelée Urushalem, signifiant « Ville [ou Fondation] de la paix
».
Jésus, accepté par des millions de personnes comme le Saint
d'Israël, est venu dans un pays que beaucoup appellent la Terre Sainte, et
son objectif était de susciter un peuple saint. Fait intéressant, le terme
« Terre Sainte » n'est pas dérivé de Ha'aretz HaKadosh, qui pourrait être
traduit par « la Terre Sainte », mais d' Eretz Kodesh, qui signifie
littéralement « terre de sainteté ». L'idée est qu'un peuple saint, vivant
avec l'esprit saint, vivra dans une ville sainte dans une terre sainte.
The Saint pourrait même apparaître à son peuple dans un Saint Temple, plus
précisément dans le Saint des Saints. Le peuple de Dieu était connu comme
étant ses « saints »8
Les apôtres de Jésus continuèrent la
tradition de l'enseignement à l’aide d’illustrations inspirées par les
endroits où ils enseignaient. Les enseignements de Paul donnés dans
diverses villes au cours de ses voyages missionnaires reflètent souvent la
situation locale. À Corinthe, par exemple, il apprit que sur l'Acropole ou
Acrocorinthe, plus de 570 mètres au-dessus de la ville, au moins 1000
prostituées prêtresses fonctionnaient dans le temple d'Aphrodite.9 Étant
donné la perversion du culte dans ce temple notoire, il n’est pas étonnant
qu’à Corinthe Paul ait souligné le rôle véritable du temple de Dieu (1 Co.
3:16-17), le temple représentant le corps de l'Église et celui des
individus et l'urgence de ne pas les souiller.
Vue de
l'Acrocorinthe depuis les ruines de la ville antique de Corinthe
Les images de Jean correspondent aussi au cadre géographique local. On
voit que Jean a une connaissance intime des détails de la situation
géographique, du terrain, de l'approvisionnement en eau et de l'histoire
des villes auxquelles il adresse des lettres dans l'Apocalypse. Laodicée
est la septième des villes de l’Apocalypse et en est un exemple. « Voici
ce que dit l'Amen » (Ap. 3:14) — le grand Jéhovah et Créateur de la terre
était également connu sous le nom de « Amen », signifiant accord et
engagement. C'était pour manque d'engagement que les Laodicéens étaient
condamnés.
« Parce que tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi,
et je n’ai besoin de rien ; et parce que tu ne sais pas ne sais pas que tu
es malheureux, misérable, pauvre... Je te conseille d'acheter de moi de
l’or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche » (Ap. 3:17-18) — il
s'agit apparemment d'une allusion à la richesse de la ville qui a rejeté
l’aide impériale à la reconstruction après le tremblement de terre
destructeur de 60 apr. J.-C. Les Laodicéens étaient fièrement indépendants
des finances de la reconstruction romaine, et certains s’estimaient
spirituellement autosuffisants, ne ressentant absolument pas le besoin de
l'aide de Dieu. Paul les invite maintenant à demander l'aide de la Source
du trésor et de la richesse durables. Comme Jésus l’avait précédemment
enseigné : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et
la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent [et où les
tremblements de terre détruisent et enterrent] : mais amassez-vous des
trésors dans le ciel » (Matthieu 6:19-20).
« Je te conseille
d'acheter de moi... des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la
honte de ta nudité ne paraisse pas » (3:18) — les vêtements blancs font
ici un contraste avec la célèbre laine douce, d’un noir de jais qui
faisait la réputation de Laodicée du temps de Jean. Les vêtements blancs
symbolisaient la propreté et la pureté, comme le révèlent les paroles du
Seigneur à l'Église de Sardes: « Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de
vêtements blancs... ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce
qu’ils en sont dignes » (Ap. 3:5, 4).
L’Amen conseille également
aux Laodicéens « un collyre pour oindre [leurs] yeux, afin qu’ [ils
voient] » (3:18). Le collyre semble être une allusion à une certaine
poudre ou onguent utilisé par la célèbre école de médecine de Laodicée.
S’ils appliquent le genre d’onguent que le Seigneur fournit, cela
permettra aux disciples de voir avec une vision spirituelle et d’être
zélés dans sa cause, de se repentir et de vaincre le monde.
Le
message le plus percutant remis aux Laodicéens, celui qui emploie les
images les plus frappantes, est l'exclamation suivante : « Je connais tes
œuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid
ou bouillant ! Ainsi, parce que tu n’es ni froid ni bouillant, je te
vomirai de ma bouche » (Ap. 3:15-16).
Ruines
enfouies de Laodicée en avant-plan, avec des travertins de Hiérapolis
visibles au loin (tache blanche au-dessus du centre)
La
vallée du Lycos abritait trois villes du Nouveau Testament : Colosses,
Hiérapolis et Laodicée. Laodicée, la dernière des sept villes de
l’Apocalypse de Jean et celle qui est maudite dans les termes les plus
vigoureux, était située à quelque cent cinquante kilomètres à l’est
d'Éphèse et à vingt kilomètres du confluent du Lycos et de la Méandre. La
vallée a été soumise, tout au long de son histoire, à l'activité sismique.
Du fait qu’elle se trouve au cœur d'une zone de secousses sismiques, la
vallée se caractérise aussi par des sources thermales avec leurs eaux
minérales chaudes. A dix kilomètres au nord de Laodicée se trouvait la
ville de Hiérapolis, célèbre dans l'Antiquité (et dans les temps modernes)
pour ses remarquables travertins en terrasses, composés essentiellement de
carbonate de calcium, ayant une série de petites cascades gelées ou
pétrifiées (comme les Yellowstone Mammoth Hot Springs).
Travertins à Hiérapolis, ville-source d'eau chaude pour Laodicée
Les eaux minérales chaudes
de Hiérapolis étaient connues pour leurs propriétés thérapeutiques.
Colosses, à seize kilomètres à l'est de Laodicée, avait non seulement les
eaux chaudes et calcaires habituelles, mais aussi quelques bonnes eaux
fraîches. Par contraste avec les eaux froides de Colosses et les eaux
chaudes de Hiérapolis, l’eau de Laodicée était tiède et émétique
(induisant des vomissements). L'eau de Laodicée provenait d’une source
abondante dans la partie supérieure de la Denizli moderne, à environ huit
kilomètres au sud et était transportée par un aqueduc de pierre jusqu’à la
ville. Les vestiges de l'aqueduc montrent de fortes incrustations dans les
tuyaux de pierre. Une des ruines les plus inhabituelles de la ville
antique, un château d'eau de six mètres cinquante de haut, qui distribuait
de l'eau dans toutes les parties de la ville, possède en son centre un
certain nombre de tuyaux en terre cuite qui sont également incrustés et
obstrués par des dépôts calcaires.
Morceaux
de l'ancien aqueduc menant à Laodicée, gisant dans le désordre et montrant
une forte incrustation due à de l'eau tiède
L'eau de
Laodicée était tiède, comme l'étaient, selon Jean, les œuvres de ses
habitants. La définition habituelle d'une personne tiède la situe entre le
« froid » de l’incroyant et le « chaud » du croyant, bien que cette
définition puisse dans ce cas être trompeuse, en fait fausse. Il n'y a
aucune preuve que les anciens utilisaient les termes froid et chaud dans
le même sens métaphorique que nous aujourd’hui. Dans le contexte de la
lettre à Laodicée et en réalité dans la vallée de Lycos, les eaux froides
et chaudes étaient acceptables et utiles, l’une comme boisson
rafraichissante et l'autre à des fins thérapeutiques. Dans ce contexte,
l’une et l’autre constituent une option louable. En revanche, les eaux
tièdes émétiques devaient inciter le buveur à les vomir de la bouche.
L’usage que fait Jean de la situation géographique locale dans et
autour de Laodicée est efficace et profond. Les eaux froides, chaudes et
tièdes de la vallée du Lycos étaient comparables aux membres de l'Église
du Seigneur : froid et chaud étaient louables et pourraient faire du bien
aux autres (« Puisses-tu être froid ou bouillant ») ; tiède était mal venu
et rejeté.
Les Laodicéens ne s’engageaient pas entre le chaud et le
froid, et, chez le Seigneur, ils ne causaient qu’une réaction comparable
au vomissement. En effet, les Laodicéens ont été « vomis » : il n'y a
aucun Laodicéen qui vive aujourd'hui dans ce lieu antique.
Notes
1 Cité dans Yohanan Aharoni, The Land of the Bible — A Historical
Geography. Londres, Burns and Oates, 1974, p. x. 2 Wright, George
Ernest et Filson, Floyd Vivian, dir. de publ., The Westminster Historical
Atlas to the Bible, édition révisée. Philadelphie, The Westminster Press,
1956, p. 5. 3 Dan Bahat, The Illustrated Atlas of Jerusalem. New York,
Simon and Schuster, 1990, p. 72. 4 Voir Jean 5:1-16. 5 Voir aussi
Frederic William Farrar, The Life of Christ. Londres, Cassell and Company,
1898, pp. 417-418, 432-433, et Alfred Edersheim, The Life and Times of
Jesus the Messiah. Mclean, Virginie, Macdonald Publishing Company, n.d.,
2:158-160, 165-166. 6 Midrash, Shmot Raba, 36, 1. 7 Farrar, op.
cit., 432-433. 8 La Bible hébraïque — l’Ancien Testament — emploie à
dix reprises les termes kadosh ou kadoshim, et dix-neuf fois les termes
hassid ou hassidim, ces quatre termes étant traduits « saints » ou « pieux
». Dans la traduction hébraïque du Nouveau Testament par Delitzsch, le
terme grec hagios est traduit soixante fois kadosh ou kadoshim — saints.
9 Strabon, Géographie 8.6.20. 10 On trouvera de plus amples
renseignements sur le cadre géographique de Laodicée et son rôle dans
l’Apocalypse en consultant les sources suivantes : Bean, George E. Turkey
Beyond the Maeander - An Archaeological Guide. Londres, Ernest Benn, 1971,
pp. 213-217; Hamilton, William J. Researches in Asia Minor, Pontus and
Armenia; with some account of their Antiquities and Geology, 2 tomes.
Londres, John Murray, 1842, pp. 514-517; Harrison, R. K., dir. de publ.
Major Cities of the Biblical World.Nashville, Tennessee, Thomas Nelson
Publishers, 1985, pp. 247-248; Hemer, Colin J. The Letters to the Seven
Churches of Asia in their Local Setting. Sheffield: JSOT Press, 1986, pp.
178-182; Johnson, Sherman E. “Laodicea and its Neighbors” dans The
Biblical Archaeologist, vol. 13, no. 1, février 1950, pp. 5-13 ; Ramsay,
William Mitchell. The Historical Geography of Asia Minor. Publié à
l’origine en 1890, réimprimé par Cooper Square Publishers, Inc., New York,
1972, pp. 85-86; The Letters to the Seven Churches of Asia and their Place
in the Plan of the Apocalypse. Publié à l’origine en 1904 par Hodder and
Stoughton, Londres, réimprimé par Baker Book House, Ann Arbor, Michigan,
1963, pp. 414-423 ; Rudwick, M.J.S., and Green, E.M.B. “The Laodicean
Lukewarmness” dans The Expository Times, vol. 69, n° 6, mars 1958, pp.
176-178; Wood, Peter. “Local Knowledge in the Letters of the Apocalypse”
dans The Expository Times, vol.73, n° 9, juin 1962, pp. 263-264.
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