La Crèche de pierre
L’histoire du premier Noël telle qu’on ne la raconte pas
par
Jeffrey R. Chadwick
deuxième édition
Copyright © 2007, 2011, Jeffrey R. Chadwick
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l’auteur et propriétaire, Jeffrey R. Chadwick. L’auteur peut être contacté
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TABLE
DES MATIÈRES INTRODUCTION DE L’AUTEUR
Si vous aimez Noël… L’histoire du premier Noël
telle qu’on ne la raconte pas CHAPITRE I
Une crèche de pierre CHAPITRE II
Le couple de Galilée CHAPITRE III
Miryam de Nazareth CHAPITRE IV
Rien n’est impossible CHAPITRE V
Yosséf, fils de David CHAPITRE VI
Une vierge enceinte CHAPITRE VII
Le déménagement vers Bethléhem CHAPITRE VIII
La maison construite par Yosséf CHAPITRE IX
La vie dans la grotte CHAPITRE X
De l’automne à l’hiver CHAPITRE XI
Pas de place à l’hôtellerie CHAPITRE XII
Ceci sera un signe CHAPITRE XIII
On lui donna le nom de Jésus CHAPITRE XIV
Au temple de Jérusalem CHAPITRE XV
Les mages d’Orient CHAPITRE XVI
Hérode recherche l’enfant CHAPITRE XVII
Une voix se fait entendre à Rama CHAPITRE XVIII
Rachel pleure ses
enfants CHAPITRE XIX
J’ai appelé mon fils hors d’Égypte CHAPITRE XX
Il sera appelé Nazaréen Annexes ANNEXE 1
La notion de naissance virginale ANNEXE 2
Le timing de la visite des magoushim ANNEXE 3
La Place de la Crèche à Bethléhem ANNEXE 4
Le sixième mois ANNEXE 5
La date de Noël
INTRODUCTION DE L’AUTEUR
Si vous aimez
Noël… Je pense que, si vous aimez
Noël, vous allez aimer ce livre. Et il est fort possible que vous n’en
aimerez Noël que plus une fois que vous aurez découvert l’histoire de la
naissance de Jésus telle qu’on ne la raconte pas. J’appelle cela
l’histoire de Noël telle qu’on ne la raconte pas. Voici pourquoi : en
réalité, la naissance de Jésus ne s’est pas produite comme le raconte
l’histoire traditionnelle de Noël ! Cette
histoire avec laquelle nous avons tous grandi et que nous avons entendue
tant de fois ne s’est pas passée comme on nous l’a toujours dit. Pas du
tout. Ne vous méprenez pas. Nos
traditions de Noël sont un merveilleux héritage et, personnellement, je
les aime beaucoup (...) Et ce que j’aimais le plus, c’était l’histoire de
Noël : un pauvre charpentier de Galilée et sa jeune femme ; leur voyage
long et ardu pour payer l’impôt romain ; le premier soir de Noël dans une
étable ; le nouveau-né de Marie dormant
dans le foin. Les bergers, les anges qui chantent, les trois rois
et même le petit joueur tambour, tout cela c’est l’histoire traditionnelle
de Noël que nous chérissons. Nous la répétons à l’envi dans des livres,
des vidéos et sur des scènes où les enfants revêtus de sorties de bain et
de serviettes deviennent magiquement des bergers et des mages. Mais le
vrai premier Noël ne s’est tout
simplement pas passé comme cela. Le décor que nous représentons en bois
sculpté et avec des figurines de céramique au pied de nos sapins n’a rien
à voir avec la situation de la vie réelle dans laquelle s’est produite la
naissance de Jésus il y a plus de deux mille ans à Bethléhem. Parce qu’en réalité, Joseph
n’étais pas charpentier. Marie et lui n’ont pas dû faire le voyage à
Bethléhem pour payer des impôts. Il n’y avait pas de soldats romains
là-bas pour les harceler. Et il n’y avait pas de rois voyageurs porteurs
de présents. Et il n’y avait évidemment pas de petit joueur de tambour. Il
n’y avait même pas de foin pour y coucher le bébé. Et, aussi étonnant que
cela paraisse, il n’y avait même pas d’étable ! Ce qu’il y avait, par contre,
c’était une crèche. Cette partie de l’histoire est parfaitement
authentique : la crèche dans laquelle on a couché Jésus nouveau-né. Le
Nouveau Testament mentionne explicitement cette crèche à trois reprise en
racontant l’histoire de la naissance de Jésus. Elle a même servi de signe
du ciel. Mais cette crèche de Bethléhem
n’était pas la caisse que nous imaginons. Elle n’était pas utilisée pour y
mettre du foin. Et elle n’était pas faite de planches tenues ensemble par
des cordes comme on le représente si souvent dans les peintures de Noël.
Le berceau temporaire dans lequel on a mis Jésus était en réalité une
crèche de pierre !
Vous seriez en droit de demander : comment pouvons-nous
savoir tout cela ? Voici plus de trente ans que je travaille en Israël
comme chercheur et archéologue sur le terrain avec, comme spécialité, le
cadre matériel et culturel des récits bibliques. Au cours de toutes ces
années, j’ai aussi donné des cours sur le Nouveau Testament dans des
séminaires et pour des programmes d’étude de la religion à l’université.
J’ai donné cours à des
milliers d’étudiants d’université à Jérusalem et en Galilée et je les ai
emmenés plus de cent fois faire des études sur le terrain dans tous les
sites depuis Nazareth jusqu’à Bethléhem. Parce que je considère
personnellement les récits évangéliques du Nouveau Testament comme
authentiques et fiables, je combine, dans mon enseignement, les textes
bibliques à des renseignements d’importance critique fournis par la
géographie historique et la recherche archéologique. Cela débouche sur une
compréhension réaliste et plus authentique des
Écritures qui va au-delà de simples études de
textes. C’est une fusion que l’on
peut qualifier à bon droit d’ « études contextuelles ». Ce livre est le résultat de
toutes ces années d’enseignement, de recherches et de fouilles et utilise
la méthode des « études contextuelles » pour raconter l’histoire réelle du
premier Noël. Nous expliquerons les événements réels entourant la
naissance de Jésus à Bethléhem de Judée dans le contexte de leur époque et
de leur cadre d’origine. Ce récit ne ressemble pas du tout aux histoires
traditionnelles de la saison des fêtes. Il est mieux ! C’est l’histoire
authentique de l’amour et de la foi, de la force et de l’humilité, de
l’autonomie et du labeur d’un couple de jeunes mariés et de leur
détermination à réaliser les desseins de Dieu. C’est le récit que l’on
peut découvrir en creusant profondément dans les évangiles du Nouveau
Testament, raconté comme vous l’auriez vu si vous en aviez été
personnellement témoin. Alors, calez-vous bien dans votre fauteuil,
l’affaire d’une heure, et lisez la
vraie histoire de la naissance de Jésus,
l’histoire du premier Noël telle qu’on ne la raconte pas.
CHAPITRE I
Une crèche de pierre
Avant de commencer l’histoire
du premier Noël telle qu’elle n’a jamais été racontée, prenons quelques
instants pour examiner le seul objet prouvé lié à cet événement maintenant
célèbre : une crèche de pierre. L’évangile de Luc, qui rapporte
les événements de la naissance de Jésus à Bethléhem,
ne parle nulle part ‘étable, de bétail, ni même de foin ou de
paille. Mais il parle à trois reprises de la crèche dans laquelle le
nouveau-né a été mis. Le premier passage est une mention simple dans Luc
2:7 sur Marie et son bébé. « Et elle enfanta son fils
premier-né. Elle l’emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu’il
n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Le passage suivant se trouve
cinq versets plus loin, dans Luc 2:12, et ici c’est un indice pour les
bergers juifs qui vont aller à la recherche de l’enfant. « Et voici à quel signe vous le
reconnaîtrez: vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une
crèche. » Quatre versets plus loin
encore, dans Luc 2:16, ces bergers arrivent à Bethléhem pour faire leurs
recherches nocturnes. « Ils y allèrent en hâte, et
ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la
crèche. » Quiconque a jamais lu
l’histoire de Noël dans la Bible s’est imaginé le tableau. Mais on est
fort étonné quand on apprend que le berceau improvisé dans lequel le
nouveau-né Jésus avait été mis
n’était pas une auge faite avec du bois, comme on le représente
habituellement dans les tableaux modernes. La crèche était en fait une
auge à eau en pierre.
À l’époque moderne, la plupart des gens se sont
habitués à s’imaginer les événements bibliques en fonction de la société
et de la culture matérielle qu’ils connaissent en Amérique, en Europe ou
même ailleurs. Ils créent mentalement, dans une certaine mesure, les
histoires bibliques à leur propre image dans leurs peintures, dans leur
théâtre, dans leur musique et même dans leur littérature. Le résultat de
cette licence de l’imagination est, dans le cas de l’histoire de Noël,
l’image bien connue de la crèche en bois. Or, dans l’Israël antique, les
auges pour animaux n’étaient pas faites de planches de bois ou de perches
entrelacées. La pierre calcaire était beaucoup plus abondante dans
l’Israël antique que le bois (et c’est toujours le cas dans l’Israël
moderne). Tout ce que l’on pouvait faire avec
la roche calcaire on le faisait. Les bâtiments, depuis la maison
familiale jusqu’au palais royal, étaient construits de cette pierre
blanche. La plupart des meubles étaient façonnés, en tout ou en partie, de
ce genre de pierre. Autant qu’on ait pu le constater en faisant des
recherches archéologiques, les auges pour les animaux étaient presque
exclusivement taillées dans l’abondant calcaire blanc d’Israël.
Les archéologues qui font des
fouilles en Israël ont trouvé pas mal d’auges en calcaire. Elles avaient
habituellement la forme d’un bloc et avaient de trente à soixante-quinze
centimètres de haut. Le trou creusé au sommet du bloc n’avait que quinze à
vingt centimètres de profondeur et formait généralement un creux
rectangulaire soigneusement taillé avec un fond plat ou légèrement
concave. Ces auges servaient à abreuver les animaux. La crèche dans laquelle Jésus a
été posé et qui a servi de signe pour permettre aux bergers de le trouver,
était presque certainement une auge à eau de ce genre. Ceci, parce que
dans l’Israël antique, on n’avait pas besoin de mangeoires remplies de
foin. Les animaux domestiques pouvaient brouter l’herbe abondante qui
poussait dans les collines rocailleuses de la Judée. Il y avait de l’herbe
toute l’année. De janvier à avril, l’herbe
était verte et luxuriante. Elle prenait une couleur dorée après avoir
séché dans la chaleur de la fin du printemps, mais elle était tout aussi
nourrissante et disponible tout l’été et l’automne. Quand les pluies
d’hiver commençaient en novembre et en décembre, de nouvelles herbes
apparaissaient. Il ne neigeait que rarement dans la plus grande partie de
l’Israël antique et la neige fondait généralement dans les vingt-quatre
heures, de sorte que l’herbe n’était jamais couverte bien longtemps. Il
n’était pas nécessaire de cultiver des plantes fourragères. Que les gens
possèdent des ânes, des moutons, des chèvres ou des vaches, toute l’année
ils faisaient simplement paître les animaux dans l’herbe abondante qui se
trouvait autour de leurs
villes et de leurs villages.
Si une auge en pierre calcaire
devait être utilisée par les moutons, elle était petite et avait trente à
quarante-cinq centimètres de haut. Cela permettait aux moutons et aux
chèvres de boire sans devoir tendre trop fort le cou en haut ou en bas. Un
âne pouvait aussi baisser la tête et le cou pour utiliser une auge de ce
genre. Mais si le propriétaire n’avait pas de moutons ou de chèvres,
l’auge pour son âne pouvait être plus grande et avoir jusqu’à cinquante à
soixante-quinze centimètres de haut pour que l’animal puisse boire plus
facilement. Ainsi donc, la crèche dans
laquelle on a déposé le nouveau-né Jésus, et qui devait servir de signe
pour que les bergers puissent le trouver, était une auge à eau creusée
dans de la roche calcaire. Il ne s’y trouvait ni foin ni paille, que ce
soit dedans ou autour, car on ne nourrissait pas les animaux de cette
façon. En fait, à part un âne et peut-être une unique chèvre, il n’y avait
probablement pas d’autres animaux présents quand Jésus est né à Bethléhem. Une autre chose à propos de
cette crèche qui pourrait être surprenante, est que c’était une
nouvelle auge, une auge faite
par Joseph lui-même. Tout de suite après son arrivée à Bethléhem avec
Marie, il avait découpé et façonné la crèche dans un gros morceau de roche
calcaire de Judée pour que son âne puisse s’abreuver. Contrairement à la
tradition populaire, Joseph n’était pas charpentier, mais tailleur de
pierre.
CHAPITRE II
Le couple de Galilée
C’est maintenant le bon moment
pour donner à Joseph et à Marie leur vrai nom hébreu, le nom que ceux qui
les connaissaient leur
donnaient. Joseph était appelé Yosséf par ses connaissances. Le nom se
prononçait avec l’accent sur la deuxième syllabe. Et le nom de Marie était
en réalité Miryam, prononcé
Mir-yam, avec le même accent
sur les deux syllabes. Ces deux noms étaient bien
connus dans la Bible hébraïque. Yosséf apparaît dans la Genèse où il
désigne le Joseph vendu comme esclave en Égypte et qui finit comme premier
ministre du pharaon. Et Miryam apparaît dans l’Exode, où elle est la sœur
de Moïse. Le fait de donner leur nom
hébreu original au jeune couple de Galilée confère une authenticité à la
narration de leur étonnante histoire. Cela ne veut pas dire qu’il faut
utiliser les noms hébreux quand nous parlons de Noël. Cela paraîtrait
bizarre. Mais pour ce livre, nous donnerons à Marie son vrai nom, Miryam,
et à Joseph son vrai nom, Yosséf. À part cela, nous ne ferons
aucune tentative dans ce livre pour donner artificiellement « du relief
aux personnages » de cette histoire. Yosséf et Miryam étaient des
personnes réelles et leur véritable personnalité est révélée dans les
pages du Nouveau Testament. Il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des
procédés littéraires pour permettre au lecteur de connaître et d’apprécier
dans une certaine mesure ces deux personnes remarquables.
Voyons maintenant l’histoire.
Quand Yosséf et Miryam, les jeunes nouveaux mariés juifs dont il est
question dans le Nouveau Testament, décident de se rendre à Bethléhem,
ce n’est pas parce qu’ils
doivent s’y rendre pour payer des impôts à l’empire romain. Cette vieille
idée erronée provient de traductions archaïques et fautives des manuscrits
grecs originels des évangiles.
(…)L’évangile de Luc relate le déménagement du jeune couple vers
Bethléhem. « En ce temps-là parut un édit
de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre. Ce premier
recensement eut lieu avant1 que Quirinius soit gouverneur de
Syrie. Tous allaient se faire
inscrire, chacun dans sa ville. » (Luc 2:1-3). Dans la version ci-dessus, les
termes grecs d’origine, apographesthaï
et apoghraphi sont correctement
traduits par « recensement » et « se faire inscrire ». Dans certaines
traductions traditionnelles de la Bible, les termes grecs ont été traduits
de manière incorrecte par « taxation » et « taxés », ce qui a entraîné des
générations de lecteurs à croire
que Yosséf et Miryam étaient allés à Bethléhem pour payer des
impôts aux Romains. Mais ce n’était pas le cas. Les traductions modernes du
Nouveau Testament ont parfois fait dire erronément au texte grec que César
Auguste ordonna un recensement de l’empire romain. Mais cela aussi est
inexact. Il n’y a aucune preuve historique qu’Auguste ait jamais ordonné
un recensement de tout l’empire. Faire un recensement coûtait très cher et
il était donc rare que l’on ait recours à ce procédé. Et quand un
recensement avait lieu, c’était presque toujours au niveau provincial, pas
au niveau impérial. Il est cependant bien connu que
l’on tenait, dans l’empire romain, des registres municipaux déjà pendant
le règne d’Auguste. Les registres municipaux étaient une fonction des
gouvernements locaux et comprenaient l’enregistrement
des noms et des domiciles des habitants de chaque ville aussi bien
que des villages avoisinant ces localités. Comme le note Luc, chaque
personne allait se faire inscrire
dans sa localité. Les registres municipaux étaient naturellement utilisés
à des fins de taxation, aussi bien que pour attester le domicile. On
pouvait aussi les additionner pour obtenir un calcul de population au
niveau régional. Ces relevés
étaient plus pratiques que les recensements proprement dits. Le deuxième chapitre de Luc
rapporte que Yosséf et Miryam (qui attendait famille) quittèrent Nazareth
de Galilée et allèrent à Bethléhem de Judée et que c’était explicitement
pour se faire enregistrer comme résidant dans cette ville : « Joseph aussi monta de la
Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville
de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la maison et de la
famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui
était enceinte » (Luc 2 :4-5). Ce n’était pas seulement Yosséf
qui était inscrit à Bethléhem, mais aussi sa femme Miryam. Ils devenaient
tous les deux résidents officiels de la ville. Et quand le fils de Miryam
naîtrait, il deviendrait, lui aussi, officiellement résident de Bethléhem. Une autre erreur que l’on
retrouve dans presque tous les commentaires du Nouveau Testament est basée
sur ce passage. C’est la vieille idée que pour prendre part
à la soi-disant « taxation » ou
« recensement » ordonné par Rome, le couple de Nazareth fut forcé de faire
tout ce trajet vers Bethléhem, uniquement parce que c’était la patrie de
l’antique roi David, l’ancêtre lointain de Yosséf. Les commentaires
prétendent que Rome avait prévu des aménagements spéciaux pour les Juifs
dont les traditions religieuses spéciales exigeaient soi-disant
qu’ils soient comptés ou taxés dans les villes de leurs ancêtres. D’un point de vue historique,
c’est de la sottise. Rien ne
vient à l’appui de cette idée, que ce soit de la Bible oui d’aucun autre
document historique. Et, d’un point de vue pratique, cela n’aurait
absolument aucun sens. Les gouvernements antiques, comme les gouvernements
modernes, collectaient les impôts localement. Ils ne forçaient pas les
citoyens ou les sujets à faire de longs trajets pour être comptés dans un
recensement ou payer leurs impôts. Trop de gens ne s’y seraient tout
simplement pas soumis. En plus de tout cela, Rome ne
recevait même pas les collectes d’impôts de Galilée ou de Judée à l’époque
de la naissance de Jésus. Hérode le Grand était roi de tout le pays
d’Israël. C’étaient les agents d’Hérode et non les fonctionnaires romains
ni les soldats romains qui collectaient les impôts auprès de la population
juive locale. En fait, il n’y avait, à cette
époque, aucun fonctionnaire ni soldat romain dans tout le royaume
d’Hérode. Bien que le pays d’Israël fût un territoire important dans
l’empire romain, c’était Hérode qui le gouvernait. Il était, bien entendu,
citoyen romain et roi satellite nommé par le sénat romain et soutenu par
l’empereur. Mais il agissait
essentiellement comme agent indépendant au nom de l’empire. Aucune légion
romaine ne stationnait dans le royaume d’Hérode. La police d’Hérode était
sa propre armée, constituée de Juifs, de Samaritains, d’Iduméens et
d’autres païens et mercenaires étrangers.
***
Nous avons introduit pas mal de
données nouvelles dans les quelques dernières pages. Prenons quelques
instants pour résumer ce que nous savons jusqu’ici sur le voyage de Yosséf
et Miryam jusqu’à Bethléhem. Premièrement, ils n’ont pas
fait ce voyage de plus de cent cinquante kilomètres
parce que Rome les y obligeait. Deuxièmement, ils ne sont pas
allés jusqu’à Bethléhem pour payer des taxes. Ils ne s’y sont pas non plus
rendus pour être comptabilisés dans un recensement. Troisièmement, ils n’ont pas
été harcelés par des soldats ou des fonctionnaires romains. Ils n’étaient
pas d’innocentes victimes des circonstances, poussés vers Bethléhem par
des forces dont ils n’étaient pas maîtres. Et quatrièmement, quand le bébé
de Miryam est né à Bethléhem, ce n’était ni une surprise, ni une
coïncidence. C’est
délibérément que Yosséf et
Miryam ont déménagé de Nazareth vers Bethléhem. Le jeune couple savait ce
qu’il faisait et il a mis son plan à exécution avec foi et décision. Ils
se sont installés à Bethléhem dans la ferme intention d’y rester en
permanence. Ils y ont même
acheté un terrain et se sont construit une maison dans la localité. Nous
reviendrons plus loin sur cette maison. C’est délibérément que Yosséf
s’est inscrit et a inscrit sa femme au registre comme habitants de
Bethléhem – un fait que nous lisons dans l’évangile de Luc. Tout
cela, Miryam et lui l’ont fait pour une raison précise : ils savaient tous
les deux que son enfant serait le Messie d’Israël ! Ils étaient tous les
deux au courant de la prophétie qui disait que le Messie d’Israël devait
naître à Bethléhem et que l’on devait savoir qu’il était né à Bethléhem !
Et ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour réaliser cette
prophétie. Notes du chapitre II 1. Le terme « avant » dans Luc
2:1-3 Dans
le passage Luc 2:1-3 ci-dessus, le mot que j’ai traduit par « avant » est
la traduction du grec proto
comme le recommande F. F. Bruce, le spécialiste respecté du Nouveau
Testament, au chapitre 7 de son étude fondatrice intitulée
The New Testament Documents–Are
They Reliable (Eerdmans, sixième édition, 1981).
CHAPITRE III
Miryam de Nazareth
Miryam de Nazareth était une
jeune Juive remarquable. Ce que nous savons de son histoire provient
essentiellement de l’évangile de Luc, mais on trouve quelques détails dans
les autres évangiles du Nouveau Testament
et une ou deux des sources traditionnelles les plus anciennes.
Remontons de quelque neuf mois dans son histoire et examinons ce qui est
arrivé qui l’a mise sur le chemin de Bethléhem. Comme la plupart des femmes des
temps anciens, Miryam était probablement dans l’adolescence quand elle
s’est fiancée. Sa conversation dans l’évangile de Luc donne à penser
qu’elle avait une grande spiritualité, un courage et une volonté
remarquables et une attitude particulièrement mûre pour une personne aussi
jeune. Il est très vraisemblable qu’elle avait tout au plus dix-sept ans
quand elle a été fiancée officiellement et visitée par l’ange. Une source antique dit d’elle
qu’elle était une jolie vierge.
Elle devait avoir les abondants cheveux noirs et les yeux noirs qui
dominaient dans la région. Un autre récit antique, appelé le
Protoevangelion, donne à ses
parents les noms de Yo’akim et
Hannah, des noms
authentiquement juifs. Dans notre langue, Yo’akim est souvent rendu par
Joachim. Et Hannah est écrit Anna en grec et, dans la littérature
chrétienne traditionnelle, on l’appelle sainte Anne. Le Nouveau Testament nous
apprend aussi que Miryam avait une sœur. Dans nos Bibles, ce nom est
habituellement rendu sous la forme « Salomé ». Mais en hébreu, on disait
Shlomit. Elle était
probablement plus jeune que Miryam de plusieurs années. Elle finit par
épouser un homme appelé Zébédée et sera la mère de Jacques et Jean,
cousins de Jésus, lesquels une fois devenus adultes seront choisis pour
être deux des apôtres de Jésus.
(On trouvera une note supplémentaire sur Shlomit à la fin du
chapitre.) La jeune Miryam a donc grandi à
Nazareth avec ses parents, Yo’akim et Hannah, et avec Shlomit, sa sœur
cadette. Elle a à peu près dix-sept ans et est fiancée quand nous la
rencontrons au chapitre un de l’évangile de Luc. Nous y lisons l’événement
traditionnellement appelé
l’Annonciation où l’ange annonce que Miryam va devenir la mère du Fils
de Dieu. Luc rapporte que l’ange Gabriel
est apparu à Miryam au « sixième mois ». Ce devait être le sixième mois du
calendrier juif. Ce calendrier se composait de douze mois lunaires d’une
durée de vingt-neuf à trente jours. Dans le calendrier civil juif de
l’époque de Yosséf et Miryam, l’année commençait au début de l’automne et
on appelait le nouvel an rosh
hashannah, premier jour du mois de
tishri. Le sixième mois après
le nouvel an s’appelait adar et
il se situait entre notre fin février et notre fin mars. C’était au
printemps en Israël.
Adar se situait encore
dans la saison des pluies et les collines printanières de Galilée et de
Judée étaient recouvertes d’une herbe verte luxuriante et de dizaines de
milliers de belles fleurs sauvages multicolores : rouges, jaunes, bleues
et blanches. L’ange Gabriel a dû visiter Miryam vers la fin d’adar,
soit la fin mars. Nous pouvons calculer cela en nous basant sur le
fait qu’immédiatement après la visite de l’ange, Miryam s’est rendue en
Judée pour la pâque, qui avait lieu le mois suivant de
nisan (nous en reparlerons au
chapitre IV). La visite de l’ange a été un
événement qui a causé un grand choc et une grande surprise à Miryam. Luc
écrit que les premiers mots de l’ange furent : « Je te salue, toi à qui
une grâce a été faite ; le Seigneur est avec toi » (Luc 1:28). Miryam en est restée sans voix,
frappée qu’elle était de crainte à la vue et au son de ce messager venu du
ciel. L’ange a continué à rendre son message : « Ne crains point, Marie ;
car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici, tu deviendras enceinte, et
tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Yeshua » (Luc
1:30-31). Le nom hébreu
Yeshua signifie « salut ».
C’est le nom que nous prononçons « Jésus ». L’ange a expliqué : « Il sera
grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le
trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement,
et son règne n’aura point de fin » (Luc 1:32-33). La réponse que la jeune fille
fait à l’ange confirme qu’elle est vraiment vierge. Et elle révèle qu’elle
est aussi totalement pure et vertueuse dans son cœur que dans sa personne
physique. « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point
d’homme ? » (Luc 1:34) La question est très
révélatrice. C’était essentiellement : ‘Comment pourrais-je concevoir
alors que je n’ai jamais eu de relations intimes avec aucun homme ?’ En
d’autres termes, Miryam n’était pas encore devenue sexuellement active, ni
avec Joseph à qui elle était fiancée, ni avec personne d’autre. La réponse fut que Dieu, le
Très-Haut, que beaucoup de Juifs appelaient leur Père céleste, rendrait
Miryam capable de concevoir et d’enfanter. L’ange
lui expliqua de manière métaphorique que « la puissance du
Très-Haut » couvrirait la jeune fille. Le Saint-Esprit viendrait d’abord
sur elle pour la préparer et la sanctifier pour l’événement divin, comme
rapporté par Luc : « Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du
Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui
naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1:35). L’ange n’expliquera pas en
détail la façon dont le Très-Haut ferait en sorte que Miryam conçoive. La
question de cette miraculeuse conception est devenu un sujet de discussion
sans fin, mais il n’y a pas une seule âme sur terre qui soit capable de
dire comment cela s’est fait. L’ange dira simplement en la quittant, et
ses paroles ont été mémorisées par des millions de personnes : « Rien
n’est impossible à Dieu » (Luc 1:37). Et la volonté de Miryam de
s’acquitter de sa tâche divine, une tâche dont elle ne pouvait pas avoir
la notion à ce moment-là, apparaît dans sa dernière réplique à l’ange :
« Marie dit : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon
ta parole ! » (Luc 1:38). Gabriel la quitte alors, la
laissant méditer le message remarquable qu’elle a reçu et se préparer pour
les événements à venir.
***
Une fois de plus, nous avons
traité de sujets neufs dans notre exposé, de points dont on ne parle
généralement pas dans la narration traditionnelle de l’histoire de Noël.
Prenons quelques instants pour résumer ce que Miryam, la jeune fille de
Nazareth, sait maintenant, suite à l’Annonciation,
avant même que son bébé ne soit conçu. Tout d’abord, Miryam savait que
son fils serait le Fils de Dieu : l’ange l’avait appelé Fils du Très-Haut.
Il ne serait pas le fils d’un quelconque mortel, quoi que puissent en dire
les autres. Deuxièmement, elle savait que
son fils serait aussi le Messie d’Israël, l’Oint qui, comme l’avait dit
l’ange, régnerait à jamais sur le trône de David comme Roi de la maison de
Jacob. Et troisièmement, elle savait
même quel serait le nom de son fils : Yeshua ou, comme nous le dirions,
Jésus, signifiant « Salut ». Myriam possédait donc une
connaissance préalable précise de la nature et de l’identité de son futur
premier-né. Mais il y avait une chose qu’elle ne savait toujours pas,
c’était comment Yosséf, son fiancé et futur mari, allait réagir à sa
situation. Ce problème-là était encore éloigné de quatre mois et de
nombreux kilomètres.
***
Notes du chapitre III 1 Shlomit On connaît la sœur de Miryam
par cinq passages du Nouveau Testament. Trois de ces passagers la
décrivent comme présente en tant qu’adulte à la crucifixion de Jésus. Le
récit de Marc 15:40, qui l’appelle Salomé (en grec et en français, voir
aussi Marc 16:1), le nom que nous rendons dans ce livre sous sa forme
authentique, Shlomit. Le récit de Matthieu 27:56 rapporte qu’elle était
« la mère des fils de Zébédée » (voir aussi Matthieu 20:20). Et c’est Jean
19:25 qui relève qu’elle était la sœur de Miryam, mère de Jésus. L’idée
que Shlomit était un peu plus jeune que Myriam découle de la notion
générale que Jacques et Jean, les fils de Shlomit, étaient plus jeunes que
Jésus, fils de Miryam. Bien que ceci ne soit pas une certitude absolue, la
probabilité est élevée. 2 Le sixième mois Dans
La Crèche de pierre, la mention
du « sixième mois » dans Luc 1:26 est présentée comme une allusion au
sixième mois du calendrier juif ordinaire, le mois d’adar
au printemps. On trouvera dans l’annexe 4, à la fin de ce livre, un bref
traitement de ce problème et de la raison pour laquelle « le sixième
mois » doit effectivement désigner le mois d’adar.
CHAPITRE IV
Rien n’est impossible
Nul ne sait comment le Fils de
Dieu a été conçu à l’intérieur de la jeune vierge Miryam. Les détails
n’ont jamais été révélés (voir « La notion de naissance virginale » dans
l’annexe 1 à la fin de ce livre). Nous ne savons pas non plus où
l’événement miraculeux a eu lieu si ce n’est que Marie habitait Nazareth.
Mais nous pouvons calculer approximativement
quand cet événement a dû se
produire. La conception
miraculeuse semble avoir eu lieu très vite après la visite de l’ange,
peut-être immédiatement. Ce devait être vers la fin d’Adar ou du mois que
nous appelons mars. Nous le savons grâce à ce que
Luc nous dit. Il dit qu’après l’apparition de l’ange, Miryam se rendit
immédiatement en Judée (le
texte de Luc dit « en hâte »)
rendre visite à une parente, Élisabeth. Dès le début de la visite, cette
femme plus âgée sentit que Miryam était enceinte : « Elle fut remplie du
Saint-Esprit. Elle s’écria d’une voix forte : Tu es bénie entre les
femmes, et le fruit de ton sein est béni » (Luc 1:41-42). Cette bénédiction a pu être
particulièrement importante pour Miryam, parce que Élisabeth était la
fille d’un prêtre juif et, comme la vierge elle-même, de la lignée antique
d’Aaron. Les paroles d’Élisabeth non seulement confirment pour nous que
Miryam était déjà enceinte, mais reconnaissent aussi la nature divine de
l’enfant nouvellement conçu que la jeune fille de Nazareth portait. La célèbre réponse de Miryam à
Élisabeth a été appelée le
Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit se réjouit en
Dieu, mon Sauveur, parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa
servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront
bienheureuse » (Luc 1:46-48). Le voyage de Nazareth jusqu’en
Judée eut lieu dans les jours qui suivirent la visite de l’ange et la
conception de Miryam. Encore une fois, cela situe
cette conception entre la mi-mars et la fin mars, en d’autres
termes à la fin d’adar, sixième
mois de l’année juive. Mais Miryam ne s’est
certainement pas rendue seule en Judée. Une femme seule n’aurait jamais
fait un voyage aussi long sans être accompagnée. Et elle n’était pas allée
en Judée simplement pour visiter Élisabeth. C’était justement à ce
moment-là, au printemps, qu’avait lieu à Jérusalem la fête annuelle de la
pâque, pendant le mois de nisan.
Les familles de la Galilée se rendaient à la capitale au début du mois de
nisan pour y être largement
avant le début de la semaine de la fête. C’est certainement pendant la
visite de sa famille à Jérusalem pour la pâque que Miryam eut sa première
conversation avec Élisabeth. Miryam a certainement dû faire
à pied, au commencement de nisan,
les cent cinquante kilomètres jusqu’à Jérusalem, un voyage de cinq jours
avec une groupe qui comprenait non seulement ses parents, Yo’akim et
Hannah, et sa sœur Shlomit, mais aussi d’autres parents et amis de
Nazareth. À Jérusalem ils allaient avoir une grande réunion de famille. La pâque était une fête
familiale. Le 10 nisan, un jour
ou deux après leur arrivée, Yo’akim a dû se procurer un agneau et le
mettre de côté pendant quatre jours. Le 14
nisan, le groupe de Yo’akim a
dû emmener l’agneau dans la cour du temple de Jérusalem, le célèbre temple
d’Hérode. Bien que les portiques extérieurs fussent toujours en cours de
construction, c’était le complexe le plus vaste et le plus décoré de tous
les temples de l’empire romain. Des dizaines de milliers de personnes
remplissaient les deux hectares et demi de l’esplanade, le 14
nisan, pour faire immoler leurs
agneaux de la pâque près de l’autel du temple. Chaque famille rôtissait son
agneau tout l’après-midi dans un four de briques d’argile spécialement
préparé dans la cour de sa maison si elle habitait Jérusalem. On avait
installé des fours du même genre dans les cours des auberges de la ville
et dans les centaines de terrains de camping situés tout autour de
Jérusalem juste à l’extérieur des murailles de la ville. Ce n’était qu’à
Jérusalem que l’on pouvait manger le repas rituel composé de l’agneau
rôti, de pain sans levain et d’herbes amères. La fête était bien entendu
complétée par d’autres aliments de fête préparés pour l’occasion. Chaque
année, les Juifs venaient de partout dans le pays d’Israël, de tout
l’empire romain et de la région de Babylone dominée par les Perses,
célébrer la pâque à Jérusalem. Miryam et le reste de la
famille de Yo’akim ont dû rester avec leur parenté pour la semaine de la
pâque, peut-être même avec la famille de Zakarya et d’Élisabeth. Ou
peut-être ont-ils logé dans l’une des nombreuses maisons d’hôtes de la
capitale. Ou alors, ils ont pu loger dans l’un des centaines de camps
permanents qui existaient à l’extérieur de la ville. On ne nous le dit
pas. Mais nous savons que Miryam est
restée en Judée après la fête de la pâque. Elle n’est pas retournée à
Nazareth avec sa famille ce printemps-là. Au lieu de cela, avec
l’approbation de ses parents, elle est restée chez Zakarya et Élisabeth. Luc nous dit qu’elle a vécu
avec Élisabeth pendant trois mois avant de retourner chez elle à Nazareth.
Elle n’était enceinte que de deux ou trois semaines quand la pâque est
arrivée. Pendant les onze ou douze semaines qui ont suivi la fête, elle a
vécu avec ses parents judéens. Elle a dû apprécier de pouvoir converser
avec sa parente plus âgée, car Élisabeth était également enceinte de six
mois, portant l’enfant qui allait être Jean-Baptiste. Miryam a dû passer
son premier trimestre à aider Élisabeth pendant son dernier trimestre à
elle. C’est peut-être même pour qu’elle puisse aider Élisabeth que Yo’akim
et Hannah sont partis sans leur fille. Luc nous dit simplement que
Zakarya et Élisabeth vivaient dans une ville de Judée. Il n’en donne pas
le nom, mais ce n’était pas Jérusalem. Les chrétiens du quatrième siècle
ont conservé des traditions contradictoires concernant l’endroit où
Jean-Baptiste est né. L’une d’elles situe l’événement à Yutah, un village
près de Hébron, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Jérusalem.
Une autre tradition mieux accréditée et peut-être plus vraisemblable veut
que Jean soit né à Ein Kerem, petit village juif à quelque sept kilomètres
à l’ouest de Jérusalem. C’est très probablement là que vivaient Zakarya et
Élisabeth. Si tel a été le cas, Miryam a
pu visiter plusieurs fois Jérusalem après la pâque pendant son séjour
auprès d’Élisabeth en Judée. Il est presque certain qu’il y a eu une
visite à la capitale et au mont du temple cinquante jours après la pâque,
lors de la « fête des semaines » biblique. Aussi appelée
shavou’ot en hébreu, la fête a
habituellement lieu vers la fin de notre mois de mai. Le Nouveau
Testament, écrit en grec, l’appelle la Pentecôte.
En dépit du travail que cela représentait d’aider
Élisabeth, Miryam a dû se plaire en Judée et à Ein Kerem, loin de la lente
régularité de la vie à Nazareth. Pendant la difficulté et l’inconfort de
son premier trimestre, qui a sans doute connu les nausées matinales ainsi
que les changements physiologiques habituels du début de la grossesse,
Miryam a probablement apprécié les conseils et la compréhension
d’Élisabeth.
Mais d’après Luc, Miryam va quitter la maison de
Zakarya au bout de trois mois, juste avant qu’Élisabeth n’accouche de
Jean. Aucune raison ne nous est donnée. Peut-être la nouvelle de la
grossesse de Miryam, qui entre-temps a dû devenir visible, est-elle venue
aux oreilles de ses parents et son père est-il venu la chercher pour la
ramener à la maison. Les cinq jours de voyage de retour à Nazareth ont dû
se situer vers la fin de notre mois de juin. Le trajet, long de cent
cinquante kilomètres par les collines de Samarie et la vallée de Jizreel,
a dû être cette fois plus ardu pour la jeune femme, non seulement à cause
de son état, mais parce que la chaleur de l’été était arrivée.
Au moment où elle arrive dans les collines boisées de
Galilée et entre dans le village de Nazareth cet été-là, juste début
juillet, Miryam commence son quatrième mois de grossesse. Cela se voit et
tout le monde dans le village va bientôt s’en apercevoir, en particulier
le jeune homme à qui elle est fiancée. Miryam a dû se dire : « Qu’est-ce
que Yosséf va penser ? »
CHAPITRE V
Yosséf, fils de David
Yosséf de Nazareth était un
jeune homme tout à fait remarquable. Il se distingue parmi tous les hommes
de l’histoire : fort, prévenant et héroïque. Mais dans ce qu’on a dit de
lui dans les commentaires, il y a beaucoup à corriger. L’une des fausses traditions
qui ont circulé à son sujet au cours des siècles c’est que c’était un
homme d’un certain âge qui, avant
de rencontrer la jeune vierge Miryam, avait déjà été marié. Cette
tradition affirme aussi que Yosséf avait plusieurs fils et filles du
mariage précédent. Ces allégations apparaissent pour la première fois dans
le Protoevangelion, une œuvre
de fiction du troisième siècle, écrite en grec, qui a eu du succès au
quatrième siècle parmi les chrétiens. Mais le
Protoervangelion contredit tout
à fait les récits du Nouveau Testament concernant Yosséf et Miryam (voir
la note à la fin de ce chapitre). Sa description de Yosséf et de Miryam
est presque entièrement inexacte. Par contre, ce que nous
pouvons dire avec une certaine
certitude au sujet de Yosséf est bien plus intéressant. Il a dû naître
vers 30 av. J.-C. à une ou deux années près et était vraisemblablement au
milieu de la vingtaine quand il a épousé Miryam. Cela veut dire qu’il
devait avoir huit ou neuf ans de plus qu’elle. Mais cela n’avait rien
d’exceptionnel à son époque et dans sa culture. Les jeunes hommes devaient
souvent travailler plusieurs années pour économiser de l’argent pour la
dot qu’il fallait remettre à la famille de la jeune fille pour pouvoir
l’épouser. La tradition fait aussi de lui
un pauvre charpentier. Ce n’était certainement pas le cas. S’il
appartenait à coup sûr à la classe ouvrière, il n’était pas le menuisier
démuni que l’on a amené le monde à croire. En fait, il n’était même pas
charpentier. Il était tailleur de pierre de son métier. Le texte grec originel du
Nouveau Testament utilise le mot
tektôn pour décrire Yosséf et son fils adoptif, Jésus. (Les passages
du Nouveau Testament où tektôn
apparaît sont Matthieu 13:55 et Marc 6:3). Le mot grec
tektôn signifiait littéralement
« bâtisseur ». Les traductions traditionnelles rendent erronément
tektôn par « charpentier ». On
peut sans doute pardonner cette erreur aux traducteurs puisque beaucoup de
bâtiments en Europe étaient en bois. Mais dans l’Israël antique, tous les
bâtiments étaient en pierre. Le mobilier était taillé dans la pierre. Les
bâtisseurs professionnels comme Yosséf et le garçon qu’il a élevé
n’étaient pas du tout charpentiers. Ils étaient tailleurs de pierre. Dans l’hébreu et l‘araméen que
Yosséf parlait avec ses amis et ses voisins, le terme utilisé pour
désigner un tailleur de pierre ou un bâtisseur était
boneh (accent sur la deuxième
syllabe). Pour dire « le bâtisseur », on ajoutait l’article défini
ha au terme
boneh. Yosséf, le tailleur de
pierre, devait être appelé Yosséf
ha-Boneh. Réfléchissons un instant à la
façon dont ceci pourrait s’appliquer à Jésus. En grandissant, il a appris
auprès de Yosséf les techniques d’un maître tailleur de pierre. Devenu
jeune homme, Jésus a lui-même travaillé comme bâtisseur pendant plus de
quinze ans avant de commencer ses activités de rabbi. Pendant tout ce
temps, on a dû l’appeler Yeshua
ha-Boneh, « Jésus le bâtisseur ». Mais plus tard, devenu rabbi et
ayant mis fin à sa période de bâtisseur, il aura plutôt reçu le nom de la
localité où il avait grandi et on l’a appelé
Yeshua ha-Natzri, « Jésus le
Nazaréen » ou, comme nous le disons plus souvent, « Jésus de Nazareth ». Dans ses enseignements et ses
paraboles, Jésus ne parlait jamais de menuiserie, mais il employait des
images et u symbolisme empruntés à la construction qu’il connaissait bien.
Par exemple : Un homme prudent qui a bâti sa
maison sur le roc… un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable
(Matthieu 7:24, 26). La pierre qu’ont rejetée ceux
qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle (Matthieu 21:42) Jésus a même donné au chef de
ses apôtres, qui s’appelait Shimon,
le nom symbolique Kefa (que
notre Bible rend par Céphas). En araméen de Galilée,
kefa désignait un bloc de
pierre grossièrement taillé. C’est ce mot qui a été traduit
Petros en grec et qui nous est
parvenu [en français sous la forme Pierre]. L’homme que nous appelons
« Simon Pierre », Jésus l’a appelé
Shimon Kefa. Mais revenons à Yosséf. Le
Nouveau Testament lui attribue deux lignées généalogiques distinctes.
L’évangile de Matthieu le fait fils de
Yakov (Jacob) et
petit-fils de Matthan. Mais
dans Luc, c’est respectivement Héli
et Matthat (variante de
Matthan). Les deux noms donnés
à son père, Yakov et Héli, indiquent probablement qu’on lui avait donné
les deux noms, ce qui n’aurait rien de surprenant. Son prénom complet
devait sans doute être Yakov Héli, fils de Matthan. Ainsi, Yosséf, le
tailleur de pierre, était fils de Yakov
Héli, lui-même fils de Matthan. Matthieu et Luc attribuent à
Yosséf des généalogies masculines différentes à partir de son grand-père
Matthan (voir le tableau ci-dessous). Luc
ne donne pas la généalogie de
Miryam comme on le prétend souvent – il donne l’un des lignages de Yosséf.
Matthieu donne très vraisemblablement le lignage masculin de la mère de
Matthan et Luc probablement le lignage paternel du père de Matthan. Cela
n’aurait rien d’étonnant non plus. L’important pour Yosséf (et
essentiellement pour Jésus) était que les deux lignages généalogiques de
Yosséf remontent jusqu’à David, le roi biblique qui avait régné mille ans
auparavant sur Israël.
Généalogies de Yosséf de Nazareth dans le Nouveau
Testament
(choix de générations)
Matthieu chapitre 1
Luc chapitre 3
Abraham
Abraham
Isaac
Isaac
Jacob (Yakov)
Jacob
(Yakov)
¡
¡
¡
¡
Obed
Jobed
Isaï
Isaï
Le roi David
Le
roi David
¡
¡
¡
¡
Salathiel
Salathiel
Zorobabel
Zorobabel
Abiud
Abiud
¡
¡
¡
¡
Eliud
Jannaï
Eléazar
Melchi
[femme de Lévi]
Lévi
¡
¡
¡
Matthan (Matthat)
¡
Yakov Héli
¡
Yosséf de Nazareth
Yosséf n’était pas unique dans son lignage davidique. Beaucoup d’hommes de
son époque pouvaient se réclamer de l’antique famille royale de Judée. La
‘maison de David’ avait été grande – une dynastie qui avait régné pendant
plus de quatre siècles, de 1000 à 586 av. J.-C. L’attaque babylonienne qui
détruisit la Jérusalem et la Judée de l’âge du fer mit également fin au
règne des héritiers de David. Mais via Zorobabel (qui vécut vers 530 av.
J.-C.) les descendants de la dynastie continuèrent à vivre. Et Yosséf de
Nazareth était spécial en ce sens qu’il faisait partie d’un petit nombre
de Juifs qui possédaient plus d’un lignage à partir du roi David. Il
y avait une grande raison pour laquelle le lignage davidique était
important pour les Juifs de l’époque de Yosséf. Les prophètes bibliques,
depuis Ésaïe jusqu’à Daniel, avaient prédit un retour final de l’antique
royaume israélite qui serait gouverné par un descendant de David,
couramment appelé « fils de David ». Il était attendu de cet homme qu’il
soit suscité et oint par Dieu pour être un roi juste qui rachèterait le
peuple juif de l’oppression et inaugurerait une période de rédemption
spirituelle pour la Maison d’Israël. Le
terme hébreu Meshiah (qui
signifie « l’oint ») était utilisé pour décrire de « fils de David »
prophétisé. Dans le texte grec du Nouveau Testament, le terme
Christos (qui signifie aussi
« l’oint ») est employé pour décrire le
Meshiah juif. Nous, nous disons
« Messie » plutôt que Meshiah
et au lieu de Christos, nous
disons « Christ ». En d’autres termes, le nom-titre « Jésus le Messie »
est la même chose que si l’on disait « Jésus le Christ ».
Chapitre 5 Notes
Note 5 :1 Protoevangelion Le
Protoevangelion est une œuvre
de fiction religieuse, écrite en grec au
IIIe siècle apr. J.-C., qui a été populaire parmi les chrétiens du IVe
siècle. Il prétendait raconter l’histoire de Miryam et de Yosséf avant (proto)
les événements décrits dans les évangiles authentiques de Matthieu et de
Luc.
Nous avons déjà mentionné le
Protoevangelion au chapitre III parce qu’il y est question du nom des
parents de Miryam, Yo’akim et Hannah. Ce sont là des noms juifs
authentiques et c’est probablement la seule information correcte de ce
texte. À part les noms, le
Protoevangelion ne cadre pas avec les récits du Nouveau Testament
concernant Yosséf et Miryam ni avec ce que les archéologues et les
historiens savent de la vie, de la culture et de la religion juives en
Israël. Il fourmille d’erreurs concernant le pays d’Israël, la ville de
Jérusalem, le Temple et son administration, l’ordre sacerdotal et les
procédures du Temple et presque tous les aspects du pays, de la culture et
de l’époque qu’il prétend décrire. Le
Protoevangelion a été créé plus
de trois siècles après le temps de Jésus par des personnes qui ne
connaissaient ni Yosséf ni Miryam, qui n’étaient pas juives et qui
n’avaient pas vécu en terre d’Israël. Sa description bizarre du couple est
souvent absurde et presque entièrement incorrecte, ce qui est la raison
pour laquelle nous mettons ici le lecteur en garde.
CHAPITRE VI
Une vierge enceinte
Joseph devait avoir vingt-cinq ou vingt-six ans, comme nous l’avons déjà
mentionné, quand nous le rencontrons au premier chapitre de l’évangile de
Matthieu.
Jeune homme célibataire, il habitait vraisemblablement encore chez son
père, Yakov Héli. Et il devait déjà travailler depuis plus d’une décennie
comme tailleur de pierre. Les chantiers étaient abondants à Sepphoris,
capitale de la Galilée occidentale, à quelques kilomètres au nord de
Nazareth. Et Yosséf avait certainement pu épargner suffisamment d’argent
pour proposer à Yo’akim, père de Miryam, une dot suffisante pour pouvoir
obtenir sa main en mariage. Le
descendant travailleur de David avait dû épargner suffisamment pour
acheter une parcelle modeste de terrain pour y construire une maison pour
sa jeune épouse.
C’est au plus fort de l’été, à la mi-juillet selon notre calendrier, que
Miryam revient en Galilée après avoir passé trois mois chez Élisabeth. Son
père, Yo’akim, s’était rendu en Judée pour accompagner la jeune femme pour
les cinq jours à pied depuis la Judée, en passant par la Samarie, pour
rentrer dans son village natal de Nazareth.
Mais à son arrivée dans ce village de montagne, il a dû être évident pour
ceux à qui Yo’akim permettait de voir sa fille, que quelque chose était
arrivé à celle-ci. La belle Miryam était dans son quatrième mois de
grossesse ! Matthieu mentionne la situation de la jeune femme en termes
sobres et prosaïques : « Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se
trouva enceinte, par la vertu du Saint-Esprit, avant qu’ils eussent habité
ensemble » (Matthieu 1:18).
Matthieu ne rapporte pas la réaction initiale des parents de Miryam, mais
nous pouvons imaginer qu’ils ont été surpris et perturbés. Il ne rapporte
pas non plus la réaction des gens du village qui se sont aperçus de sa
situation. Mais il est facile
d’imaginer les réactions diverses des gens dans une localité aussi petite
que Nazareth en apprenant
qu’une adolescente célibataire était enceinte. Cela a certainement dû être
un moment difficile à passer pour Miryam. Mais le Nouveau Testament reste
muet sur ses déboires éventuels avec la collectivité locale. Tout ce dont
Matthieu nous fait part, c’est la réaction de son futur mari : « Joseph,
son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer,
se proposa de rompre secrètement avec elle » (Matthieu 1:19) Une
petite explication s’impose ici. Bien que le mariage entre Yosséf et
Miryam n’ait pas encore eu lieu officiellement, les fiançailles,
engagement à se marier, étaient un accord officiel et faisant force de loi
dans la société juive. Il est correct, dans son contexte, que Yosséf soit
appelé « son époux » dans ce passage,
alors que nous, dans notre culture, nous n’utiliserions ce terme
qu’après la cérémonie du mariage.
Yosséf savait que l’enfant que Miryam portait ne pouvait pas être le sien.
Cela nous en dit beaucoup sur lui qu’en dépit du fait qu’il a dû se sentir
trahi, il ne s’est pas laissé emporter par la colère ou le ressentiment et
qu’il n’a pas cherché à la couvrir de honte. Son intention d’annuler leur
mariage en privé et de rompre discrètement avec elle montre qu’il n’était
pas seulement un brave garçon, mais qu’il avait aussi des sentiments très
profonds pour Miryam. Il n’était
pas question pour lui de la voir publiquement déshonorée ou humiliée, même
s’il ne savait que penser de son état.
Nous ne savons pas combien de jours Yosséf s’est rongé les sangs face à la
décision à prendre. Mais c’est à un moment donné de cette épreuve qu’un
ange, peut-être le même ange qui était apparu des mois plus tôt à Miryam,
va lui parler dans une révélation nocturne. « Comme il y pensait, voici,
un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit : Joseph, fils de David,
ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a
conçu vient du Saint-Esprit ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras
le nom de Jésus [Yeshua] ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses
péchés » (Matthieu 1:20).
Nous le répétons, le nom Yeshua
était aussi le mot hébreu qui signifiait « Salut ». Jésus, comme le monde
allait l’appeler, « sauverait » son peuple. C’étaient maintenant Myriam et
Yosséf qui savaient d’avance comment ils devaient appeler l’enfant.
***
Suite à cette révélation, Yosséf, dont l’ange avait également confirmé
l’origine davidique, savait maintenant quatre choses :
Premièrement, et c’était certainement la chose la plus importante pour lui
à ce moment-là, Yosséf savait que Miryam, sa future épouse bien-aimée, ne
l’avait pas trahi : elle n’avait pas eu de relations avec un autre homme.
Sa grossesse était un acte
miraculeux de Dieu. Aussi fantastique que cela pouvait paraître, Yosséf
croyait complètement à la révélation.
Deuxièmement, il savait que son mariage avec Miryam aurait la bénédiction
du ciel, car c’était implicite dans ce que l’ange avait dit.
Troisièmement, il savait que le fils que Myriam allait enfanter serait
divin. Mais il en apprendrait plus sur le sujet de Miryam elle-même. Et
enfin, Yosséf savait aussi qu’il allait devoir assumer le rôle de père
adoptif du futur enfant de Miryam. Il lui avait été dit : « Tu lui
donneras le nom de Jésus [Yeshua] ». Cela voulait dire que ce serait
Yosséf lui-même qui donnerait le nom à l’enfant, une prérogative du père
dans ce contexte culturel.
Dans le contexte juif, cela signifiait aussi présider à la circoncision de
l’enfant, le huitième jour après la naissance, pour conférer le nom. Et
cela voulait aussi dire, que l’enfant, du fait qu’il était l’enfant
adoptif de Yosséf, hériterait des prétentions de celui-ci au lignage
davidique. En vertu de la loi écrite et du droit coutumier, le fils de
Miryam serait appelé « fils de Yosséf » et hériterait de plein droit de
l’héritage généalogique de Yosséf. Ce
ne serait pas le lien sacerdotal aaronique de Miryam qui aurait le plus
d’importance dans l’identité du garçon, mais l’héritage davidique royal de
son tuteur, Yosséf. En temps voulu, les gens appelleraient le fils de
Miryam « fils de David », un terme dans la société juive qui désignait
directement le Messie d’Israël.
*** Le
récit de Matthieu laisse entendre que Yosséf n’a pas perdu de temps après
son songe révélateur et le message de l’ange, et a épousé sa fiancée.
« Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné,
et il prit sa femme avec lui » (Matthieu 1:24). Il
est impossible de deviner à quel point le mariage a été public compte tenu
de la grossesse visible de la jeune mariée.
Il est probable que seule la
famille et les intimes y ont assisté. Mais même ces personnes-là ont dû
croire que la grossesse de Miryam était le fait de Yosséf.
Qui aurait cru le couple s’il
avait dit qu’un ange lui avait parlé et que Miryam était toujours vierge,
que son enfant avait été conçu miraculeusement
sans la participation de Yosséf ni d’aucun autre homme ? Le
village de Nazareth tout entier a dû croire que Miryam et Yosséf avaient
conçu l’enfant des mois auparavant. Comme Yosséf épousait la femme
enceinte, ils ne pouvaient que conclure qu’il reconnaissait lui-même avoir
engendré l’enfant. On imagine les chuchotements qui ont fait le tour du
village sur le jeune couple, même quand leur mariage a eu lieu.
Mais Yosséf et Miryam vont y survivre. Ils se marient
et commencent leur vie commune à Nazareth. Le secret qu’ils
abritent concernant le futur enfant va les renforcer tous les deux face à
l’embarras familial et à la curiosité publique.
Matthieu rapporte aussi qu’ils veillent bien à ce qu’il ne se passe rien
entre eux qui puisse porter
atteinte à l’identité divine de l’enfant. Ils n’auront pas de rapports
sexuels, alors même qu’ils sont mariés, avant la naissance de l’enfant
plusieurs mois plus tard.
« Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils,
auquel il donna le nom de Jésus » (Matthieu 1:25).
Matthieu comprenait que la
conception miraculeuse et la naissance virginale du fils messianique de
Miryam avaient été prédites huit siècles plus tôt par Ésaïe, le voyant. Il
insère dans son récit un passage prophétique tiré du septième chapitre
d’Ésaïe : « Tout cela arriva afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait
annoncé par le prophète: Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un
fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec
nous » (Matthieu 1 :23).
Bien entendu, cette prophétie, qui se trouve
dans Ésaïe 7:14, avait un contexte historique situé à la fin du VIIIe
siècle av. J.-C. Les savants juifs comprenaient généralement ce passage
dans le contexte du conflit entre Juda et Israël au cours du règne du roi
Achaz. Mais il semble que Yosséf l’ait compris comme concernant sa jeune
épouse, qui avait conçu alors qu’elle était toujours jeune fille. Avec le
temps, il a dû transmettre cette conception à sa famille. Matthieu,
l’évangéliste, était probablement le neveu de Yosséf. Le
nom Emmanuel dans la prophétie est la combinaison de trois mots hébreux :
im veut dire « avec »,
anu signifie « nous » et
el est le terme qui désigne
Dieu. Emmanuel, comme le précise Matthieu, signifie « avec nous Dieu » ou,
en d’autre termes, « Dieu est avec nous ». En conséquence de la conception
virginale et de la naissance de Jésus, Dieu allait effectivement être avec
nous dans la condition mortelle, ici-bas. Il devenait clair pour Yosséf
que la prophétie d’Ésaïe prédisait la conception et la naissance
miraculeuses de Jésus.
Mais il y avait aussi une autre prophétie, connue de Yosséf, et aussi de
Matthieu et de quasiment toute la nation juive. Elle prédisait la venue du
Messie comme souverain de la nation d’Israël. Et cette prophétie indiquait
le sud, le sud où était Bethléhem.
CHAPITRE VII
Le déménagement vers
Bethléhem
C’est probablement dans les premières semaines qui ont suivi leur mariage
que Yosséf et Miryam ont dû décider de déménager vers Bethléhem. Ils ont
dû entreprendre leur voyage peu après avoir pris cette décision, peut-être
dès le mois d’août.
Pendant les premiers jours de leur mariage, tandis qu’ils vivaient à
Nazareth, les jeunes mariés se racontèrent les choses que l’ange leur
avait dites à chacun séparément. L’intimité et la confiance qui
s’établirent entre eux lors de ces conversations allaient les fortifier en
vue de ce qui allait arriver. Ils s’empressèrent de comparer tout ce
qu’ils savaient de l’enfant que Miryam portait et de ce que cela allait
signifier dans leur vie commune. Il
avait été dit à tous les deux que l’enfant s’appellerait Yeshua
(« Salut »), rappel de sa mission comme Sauveur. Mais Yosséf avait
seulement appris que le bébé avait été conçu sous l’influence du
Saint-Esprit, tandis que l’ange avait également dit à Miryam que son
enfant serait le Fils du Dieu Très-Haut et hériterait du trône de David.
Quand Yosséf apprit ceci de la bouche de sa femme, que l’enfant serait le
Messie, le « fils de David », il apparut immédiatement que Miryuam et lui
ne pouvaient pas rester à Nazareth. Yosséf sut que sa femme et lui
devaient aller s’installer en Judée, à Bethléhem.
Michée, l’antique prophète juif, contemporain d’Ésaïe, avait prédit que le
souverain futur d’Israël (le Messie) viendrait de Bethléhem. De même que
le roi David était né plus de mille ans plus tôt à Bethléhem, le « fils de
David » serait envoyé dans la condition mortelle dans ce même village de
Judée.
« Et toi, Bethléhem Ephrata, petite entre les milliers de Juda, de toi
sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël, et dont l’origine remonte
aux temps anciens, aux jours de l’éternité » (Michée 5:2 ; 5:1 dans la
Bible hébraïque).
Ephrata, mot qui signifie « fertile », désignait aussi
Bethléhem. Et ce passage était bien connu des Juifs qui attendaient
que Dieu envoie l’Oint. Le chapitre dans lequel il apparaît
était une haftara (un
passage des prophètes lu à haute voix lors du service hebdomadaire à la
synagogue). Le chapitre en question n’était lu qu’une fois par an au cours
de l’été et Yosséf l’avait probablement entendu récité justement ce même
mois. Il était
universellement reconnu que ce passage prédisait que le Messie naîtrait à
Bethléhem. Dans les évangiles du Nouveau Testament, la prophétie est
mentionnée tant au deuxième chapitre de Matthieu qu’au septième chapitre
de Jean.
Yosséf et Myriam en conclurent tous les deux qu’ils devaient déménager
vers Bethléhem. Cela n’avait rien à voir avec des taxes ou avec un
recensement. Ils se rendaient tout simplement compte que leur fils devait
naître dans l’ancienne patrie du roi David pour accomplir la prophétie de
Michée et pour être reconnu comme l’Oint d’Israël.
Mais cela n’allait pas être facile. Bethléhem se trouvait à cent cinquante
kilomètres au sud de Nazareth. Ni Yosséf ni Miryam n’avaient de famille ni
d’amis là-bas. Ils ne connaissaient personne dans la localité et ils
allaient être, comme l’aurait dit Moïse, des étrangers dans un pays
étranger. Il leur faudrait
reconstruire toute leur vie dans une communauté inconnue.
Leur déménagement aurait au moins l’avantage que personne à Bethléhem ne
serait au courant de leur histoire. Là-bas, personne ne saurait que Miryam
avait conçu des mois avant leur mariage. Le couple échapperait au moins
aux regards critiques et aux commérages des villageois de Nazareth où leur
vie était devenue si inconfortable.
Joseph et Miryam firent donc des préparatifs pour quitter Nazareth. Ils
réunirent les possessions dont ils auraient besoin. Ce n’était
probablement pas plus que ce qu’ils pouvaient mettre sur le dos d’un seul
âne. Le jeune couple fit avec émotion ses adieux à ses parents, à sa
famille et à ses amis et partit pour la Judée. Il
est vraisemblable qu’ils firent à pied les cinq jours de voyage puisque
l’animal de Yosséf portait les bagages. Bien qu’enceinte de près de cinq
mois, Miryam était toujours capable de suivre l’antique piste qui
traversait la vallée de Jizreel, montait dans les collines de Samarie et
menait vers le sud à la Judée. Leur dernier jour de marche, ils passèrent
devant Jérusalem, la plus grande ville du pays, et firent encore les huit
kilomètres qui les séparaient du village où ils allaient s’installer.
Arrivés à Bethléhem, leur premier souci fut de trouver un endroit où
loger. Il n’y avait pas d’hôtels dans le village. Ce que nos Nouveaux
Testaments appellent parfois pompeusement « hôtellerie » (traduction du
grec kataluma) était simplement
une chambre d’hôtes dans une maison du village. Ces logements n’étaient
pas toujours disponibles, mais il est possible que le couple ait pu avoir
une chambre d’hôtes simple pour ses quelques premiers jours dans le
village.
Pendant ces premiers jours, Yosséf exécuta deux parties importantes du
plan que Miryam et lui avaient conçu pendant qu’ils étaient encore à
Nazareth. L’une d’elles consistait à aller trouver le magistrat du village
et de les faire inscrire, sa femme et lui, comme résidents de Bethléhem.
Comme nous l’avons déjà vu, c’est écrit dans l’évangile de Luc : « Joseph
aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en
Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la
maison et de la famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa
fiancée, qui était enceinte » (Luc 2:4-5).
Pour pouvoir s’inscrire comme résidents, Yosséf était obligé de prouver
que Miryam et lui, nouvellement arrivés dans le village, allaient s’y
installer de manière permanente. Ceci ne posa cependant aucun problème
grâce à l’autre partie de leur plan. Yosséf prit une grosse somme d’argent
qu’il avait emportée de Nazareth et acheta un lopin de terre à l’extrémité
sud-est du village. Il commença à y construire une maison pour sa jeune
femme et lui.
CHAPITRE VIII
La maison construite par
Yosséf
Les
gens sont presque toujours surpris quand ils apprennent que Yosséf s’est
construit une maison à Bethléhem. Mais le Nouveau Testament mentionne bel
et bien cette maison dans laquelle Yosséf et sa jeune femme vivaient. Le
deuxième chapitre de l’évangile de Matthieu rapporte que quand les mages
sont venus de l’Orient à
Bethléhem à la recherche du nouveau-né qui allait être le Messie, ils ont
trouvé Miryam et le bébé dans une maison : « Ils entrèrent dans la maison,
virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et
l’adorèrent » (Matthieu 2:11).
C’était la maison construite par Yosséf. Il l’avait construite pour
abriter sa petite famille puisqu’ils s’étaient inscrits à Bethléhem et
avaient l’intention d’y vivre de manière permanente. Leur intention était
que le fils de Miryam non seulement naisse à Bethléhem mais y soit aussi
inscrit et y grandisse pour être finalement connu sous le nom de « Jésus
de Bethléhem ». À
Nazareth, Yosséf n’aurait pas été obligé d’acheter un terrain ni de
construire une maison avant de
prendre Miryam pour femme. Le jeune couple aurait pu vivre dans la maison
du père de Yosséf, Yakov Héli, jusqu’à ce que le jeune bâtisseur puisse
mener à bien l’achat d’un endroit à Nazareth où il pourrait construire sa
maison. Il en allait tout autrement à Bethléhem. Yosséf n’y avait pas de
famille où il aurait pu loger. Il lui fallait prendre ses dispositions
pour construire immédiatement sa maison. Il
était rare que l’on achète ou vende des maisons dans un petit village
comme Bethléhem. Les familles vivaient dans leurs maisons pendant des
générations et ne vendaient pas les bâtiments. Yosséf ne pouvait pas
s’attendre à pouvoir acheter une
maison existante dans la localité qui allait être sa nouvelle
demeure pas plus qu’il ne pouvait espérer en louer une. Même si une maison
avait été disponible, il aurait été beaucoup plus coûteux avec le temps de
l’acheter ou de la louer que d’acheter un lopin de terre et de la
construire lui-même. Et
Yosséf était un homme qui pouvait construire sa maison lui-même. Il était
tailleur de pierre de métier et il avait construit de nombreux bâtiments
au cours de ses années de métier dans les collines de Galilée. Il était
plus que capable de construire sa maison, en majeure partie tout seul. Les
matériaux de construction étaient les mêmes à Bethléhem que ceux avec
lesquels il avait travaillé en Galilée, la calcaire blanc du pays
d’Israël.
N’étant pas fermier, il n’avait pas besoin d’un grand terrain pour sa
maison de Bethléhem. Il ne lui fallait pas de grandes prairies pour faire
paître du bétail ou des moutons, pas plus qu’il ne lui en fallait pour un
verger, un vignoble ou une grande oliveraie. Le bout de terrain modeste
qu’il acheta devait être simplement assez grand pour sa maison, quelques
oliviers et arbres fruitiers, un potager et une place pour abriter son âne
et une ou deux chèvres pour avoir du lait. Il se peut qu’avec le temps il
aurait voulu agrandir sa petite propriété et créer un verger ou une
oliveraie plus grande. Mais pour le moment, sa famille allait vivre de son
métier de tailleur de pierre et non de la culture de champs étendus.
Depuis des siècles, les propriétés étaient mesurées au
dunnam dans le pays d’Israël.
Le mot
dunnam est toujours utilisé
aujourd’hui tant parmi les Juifs que par les Arabes d’Israël. Un
dunnam équivaut à peu près à
dix ares et la plupart des terres dans l’Israël antique étaient achetées
et vendues sur la base de cette mesure. Yosséf a probablement acheté un
seul dunnam de terre pour sa
maison. Ce devait être suffisant pour ce qu’il voulait faire. Le
gros de l’agglomération de Bethléhem se situait autour du puits du village
qui était alimenté par une source d’eau pure souterraine. C’était ce même
puits qui est mentionné dans l’histoire de David quand il aspirait à
« boire de l’eau de la citerne qui est à la porte de Bethléhem » (2 Samuel
23:15-16). La rue principale qui menait dans le village bifurquait de la
route vieille de deux mille ans qui menait de Jérusalem à Hébron. Au nord
des limites de la petite localité, il y avait un bâtiment de pierre, un
monument construit au-dessus de l’antique tombe de Rachel, la matriarche
biblique. Du
temps de Yosséf, le voyageur qui venait de Jérusalem passait devant la
tombe de Rachel et faisait quelques centaines de mètres avant d’entrer
dans Bethléhem par le nord. Il arrivait presque immédiatement sur la place
du village et devant l’antique puits de David. Au cours des siècles,
Bethléhem s’était étendue vers le sud à partir du puits et beaucoup de ses
citoyens vivaient maintenant au sud du vieux centre du village. Le
dunnam de terrain acheté par
Yosséf de Nazareth était assez loin du centre du village. Il occupait un
promontoire à plus de huit
cents mètres au sud-est du puits. Le terrain était accidenté sur le
versant sud-est de la colline au sommet de laquelle se trouvait le
village. De grandes plaques de roche calcaire affleuraient. Il y avait un
certain nombre de petites grottes de calcaire çà et là sur la colline
environnante. L’une de ces grottes se trouvait sur le terrain acheté par
Yosséf pour sa maison. Les
matériaux de construction pour la maison de Yosséf abondaient sur ses dix
ares d’escarpement orienté vers l’est. Il y avait de la pierre calcaire
partout et il n’allait pas y avoir de problème pour extraire des blocs de
pierre pour le bâtiment. Il
y avait heureusement aussi des petites sources d’eau le long de ce
promontoire. L’une d’elles était à quelques dizaines de mètres du terrain
de Yosséf. Cela voulait dire que Miryam n’aurait pas à faire à pied tout
le chemin jusqu’au puits de David sur la grand place de Bethléhem pour
rapporter à la maison la quantité d’eau nécessaire chaque jour. Du
lopin de terre de Yosséf et
Miryam on avait un beau panorama vers l’est jusque dans les oliveraies à
flanc de colline en contrebas et les étendues non cultivées de
broussailles où les bergers juifs faisaient paître leurs troupeaux à
longueur d’année. Plus loin vers l’est s’étendait le désert judéen où se
trouvait la colline en forme de cône au sommet de laquelle le roi Hérode
avait construit la forteresse du Hérodion, son palais principal en dehors
de Jérusalem. Le paysage
diversifié à l’est allait rendre la nouvelle maison de Yosséf d’autant
plus agréable à vivre.
Après leur arrivée vers la fin de l’été, cela a dû prendre une quinzaine
de jours à Yosséf pour trouver ce terrain, un terrain qui répondait aux
besoins du couple et dont le prix ne dépassait par la somme qu’il
épargnait depuis longtemps dans ce but. Cela a pu prendre plus de quinze
jours, mais les négociations et l’achat étaient certainement terminés dès
septembre.
Lorsque le couple prit possession de son terrain, il s’y installa et
commença à y vivre avant même que la maison ne fût construite. La grotte
peu profonde dans l’escarpement calcaire constituait un abri parfait. Il
allait lui servir de camp temporaire pendant les quelques mois qu’il
allait falloir à Yosséf pour construire la maison. C’était beaucoup mieux
que vivre sous la tente. La grotte leur offrait fraîcheur
et protection contre le soleil de la fin de l’été et contre la
brise glacée des nuits d’automne. Avec seulement un petit feu pour la
cuisson, ce devait aussi être un logement chaud et sec pendant les pluies
d’hiver trois mois plus tard.
Yosséf et Miryam installèrent donc un petit logement de fortune dans la
petite grotte peu profonde de roche calcaire sur leur lopin de terre
récemment acheté à l’extrémité sud-est de Bethléhem. Ils allaient passer
quatre ou cinq mois dans cette grotte. Ils ne se seraient jamais douté
qu’elle deviendrait un jour un site célèbre dans le monde entier. De
nos jours, des touristes et des pèlerins venus du monde entier se rendent
à Bethléhem pour célébrer leurs traditions concernant la naissance de
Jésus. Ils entrent dans « l’église de la Nativité, un bâtiment datant du
septième siècle situé à côté de la « Place de la Crèche » et restent
impressionnés devant l’architecture byzantine ancienne de la chapelle.
(Voir la description de l’église dans l’annexe 3). En dessous de l’autel
médiéval de la chapelle, il y a une pièce décorée. On y accède en
descendant des marches de pierre décorées, la grotte que Yosséf a utilisée
comme logement temporaire et dans laquelle Miryam a donné le jour à son
fils, Yeshua, le bébé que le monde allait appeler Jésus.
CHAPITRE IX
La vie dans la grotte
Avant même que Yosséf puisse commencer à se construire une maison pour sa
femme et lui, il y avait un certain nombre de choses urgentes à faire.
Parmi les premières, il y avait une crèche à fabriquer pour que son âne
ait à boire.
Cela n’a dû prendre que quelques heures à Yosséf pour découper un gros
morceau de roche calcaire détaché pour en faire un bloc d’environ
cinquante centimètres de haut sur cinquante centimètres de long. Il
suffisait qu’il ait t trente centimètres de large et le bassin qu’il
creusa au sommet du bloc ne devait avoir que quinze à vingt centimètres de
profondeur. Mais cette auge de pierre serait suffisamment profonde pour
contenir de l’eau pour répondre aux besoins de leur animal pendant un
jour. Il
se peut que Yosséf ait découpé une deuxième crèche un peu plus petite pour
une chèvre que Miryam et lui ont dû acheter pour avoir du lait et du
fromage. Les animaux pouvaient paître l’herbe sauvage riche qui poussait
dans les champs non cultivés situés en contrebas de leur domicile. Qu’elle
soit brune et sèche en été ou nouvelle et verte pendant la saison des
pluies en hiver, elle était nourrissante, disponible toute l’année et
gratuite.
C’était probablement la tâche de Miryam d’emmener les animaux paître dans
les champs une heure le matin et en fin d’après-midi, en tous cas jusqu’à
ce que sa grossesse soit avancée au point qu’elle ne pourrait pas
parcourir le sentier abrupt. Elle a dû voir d’autres personnes paître
leurs animaux dans les mêmes champs. Les bergers juifs poussaient des
troupeaux entiers de moutons et de chèvres de lieu en lieu dans les
kilomètres et les kilomètres de champs herbeux des collines de Bethléhem,
profitant de la nourriture abondante qui y poussait toute l’année.
Ayant dépensé la plus grande partie de ses économies pour acheter le
terrain, Yosséf, avant de pouvoir commencer à construire sa maison, avait
une autre chose à faire : trouver un travail rémunéré.
Contrairement à la tradition populaire, Yosséf et Miryam n’étaient pas
pauvres. Ils n’étaient pas sans abri non plus. Il est évident qu’ils
n’étaient pas riches. La meilleure description que l’on peut faire d’eux,
c’est dire qu’ils appartenaient à la classe ouvrière.
Yosséf avait travaillé dur pour avoir l’argent qu’il avait
économisé pour son mariage et dont il allait maintenant avoir besoin pour
entretenir sa petite famille. Heureusement il y avait à l’époque beaucoup
de travail pour un tailleur de pierre capable. Il
a pu travailler à des chantiers de construction occasionnels à Bethléhem.
Il y avait toujours quelqu’un qui souhaitait agrandir une maison existante
ou en construire une nouvelle. Mais il aura plus vraisemblablement
trouvé un travail permanent à
Jérusalem située à quelque huit kilomètres au nord. Le plus grand chantier
de tout l’empire romain était en cours sur la magnifique montagne du
temple. Les artisans comme Yosséf étaient demandés et pouvaient facilement
y trouver du travail. Le
complexe monumental du temple juif, que nous appelons le temple d’Hérode,
était depuis longtemps en cours de construction. Quinze ans plus tôt, en
20 av. J.-C., le roi Hérode avait entrepris ce chantier pour démanteler le
temple de Zorobabel, vieux de cinq cents ans, et pour ériger à sa place un
nouvel édifice plus spectaculaire. La construction du temple proprement
dit n’avait pris que dix-huit mois et avait été assurée par plus de mille
prêtres d’Aaron spécialement formés comme tailleurs de pierres.
Mais la construction des cours extérieures, des murs de soutien, des rues
et d’une basilique royale dans le complexe continua pendant des
années. Le site tout entier couvrait une superficie de 145 dunnams (neuf
hectares). Et tout était en pierre, de la pierre qu’il fallait couper,
tailler et graverer de décorations sculptées par des artisans qualifiés. Un
artisan capable comme Yosséf pouvait gagner deux
deniers par jour, ce qui
équivalait à quatre sheqels
(sicles). Un sicle était une pièce d’argent qui valait à peu près la
moitié d’un denier (le
denarius romain). Un sheqel
valait une vingtaine de nos euros et un denier (deux sheqels) était ce
qu’un ouvrier non qualifié ou un ouvrier agricole pouvait gagner en une
journée complète de travail. Mais un artisan comme Yosséf prenait le
double de cette somme. Transposé dans le langage d’aujourd’hui, Yosséf
gagnait quelque chose comme
quatre-vingts euros par journée de travail pour sa main d’œuvre
spécialisée. Le travail quotidien de Yosséf
fournissait à Miryam de l’argent pour acheter des produits alimentaires de
base comme de l’huile d’olive, de la viande, de la volaille, des légumes,
des fruits et du vin. Elle pouvait aussi acheter
quotidiennement de la pat
(pain de pita) fraîche auprès
du boulanger local ou, pour épargner quelques
prutas, elle pouvait acheter du
blé qu’elle pouvait moudre en farine pour faire elle-même son pain. En
plus de la chèvre, le couple a pu acheter deux ou trois poules pour avoir
des œufs frais. Ils devaient cependant faire
preuve de sagesse dans la gestion de leur argent et ne pouvaient gaspiller
le moindre pruta, la plus petite des pièces juives, qui valait
l’équivalant de 80 cents dans la monnaie d’aujourd’hui. Dans nos Bibles,
le pruta est souvent appelé « obole » ou « quadrant ». Yosséf devait également acheter
des ciseaux et d’autres outils relatifs à son travail tant à la montagne
du temple à Jérusalem que pour la construction de sa maison à Bethléhem.
Et il allait avoir besoin d’autres matériaux de construction tels que des
cordes, des perches de bois et des poulies. Pour gagner l’argent dont il
allait avoir besoin, mais aussi pour avoir du temps pour la construction,
Yosséf travailla probablement trois ou quatre jours sur les six jours
ouvrés de la semaine sur le chantier de la montagne du temple. Il devait
se lever tôt, avant l’aube, et il lui fallait une heure et demie pour
faire les huit kilomètres qui séparaient Bethléhem de Jérusalem. Quand
l’hiver succéda à l’automne et que les journées devinrent plus courtes, il
ne passa plus que sept à huit heures par jour sur le chantier. Il arrivait
chez lui à la grotte à la tombée de la nuit. Il consacrait les deux autres
jours de chaque semaine à construire la maison pas loin de l’entrée de la
grotte. La première chose qu’il fit fut de choisir l’un des endroits où la
roche affleurait à l’endroit le mieux situé de son terrain et d’évacuer la
fine couche de terre recouvrant la roche tout autour de l’endroit choisi.
Une fois une superficie suffisante dénudée pour la maison, il fallut la
niveler pour former l’assise. Cela se fit à l’aide d’un marteau et d’un
ciseau et prit plusieurs journées complètes. Une fois le plan des murs
mesuré, il fit, dans la roche nivelée, une tranchée de fondation de
quelques centimètres de profondeur sur quarante centimètres de large,
juste assez pour y adapter proprement la première rangée de blocs. Miryam put aider Yosséf pour
beaucoup de tâches dans la construction. Leur âne et de la corde servirent
à traîner des morceaux de roche détachés suffisamment grands pour en faire
des blocs jusqu’à l’emplacement des futurs murs de la maison. Une fois
tous les gros morceaux de roche libres utilisés, Yosséf dut extraire des
pierres dans le massif rocheux. Il a peut-être découpé des pierres de
l’intérieur de la grotte, ce qui aurait aussi permis d’en niveler le sol
et les parois et de donner plus d’uniformité à l’espace intérieur. Comme nous l’avons déjà vu, on
appelait kefa un bloc de pierre
brut dans l’araméen parlé par les bâtisseurs galiléens. Mais une fois
proprement taillé, le bloc de pierre était appelé du terme hébreu plus
ancien gazit. Pour s’assurer
qu’un gazit était coupé
parfaitement carré pour qu’il s’adapte de manière rigoureuse aux autres
blocs du mur, les tailleurs de pierre utilisaient une équerre généralement
en bronze. On se servait d’un autre outil
pour déterminer les dimensions des blocs ainsi que la longueur et la
hauteur des murs et d’autres éléments du bâtiment. C’était
une règle de bois ou de bronze d’environ cinquante-quatre
centimètres de long appelée amah
en hébreu et en araméen. Dans nos Bibles on l’appelle « coudée ». Dans les murs de la maison
construite par Yosséf, chaque bloc de pierre avait une longueur d’une
coudée ou cinquante-quatre centimètres. Il n’était pas nécessaire
d’utiliser des pierres plus grandes dans une construction de taille
réduite. Des pierres plus longues qu’une coudée auraient
de toute façon été trop lourdes pour que Yosséf ait pu les soulever
avec le système de levage léger qu’il utilisait. Le système en question pouvait
être placé avec des perches en bois au-dessus de la partie du mur sur
laquelle il travaillait. Il servait à soulever les blocs à un ou deux
mètres au-dessus du sol pour les mettre en place à mesure que les murs
montaient. Une des tâches auxquelles
Miryam pouvait aider, même dans sa grossesse avancée,
était de fixer la corde de la poulie une fois que Yosséf avait
monté le bloc suffisamment haut. Ils travaillaient ensemble, lui hissant
et posant soigneusement chaque bloc de pierre, elle fixant l’extrémité de
la corde à une pierre beaucoup plus grande par terre à quelques mètres du
mur. Yosséf tirait sur le bloc pour le mettre en place et, à son signal,
Miryam détachait son extrémité de la corde de la grosse pierre et le gazit
se déposait dans l’espace qui lui était réservé. Il fallait à Yosséf et à Miryam
toute une journée (neuf à dix heures) de travail pour tailler, faire la
finition et poser six à sept blocs tout au plus. Lui veillait tout
particulièrement à ce qu’elle ne fasse pas d’efforts excessifs. Rien ne
devait la mettre en danger ni l’enfant qu’elle portait. Il allait leur falloir des mois
pour construire leur modeste maison. Mais au bout de plusieurs semaines,
les murs montaient et le jeune couple pouvait se réjouir à l’idée de
passer de la grotte à leur maison confortable.
CHAPITRE X
de l’automne à l’hiver Vers la fin de notre mois de
septembre, c’était le Nouvel-an juif. Le premier jour du premier mois,
appelé tishri,
marquait la « fête des trompettes ».
Déjà alors on l’appelait du nom qu’on lui donne toujours
aujourd’hui, rosh hashannah la
« tête de l’année ». Le temple d’Hérode à Jérusalem
était au centre de la fête. Des milliers d’hommes, chacun avec son
shofar (corne de bélier) en
main, faisait sonner sa trompette toute la journée. Les sacrifices
accomplis sur le grand autel de bronze étaient accompagnés du bruit fait
par cinquante mille fidèles visitant les vastes cours du complexe,
marquant le début de l’automne. Rosh hashannah était un grand
sabbat, un yom tov, même quand
il tombait un jour de semaine. Un jour comme celui-là, Yosséf ne
travaillait certainement pas à la construction de sa maison. Il est
probable que sa femme et lui sont allés jusqu’à Jérusalem pour participer
aux festivités. Cette nouvelle année allait être l’une des plus
mouvementées de leur vie. Miryam était maintenant
enceinte de six mois. Tant de choses s’étaient produites depuis que Yosséf
avait appris, juste trois mois plus tôt, qu’elle attendait un enfant. Leur
mariage, leur décision de quitter Nazareth, leur long voyage jusqu’en
Judée, leur installation à Bethléhem et la maison qu’ils avaient commencé
à construire, il y avait largement de quoi alimenter leurs réflexions en
ce jour de fête. Mais l’avenir leur réservait encore tant de choses. Son deuxième trimestre de
grossesse n’avait pas été physiquement difficile s’agissant de porter son
bébé. Mais elle avait travaillé dur avec son mari pour s’installer
temporairement dans leur grotte et l’aider à construire la maison. Et les
trois mois à venir allaient apporter des problèmes encore plus grands du
fait qu’elle s’arrondissait de plus en plus et était de moins en moins
capable de se déplacer et de travailler. Dix jours après rosh hashannah,
au début de notre mois d’octobre, venait le jour de jeûne solennel du
yom kippour– le jour biblique
des Expiations. Comme le voulait la Torah (la Loi de Moïse), Yosséf jeûna
du coucher du soleil au coucher du soleil, vingt-quatre heures sans
nourriture ni boisson. Mais pas Miryam étant donné que l’interprétation de
la Torah exemptait toute personne chez qui l’absence de nourriture
pourrait être nuisible pour sa santé. Le bien-être de son futur enfant
était trop important pour risquer un jeûne, même à yom kippour. Quatre jours après yom kippour
commençait souccoth, une fête qui durait une semaine.
Souccoth veut dire « cabanes »,
mais la Bible traditionnelle appelle souccoth « fête des tabernacles ».
Les sept jours de la fête annuelle de souccoth servaient à la fois de fête
de la moisson d’automne et de rappel du séjour de l’antique Israël dans le
désert du Sinaï avec le prophète Moïse. Des sacrifices et des festivités
joyeuses avaient lieu au temple de Jérusalem. Les Juifs priaient à haute
voix dans leur talit, leur
châle de prière, tandis qu’ils tenaient dans les mains le traditionnel
« quatre espèces », un agrume appelé
étrog (« citron » en français)
et un bouquet de branches d’arbres comprenant du saule, du myrte et un
loulav ou feuille de palmier. Chaque famille construisait une
hutte appelée soucca dans son
champ, sa cour ou même sur le toit plat de sa maison. La soucca était
faite de perches de bois couvertes de feuilles de palmier ou d’autres
branches d’arbres. Pendant la semaine de la fête, les familles prenaient
leurs repas et passaient même la nuit, quand le temps le permettait, dans
leurs souccoth. En dépit du fait que Miyam et lui vivaient déjà dans un
abri improvisé, il est probable que Yosséf construisit une petite soucca
où sa femme et lui prenaient leurs repas, juste à l’extérieur de leur
grotte, à côté de leur maison inachevée. Jérusalem était bondée de
milliers de visiteurs pendant le mois de tishri quand rosh hashannah, yom
kippour et souccoth se succédaient sur une période de trois semaines. (On
trouvera la mention de ces fêtes d’automne dans Lévitique 23:24-44).
Pendant cette période, les travaux du grand complexe du temple
s’interrompaient et Yosséf dut se concentrer sur la construction de sa
maison. Il ne travaillait pas le jour du sabbat hebdomadaire (samedi) ni
les jours des fêtes elles-mêmes, qui étaient aussi des sabbats. Mais
pendant les quelque quatorze jours intermédiaires de la période des fêtes,
il put s’avancer pas mal dans ses travaux. Bloc après bloc, rangée après
rangée, les murs de sa maison montaient. L’ouverture de la porte devenait
maintenant la seule façon d’entrer à l’intérieur des murs. Vers la fin du
mois de tishri ils étaient à mi-hauteur. Les travaux du complexe du
temple reprirent leur cours normal après la fête de souccoth. Yosséf
pouvait de nouveau avoir un travail rémunéré. Et comme il avait passé plus
de trois semaines sans gagner d’argent, il essaya probablement de
compenser les pertes pendant la période que nous appelons novembre et
décembre en travaillant un jour supplémentaire par semaine à Jérusalem. Mais cela voulait dire qu’il
aurait un jour de moins par semaine pour travailler sur sa maison. Et
l’hiver arrivait. En Israël, la saison des pluies
commence généralement en novembre. Les jours refroidissent et deviennent
plus courts et il peut pleuvoir une fois par semaine ou tous les dix
jours. En décembre, les pluies deviennent plus fréquentes et bien qu’il
soit rare qu’il gèle, l’air devient vraiment froid. Pour le chauffage aussi bien
que pour la cuisine, Miryam entretenait un petit feu dans un poêle en
céramique juste à l’intérieur de l’entrée de la grotte là où la pluie ne
risquait pas de l’éteindre. Les branches séchées taillées sur les vignes,
les oliviers et les arbres fruitiers constituaient le combustible
habituel. Elle devait probablement
acheter des fagots au marché ou à des voisins puisque son mari et elle
n’avaient pas encore leurs propres vignes ou arbres. Mais le coût était
modique. Les jours où Yosséf restait à
Bethléhem pour travailler à leur maison, Miryam aidait du mieux qu’elle
pouvait. Elle était incapable d’accomplir quoi que ce soit qui lui
imposait un effort physique, à elle et au bébé, et, de toutes façons,
Yosséf ne voulait pas qu’elle fasse d’efforts. Versé dans des coupes de
céramique et sucré d’un peu de miel, le
nana, ou thé chaud, constituait
une douceur bienvenue quand Miryam l’apportait à Yosséf tandis qu’il
taillait les blocs de pierre près des murs grandissants de la maison. Le mois juif appelé
kislev correspond à peu près à
notre mois de décembre. Une autre fête juive importante avait lieu à la
fin de ce mois-là. Ce n’était pas une fête imposée par la Torah (la Loi de
Moïse) ; elle n’avait pas été commandée à Israël par les prophètes
bibliques. Cette fête-ci commémorait l’indépendance des Juifs par rapport
à la Syrie au cours du deuxième siècle avant Jésus-Christ et la
purification et la dédicace
du vieux temple de Jérusalem profané par les occupants syriens. Cette fête
durait huit jours et le Nouveau Testament l’appelle la fête de la Dédicace
(Jean 10:22). En hébreu, le mot « dédicace se dit
hanoucca. Le mois de kislev était aussi
le neuvième mois de la grossesse de Miryam. On a du mal à l’imaginer faire
à pied les huit kilomètres jusqu’à Jérusalem pour visiter cet hiver-là le
temple à l’occasion de hanoucca, l’enfant pouvant naître d’un jour à
l’autre. Elle a dû rester à Bethléhem, bien en sécurité dans la grotte qui
servait de logement au couple depuis près de quatre mois. Yosséf ne se rendit
probablement pas non plus à Jérusalem pour la fête. Il fallait aider
Miryam à des tâches quotidiennes qu’elle ne pouvait plus accomplir.
Il pouvait aussi travailler tous les jours à leur maison puisque
les travaux du complexe du temple étaient arrêtés le temps de la fête avec
son affluence. Hanoucca commençait vers la fin
du mois juif, le 25 kislev. À ce moment-là, le mois de décembre bien
entamé, les murs de la maison étaient quasiment terminés. Les blocs de
pierre devaient maintenant atteindre une hauteur de près de trois mètres.
De petites fenêtres avaient été pratiquées sur les quatre côtés des murs.
Elles allaient permettre aux rayons du soleil d’entrer au niveau des yeux
pour éclairer les pièces. Lorsque l’entrée avait atteint la hauteur
voulue, Yosséf avait posé un unique bloc de pierre pour servir de linteau
au-dessus de l’entrée. La maison n’était pas finie
pour autant. Il n’y avait pas de toit et les murs intérieurs avaient
peut-être encore besoin d’être achevés, les murs qui allaient diviser le
bâtiment sans étage en trois ou quatre pièces. Ils allaient aussi porter
les poutres étroites de pierre qui allaient supporter le toit. Étant donné
les pluies d’hiver, tant que le toit n’était pas fini, Yosséf et Miryam ne
pourraient pas s’installer dans la maison. On était maintenant vers la fin
de kislev. Et Miryam était sur le point de donner le jour à son fils.
CHAPITRE XI
Pas de place à l’hôtellerie
Nous ne connaissons pas le jour
ni la date exacts de la naissance du Fils de Dieu. C’était presque
certainement en décembre, selon notre calendrier, vers la fin du mois juif
de kislev. C’était même probablement pendant la fête de
hanoucca. Miryam avait conçu
neuf mois plus tôt, vers la fin du mois d’adar, en plein mois de mars. Mais nous ne pouvons pas dire
avec la moindre certitude que la naissance s’est produite le 25 décembre,
le jour de Noël des traditions catholique et protestante (voir annexe 5).
Nous ne pouvons pas non plus dire que ce fut le 7 janvier, le Noël
traditionnel du christianisme orthodoxe. Ce que nous pouvons dire, et ce
sans hésitation, c’est que la naissance de Jésus se produisit un jour
proche du point culminant de
notre période moderne de Noël. Et sachant que nos fêtes de Noël modernes
se produisent au moment correct de l’année, cela peut réellement
contribuer à donner de l’éclat à cette période. Yosséf a dû se rendre compte
que la maison ne serait pas finie avant la naissance de l’enfant.
L’Évangile de Luc dit qu’il n’y avait « pas de place à l’hôtellerie »
(littéralement, « pas de place dans une
kataluma » ou chambre d’hôtes).
Cela veut dire que Yosséf était parti à la recherche d’une chambre dans le
village où sa femme pouvait enfanter plutôt que de laisser l’événement se
produire dans leur grotte. Il ne cherchait pas simplement
un abri, puisque leur grotte le leur fournissait déjà. Et le confort
n’était probablement pas la raison puisqu’il avait déjà dû prendre, des
mois auparavant, des dispositions
pour que Miryam ait un bon lit dans la grotte et un endroit
confortable où elle pourrait s’asseoir avec lui pour prendre les repas et
passer le temps. Ce que Yosséf cherchait
probablement, c’était une chambre d’hôtes, dans une maison de Bethléhem,
où l’hôtesse de la maison assurerait les repas. Dans une chambre comme
celle-là, Miryam se verrait, du moins pendant quelques jours, épargner
toute cuisine ou autre devoir domestique que d’accoucher et
d’allaiter son nouveau-né. Cela ne veut pas dire que
Yosséf n’était pas disposé à aider au ménage. Mais c’était un homme jeune
dans une société traditionnelle qui ne savait probablement pas faire la
cuisine. Il pouvait sans doute se débrouiller quand il était seul, mais il
aurait voulu de meilleurs repas pour Miryam et une main féminine pour
l’aider avec le nouveau-né pendant les quelques premiers jours aussi bien
que d’autres choses pour lesquelles il se trouvait maladroit. Une chambre d’hôtes dans un
ménage local où la maîtresse de maison fournirait les repas, voilà très
exactement ce que le texte grec de l’évangile de Luc décrit. Le terme
kataluma, traduit par erreur
hôtellerie dans nos Bibles, ne désigne pas réellement un équipement
hôtelier. Il ne désigne pas non plus un caravansérail (un gîte d’étape
caravanier médiéval avec des chambres multiples entourant une cour à l’air
libre) comme le laissent entendre certains vieux commentaires bibliques.
Kataluma désigne une chambre
d’hôte chez un privé comme nous venons de le décrire. Mais Bethléhem était un village
et le nombre de maisons qui avaient des chambres supplémentaires à mettre
à la disposition de visiteurs était limité. Apparemment Yosséf ne réussit
pas à trouver une seul chambre d’hôtes inoccupée. Il n’y avait tout
simplement pas de chambre à louer au moment où il en avait le plus besoin. C’est ainsi qu’arriva enfin le
jour d’hiver où Miryam mit son petit garçon au monde. C’était le plus
grand jour de l’histoire de notre monde, le jour du tout premier Noël.
***
Est-ce le matin ou l’après-midi
que Miryam commença à sentir les douleurs de son travail ? Et combien
d’heures cela dura-t-il avant que le ‘bébé de Bethléhem’ ne naisse ? Ce
sont des détails que l’Écriture ne rapporte pas. Quel temps faisait-il en
dehors de la grotte ? La tradition veut généralement que la nativité ait
eu lieu par une froide nuit d’hiver. La neige est très rare en Judée et il
est rare qu’il gèle. Il y avait sans doute du vent et de la pluie.
Peut-être était-ce une journée ensoleillée avec une température fraîche
mais douce. Ces deux types de temps sont normaux en décembre pour la
Judée. Quant à la naissance elle-même,
elle semble avoir eu lieu tard dans la journée, peut-être au crépuscule,
ou même peu après la tombée de la nuit. Nous pouvons le supposer parce que
peu après la naissance du bébé, des bergers juifs qui se trouvaient sur
les pentes herbeuses à l’est de Bethléhem, veillant « de nuit » sur leurs
moutons, reçurent la visite d’un ange qui leur dit que le bébé était né
« aujourd’hui ». Cela voulait sans doute dire que l’événement s’était
produit avant le coucher du soleil et que l’apparition des anges s’était
produite un peu après le coucher du soleil. Cependant, si l’ange parlait du
jour biblique juif, qui commençait au coucher du soleil, la nuit devait
déjà être tombée au moment où le travail de Miryam était à son maximum.
Comme Yosséf et Miryam étaient tous les deux Juifs, tout comme l’enfant
qu’elle mettait au monde, c’était vraisemblablement du jour juif que
l’ange parlait. Jésus naquit très vraisemblablement
deux ou trois heures après le coucher du soleil en cette nuit
d’hiver. Miryam et Yosséf étaient-ils
seuls tout au long de cet accouchement ? Il s’était peut-être arrangé pour
faire venir une sage-femme à la grotte, on ne sait pas. Luc se concentre
sur Yosséf et Miryam et, pour ce qui est de ce dernier, il n’est question
que de Miryam. On ne peut que deviner la durée et la difficulté de
l’accouchement. L’évangile dit simplement : « elle enfanta son fils
premier-né. Elle l’emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu’il
n’y avait pas de place pour eux dans [une chambre d’hôtes] » (Luc 2:7). Ainsi donc, le bébé
Yeshua, l’enfant Jésus, était
enfin né. Le Fils de Dieu commençait
son existence dans la condition mortelle comme un minuscule et
frêle humain. Il poussa son premier cri. Son cordon ombilical fut noué et
il fut lavé avec douceur avec un tissu plongé dans de l’eau chaude. Miryam
emmaillota le petit garçon
dans des couvertures qu’elle avait préparées pour cette occasion. Elle le
tint un certain temps contre elle, puis elle le posa soigneusement sur une
autre couverture pliée dans le creux de l’auge de pierre que Yosséf avait
installée dans la grotte près de leur lit. Le nouveau-né maintenant
endormi, Miryam pouvait se recoucher, épuisée de sa grossesse et de son
accouchement. Yosséf l’installa aussi confortablement que possible. Le
couple a dû contempler un certain temps, la main dans la main, leur fils.
Yosséf dut se dire que sa jeune épouse était bien belle près de cette
crèche dans laquelle se trouvait son nouveau-né. Ce mari dévoué apporta à
sa femme un repas simple et à boire. Maintenant elle pouvait se reposer. Un petit feu dans le poêle à
l’entrée de la grotte réchauffait l’air à l’intérieur. La lumière
vacillante de quelques petites lampes éclairait vaguement les parois
irrégulières au fond de la
grotte où Miryam était maintenant couchée sur le lit sur un matelas de
toile fourré de laine de mouton. Les lampes de céramique de couleur
brun-rouge se trouvaient dans de petites niches que Yosséf avait creusées
dans les parois calcaires de la grotte. L’huile d’olive qui brûlait dans
les lampes remplissait l’air d’une odeur agréable. Une des lampes se trouvait dans
une niche près du lit de Miryam, juste au-dessus de la crèche de pierre,
éclairant légèrement le tailleur de pierre de Nazareth, la jeune Vierge
qui était sa femme et le nouveau-né qui allait être connu sous le nom de
« Lumière du monde ». C’était le tout premier Noël.
CHAPITRE XII
Ceci sera un signe À l’est de Bethléhem, les
collines à terrasses et les vallées de Judée descendent sur quatre ou cinq
kilomètres avant de se fondre dans une région désertique. Les bergers font
paître, tout au long de l’année, leurs moutons et leurs chèvres dans
l’herbe de ces collines ondoyantes parsemées d’oliveraies,
occasionnellement de champs de blé et de broussailles. Du temps de Yosséf, des groupes
de bergers, habituellement des hommes d’une même famille, géraient de
grands troupeaux. Le travail était dur mais honorable et avait vingt
siècles d’histoire. Mille ans avant que Yosséf ne commence à construire sa
maison, les bergers de Juda surveillaient déjà leurs troupeaux à
Bethléhem. L’un d’eux était un jeune homme appelé David, qui finit par
devenir roi d’Israël. On peut imaginer Yosséf debout à l’entrée de sa
grotte regardant dans le noir et pensant à son ancêtre berger qui était
devenu roi. À l’intérieur de la grotte,
Miryam nourrissait pour la première fois son nouveau-né. Yosséf se
retourna pour contempler sa femme et son bébé. Elle s’était emmitouflée
avec l’enfant dans des couvertures de laine pour combattre la fraîcheur de
la nuit. Yosséf raviva le feu dans leur poêle avec des baguettes sèches
provenant de la taille des vignes. Puis il se retourna et tourna de
nouveau le regard vers l’est. À un ou deux kilomètres de là,
il pouvait voir d’autres petits feux sur les collines en terrasse, des
bergers juifs qui se réchauffaient en veillant sur leurs moutons et leurs
chèvres pendant la nuit d’hiver. L’évangile de Luc rapporte l’apparition
d’un messager céleste à un groupe de ces bergers au cours des heures qui
suivirent la naissance de Jésus pour leur apprendre, à leur grand
étonnement, que leur attente était terminée et que leur Messie était
arrivé. « Il y avait, dans cette même contrée, des bergers qui passaient
dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. Et
voici, un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur
resplendit autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande frayeur. Mais
l’ange leur dit : Ne craignez point ; car je vous annonce une bonne
nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie: c’est
qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est
le Christ, le Seigneur. Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez: vous
trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche. Et soudain il se
joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu et disant:
Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les
hommes qu’il agrée ! Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner
au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons jusqu’à
Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait
connaître. Ils y allèrent en hâte, et ils trouvèrent [Miryam et Yosséf],
et le petit enfant couché dans la crèche » (Luc 2:8-16). Les bergers juifs se hâtèrent
de traverser les collines et les vallées vers Bethléhem. Cela dut leur
prendre une heure ou plus pour faire le chemin dans le noir, plus de trois
kilomètres sur des pistes abruptes. Et une fois arrivés dans le village,
la recherche ne devait pas être simple. On était au milieu d’une nuit
noire et froide. Les gens dormaient. Les bergers durent aller de maison en
maison et éveiller des gens qui seraient naturellement irrités par leur
visite. Il leur fallut peut-être une
heure de plus ou davantage pour trouver la grotte ou Yosséf et Miryam
vivaient. On peut imaginer l’inquiétude du jeune couple en entendant des
inconnus approcher au milieu de la nuit puis leur étonnement quand on leur
demanda s’ils avaient un nouveau-né qui était dans une crèche. « Comment êtes-vous au
courant ? » ont-ils dû demander aux bergers qui durent alors parler de
l’apparition d’une foule d’anges célestes dans les collines à l’est. Ce
fut certainement une nouvelle merveilleuse et réconfortante pour Yosséf et
sa femme d’entendre que, dès la nuit même, Dieu avait révélé à d’autres
personnes en Judée que le nouveau-né de Miryam était le Messie. Elle
n’oublia jamais la visite des bergers ni ce qui leur était arrivé. Luc
écrit : « [Miryam] gardait toutes ces choses, et les repassait dans son
cœur » (Luc 2:19). La « nativité » originelle dans
la grotte mal éclairée de Yosséf était tout à fait différente de ce que
nous avons l’habitude de voir représenté dans les arts et les médias
religieux. Les bergers y étaient, naturellement. Mais les « mages » qu’on
nous montre d’habitude n’apparurent pas la nuit de la naissance du bébé et
n’arriveraient pas à Bethléhem avant plusieurs semaines. Yosséf ne possédait pas de
moutons et il est évident que les bergers n’avaient pas apporté de moutons
cette nuit-là à Bethléhem. Le tableau que nous nous imaginons souvent de
moutons couchés à côté de la crèche n’est donc vraisemblablement pas
correct. Les bergers n’avaient pas non
plus l’aspect que nous imaginons généralement. Ils ne s’habillaient pas
comme les Arabes médiévaux ou modernes. Ils ne portaient pas la
kéfiyé arabe. Joseph non plus
d’ailleurs, pas plus qu’aucun autre homme en Judée ou en Galilée. Jésus
non plus quand il devint adulte. Personne ne s’habillait à la manière des
Arabes. C’étaient des Juifs et ils ne suivaient pas les coutumes des
Arabes ni ne s’habillaient comme eux. Non seulement il n’y avait pas
de moutons lors de cette premières « Nativité », il n’y avait pas non plus
de vaches ni de chameaux. Et, comme nous l’avons déjà mentionné, il n’y
avait pas davantage de paille puisqu’on ne s’en servait pas comme fourrage
en Judée. Les bergers trouvèrent le Messie nouveau-né exactement comme
l’ange l’avait dit, emmailloté dans des couvertures et couché dans une
crèche, une crèche taillée dans de la roche calcaire. Voilà donc ce que fut
l’authentique « Nativité », une
froide nuit judéenne, un logement temporaire dans une grotte vaguement
éclairée par de petites lampes de céramique dans lesquelles brûlait de
l’huile d’olive, quelques bergers juifs parlant à voix basse mais avec
excitation avec le jeune couple de Galilée et un bébé confortablement
emmailloté couché dans une crèche de pierre nue. Ce n’est pas là un tableau qui
ait des chances de remplacer l’étable et les figurines pittoresques que
tant de gens disposent chaque décembre devant le sapin ou l’âtre ou la
crèche vivante installée en ville. Mais c’est le tableau authentique
auquel nous aurions assisté si nous avions été avec ces bergers qui furent
les premiers à révérer le Messie. Certains se sont imaginé que
les bergers rendirent visite à Yosséf et à Miryam et retournèrent ensuite
dans leurs pâturages. Certains ont cru que ce n’était que le lendemain ou
plus tard que les bergers parlèrent aux gens qu’ils rencontraient du bébé
Messie qu’ils avaient vu. Mais
le passage de Luc semble suggérer quelque chose d’autre : « Ils y
allèrent en hâte, et ils trouvèrent [Miryam et Yosséf], et le petit enfant
couché dans la crèche. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait
été dit au sujet de ce petit enfant. Tous ceux qui les entendirent furent
dans l’étonnement de ce que leur disaient les bergers. [Miryam] gardait
toutes ces choses, et les repassait dans son cœur » (Luc 2:16-19). Ce n’est qu’après
avoir parlé de l’événement autour d’eux qu’ils retournèrent à leur camp et
à leurs troupeaux. « Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et
louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, et qui était
conforme à ce qui leur avait été annoncé » (Luc 2:20). L’ordre dans ces versets
suggère qu’avant de retourner à leur camp, les bergers firent le tour de
Bethléhem, la nuit même, annonçant aux villageois qu’ils avaient reçu la
visite d’anges célestes et que le Messie d’Israël était né de la jeune
Miryam qui vivait avec son mari Yosséf dans la grotte près de la maison
qu’il construisait. Les Juifs à moitié endormis de Bethléhem, tirés deux
fois cette nuit-là de leur sommeil, furent certainement stupéfaits
d’entendre la nouvelle annoncée par les bergers tout excités. Il dut y avoir en quelques
minutes pas mal d’agitation dans les rues étroites de Bethléhem en cette
nuit d’hiver. Les Juifs de Judée prenaient très au sérieux les prophéties
et les nouvelles de visites d’anges. Certains des citoyens de Bethléhem
qui furent réveillés cette nuit-là s’habillèrent probablement, allumèrent
leurs torches et s’attroupèrent à l’extrémité sud-est du village pour voir
le bébé dont les bergers avaient parlé avec tant d’excitation. Le matin
suivant, beaucoup d’autres visiteurs durent se rendre dans la modeste
demeure de Yosséf et Miryam, des hommes et des femmes de bonne volonté
intéressés de voir le bébé dont il avait été dit aux bergers qu’il était
le Sauveur d’Israël. On n’a aucune peine à
s’imaginer la renommée que Yosséf et Miryam connurent dans la petite
« ville de David » à la suite de la visite des bergers. Des concitoyens
qui ne connaissaient même pas le jeune couple de Nazareth se sont
peut-être même proposés pour leur apporter des repas et des objets pour
leur petit garçon. L’enfant de Bethléhem allait devenir le sujet de
conversation pour de nombreux jours.
CHAPITRE XIII
On lui donna le nom de Jésus
Une semaine passa. Pour Miryam
ce furent sept longues journées. Elle s’occupait constamment du bébé,
veillant à son hygiène et apprenant ses petits besoins personnels. Elle
était aussi constamment fatiguée mais commençait à se sentir plus forte,
plus normale à chaque jour qui passait depuis son accouchement. Pour Yosséf, les jours
passaient rapidement. Il aidait
pour le bébé là où il le pouvait. Il tenait le bébé dans ses bras et le
contemplait avec étonnement, n’en revenant pas qu’il était chargé par le
Ciel d’élever le Messie d’Israël. Les visiteurs allaient et
venaient, apportant des vœux et de la nourriture pour le couple ainsi que
des cadeaux pour l’enfant tels que des couvertures et des serviettes
supplémentaires. Il se peut que certains aient même proposé à Yosséf de
l’aider quand il se remit à travailler à sa maison. Il allait avoir besoin
d’aide pour la pose du toit. Yosséf gérait le flot de
visiteurs avec diplomatie en étant attentif à l’état de Miryam
pour les recevoir tous. Il allait aussi chercher de l’eau à la
source et s’occupait de toutes les tâches ménagères qu’il aurait
normalement laissées à sa jeune épouse. Le huitième jour après
l’accouchement était le jour de sa circoncision, appelée en hébreu
brit mila. Il y avait
maintenant près de deux mille ans, depuis le temps d’Abraham et d’Isaac,
que cette petite opération était pratiquée sur les nouveau-nés masculins
huit jours après leur naissance. Le
brit mila était le signe de l’alliance contractée par Dieu avec
Abraham, Isaac, Jacob et la maison d’Israël. La cérémonie du
brit mila eut probablement lieu
en plein air, là où la lumière était bonne, plutôt que dans la grotte. Ce
fut peut-être à l’intérieur de la maison qui n’avait pas encore son toit.
Yosséf présida à l’événement et tint le bébé pendant l’opération. La
circoncision fut pratiquée par un professionnel (appelé aujourd’hui un
mohel). Miryam regardait avec
une joie mêlée d’anxiété. Il est vraisemblable que certains de leurs
nouveaux amis et voisins étaient également présents. On mit une goutte de vin dans
la bouche du bébé, un signe religieux qui visait aussi à le distraire de
l’inconfort de la circoncision.
Yosséf formula la phrase qui donnait officiellement le nom au
bébé : « Vayikra shemo beYisra’el… Yeshua » (et son nom en Israël sera
Jésus). Luc le rapporte comme suit : « Le huitième jour, auquel l’enfant
devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom
qu’avait indiqué l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère »
(Luc 2:21).
*** C’était donc fait ! Yosséf et
Miryam s’étaient enfin conformés à tous les commandements et à toutes les
exigences qui leur avaient été révélés par l’ange du Seigneur. Myriam
avait conçu et enfanté son fils, le Fils unique de Dieu. Parce que
l’enfant serait le descendant promis de David, le roi d’Israël,
et parce que le Messie promis devait naître à Bethléhem pour
accomplir l’antique prophétie de Michée, le couple avait déménagé de
Nazareth à Bethléhem pour s’installer dans le village. Ils s’étaient tous
les deux fait inscrire comme résidents. Et quand l’enfant naquit, ils lui
donnèrent le nom de Yeshua, c’est-à-dire Jésus, exactement comme l’ange
l’avait commandé. Neuf longs mois, des mois
difficiles, s’étaient écoulés depuis de jour de la fin du mois d’adar, le
printemps précédent, où l’ange était apparu à Miryam à Nazareth. Elle
avait enduré non seulement la difficulté de la grossesse, mais le soupçon
immérité d’avoir entretenu des rapports sexuels avant son mariage. Malgré
tout, rassemblant ses forces, elle avait accepté de quitter son chez soi
en Galilée pour commencer une nouvelle vie avec son mari à Bethléhem afin
d’accomplir la prophétie concernant son fils. Pour Yosséf, ces mois n’avaient
pas été moins éprouvants. Depuis que l’ange le lui avait commandé en
songe, lui aussi était devenu suspect dans sa ville natale. La plupart des
gens pensaient qu’il avait engrossé sa femme des mois avant leur mariage.
Il porta patiemment le fardeau. Lui aussi laissa tout derrière lui en
Galilée pour s’installer à Bethléhem, s’y procurer un lopin de terre et
s’y construire une nouvelle maison. Tout cela pour que les paroles du
prophète s’accomplissent. La foi et la détermination de
ce couple dévoué de Nazareth sont remarquables, bien qu’on
n’en parle que très rarement quand on raconte l’histoire
traditionnelle de Noël. L’idée erronée, habituellement répétée dans les
reconstitutions historiques de Noël, les médias et les salles de classe,
que Yosséf et Miryam étaient de malheureuses victimes obligées de
se rendre à Bethléhem par des forces sur lesquelles elles n’avaient aucune
prise, n’est tout simplement pas ce qui s’est produit. Quand on raconte le
conte de Noël traditionnel, on mentionne rarement la décision délibérée du
jeune couple d’aller s’installer à Bethléhem, de s’y inscrire et d’y vivre
pour réaliser une prophétie messianique. Or, leur loyauté à Dieu et l’un
vis-à-vis de l’autre, ainsi que les dispositions qu’ils prirent pour
réaliser ce qui était juste, comptent parmi les éléments les plus
remarquables de l’histoire non racontée du premier Noël. Mais tout n’était pas fini.
Dans quelques semaines « des mages d’Orient », qui recherchaient le Messie
nouveau-né, allaient arriver. Et leur arrivée allait signifier de nouveaux
problèmes, d’autres décisions difficiles et un nouveau tournant
spectaculaire dans la jeune vie de Yosséf et Miryam.
CHAPITRE XIV
Au Temple de Jérusalem
Après la cérémonie de la
circoncision, une nouvelle semaine, puis deux, puis trois s’écoulèrent.
Pendant tout le mois de tevet
(parallèle à notre janvier), Yosséf travailla sur sa maison pour poser le
toit sur les murs de blocs calcaires terminés. Myriam ne pouvait pas
l’aider, mais d’autres vinrent probablement proposer leur aide. Des poutres épaisses de bois
importé et des tuiles d’argile rouge cuites auraient coûté trop cher pour
la nouvelle maison de l’ouvrier tailleur de pierre. Lui, il allait ciseler
d’étroites poutres de pierre de plus de deux mètres de long et les poser
du sommet des murs extérieurs au sommet des murs de refend intérieurs pour
créer un toit plat, segmenté, mais solide qui pourrait supporter un poids
important et constituer un plafond sur lequel on pourrait marcher. Placées
côte à côte et serrées l’une contre l’autre, les poutres devaient être
jointoyées à l’aide de plâtre calcaire pour rendre toute la surface du
toit étanche aux pluies d’hiver. Miryam récupéra toutes ses
forces, gérant ses travaux ménagers tout en s’occupant du bébé Jésus qui
prenait du poids chaque jour. Quand six semaines eurent passé après la
naissance de l’enfant, Miryam commença à se préparer pour la purification
conformément aux règles de la Torah, la loi de Moïse. Cela signifiait
faire les cinq kilomètres jusqu’à Jérusalem avec Yosséf pour présenter son
jeune fils au Temple. La Torah de Moïse exigeait que
la femme qui donnait le jour à un fils devait se purifier quarante jours
après l’accouchement (la directive se trouve dans Lévitique 12:1-8). Pour
ce faire, elle devait se plonger dans l’eau et être déclarée pure par un
prêtre. Les fonts rituels juifs d’immersion portaient alors (et
aujourd’hui encore) le nom de
mikveh. La plupart des localités juives avaient une ou plusieurs
mikva’ot (pluriel de
mikveh) et Bethléhem en avait
certainement une. Si Miryam ne s’immergea pas
dans une mikveh à Bethléhem, il
y avait de nombreuses mikva’ot
à Jérusalem autour de la Montagne du Temple, où elle pouvait se rendre et
s’immerger. Il est sans doute plus vraisemblable qu’elle visita une
mikveh à Jérusalem. Quand elle se fut purifiée,
elle se rendit avec Yosséf dans une des boutiques ou stands des marchés
extérieurs au complexe du temple de Jérusalem pour acheter des oiseaux ou
des animaux pour les sacrifices requis qui se faisaient à l’intérieur du
complexe du temple. Certains stands appartenaient à des changeurs qui
échangeaient les pièces inacceptables au temple contre des pièces
répondant aux conditions nécessaires. Les deux colombes que Yosséf
acheta furent mises dans une petite cage d’osier pour laquelle il
laissa une caution qu’il récupérerait quand il aurait fini au
temple. Puis Miryam et lui s’approchèrent du vaste complexe de la Maison
de Dieu. Yosséf portait la cage avec les colombes et Miryam portait son
bébé de six semaines tandis qu’ils montaient l’escalier monumental qui
menait à l’intérieur du célèbre temple d’Hérode. L’escalier royal, situé du côté
sud de la montagne du temple, avait plus de soixante mètres de large gravé
dans la roche en pente de la montagne et en plein air. La marche du dessus
était un large trottoir de pierre qui bordait la muraille extérieure
massive de l’esplanade du temple. Ce mur était fait d’immenses blocs de
pierre décorés. Les blocs de la première rangée au-dessus du trottoir
avaient la taille d’un homme. Le mur sud lui-même avait plus
de trente mètres de haut. Au sommet du mur se trouvait la galerie royale,
une basilique élaborée qui courait tout le long du côté sud de l’esplanade
du temple. Le couple passa la triple entrée par l’une des trois énormes
portes en passant devant leurs moulures de pierre artistiquement gravées.
Le long tunnel dans lequel ils s’engagèrent était, lui aussi, richement
décoré de motifs sculptés dans les murs et les plafonds
de pierre blanche représentant une myriade de motifs floraux et
géométriques aux couleurs vives. Le tunnel les conduisit sous la longue et
immense galerie de basilique et remonta finalement par un autre escalier
vers l’air libre où Yosséf et Myriam se retrouvèrent à l’intérieur des
cours du temple avec le ciel bleu de février au-dessus de leur tête. Marchant sur le dallage de
pierre, ils s’avancèrent au milieu de la foule dans la vaste cour
extérieure en plein air du complexe d’Hérode. D’autres marches les
conduisirent dans une cour intérieure appelée cour des femmes, qui se
trouvait à l’est du temple lui-même. Traversant une autre foule, ils
s’approchèrent d’un nouvel escalier énorme, semi-circulaire cette fois,
qui montait vers les grandes portes de bronze d’un nouveau portail élevé
et décoré. Appelée porte de Nicanor, elle menait à la cour des sacrifices.
En la traversant, Yosséf et Miryam virent un immense autel de bronze haut
de dix mètres et large de dix mètres : l’autel des sacrifices. De la fumée
montait en volutes de plusieurs feux et piles de braises au sommet de
l’autel. Des morceaux de viande d’animaux et des oiseaux sacrifiés se
consumaient dans les feux et sur les braises rougeoyantes. Mais au-delà de l’autel se
trouvait le spectacle le plus magnifique de tous, la haute façade et
l’entrée du Temple d’Hérode lui-même, haut de cinquante mètres, construit
en calcaire blanc et rose, décoré d’or pur et flanqué de colonnes
cannelées d’un marbre superbement moucheté. C’était un bâtiment où
personne ne pouvait entrer à part les prêtres d’Aaron, revêtus de leurs
robes blanches et de leurs ceintures sacerdotales bleues. Arrivés là, Yosséf et Miryam ne
pouvaient pas aller plus loin. Ils restèrent près de la barrière qui
séparait les fidèles juifs du pavement où les prêtres accomplissaient
leurs devoirs de sacrificateurs. Un prêtre revêtu d’une robe blanche et
portant un tablier les accueillit et, après avoir échangé quelques paroles
aimables, il examina brièvement le bébé que Miryam tenait pour s’assurer
que l’enfant avait bien été circoncis. Il accepta ensuite la cage d’osier
contenant les deux colombes que Yosséf lui tendait et le couple regarda le
prêtre s’éloigner, s’approcher de l’autel et exécuter le rite réclamé par
la Torah. Luc résume en quelques lignes
seulement le voyage à Jérusalem et au temple : « Et, quand les jours de
leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie
le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, — suivant
ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera
consacré au Seigneur, — et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou
deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur »
(Luc 2:22-24). Beaucoup de personnes durent
voir Yosséf et Miryam dans les cours du temple en ce jour de février et
beaucoup durent féliciter le couple pour l’enfant de Miryam. L’évangéliste
ne rapporte que les réactions de deux personnes. La première s’appelait
Shimon (nom rendu par
« Siméon » dans les versions traditionnelles du Nouveau Testament). Nous
ne savons rien de ce Shimon, si ce n’est qu’il semble avoir été un vieil
homme (puisqu’il s’attendait à mourir bientôt) et que le Saint-Esprit
l’avait inspiré pour qu’il comprenne qu’il ne mourrait pas avant d’avoir
vu l’Oint de Dieu, l’enfant qui allait être le Rédempteur promis d’Israël. « Et voici, il y avait à
Jérusalem un homme appelé [Shimon]. Cet homme était juste et pieux, il
attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui. Il
avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait point
avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint au temple, poussé par
l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour
accomplir à son égard ce qu’ordonnait la loi, il le reçut dans ses bras,
bénit Dieu, et dit: Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S’en
aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, salut que
tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations,
Et gloire d’Israël, ton peuple. Son père et sa mère étaient dans
l’admiration des choses qu’on disait de lui. [Shimon] les bénit, et dit à
Marie, sa mère : Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le
relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la
contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les
pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées » (Luc 2:25-35). Luc rapporte aussi la réaction
d’Hannah (dont le nom est rendu en grec par « Anna ») une femme âgée qui
passait tout son temps au temple. Elle s’était mariée dans sa jeunesse,
mais n’avait eu la compagnie de son mari que pendant sept ans avant qu’il
ne décède. En voyant l’enfant Jésus, elle dit à tous ceux qui se
trouvaient à côté d’elle dans la
cour du temple que l’enfant allait inaugurer la rédemption du
peuple d’Israël. « Il y avait aussi une
prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort
avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa
virginité. Restée veuve, et âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne
quittait pas le temple, et elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et
dans la prière. Étant survenue, elle aussi, à cette même heure, elle
louait Dieu, et elle parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la
délivrance de Jérusalem » (Luc 2:36-38). Les prophéties publiques de
Shimon et de Hannah ne furent que deux des salutations que Yosséf et
Miryam durent recevoir en ce jour de février dans le Temple d’Hérode.
Miryam allait se souvenir toute sa vie de cette visite mouvementée à la
Maison du Seigneur. Il est probable que les détails que nous lisons dans
le Nouveau Testament furent communiqués bien des années plus tard par
Miryam à Luc, l’évangéliste, ce qui explique que ce n’est que dans son
rapport que nous les avons. Au début de l’après-midi,
Yosséf et Miryam quittèrent le Temple en sortant par le double tunnel sous
la galerie royale et en passant par le double portail à l’extrémité sud du
complexe. Ils redescendirent l’escalier monumental et longèrent les rues
de Jérusalem vers la porte occidentale de la ville. Laissant la capitale
juive derrière eux, ils refirent à leur aise les deux heures du trajet de
retour vers Bethléhem, parlant en cours de route de la journée remarquable
qu’ils avaient passée dans la ville sainte et de ce que Shimon, Hannah et
d’autres leur avaient dit. Ils passèrent devant la tombe
de Rachel et prirent l’embranchement de la route vers Bethléhem qu’ils
traversèrent en passant près du Puits de David. Ils arrivèrent au
crépuscule à leur grotte qui contenait maintenant tant de souvenirs de
leur jeune mariage et de la naissance du fils de Miryam. Mais cette humble
grotte, qui allait un jour acquérir une renommée mondiale, n’allait plus
les abriter bien longtemps.
CHAPITRE XV
Les mages d’Orient Huit semaines avaient passé
depuis la naissance de Jésus. Le bébé était éveillé, en bonne santé et
avait déjà commencé à développer sa personnalité. Miryam a dû aimer le
voir sourire. On était maintenant vers la fin
du mois juif de shevet (qui
correspond en gros à notre mois de février). Il pleuvait encore de temps
en temps, mais les journées douces et ensoleillées étaient plus
fréquentes. Yosséf travaillait de nouveau régulièrement sur le Temple,
faisant probablement trois ou quatre jours par semaine le chemin à pied
jusqu’à Jérusalem. Il avait enfin terminé de
plafonner les murs intérieurs de la nouvelle maison. Le plâtre de calcaire
séchait en une finition blanche et lisse.
Cette dernière tâche terminée, le jeune couple déménagea ses
affaires de la grotte dans sa belle maison. Il était ravi d’occuper la
maison propre et confortable après cinq ou six mois à camper dans la
grotte. Nous pouvons imaginer Miryam mettant
sa propre touche dans les lieux, posant des nattes de paille tressée et
des carpettes de laine sur le sol en pierre. Yosséf avait habilement lissé
et arrangé le maigre mobilier du couple , appliquant un décor simple pour
embellir les pièces éclairées par les fenêtres, toutes les petites choses
qui font d’une maison un foyer. En s’installant dans la
nouvelle maison, Yosséf accomplit le
hanoukat bayit, la dédicace de
la maison, en fixant une petite
mezouza de pierre sur le poteau de droite de la porte d’entrée. Le mot
mezouza signifie « poteau de
porte » et, à l’intérieur de ce petit réceptacle allongé, il y avait un
rouleau de parchemin minuscule portant à l’encre noire des passages de la
Torah ; « Shema Yisra’el, Adonaï Eloheinou, Adonaï ehad… » « Écoute,
Israël ! l’Éternel,
notre Dieu, est le seul
Éternel. Tu aimeras l’Éternel,
ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.
Et ces commandements, que je te donne aujourd’hui, seront dans ton
cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras
dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu
te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur tes mains, et ils seront
comme des fronteaux entre tes yeux. Tu
les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes » (Deutéronome
6:4-9). Pour Yosséf et Miryam et le
petit enfant qu’ils avaient appelé Yeshua, tout était maintenant pour le
mieux. Leur installation à Bethléhem était complète. Ils avaient pris les
choses en main, avaient quitté Nazareth et avaient courageusement et
fidèlement veillé à ce que le bébé Messie naisse dans la « ville de
David ». Ils devaient maintenant se dire qu’ils pouvaient vivre heureux
dans leur nouvelle maison confortable et que le bébé dont ils prenaient
soin serait un jour appelé « Jésus de Bethléhem ». Mais à huit kilomètres à peine
de là, à Jérusalem, se passaient des choses indépendantes de leur volonté,
des choses qui allaient changer radicalement leurs plans et leur vie. Cela
commença avec l’arrivée de « mages d’Orient ». C’est dans l’évangile de
Matthieu que nous trouvons l’histoire de ces « mages d’Orient ». Leur
arrivée à Jérusalem, deux mois environ après la naissance de Jésus, est
souvent intégrée par erreur,
dans les représentations de l’histoire de Noël, comme
l’un des événements qui se produisirent la nuit de ce premier de
Noël. À cause des trois cadeaux qu’ils apportèrent à l’enfant à Bethléhem,
l’or, l’encens et la myrrhe, on dit souvent qu’il a dû y avoir « trois
mages ». On les appelle parfois les « trois rois de l’Orient ». La
tradition byzantine médiévale leur attribue même des noms : Gaspard,
Melchior et Balthazar, mais ces noms ne peuvent pas être authentiques. En réalité, nous ne savons
quasiment rien des « mages » en dehors de ce que Matthieu nous dit. Nous
ne savons pas combien ils étaient ni de quel endroit de « l’Orient » ils
venaient au juste. Nous ne savons pas s’ils étaient Juifs ou païens ni
comment ils avaient été mis au courant d’une « étoile en Orient »
qui servait de signe de la naissance de Jésus. Les « mages » sont un
mystère de Noël. Il y a cependant un petit
nombre de faits que nous pouvons extraire du deuxième chapitre de
Matthieu. Le premier est que ces hommes étaient appelés
magoï, un terme pluriel dans le
grec du Nouveau Testament qui représente le mot hébreu
magoushim (aussi un pluriel).
Le singulier en hébreu est magoush
, quelqu’un qui pratique la magie. Ces hommes de l’Orient, quel
qu’ait été leur nombre, n’étaient pas des prestidigitateurs ni des
magiciens. La meilleure manière de concevoir ces
magoushim (comme nous les
appellerons dorénavant) est de voir en eux des mystiques religieux, des
hommes qui se concentraient moins sur les aspects juridiques ou pratiques
de la religion, et plus sur les prédictions, le miraculeux et le
surnaturel. Cela ressort clairement de la question qu’ils posent à leur
arrivée à Jérusalem : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car
nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer »
(Matthieu 2:2). S’ils étaient des mystiques
juifs venus de Babylone ou d’une autre communauté juive à l’est de
l’empire romain, ils faisaient peut-être allusion à une prophétie du livre
des Nombres qui prédisait la venue d’une étoile royale : « Un astre sort
de Jacob, un sceptre s’élève d’Israël » (Nombres 24:17).
L’apparition d’une nouvelle étoile
à l’époque de la naissance de Jésus, peut-être une comète visible pendant
plusieurs semaines ou la conjonction visuelle de certaines planètes dans
le ciel nocturne pendant une période similaire, semble avoir été un signe
pour les mystiques que le nouveau roi était né en Israël. Il ne fallut pas longtemps au
roi Hérode (que l’histoire appelle Hérode le Grand) pour apprendre la
présence des magoushim à
Jérusalem et les questions qu’ils posaient concernant un « roi des Juifs »
nouveau-né. Hérode, qui gouvernait la Judée depuis plus de trente ans
comme satellite de Rome, était un monarque efficace et qui réussissait,
mais qui était en même temps un despote impitoyable et paranoïaque. Il ne
tolérait aucune menace d’aucune sorte à son trône et avait déjà mis à mort
quiconque représentait pour lui un danger pour sa dynastie. Hérode ne connaissait rien aux
écritures juives. En consultant les érudits de Jérusalem pour savoir où la
naissance du Messie était prédite, il fut informé de la prophétie de
Michée qui indiquait Bethléhem. Nous pouvons lire le reste de l’histoire
dans Matthieu : « Alors Hérode fit appeler en
secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de
temps l’étoile brillait. Puis il les envoya à Bethléhem, en disant :
Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant ; quand vous
l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi moi-même
l’adorer. Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile
qu’ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu’à ce qu’étant
arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta »
(Matthieu 2 :8-9). Les
magoushim quittèrent le vaste
palais d’Hérode, du côté ouest de Jérusalem, dépassèrent les tours
massives de la porte appelée Joppa. Une fois sortis, ils prirent la
direction du sud. La route de Bethléhem passait sur un pont en pierre qui
enjambait la vallée de Hinnom, puis se dirigeait vers le sud le long de la
crête. Ils marchèrent dans la fin de l’après-midi et en moins de deux
heures avaient dépassé l’antique monument qu’était la tombe de Rachel où
quelques Juives du village étaient réunies pour la prière. Prenant le
chemin de gauche à la bifurcation,
ils entrèrent au crépuscule dans le village où était né autrefois
David. Leurs questions concernant un
bébé Messie ne durent pas rester longtemps sans réponse. Il y avait
maintenant beaucoup de gens à Bethléhem qui étaient au courant de
l’existence du jeune couple qui s’était installé dans leur localité. Les
villageois parlaient encore de l’agitation à minuit, deux mois plus tôt,
quand les bergers avaient traversé le village en proclamant à cor et à cri
la naissance d’un Sauveur nouveau-né. Il est probable qu’un habitant
serviable a conduit les magoushim
jusqu’au promontoire sud-est où se trouvait la maison de pierre flambant
neuve où vivaient les nouveaux venus galiléens. L’étoile des
magoushim brillait de nouveau
avec éclat au-dessus d’eux dans le ciel nocturne tandis qu’ils
s’approchaient de la porte de la demeure de Yosséf et Miryam. « Ils entrèrent dans la maison,
virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et
l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en
présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Matthieu 2:11). Yosséf et Miryam furent
probablement abasourdis devant les cadeaux coûteux : les deux variétés
d’encens étaient très chères, sans parler de l’or, qui leur fut
probablement donné sous forme de pièces. Il est peu probable que Miryam
ait brûlé l’encens chez elle. L’encens de couleur ambre et la myrrhe gris
foncé étaient en fait des variétés de résine séchée. Mais les morceaux et
les gouttelettes durcis de
résine provenaient d’arbres qui ne poussaient que dans le sud de l’Arabie.
L’encens devait être transporté à dos de chameau par des caravanes sur des
centaines de kilomètres jusqu’à des endroits lointains du Proche-Orient
antique et notamment là où habitaient en Orient les
magoushim qui avaient acheté la
marchandise comme cadeau avant de se mettre en route pour Jérusalem.
L’encens était également apporté par caravane d’Arabie en Judée où il
était acheté par les riches et par les administrateurs du Temple qui
l’utilisaient sur l’autel d’or à l’heure de la prière.
Miryam savait que les résines coûteuses et aromatiques pouvaient se
vendre pour un prix élevé, une somme dont le jeune couple allait avoir
besoin plus vite qu’il ne l’imaginait. L’excitation des
magoushim en voyant le bébé
« roi des Juifs » a tout naturellement dû mener à une conversation à
propos de leur visite au roi Hérode. Mais c’était là une nouvelle qui a
certainement dû causer du souci à Yosséf. Le jeune bâtisseur connaissait
la nature brutale de Hérode. Qu’est-ce que ce monarque sans cœur penserait
d’apprendre qu’un roi nouveau-né se trouvait à Bethléhem ? Malgré les
préoccupations, à la tombée de la nuit, les
magoushim furent invités à
rester pour la nuit et profiter de l’hospitalité de la nouvelle maison de
Yosséf et Miryam. Cette nuit-là un événement
étrange se produisit. Les hommes de l’Orient eurent une révélation céleste
concernant leur départ du lendemain. Le texte de Matthieu dit simplement :
« divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils
regagnèrent leur pays par un autre chemin» (Matthieu 2:12).
CHAPITRE XVI
Hérode recherche l’enfant La scène traditionnelle de la
crèche de Noël comprend habituellement les « mages de l’Orient », bien
qu’ils ne soient arrivés à Bethléhem que deux bons mois après la naissance
de Jésus. Et c’est généralement avec la visite des
magoushim, apportant
leurs présents que la narration de l’histoire de Noël prend fin.
L’étoile de Bethléhem et les présents des « trois mages » sont le dernier
acte du conte traditionnel de Noël. Mais en réalité, il s’est
produit beaucoup plus que cela, beaucoup plus de l’histoire du premier
Noël qu’on ne raconte pas. Et
c’est à cet endroit du récit néotestamentaire que l’histoire devient un
drame de vie et de mort. À Jérusalem, le roi Hérode
était livide. Les magoushim
étaient sortis de chez lui l’après-midi précédent en route pour Bethléhem.
Ils n’étaient pas revenus ce soir-là ni le jour suivant. Manifestement,
ils ne tenaient aucun compte
de sa demande expresse de lui faire connaître l’identité et l’emplacement
du nouveau-né qu’ils cherchaient. Hérode était aussi gravement
malade. Il ne le savait certainement pas ce jour-là, mais il n’avait plus
que quelques semaines à vivre et ne verrait pas la fête de la Pâque ce
printemps-là. Les maladies virales et vénériennes qui rongeaient ses
organes internes et externes le faisaient constamment souffrir. Maintenant
des accès de colère obscurcissaient souvent son bon sens. En fait, cette
semaine même, il envisageait de faire exécuter l’un de ses propres fils
pour complot contre lui. Tout au long de son règne,
Hérode avait tué beaucoup de gens qu’il estimait constituer une menace
pour son trône. Il avait fait
mourir les princes juifs de la famille royale asmonéenne parce qu’ils
constituaient un obstacle à sa royauté. Il avait même assassiné sa femme,
une belle princesse juive appelée Mariamne, parce qu’il avait acquis la
conviction qu’elle le trahissait. Il mit tant de ses enfants à mort pour
déloyauté que les Romains disaient en plaisantant qu’il était moins risqué
d’être le porc d’Hérode que d’être son fils (étant donné que le porc,
animal non kasher, ne risquait pas d’être tué pour une fête à la table
royale). Voilà que les
magoushim s’étaient apparemment
moqués de lui. Ils avaient quitté la Judée sans lui faire de rapport sur
le bébé Messie. Si un tel enfant existait, se disait Hérode, il pouvait
représenter une menace de plus pour son trône. Beaucoup de gens dans la
population juive vivaient dans l’attente d’un Sauveur qui les délivrerait
du joug romain imposé par Hérode. Même un bébé, si l’on croyait qu’il
était le Messie, risquait de causer une insurrection populaire contre
Hérode ou le fils qu’il laisserait en vie pour lui succéder. Même si la menace devait
sembler mineure et lointaine, Hérode n’allait pas en rester là. À la
tombée de la nuit, il finit par prendre une de ces décisions qui l’avaient
rendu célèbre. Il convoqua dans sa chambre le chef d’une bande de tueurs
qu’il utilisait pour les « opérations spéciales » qu’il ne pouvait pas
confier à ses forces régulières. Le sinistre spécialiste reçut
l’ordre d’emmener sa bande à Bethléhem et de découvrir clandestinement
chaque maison du village et dans les environs où un bébé était né au cours
des deux derniers mois. Ensuite la bande devait attaquer une à une chacune
de ces maisons pour donner l’impression que le but était, disons, le
cambriolage. Mais lors de chaque attaque, le nouveau-né de la famille
devait être tué. Le plan devait être exécuté
discrètement et il n’en existerait aucun rapport officiel. Hérode
veillerait à ce que les magistrats de Jérusalem ne fassent aucun effort
pour enquêter sur les attaques. La bande de tueurs ne se retrouverait
jamais devant les tribunaux pour avoir exécuté ses ordres. L’histoire
profane ne rapporterait jamais l’opération. Le chef des tueurs devait
emmener son équipe à Bethléhem le lendemain matin, passer la journée à
identifier les cibles et lancer les attaques à la tombée de la nuit. Hérode envoya l’assassin réunir
ses complices et commencer les préparatifs. Le roi prit ensuite son repas,
régla quelques affaires et se mit au lit pour passer une nouvelle nuit de
douleur intense.
***
Cette même nuit, à Bethléhem,
Yosséf se sentit très mal à l’aise. Ce matin-là, quand les
magoushim étaient partis, ils
avaient semblé très tracassés par les intentions d’Hérode concernant le
petit garçon de Miryam. Yosséf n’était pas allé travailler à Jérusalem
pour rester chez lui à veiller à la sécurité de sa femme et de son enfant.
Intérieurement, il craignait que tous leurs projets de vie protégée et
heureuse à Bethléhem ne soient maintenant en danger. Vers le moment où Hérode
prenait son repas à Jérusalem, Yosséf et Miryam avaient pris leur propre
repas du soir. Ils avaient parlé de leurs soucis mais ne savaient que
faire. Peut-être n’y avait-il pas de raison réelle d’avoir peur. Après
tout, la journée avait passé sans qu’il se produise rien de spécial. Une
fois les magoushim partis,
personne d’autre n’était venu à leur recherche. Mais ils ne pouvaient pas
échapper à l’anxiété qui commençait à peser sur eux. Après avoir soigné le bébé,
Miryam le mit au lit pour la nuit. Peu de temps après, son mari et elle se
mirent au lit dans la pièce du fond de leur nouvelle maison de pierre.
Trois heures plus tard environ, vers minuit, Yosséf s’éveilla en sursaut
suite à un rêve. « Voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph,
et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et
restes-y jusqu’à ce que je te parle ; car Hérode cherchera le petit enfant
pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa
mère, et se retira en Égypte » (Matthieu 2:13-14). Ce rapport de l’évangile de
Matthieu montre que Yosséf ne perdit pas un instant. Il était aussi sûr de
ce qu’il devait faire maintenant que l’été dernier quand le même ange lui
avait commandé de prendre Miryam pour femme. Il se leva, éveilla sa femme
et lui raconta la révélation qu’il venait de recevoir. Ils s’habillèrent rapidement
tous les deux et rassemblèrent en hâte ceux de leurs biens dont ils
auraient besoin lors de leur
voyage subit vers l’Égypte. Miryam emballa quelques aliments préparés
tandis que Yosséf fermait la maison du mieux qu’il pouvait pour la durée
de leur absence. Travaillant en silence pour qu’aucun voisin distant ne
soit dérangé, les outils furent entreposés en lieu sûr. Les jarres de
grain, d’huile d’olive et de nourriture furent rapidement scellés avec des
morceaux de cuir et de la ficelle. Les volets furent fermés et attachés.
Les chèvres et les poules furent mises silencieusement en liberté. Dans l’heure ils étaient prêts
au départ. Myriam enveloppa leur bébé endormi pendant que Yosséf finissait
de charger et d’harnacher leur âne à l’extérieur. La porte fut bloquée et
le couple s’arrêta une dernière fois et lança un coup d’œil chargé
d’émotion vers la maison de leurs rêves. Puis la petite famille prit la
route. Les étoiles brillaient dans le
ciel nocturne de Judée tandis
que le couple suivait silencieusement le sentier qui sortait du village
par l’ouest. Il ne restait plus que quelques jours avant la fin du mois de
shevet et la lune décroissante
était mince et faible. le fin croissant lunaire et l’éclat des étoiles
étaient la seule lumière du jeune couple. Le feu d’un berger oscillait à
un kilomètre à l’est mais Yosséf n’osait pas allumer de torche. Miryam dut pleurer en voyant
leur belle nouvelle maison disparaître derrière eux. Yosséf la réconforta
mais il avait le cœur lourd, lui aussi. Quand pourraient-ils revenir ? Et
retrouver quoi ? Il avait avec lui l’acte de propriété de son terrain,
mais qu’allait-il advenir de leur maison en leur absence ? Arrivés à l’extrémité du
village, il leur fallut prendre une nouvelle décision. Allaient-ils
prendre la direction du sud-ouest et suivre la route de montagne en
passant par Hébron et par Beer-Schéba ? Abraham, Isaac, Jacob et David
avaient tous vécu des siècles auparavant à Hébron. Ou allaient-ils prendre
directement la direction de l’ouest et descendre par la vallée d’Elah,
passant à côté de Safita, emplacement de l’antique Gath ? David avait tué
Goliath dans cette vallée et avait vécu un certain temps à Gath, laquelle
avait aussi été la ville natale du géant. Les deux chemins les auraient
amenés à Gaza et de là à travers le Sinaï jusqu’en Égypte. Mais quel était
celui des deux chemins qui serait le plus sûr si les émissaires d’Hérode
leur donnaient la chasse ? Matthieu ne nous dit pas quel
chemin le couple a choisi. Mais quand le soleil se leva, Yosséf et Miryam
avaient une avance de vingt-cinq kilomètres. Quand la matinée devint plus
chaude, ils s’arrêtèrent probablement pour se reposer, manger un morceau
et prendre soin du bébé. Peut-être dormirent-ils deux ou trois heures.
Quand le soleil fut haut et qu’ils purent voir plus facilement, ils
reprirent la route de Gaza.
CHAPITRE XVII
Une voix se fait entendre à
Rama
Vers
ce même moment, à Bethléhem, c’était maintenant la troisième heure
dans la matinée (environ neuf heures selon notre façon de calculer). Un
groupe d’hommes à pied passa devant la tombe de Rachel et prit
l’embranchement de gauche dans la bifurcation pour entrer dans le village
par son extrémité nord. Ils se mirent chacun à poser des questions aux
habitants qu’ils rencontraient sur la place près du puits de David.
Comme les visiteurs de l’Orient
deux jours plus tôt, ils s’informèrent d’un nouveau-né dont ils avaient
entendu dire qu’il pourrait être le Messie. Ils mentionnèrent peut-être
même ces magoushim qui
s’étaient enquis à Jérusalem d’un « roi des Juifs » nouveau-né. Lequel des foyers de la région
avait eu la chance d’avoir un nouveau-né les deux derniers mois ? Des
étrangers avaient-ils visité le village ces derniers jours à la recherche
d’un nouveau-né ? Toutes leurs questions étaient précises. Cela ne dut pas
leur prendre longtemps dans une localité de ce genre d’entendre parler de
la demi-douzaine des ménages où il y avait des bébés masculins de neuf
semaines ou moins. En traversant le village, les
étrangers prirent note de l’emplacement de chaque maison dont on leur
avait parlé, y compris celle de Yosséf dont ils ne pouvaient pas savoir
qu’elle était maintenant abandonnée. À l’heure de midi, ils
faisaient la même chose pour les fermes situées aux environs du village,
une tâche qui leur prit un peu plus de temps à cause des distances. Mais
en fin d’après-midi, leur liste était complète et leur sinistre plan
d’action était prêt. Cette nuit-là, ils lancèrent leur série d’attaques
mortelles contre les familles qui avaient des bébés masculins. Le récit du
complot meurtrier d’Hérode contre Bethléhem est raconté en quelques lignes
seulement dans l’évangile de Matthieu : « Alors Hérode, voyant qu’il
avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya
tuer tous les enfants de deux [mois] et au-dessous qui étaient à Bethléhem
et dans tout son territoire, selon la date dont il s’était soigneusement
enquis auprès des [magoushim]. Alors s’accomplit ce qui avait été annoncé
par Jérémie, le prophète: on
a entendu des cris à Rama, des pleurs et de grandes lamentations : Rachel
pleure ses enfants, et n’a pas voulu être consolée, Parce qu’ils ne sont
plus » (Matthieu 2 :16-18. Voir l’annexe 2 à propos de la correction). Matthieu peut avoir choisi la
prophétie de Jérémie (qui se trouve dans Jérémie 31:5) pour deux raisons :
elle exprime le chagrin des mères de Bethléhem pour la mort violente de
leurs bébés masculins et elle mentionne aussi Rachel, l’antique mère
d’Israël, qui était morte en couches juste au nord du village. Le chagrin
mortel de Rachel et sa tombe dans les faubourgs de Bethléhem sont restés
jusqu’à ce jour dans les mémoires comme métaphore représentant le village
pleurant le massacre de ses innocents. Aujourd’hui encore ceux qui
visitent Bethléhem peuvent passer à côté de la tombe de Rachel. Et la
haute colline au nord de Bethléhem qui surplombe le village et sa tombe
est appelée Ramat Rahel en
hébreu. Le nom signifie le « haut lieu (rama) de Rachel ». La bande d’assassins a dû tuer
une demi-douzaine de garçonnets de deux mois ou moins à Bethléhem et dans
les fermes des environs. Il est peu probable que d’autres dans ces
familles aient également été tués ou grièvement blessés lors des attaques.
Mais les assassins n’allaient jamais trouver le jeune couple galiléen qui
avait vécu avec son nouveau-né dans la nouvelle maison sur le promontoire
au sud-est de Bethléhem. L’espion qui avait surveillé la maison n’avait
jamais vu de lampe allumée dans la demeure. La famille de Nazareth avait
apparemment abandonné la maison pour une raison inconnue. Nous ne savons pas non plus si
cette information remonta jamais jusqu’à Hérode. L’évangile de Matthieu
est muet à ce sujet. Les assassins n’ont certainement pas voulu signaler
le moindre échec. Et du point de vue d’Hérode, l’affaire était moins
importante que la tâche très publique qu’il allait maintenant
entreprendre : l’exécution de son propre fils Antipater, pour trahison.
Mais Hérode ne savait toujours pas à quel point il était proche de la
mort.
*** Entretemps, Yosséf et Miryam
avaient maintenant quitté Gaza et traversaient le désert du Sinaï vers
l’Égypte. Après leur départ de Bethléhem au milieu de la nuit, leur
descente vers Gaza, une affaire de quatre-vingts kilomètres, avait pris
deux jours. Le passage de Gaza jusqu’au Nil allait prendre dix jours et,
au début de mars, il faisait déjà chaud dans le désert. C’était la
nouvelle lune et on était de nouveau au mois juif d’adar. Matthieu ne donne aucun détail
sur le voyage du couple en Égypte. On ne peut qu’émettre des suppositions
quant aux endroits où ils s’arrêtèrent, où ils se reposèrent et où ils
dormirent. On connaît encore les lieux d’étape antiques le long de
l’itinéraire côtier : Rafa, El Arish, Pelusium. Le couple longea
certainement sur de longues distances le spectaculaire rivage
méditerranéen. Mais le terrain difficile fait de dunes de sable et de
gravier du désert n’était pas un endroit pour les ânes ni pour les
piétons. Il est très vraisemblable
que Yosséf vendit son animal quand il prit place dans une caravane
partant de Gaza. La caravane leur permettait de voyager à dos de chameau
pour un parcours ardu long de quatre cent soixante-dix kilomètres à
travers le Sinaï jusqu’au Nil. Leur voyage allait prendre deux
semaines et coûter cher. Le trajet à dos de chameau et
le temps passé dans les caravansérails du désert étaient des frais
inattendus pour le jeune couple. L’or que leur avaient donné les
magoushim venait maintenant
bien à point. Il leur dura probablement jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé
un logement en Égypte et se fussent installés. Leur encens pouvait
également être vendu un bon prix en Égypte où il y avait toujours un
marché pour la résine coûteuse et exotique. Une tradition médiévale
chrétienne fait résider Yosséf et Miryam dans la vieille ville du Caire.
Mais le Caire n’existait pas encore à l’époque de la naissance de Jésus et
ne serait fondé que neuf siècles plus tard. Le petit village sur le Nil
qui s’y trouvait, maintenant appelé Fustat, ne devait pas compter de Juifs
comme habitants. Il est plus probable que le couple se rendit à
Alexandrie, capitale côtière sur
la branche occidentale du Nil, où il y avait une communauté juive
prospère. Ils pourraient y trouver un endroit pour vivre, une synagogue et
de nouveaux amis. Yosséf pourrait même avoir du travail puisqu’il y avait
de nombreux chantiers publics en cours dans cette grande ville
multiculturelle. C’est probablement vers la fin
du mois d’adar, pendant le chaud printemps égyptien, que Yosséf et Miryam
s’installèrent dans un appartement temporaire à Alexandrie. Avec
l’approche de la fin du mois, Miryam devait repenser à tout ce qui lui
était arrivé au cours de l’année écoulée. C’était vers la fin d’adar, un
an plus tôt, que l’ange Gabriel lui était apparu à Nazareth pour lui dire
qu’elle allait concevoir et donner le jour au Fils de Dieu. Qui aurait jamais pensé que les
choses se seraient passées comme cela ? Son mari et elle avaient eu
confiance en Dieu et travaillé dur pour réaliser ses promesses. Ils
avaient déménagé de Galilée en Judée et passé des mois dans une grotte.
Ils avaient travaillé pour construire une maison et pour s’installer à
Bethléhem. Ils avaient investi tout ce qu’ils avaient, de tout leur cœur,
de toute leur âme et de toutes leurs forces dans leur effort pour que
naisse son enfant, le Messie de Dieu, à l’endroit prophétisé. Dans tous ces efforts, ils
n’avaient pas été victimes du hasard. Ils savaient ce qu’ils faisaient et
le faisaient avec foi, avec excitation et avec enthousiasme. Et voilà
qu’ils se retrouvaient à la merci des circonstances. Ils étaient
essentiellement des réfugiés, ayant fui leur patrie pour sauver leur peau
et celle de l’enfant de Miryam. Pour leur propre sécurité, ils ne
pouvaient même pas parler de leurs malheurs à leurs nouveaux voisins
alexandrins ni de la raison pour laquelle ils avaient quitté leur maison
et leur terre à Bethléhem au milieu de la nuit. Leur seule consolation
dans ce pays étranger était de savoir que même en fuyant en Égypte
ils obéissaient au commandement de Dieu.
CHAPITRE XVIII
Rachel pleure ses enfants Pendant ce temps-là se
produisaient à Jérusalem des choses auxquelles Yosséf et Miryam devaient
être heureux d’avoir échappé. Le roi Hérode devenait de plus en plus
malade et ses accès de colère de plus en plus irrationnels l’amenaient à
de nouveaux assassinats. Pendant le mois d’adar, vers la
mi-mars, Hérode ordonna l’exécution de plus de quarante personnalités
juives. Elles l’avaient offensé en détruisant une grande aigle romaine en
or qu’il avait apposée au-dessus de la grande entrée du Temple de
Jérusalem. Après avoir renvoyé le souverain sacrificateur pour
malfaisance, Hérode fit brûler vifs les coupables. Le roi malade se fit ensuite
transporter à Calirrhoé, à l’est de la mer Morte, pour voir si un bain
dans les eaux chaudes de cette station pouvait l’aider à guérir. En vain.
Ses intestins et son colon étaient remplis d’ulcères et ses organes
externes se nécrosaient. Il faillit passer de vie à trépas un jour que ses
serviteurs le plongeaient dans un bain d’huile chaude. La fin du mois
arrivée, il avait renoncé à guérir et ordonna qu’on le transporte dans son
luxueux palais de Jéricho. Là il
donna l’ordre final d’exécuter son fils Antipater, accusé de trahison. Hérode ne retourna jamais à
Jérusalem. Il mourut dans d’atroces souffrances quelques jours après son
arrivée à Jéricho aux environs du 1er avril de l’année que nous
appelons maintenant 4 av. J.-C. Avant de mourir, il changea son testament
pour que son fils Archélaüs devienne souverain de Judée et un autre fils
appelé Antipas devait gouverner la Galilée et la région située à l’est du
Jourdain. Archélaüs supervisa les
funérailles. Le despote fut revêtu de robes royales, avec des bijoux, un
sceptre et une couronne d’or. Son corps fut transporté dans les montagnes
de Judée sur une civière d’or incrustée de pierres précieuses. Le cortège
funèbre, composé de la famille, des nobles et du personnel militaire,
était long de huit cents mètres. Le corps fut enseveli dans un mausolée
grandiose qu’il avait fait préparer expressément sur la pente nord-est
d’une forteresse au sommet d’une montagne dans le désert de Judée à une
quinzaine de kilomètres au sud de Jérusalem. Il avait fait construire
cette forteresse, qui faisait partie de son complexe de palais le plus
grandiose, une vaste propriété avec des villas et un lac artificiel qu’il
avait appelé l’Hérodion. Ironie des choses, l’Hérodion se trouvait
justement situé bien en vue à huit kilomètres au sud-est de Bethléhem,
lieu de naissance du bébé qu’Hérode avait essayé de tuer. Après les funérailles,
Archélaüs se rendit au Temple de Jérusalem pour être reçu comme roi par la
population juive de Judée. C’était maintenant le mois printanier de nisan
et la pâque était proche. Des dizaines de milliers de Juifs venus de tous
les coins d’Israël furent rejoints par d’autres milliers qui venaient de
l’étranger en vue de la fête annuelle. Les Judéens locaux étaient toujours
en colère à propos de l’horrible exécution des hommes qui avaient détruit
l’aigle d’or d’Hérode. Quand la foule se mit à manifester contre Archélaüs
au Temple, le nouveau roi ordonna à un millier de ses hommes de troupe de
descendre contre les masses réunies dans et autour du complexe du Temple.
Plus de trois mille Juifs, venus de tout l’empire, furent tués dans
l’attaque. Ce fut un massacre de pâque que le pays n’allait jamais
oublier. Archélaüs quitta ensuite la
Judée pour se rendre à Rome afin de faire ratifier le dernier testament
d’Hérode par l’empereur et assurer son trône de Judée. Les mauvais
sentiments ne s’étaient pas apaisés parmi la population et deux
fonctionnaires romains, Sabinus, représentant personnel de César Auguste,
et Varus, gouverneur de Syrie, vinrent de Syrie observer la situation.
Varus amena une légion de ses troupes syriennes pour imposer l’ordre en
Judée au cas où l’insurrection continuerait en l’absence d’Archélaüs. Au bout d’un mois, comme le
risque d’émeute semblait réduit, Varus retourna en Syrie. Mais par mesure
de sécurité, il laissa sa légion de Syrie avec Sabinus. Malheureusement
pour les Juifs de Judée, il s’avéra que le choix de Sabinus comme
administrateur de la région était inopportun. Ses excès brutaux contre la
population déclenchèrent une nouvelle vague de résistance. Sabinus fit
réagir brutalement les soldats de la légion de Varus. Le conflit eut lieu
lors de la fête de shavou’ot,
ou Pentecôte, au début de juin, juste sept semaines après la pâque. Écrasés par les soldats de la
légion syrienne, les combattants juifs se retirèrent dans le complexe
quelque peu fortifié du Temple d’Hérode dont les portiques occidentaux
extérieurs étaient toujours en cours de construction. Du haut des toits de
ces portiques qui entouraient les cours du Temple, les forces juives
purent faire tomber une pluie de pierres et de flèches sur les
légionnaires qui se trouvaient dans les rues de la ville en bas. Sabinus
autorisa les forces romaines à bouter le feu aux nouveaux portiques. Les
chapiteaux de pierre gravés et peints de couleurs vives et les poutres en
bois épaisses importées qui constituaient le toit des structures étaient
décorés en beaucoup d’endroits de feuilles d’or maintenues par de fines
couches de cire d’abeille. Quand les incendies déclenchés par les
légionnaires atteignirent ces décorations, toute la partie supérieure du
portique occidental inachevé devint une fournaise alimentée par la cire et
le bois sec. Des centaines de Juifs furent consumés dans les flammes
rugissantes ou sautèrent des portiques sur la rue pavée tout en bas et s’y
tuèrent. Les toits finirent par s’effondrer, tuant encore des dizaines de
personnes. Varus revint rapidement de
Syrie avec deux nouvelles légions. Il s’ensuivit une guerre sanglante qui
se répandit parmi les Juifs de Judée et de Galilée et dura tout cet été-là
et jusqu’en automne. L’historien rapporte « dix mille désordres en Judée »
qui alimentèrent les violences des légions impériales. Les rebelles juifs
de Galilée attaquèrent le palais du gouvernement à Sepphoris, non loin de
Nazareth. Le chaos était tel que des troupes étrangères furent envoyées de
Beyrouth en Phénicie et de Petra en Arabie. Les forces arabes d’Aretas,
roi de Petra, brûlèrent et pillèrent des dizaines de villages juifs dans
le sud. Le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants juifs tués dans tout le
pays ne fut jamais compté, mais dépassa probablement les dix mille cet été
et cet automne-là. L’ordre fut finalement ramené
vers la fin de l’automne. Varus fit encore crucifier trois mille Juifs
parce qu’il les considérait comme les instigateurs de la rébellion. Au
cours de toute cette année, plus de quinze mille Juifs perdirent la vie à
la suite de la mort d’Hérode. Loin de là, à Rome, Archélaüs
était officiellement confirmé
ethnarque de Judée et de Samarie, une fonction qui était loin d’être au
niveau de celle de roi que son père avait détenue. Et Antipas fut désigné
comme tétrarque de Galilée et de Pérée. Les deux hommes revinrent avec
leur suite en Israël et prirent leurs fonctions avant le début de l’hiver. Également loin de là, en
Égypte, à l’abri de la communauté juive d’Alexandrie, Yosséf et Miryam
avaient évité les mois de grabuge et de massacres causés par les excès
d’Archélaüs et des officiers romains de Syrie. Le bébé de Miryam était en
bonne santé et grandissait et avait maintenant dix ou onze mois. Bien
qu’ils eussent désespéré de devoir quitter leur maison à Bethléhem, dans
la période tumultueuse qui suivit la visite des
magoushim, leur fuite en Égypte
avait été la meilleure sécurité qu’ils auraient pu espérer. Yosséf ne le savait pas à
l’époque, mais le fait d’avoir emmené Miryam et le bébé en Égypte et de
les ramener en Israël allait un jour être considéré comme
l’accomplissement d’une prophétie qui se trouve dans Osée 11:1. Matthieu
résume l’épisode égyptien en une seule phrase : « Il y resta jusqu’à la
mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par
le prophète : J’ai appelé mon fils hors d’Égypte » (Matthieu 2:15).
*** Notes du chapitre XVIII Sources Les détails relatifs aux actes
et à la mort d’Hérode mentionnés dans ce chapitre ainsi que ceux des
remous en Judée après sa mort se trouvent dans Flavius Josèphe,
Histoire antique des Juifs,
Livre XVII.
CHAPITRE XIX
J’ai appelé mon fils hors
d’Égypte
Le séjour en Égypte remplit son
rôle. Le petit bébé au nom juif
Yeshua était sain et sauf. Mais le fils de Miryam était le Messie
d’Israël. Il ne pouvait pas devenir citoyen d’un autre pays. Nous ne savons pas au juste
quand Yosséf, Miryam et l’enfant quittèrent les rues animées du quartier
juif d’Alexandrie pour retourner dans leur patrie. Ils ne retournèrent
certainement pas pendant les bouleversements qui se produisirent en Judée
et en Galilée. Mais ils voulurent certainement rentrer chez eux dès que le
danger fut passé. Le moment le plus vraisemblable pour effectuer le voyage
a dû être tout à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Matthieu dit
simplement : « Quand Hérode fut mort, voici, un ange du Seigneur apparut
en songe à Joseph, en Égypte, et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et
sa mère, et va dans le pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie
du petit enfant sont morts. Joseph se leva, prit le petit enfant et sa
mère, et alla dans le pays d’Israël » (Matthieu 2:19-21). Yosséf et Miryam durent se
réjouir de retourner à Bethléhem. Ils étaient partis depuis quelque huit
mois. Mais Yosséf avait en main l’acte de propriété de leur terrain et
leur jolie maison devait les attendre. En arrivant à Bethléhem, ils
pouvaient reprendre la vie dans la maison modeste de leurs rêves. Depuis
la porte d’entrée ils pourraient
regarder vers le sud-est dans les collines du désert de Judée et
voir le tertre conique sur lequel se dressait la forteresse de l’Hérodion,
l’endroit où l’on avait enterré le corps d’Hérode le printemps précédent. La menace contre le jeune Jésus
semblait être définitivement enterrée dans la tombe d’Hérode. La
révélation reçue en Égypte semblait indiquer que le danger était passé.
Pendant quinze jours, Yosséf et Miryam voyagèrent vers l’est, dos au Nil,
et traversèrent le nord du désert du Sinaï et remontèrent la côte
méditerranéenne, passant devant Gaza. Mais quand le couple approcha de la
frontière d’Israël avec leur bambin, qui avait maintenant près d’un an,
ils eurent un coup au cœur en apprenant qu’Archélaüs régnait maintenant
comme nouvel ethnarque de Judée. Leur bonheur se transforma immédiatement
en anxiété et leur enthousiasme en peur. L’histoire des attaques féroces
d’Archélaüs lors de la pâque et de la période désastreuse qui s’en était
suivie ne firent qu’alimenter l’inquiétude de Yosséf. Tout à coup les
projets de vie agréable à Bethléhem se dissipaient à nouveau.
L’inspiration que Yosséf et Miryam ressentaient dans leur cœur leur disait
qu’ils ne pouvaient pas retourner chez eux sur le promontoire sud-est du
village. Yosséf en reçut la confirmation dans un nouveau songe révélateur.
Il lui fut dit d’emmener sa petite famille plus au nord, en Galilée, où
Archélaüs ne régnait pas. Le récit du songe de Yosséf rapporté par
Matthieu dit simplement : « Mais, ayant appris qu’Archélaüs régnait sur la
Judée à la place d’Hérode, son père, il craignit de s’y rendre ; et,
divinement averti en songe, il se retira dans le territoire de la
Galilée » (Matthieu 2:22). Leurs projets de vie à
Bethléhem à l’eau, le cœur douloureux, Yosséf et Miryam longèrent la Judée
par la route côtière, n’osant même pas entrer dans son territoire. Évitant
également la Samarie, ils restèrent trois jours de plus sur le chemin
côtier jusqu’à ce qu’ils eussent traversé la chaîne de montagnes du
Carmel. Deux jours de plus et ils passèrent près de l’antique Meguiddo et
traversèrent la vallée de Jizreel vers les collines de Galilée où ils
étaient nés tous les deux. Ce fut très probablement une
fois de plus au début de l’hiver, au mois de kislev (plus ou moins notre
mois de décembre), que les voyageurs fatigués arrivèrent en vue des
collines de la basse Galilée. Après presque un an et demi, ils revenaient
dans leur village natal de Nazareth. Peut-être le soleil brillait-il, mais
il est plus vraisemblable que le ciel était gris et même pluvieux quand
ils entrèrent de nouveau dans le village à flanc de colline. Mais si tel
était le cas, nous pouvons aussi supposer que Yosséf et Miryam refusèrent
d’y voir un jour triste. C’était un couple qui, quoique encore si jeune,
avait appris à affronter les difficultés et à se faire une raison des
déceptions. Ils étaient reconnaissants à Dieu de les avoir conduits
plusieurs fois en lieu sûr et des bénédictions et des leçons inhérentes à
leurs épreuves. Il y avait déjà une annonce de jours meilleurs dans les
nuages gris de Galilée. Une éclaircie, lumineuse comme
un arc-en-ciel, était que Yosséf et Miryam allaient retrouver leurs
parents et leurs familles. Yo’akim et Hannah pouvaient maintenant voir
leur fille et leur petit-fils Yeshua. Yakov Eli et sa femme pouvaient, eux
aussi, revoir leur fils et le petit garçon qu’il allait élever et qui
hériterait de son lignage davidique. Il est probable que Yosséf s’installa
avec Miryam et le petit Yeshua chez son père. Il allait falloir un certain
temps au jeune tailleur de pierre pour gagner suffisamment d’argent pour
acheter un lopin de terre galiléen où il pourrait construire une autre
maison pour sa femme et le bébé. Mais les familles de Yosséf et Miryam
pourraient prendre part au bonheur de leur mariage et à l’éducation de
l’enfant-Messie. Une autre éclaircie était que
la Galilée était gouvernée par Antipas et non par Archélaüs. Bien que tous
deux fussent les fils d’Hérode, Antipas n’était pas le tyran instable et
erratique que son frère s’était déjà révélé être. Le jeune Messie et ses
parents allaient devoir être prudents en ce qui concerne son identité
divine, mais il n’aurait rien à craindre de la part d’Antipas en Galilée.
Le jeune Yeshua allait pouvoir y grandir, pour employer les termes de Luc,
« en grâce, devant Dieu et devant les hommes ». Et il y avait encore une
troisième éclaircie dans le ciel de Galilée, un rayon de lumière qu’aucun
de ceux qui participèrent aux événements du premier
Noël n’aurait pu imaginer si tôt dans leur histoire : c’était
l’accomplissement d’une autre prophétie d’un des voyants antiques
d’Israël. Mais la vieille prédiction était très compliquée et il allait
falloir un certain temps à Yosséf et à Miryam pour comprendre tout à fait
les implications du passage.
CHAPITRE XX
Il sera appelé Nazaréen Ésaïe, le prophète, avait vécu
sept siècles avant la naissance de Jésus. L’un de ses nombreux poèmes
parlait d’un descendant du roi David qui paraîtrait en Israël comme un
rameau poussa
nt sur un tronc d’arbre. Dans le couplet introductif du onzième
chapitre d’Ésaïe, Yishaï
(Isaï), père de David, représente la lignée royale de David et le mot
hébreu netzer est traduit ici
par le mot « rejeton ». « Un
hoter (rameau) sortira du tronc
de Yishaï (Isaï), Et un
netzer (rejeton) naîtra de ses
racines » (Ésaïe 11:1). Le rejeton (netzer)
ou rameau (hoter) mentionné par
Ésaïe, qui allait sortir des racines davidiques serait l’Oint d’Israël, le
Messie. Le passage complet d’Ésaïe
11:1-9 prédit le règne de justice et de jugement du « rameau »
messianique. D’autres prophètes ont aussi utilisé l’idée du rameau
symbolisant l’Oint préparé par Dieu pour racheter son peuple, utilisant
pour cela un synonyme hébreu de
netzer et hoter, le mot
tzemakh, avec le sens de germe
(messianique). Cent ans après les prophéties d’Ésaïe, le prophète Jérémie
prédit un germe davidique juste que Dieu susciterait pour en faire un
roi : « Voici, les jours viennent, dit l’Éternel, où je susciterai à David
un germe juste ; il régnera en roi et prospérera, il pratiquera la justice
et l’équité dans le pays » (Jérémie 23:5). « En ces jours et en ce
temps-là, je ferai éclore à David un germe de justice ; il pratiquera la
justice et l’équité dans le pays » (Jérémie 33:15). Deux autres passages utilisant
le mot tzemakh se trouvent dans
les prophéties de Zacharie (3:8 et 6:12). Mises ensemble, les prédictions
qui disent que le Messie d’Israël sera un « rejeton » ou un « germe » de
la maison de David sont cinq fois plus nombreuses que celles qui annoncent
sa naissance à Bethléhem. Trois prophètes avaient mentionné (cinq fois en
tout) que le Messie serait « un rameau » ou « germe ». Qu’est-ce que ces cinq passages
ont à voir avec Nazareth ? Simplement ceci : en hébreu, le nom exact du
village était Natzereth, un mot
dérivé directement du terme netzer.
Bien qu’on en parle rarement dans les cours de religion modernes, le nom
de localité Natzereth
signifiait essentiellement « Germeville ». Et le terme pour désigner un
résident de Natzeret était
Natzri qui était orthographié
avec un « n » supplémentaire dans le grec du Nouveau Testament
et est souvent rendu par « Nazaréen ». Le terme
Natzri (Nazaréen) ne fait que
personnifier le mot netzer : il
indique qu’une personne est un « germe » pour ainsi dire. Au cours des années qui
suivirent leur retour à Nazareth, Yosséf, Miryam et leurs familles durent
étudier les écritures hébraïques pour trouver des informations concernant
le Messie qui n’étaient pas encore devenues de notoriété publique. En
finissant par découvrir cinq passages désignant l’oint d’Israël comme
étant le « germe », ils ont dû remarquer que le mot utilisé par Ésaïe, le
doyen des prophètes anciens, était
netzer, le mot même d’où provenait
Nazareth. Ils ont dû se rendre
compte tout à coup, un beau jour, que Jésus grandirait comme un
Natzri, personnification du
terme netzer. Jésus serait un
Nazaréen ! Et tout aussi soudainement,
Yosséf et Miryam durent se rendre compte que leur retour en Galilée
n’avait pas du tout été un pis-aller ou un « plan B » improvisé, en tout
cas pas du point de vue divin. C’était, depuis toujours, la volonté et le
plan premier de Dieu. Le jeune couple avait fait tout
ce qu’il avait pu pour accomplir la prophétie solitaire de Michée
annonçant que le Messie proviendrait de Bethléhem. Et les circonstances
avaient voulu que l’unique passage de Jérémie disant que Dieu appelait son
fils hors d’Égypte s’accomplisse. Mais maintenant qu’ils étaient à
Nazareth, les prophéties multiples qui qualifiaient le Messie de
« rameau » ou « germe » semblaient clairement indiquer que ce n’était pas
un coup du sort qui avait ramené le couple dans leur village natal, mais
la main délibérée du Dieu d’Israël. Il devint clair pour le couple
courageux de Nazareth que Yeshua, que le monde allait connaître sous le
nom de Jésus, devait en réalité grandir dans le village portant le nom du
netzer. À la fin de son récit
concernant la naissance et les voyages de l’enfant Jésus, Matthieu utilise
un jeu de mots sur les mots netzer,
Natzereth et
Natzri pour résumer les
prédictions des trois prophètes qui avaient prédit la venue du « rameau »
d’Israël : « … et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que
s’accomplît ce qui avait été annoncé par les prophètes : Il sera appelé
Nazaréen » (Matthieu 2:23).
*** Et c’est comme cela, cher
Lecteur, que le bébé qui naquit à Bethléhem et a été déposé dans une
crèche de pierre nue, en vint à grandir à Nazareth, pour devenir lui-même
tailleur de pierre, puis un jeune rabbin populaire, connu sous le nom de
Jésus de Nazareth, un homme que des milliards de personnes allaient
finalement reconnaître comme le Messie d’Israël et Fils de Dieu. Voilà qui conclut le récit qui
n’avait pas encore été fait du premier Noël, l’histoire d’une foi et d’un
courage plus grands que la plupart d’entre nous l’ont jamais imaginé ;
l’histoire d’un jeune homme et d’une femme encore plus jeune, menant une
vie tout à fait ordinaire, qui reçurent de Dieu le commandement de faire
des choses tout à fait extraordinaires, l’histoire de leur détermination à
se montrer à la hauteur de la situation. Une dernière chose : C’est une
histoire qui est vraie ! Vous pouvez compter là-dessus. Allez-y
maintenant. Savourez-la de nouveau vous-même, en la lisant dans les pages
de votre Nouveau Testament. Joyeux Noël !
ANNEXE 1
La notion de naissance
virginale Si en tant qu’auteur je puis me
permettre une liberté personnelle, je voudrais faire quelques commentaires
sur ce que le Nouveau Testament nous dit à propos de la conception et de
la naissance virginales de Jésus. Je reconnais que je n’ai jamais
douté de ce récit. Depuis la première fois que je l’ai lu dans mon
enfance, j’ai cru que Jésus était littéralement le Fils de Dieu. J’ai
accepté la proposition que Jésus a lui-même faite dans l’évangile de
Jean : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin
que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie
éternelle » (Jean 3:16). Homme de science vivant maintenant, au vingt et
unième siècle, âgé de plus d’un demi-siècle, je crois avec autant de
certitude que quand j’étais enfant que le texte de l’évangile est
authentique et vrai. En disant cela, je tiens à ce
qu’il soit bien clair que je ne condamne en aucune façon ceux de mes
collègues qui ne sont pas de cet avis. Et je ne juge aucun laïc qui a
décidé qu’il ne peut pas croire en l’histoire de la naissance virginale.
La foi est une expérience hautement personnelle. Je ne me permettrais pas
de critiquer les conclusions auxquelles quelqu’un d’autre pourrait
parvenir par sa foi ou sa raison. J’ai en fait un grand respect pour les
vrais fidèles de toutes les traditions religieuses aussi bien que pour le
scepticisme de l’intelligence honnête. Ce
que j’espère, c’est que ceux qui se trouvent du côté sceptique par rapport
à la question de la « naissance virginale » prendront un moment pour
réfléchir à ce qui suit. Quand j’ai commencé à faire des
recherches et à enseigner le Nouveau testament, dans les années 1970, j’ai
été véritablement surpris d’apprendre que beaucoup de théologiens et
commentateurs chrétiens modernes considèrent que Marie n’était pas
vraiment vierge quand Jésus est né. L’argument habituel dans ces études
était que l’enfant avait été conçu à la suite de relations sexuelles avec
un homme. C’était généralement Joseph qui était identifié comme étant le
père littéral de Jésus, avec la suggestion que Marie et lui avaient eu s
des relations avant leur mariage. On laissait parfois entendre
qu’un autre homme, inconnu ou non identifié par les auteurs du
Nouveau Testament, avait été celui qui avait fécondé Marie. Je me souviens
en particulier d’un commentateur absolument formel qui prétendait qu’aucun
enfant n’était jamais né sans qu’il y ait eu rapport sexuel. Mais les récits de Matthieu et
de Luc sont écrits en des termes qui nient expressément que Joseph, ou
tout autre mortel, ait été le père de Jésus. La question est donc
essentiellement celle-ci : faut-il croire ou non les récits des
évangiles ? Vers cette même époque, au
cours des années 1970, des recherches remarquables étaient en cours
dans le monde scientifique au sujet de la reproduction humaine.
Pendant toute la décennie, des
tentatives répétées furent faites par des chercheurs aux États-Unis et au
Royaume Uni pour fertiliser un ovule humain par le processus appelé
« fertilisation in vitro ». Le but était d’aider les couples incapables
d’avoir des enfants par des moyens normaux. Finalement, en 1977, une
fertilisation réussie eut lieu dans une clinique anglaise et l’embryon qui
en résulta fut implanté dans la mère potentielle. Le 25 juillet 1978
naissait une petite fille normale et en bonne santé à qui l’on donna le
nom de Louise Brown. Elle avait été conçue et implantée dans la matrice de
sa mère et naquit plus tard normalement sans qu’il n’y ait eu de rapport
sexuel ! La petite Louise fut connue
comme le « premier bébé-éprouvette », un terme plutôt banal inventé par
les médias pour expliquer que sa conception avait eu lieu dans le
laboratoire d’une clinique. Et, au départ, Louise et les autres enfants
qui naquirent de cette façon en Angleterre et en Amérique firent la
une des journaux, chaque naissance « éprouvette » étant accueillie comme
un bond en avant. C’était il y a plus de trente
ans. Avec le temps et le nombre de fécondations réussies, le phénomène
perdit de son originalité et les médias cessèrent d’en parler. Au moment
où je rédige ces lignes, il y a, dans le monde, plus de deux millions de
personnes qui ont été conçues in vitro, implantées dans la matrice de leur
mère et sont nées sans problème sans qu’il y ait eu de rapport sexuel. Il y a un siècle à peine, ceci
aurait été considéré comme un miracle ! Il y a seulement cinquante ans, on
aurait qualifié cela de science-fiction. Maintenant, c’est devenu
tellement courant qu’on n’en entend plus parler au JT. Mais en réalité,
c’est toujours aussi miraculeux aujourd’hui que cela aurait été le cas il
y a cent ans, mille ans ou deux mille ans. Cela dit, je tiens à ce que ce
soit clair : la fécondation in vitro n’est pas la raison pour laquelle je
crois en la naissance virginale. Comme je l’ai dit plus tôt, je crois en
la naissance miraculeuse et virginale de Jésus depuis que j’en ai appris
l’existence dans mon enfance. J’y croirais même s’il n’y avait pas de
fécondation in vitro ni de bébés-éprouvettes ». C’est l’Esprit de Dieu qui
donne ce témoignage, pas la logique du raisonnement humain. Ce que je veux dire, et je ne
veux rien dire de plus, à l’intention de ceux auraient besoin d’une raison
pour revoir la légitimité de leur doute : si de simples mortels,
travaillant pour le bien de l’humanité dans leurs cliniques et leurs
laboratoires peuvent trouver le moyen d’assurer la conception et la
naissance d’un enfant sans qu’il y ait eu d’union sexuelle, pourquoi
faudrait-il douter que Dieu puisse en faire autant ? Après tout, comme
l’ange l’a dit à Marie, à Dieu rien n’est impossible.
ANNEXE 2
Le timing de la visite des
magoushim
Les textes du Nouveau Testament
sont des documents merveilleux que je considère comme exacts et dignes de
confiance. Cela ne veut pas dire qu’ils sont infaillibles et qu’il n’y a
aucun risque d’erreur. Même les quatre évangélistes pouvaient commettre
des erreurs. Mais à mon avis, la plupart des erreurs qui peuvent exister
dans les textes sont essentiellement le résultat de fautes commises par
inadvertance par les premiers copistes et non le résultat d’efforts pour
corrompre les récits eux-mêmes. Ceci étant, je suis très
réticent quand il s’agit de proposer un changement quelconque aux récits
du premier Noël que nous avons dans Matthieu et Luc. C’est donc à titre
tout à fait exceptionnel que j’ai moi-même changé le temps mentionné dans
Matthieu 2:16 (voir chapitre XVII). Plutôt que de faire tuer par
Hérode tous les enfants masculins « de deux ans et au-dessous »
de Bethléhem et des environs,
comme le dit le texte reçu de Matthieu, je suggère que le texte a dû dire
à l’origine « deux mois et au-dessous ». Toutefois, pour bien montrer
qu’il s’agit là de ma propre correction, j’ai mis le mot « mois » entre
crochets dans le passage présenté au chapitre XVII. Il y a un certain nombre de
raisons contraignantes pour conclure que Matthieu a dû à l’origine
indiquer « deux mois » plutôt que « deux ans ». Je n’en citerai que trois. 1. Le vif désir des
magoushim de voir le roi
nouveau-né : Les visiteurs de l’Orient semblaient très impatients de
trouver Jésus. Mais si le signe de sa naissance avait été donné deux ans
avant leur arrivée à Jérusalem, cela voudrait dire qu’ils avaient postposé
leur voyage de vingt-deux mois. Le temps nécessaire pour voyager à pied et
à dos de chameau de Babylone à Jérusalem n’était que de six semaines et,
de la frontière perse, de sept seulement. Ce sont les deux endroits les
plus probables dans
« l’Orient » d’où les magoushim
étaient venus. Alors ou bien ils avaient vu le signe deux ans plus tôt et
avaient attendu très longtemps pour se rendre finalement en Judée (en
dépit de leur impatience) ou alors le signe avait dû être donné beaucoup
plus récemment, deux mois
seulement plus tôt. Et si les
magoushim étaient partis de chez eux « en Orient » dans les quelques
jours de l’apparition de l’étoile, cela veut dire que le signe n’a pas pu
être donné plus de huit ou neuf semaines environ avant leur arrivée à la
cour du roi Hérode à Jérusalem. 2. Le caractère immédiat du
récit du Nouveau Testament lui-même : Le texte de Matthieu 2:1 dit que
« Jésus étant né à Bethléhem… des mages d’Orient arrivèrent . » Il n’y a
aucune indication d’un éloignement dans le temps, il n’y a pas une période
de nombreux mois entre « Jésus étant né » et « des mages d’Orient
arrivèrent ». Le texte lui-même semble dire que les
magoushim sont venus
directement après la naissance de Jésus. Le voyage au départ de
« l’Orient » jusqu’à Jérusalem étant de six à huit semaines, cela voudrait
dire qu’il ne s’était passé que deux mois environ depuis qu’ils avaient vu
le signe dans les étoiles. On voit donc pourquoi Hérode a dû vouloir faire
tuer les bébés masculins de Bethléhem « de deux [mois] et au-dessous »
selon le calendrier dont il s’était soigneusement enquis auprès des
magoushim. Le nombre d’enfants tués était
forcément restreint : dans un village comme Bethléhem, on ne peut pas
s’attendre à ce que plus de dix enfants soient nés en deux mois. La moitié
environ de ceux-ci, peut-être cinq ou six, devaient être des garçons.
C’est pour cela que je relève au chapitre XVII une demi-douzaine de bébés
masculins de neuf semaines ou moins tués sur l’ordre d’Hérode. Si tous les
garçons de deux ans et en dessous avaient été tués, il y en aurait sans
doute eu plus de soixante-dix. Hérode devait forcément entreprendre cette
opération en secret en envoyant une bande d’assassins. Il est tout
simplement impossible qu’il ait envoyé ses troupes en mission officielle
pour tuer des enfants juifs. Pareille opération, si elle avait mis à mort
quelque soixante-dix enfants, ne serait pas passée inaperçue et les
historiens extérieurs au Nouveau Testament, comme Josèphe, l’auraient
certainement mentionnée (que l’on se souvienne de l’agitation à propos de
l’exécution des hommes qui avaient détruit son aigle d’or). Mais il aurait
été impossible à une escouade secrète d’attaquer plus de soixante-dix
foyers et de tuer ce nombre
d’enfants sans que la conspiration ne soit découverte, auquel cas elle
serait devenue de notoriété publique et aurait fait partie du registre
historique des excès d’Hérode. Le contexte de l’histoire racontée par
Matthieu fait penser à une liquidation secrète des bébés de Bethléhem et
aussi que leur nombre était limité aux quelques bébés masculins qui
avaient neuf semaines ou moins.
Annexe 3
La Place de la Crèche à
Bethléhem Le modeste lopin de terre que
Joseph et Marie possédaient autrefois à Bethléhem est aujourd’hui l’une
des propriétés les plus célèbres du monde. C’est aussi l’un des
territoires les plus troublés du monde. Il fait partie du grand complexe
appelé Place de la Crèche et l’église de la Nativité dans la ville moderne
de Bethléhem.
Des milliers de pèlerin et de
touristes chrétiens visitent chaque année la Place de la Crèche et
beaucoup s’y rassemblent chaque décembre pour la fête de Noël en dépit du
conflit entre Israéliens et Arabes palestiniens pour le contrôle des
lieux. L’église de la Nativité, qui
date de l’ère byzantine, fut construite au-dessus de la grotte de Joseph
et Marie en 326 de notre ère. L’empereur Constantin en ordonna la
construction après que sa mère Hélène en eut identifié le site comme étant
l’emplacement de la naissance de Jésus. Ceci était basé sur la tradition
et sur des informations qu’elle tenait de la communauté chrétienne de
Bethléhem. La basilique fut transformée et
agrandie un peu après 529 apr. J.-C. sur ordre de l’empereur byzantin
Justinien. Bien que modifié quelque peu par les croisés au douzième
siècle, l’édifice où les visiteurs entrent aujourd’hui est essentiellement
le sanctuaire justinien du sixième siècle. Aujourd’hui, l’église de la
Nativité est gérée par des chrétiens orthodoxes grecs, quoique les
chrétiens arméniens aient une petite présence dans l’abside nord de
l’église. Sous l’autel ornementé se trouve la grotte de la nativité. Les
visiteurs qui descendent
l’escalier dans la pièce décorée sous l’autel sont informés qu’ils entrent
dans la grotte même où Marie a donné le jour à son fils. On a accès à une partie de
cette grotte en passant par l’église catholique de Sainte-Catherine, juste
au nord de l’église de la Nativité. Les chances pour que la grotte de la
Nativité soit véritablement l’endroit de la naissance de Jésus sont assez
bonnes. Il y a un certain nombre d’autres grottes dans le voisinage
immédiat de la Place de la Crèche. Un creux appelé grotte des Innocents
prétend être l’endroit où ont été enterrés les enfants tués sur l’ordre
d’Hérode mais c’est là une tradition tardive qui n’est guère probable.
Une autre grotte encore, appelée grotte du Lait, se trouve non loin
de l’église de la Nativité et une vieille tradition affirme que son
intérieur est devenu complètement blanc par une goutte du lait de Marie,
ce qui est aussi peu vraisemblable. Mais n’importe laquelle de ces grottes
a pu abriter Joseph et Marie pendant la construction de leur maison. L’origine très ancienne de la
tradition associée à la grotte de l’église de la Nativité fait que c’est
l’emplacement le plus vraisemblable de l’abri temporaire du couple de
Nazareth et l’endroit où le Fils de Dieu est né.
Annexe 4
Le sixième mois
Dans
La Crèche de pierre, je lis la
mention du « sixième mois » dans Luc 1:26 comme une allusion au sixième
mois du calendrier civil juif, le mois d’adar
au printemps. Les commentaires n’envisagent pas ce lien mais présentent le
passage comme la suite de ce que dit Luc 1:24 où « Élisabeth… se cacha
pendant cinq mois ». Les commentaires estiment donc qu’Élisabeth a caché
sa grossesse pendant cinq mois et qu’au cours du sixième mois de la
grossesse d’Élisabeth, l’ange apparut à Marie à Nazareth.
Je crois qu’il est probablement
exact de dire qu’Élisabeth était effectivement enceinte depuis six mois au
moment de la visite de l’ange à Marie et je le mentionne même plus haut,
au chapitre III de La Crèche de
pierre. Mais je pense que
dans la logique du récit de Luc 1, ce fait est une coïncidence. Je suis
tout à fait à l’aise dans mon opinion que la mention du « sixième mois »
dans Luc 1:26 doit être considérée comme désignant le mois d’adar.
Voici pourquoi : 1. Il y a une rupture
littéraire naturelle dans le récit de Luc 1 entre les versets 25 et 26 où
la narration de l’histoire de Zacharie prend fin et celle de l’histoire de
Marie commence. À cause de cela, si le temps du verset 26 était
véritablement prévu comme allusion au moment de la grossesse d’Élisabeth,
nous devrions nous attendre à ce que la nouvelle section littéraire
commence par une expression du genre « au sixième mois d’Élisabeth » ou
même « un mois plus tard ». Mais il n’y a aucune précision de ce genre
dans le texte tel que nous l’avons. Et au commencement de la nouvelle
section littéraire au verset 26, l’expression sans modification du
« sixième mois » est très vraisemblablement une allusion à l’époque de
l’année civile juive plutôt qu’à celle de la grossesse d’Élisabeth. 2. À l’époque de la naissance
de Jésus, le calendrier utilisé chez les Juifs commençait avec le
nouvel-an, rosh hashannah, au
début de l’automne, comme je l’explique au chapitre III. Le premier mois
était tishri. Le sixième mois
était adar et il correspond
plus ou moins à notre fin février à fin mars. Nous ne savons pas depuis
combien de temps le calendrier en question était utilisé au moment de la
naissance de Jésus, mais il l’était depuis plusieurs décennies au moins.
3. Il y avait aussi un
calendrier plus ancien utilisé par les Juifs, celui des livres bibliques
anciens que nous appelons aujourd’hui la Bible hébraïque ou Ancien
Testament. Ce calendrier marquait le début de l’année au printemps, avec
le mois d’aviv (le mois qui
allait être appelé plus tard nisan).
Nous savons, grâce aux écrits de l’historien Josèphe que le vieux
calendrier biblique était toujours utilisé parallèlement au calendrier
civil plus récent. Mais il n’y a aucune indication dans aucun des écrits
du Nouveau Testament que l’ancien calendrier doive être préféré au plus
récent dans le récit de Luc 1 ou dans aucun autre. Et une conception fin
mars (fin adar), le « sixième
mois » selon le calendrier civil, est le seul modèle qui permette
à Jésus de naître aux environs du
solstice d’hiver (voir annexe 5).
Annexe 5
La date de Noël
On entend de temps en temps des
gens se plaindre que la date du 25 décembre ait été choisie pour
commémorer Noël parce qu’il se trouve que cette date est aussi une fête
païenne romaine. Mais il n’y a vraiment aucune raison de se tracasser pour
cette question. Il est certainement vrai qu’en
274 apr. J.-C., l’empereur romain Aurélien avait fait du 25 décembre la
fête de Sol Invictus (« soleil
invincible »). Le solstice d’hiver, jour le plus court de l’année, se
situait habituellement le 21 ou le 22 décembre et le 25 décembre était le
premier jour après le solstice où le soleil était visiblement un peu plus
longtemps dans le ciel. La fête de
Sol invictus commémorait la renaissance du soleil, que certains
Romains, notamment ceux qui adoraient Mithra, tenaient pour une divinité.
Pour le dire simplement, le 25 décembre devint l’anniversaire du soleil à
Rome. On se souviendra que le Nouveau
Testament dit que Marie conçut Jésus vers la fin du sixième mois juif,
appelé adar, soit vers la fin
de notre mois de mars. Neuf mois après cet événement, nous verrions Jésus
naître à la fin du mois juif de
kislev lequel tombait souvent vers la fin de notre mois de décembre. Pendant la plus grande partie
du premier siècle de notre ère, la majorité des disciples de Jésus furent
juifs. Il ne semble pas qu’ils aient fêté l’anniversaire de la naissance
de Jésus (bien que les fêtes
anniversaires fussent normales et parfaitement acceptables dans la société
juive). Les disciples juifs qui avaient accès à l’évangile de Luc devaient
savoir que Jésus avait été conçu au mois d’adar, au début du printemps, et
était par conséquent né au mois de kislev, au début de l’hiver. Mais au deuxième siècle, la
démographie de l’Église changea radicalement. Le nombre de chrétiens
ethniquement juifs diminua et la majorité ne tarda pas à être d’origine
païenne. Le nombre de Juifs dans l’Église diminuant pour se réduire à un
très petit nombre, l’influence et la culture juives disparurent. Les
chrétiens d’origine païenne ignoraient tout du calendrier juif et le
rapport qu’il avait avec l’évangile de Luc. Ils suivaient le calendrier
romain, le calendrier julien créé par Jules César. Les deux calendriers
comportaient douze mois, mais ils n’étaient pas parfaitement parallèles.
Le calendrier juif était basé sur le cycle lunaire, le premier jour du
mois coïncidant toujours avec la nouvelle lune et un mois supplémentaire
étant ajouté tous les deux à quatre ans pour que les douze mois restent
dans leur saison. Le calendrier julien, quant à lui, était strictement
basé sur l’année solaire. Ce qui signifie que d’année en année un jour
quelconque de kislev tombait un jour différent du julien de décembre. Même
si le jour exact de la naissance de Jésus au mois de kislev nous avait été
transmis par les auteurs du Nouveau Testament, il aurait été impossible
pour les premiers chrétiens d’origine païenne de fixer une date du
calendrier julien en décembre pour la naissance de Jésus représentant la
date juive et restant la même d’année en année. Il apparaît qu’avec le temps,
les copistes et les savants chrétiens d’origine païenne réussirent à
garder en mémoire que la naissance de Jésus s’était produite au début de
l’hiver vers la fin du mois julien de décembre. Cela se reflète toujours
aujourd’hui dans la fête catholique et protestante de Noël en décembre et
dans les vieilles célébrations orthodoxes de Noël juste quelques jours
plus tard le 7 janvier. Mais ces premiers chrétiens n’avaient aucun moyen
de fixer une date exacte en décembre. Quelque part au début du
quatrième siècle apr. J.-C., les chrétiens romains décidèrent de célébrer
l’événement de la naissance de Jésus le 25 décembre, fête de
Sol invictus. Il semble que ce
soit le pape Liberius, évêque de Rome de 352 à 366, qui ait donné
l’approbation officielle de l’Église pour la fête de Noël au 25 décembre,
probablement en l’an 354. Trois considérations au moins semblent avoir
pesé sur la décision : Premièrement, on s’appuyait
davantage sur les documents du Nouveau Testament, pratiquement tous
reconnus à l’époque du concile de Nicée de 325, et les informations de Luc
à propos de l’Annonciation et
de la conception miraculeuse de Jésus le « sixième mois » (adar juif)
amenèrent les érudits chrétiens de l’époque à fixer la fête catholique de
l’Annonciation à la fin mars. Deuxièmement, la tradition
voulant que Jésus soit né au début de l’hiver portait sur la fin décembre,
neuf mois plus tard. Et par coïncidence, la fête déjà existante de
Sol invictus se situait aussi à
cette même période. Ce fut essentiellement pour une raison pratique que
l’on transforma la fête païenne de la naissance du soleil à la fête
chrétienne de la naissance du Fils de Dieu. Ce faisant, l’Église disposait
maintenant d’un jour fixe du calendrier julien pour la fête. Même si tout
le monde savait que ce n’était qu’une date approximative, c’était plus que
suffisant. Une troisième considération,
peut-être la plus intéressante, semble avoir été le fait que les chrétiens
reconnaissaient les traditions juives qui identifiaient la venue du Messie
avec le symbole du soleil levant. Le livre de Malachie prédit comme suit
la venue du Messie : « Mais pour vous qui craignez mon nom, se lèvera Le
soleil de la justice, et la guérison sera sous ses ailes » (Malachie 4:2). Le lien symbolique entre le
soleil levant et la venue du Messie est même mentionné par Zacharie, père
de Jean-Baptiste, quand il prophétise que Jean préparera la voie à la
venue de l’Oint « Afin de donner à son peuple la connaissance du salut Par
le pardon de ses péchés, grâce aux entrailles de la miséricorde de notre
Dieu, en vertu de laquelle le
soleil levant nous a visités d’en haut, pour éclairer ceux qui sont
assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort » (Luc 1:77-79). Ainsi donc, les tout premiers
Juifs à croire en Jésus le Messie identifiaient clairement sa venue au
symbole du soleil levant. Les scribes et les érudits chrétiens d’origine
païenne du quatrième siècle semblent aussi s’être souvenus de ce symbole,
c’est pourquoi ils ne virent aucun inconvénient à utiliser la fête du
soleil, Sol invictus, comme
jour pour commémorer la naissance du Christ. Nous ne devrions pas y voir
d’inconvénient non plus. Nous ne connaissons toujours
pas le jour exact du début de l’hiver où Jésus est né. Puisque Marie et
Joseph devaient s’en souvenir en fonction de leur calendrier juif (fin de
kislev), ils ne notèrent probablement jamais la date correspondante du
calendrier julien romain. Il est cependant virtuellement certain que la
naissance se produisit vers la fin du mois de décembre romain. Par
conséquent, que les chrétiens d’aujourd’hui choisissent de se souvenir de
la naissance à la date orthodoxe du 7 janvier ou à la date catholique et
protestante du 25 décembre, le message reste le même :
Joyeux Noël !
***
À propos de
l’auteur Jeffrey R. Chadwick est
professeur d’archéologie et de sciences du Proche-Orient au Centre de
Jérusalem et chargé de cours d’éducation religieuse [sciences bibliques et
juives] à l’université Brigham Young et à son Centre de Jérusalem pour les
Sciences du Proche-Orient en Israël. Il est aussi maître de conférences à
l’Institut W. F. Albright de recherches archéologiques à Jérusalem. Il
détient un doctorat en archéologie du Centre pour le Proche-Orient de
l’université d’Utah et est archéologue professionnel et sur le terrain. Il
a fait des fouilles dans plusieurs sites en Israël au cours des trente
dernières années. Il dirige et enseigne depuis 1982 dans des programmes
estudiantins en sciences bibliques, archéologie, histoire et géographie
historique en Israël, initiant des milliers d’étudiants d’université aux
récits bibliques dans leur cadre d’origine en Terre d’Israël.
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