POUR LES GUIDER ET
POUR LES ECLAIRER
Limage de la
colonne de nuée et de feu dans la Bible et dans les Écritures modernes
Tod R. Harris
Article non publié traduit et affiché avec la permission de lauteur
De tous les systèmes de symboles qui émaillent la Bible lutte contre les monstres
du chaos, sacrifice du premier-né, parent qui a le pouvoir de rachat on peut dire
quil ny en a aucun qui soit plus évident que celui de lExode. Et de
tout le complexe dimages qui constitue cette symbolique : désert et montagne, autel
et tabernacle, rocher, eau et manne, il en est peu qui soient autant chargés de
symbolisme que la colonne de nuée et de feu. Même si « le langage des sections
historiques du Pentateuque décrivant lexode et les motifs utilisés par les
écrivains postérieurs pour évoquer les événements de lExode peut varier
considérablement » (Ryken, etc., Dictionary of Biblical Imagery, p. 253), la colonne de
nuée et de feu est toujours utilisée de la même façon, comme symbole de
lavènement et de la présence du divin dans la maison dIsraël. Les
occurrences de ce symbole et son utilisation dans les Ancien et Nouveau Testament sont
bien attestées. Il importe de signaler que cette image apparaît aussi dans les
Écritures modernes, dans le Livre de Mormon aussi bien que dans les Doctrine et Alliances
et la Perle de Grand Prix et quelle remplit la même fonction symbolique. Le but de
la présente étude est de démontrer que limage de la colonne de nuée et de feu se
retrouve suffisamment souvent dans les Écritures modernes et dans les mêmes contextes
que dans la Bible pour prouver lexistence dune unité didée et
dintention tout au long de ces Écritures, exemple frappant de la façon dont les
Écritures mormones édifient sur le canon chrétien ordinaire et le renforcent.
Il est instructif de passer en revue lapparition et lévolution de
limage de la colonne de nuée et de feu et les contextes dans lesquels elle
apparaît tout au long de la Bible pour établir efficacement des points de comparaison
entre la façon dont limage y est utilisée et celle dont elle est utilisée dans
les Écritures modernes.
La colonne de nuée et de feu apparaît dans lExode pendant que les Israélites vont
de Succoth à Étham :
« LÉternel allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les guider
dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin quils
marchassent jour et nuit. La colonne de nuée ne se retirait point de devant le peuple
pendant le jour, ni la colonne de feu pendant la nuit » (Exode 13:21-22).
Le verset 21 nous donne sa principale raison dêtre : la colonne de nuée
(ammud anan) devait guider le peuple ; la colonne de feu (ammud
esh) devait léclairer. Il convient de remarquer quil ny a rien
qui indique quil y ait eu deux colonnes, mais plutôt deux manifestations de la
même forme, apparaissant le jour comme une très haute nuée et la nuit comme une colonne
lumineuse. Il est également intéressant dobserver que la description renferme la
fonction littérale et annonce la fonction métaphorique de la colonne : guider et
éclairer le chemin et être toujours avec le peuple.
Exode 16:10 ajoute une autre dimension au phénomène : « Et tandis quAaron parlait
à toute lassemblée des enfants dIsraël, ils se tournèrent du côté du
désert, et voici, la gloire de lÉternel parut dans la nuée. » Ce verset marque
le commencement de lassociation entre la « gloire » (kavôd) et la nuée
(anan).
La colonne de nuée et de feu accompagne continuellement les enfants dIsraël
pendant leur long séjour, allant devant eux pour leur montrer le chemin et se tenant
derrière eux pour les protéger jusquà leur arrivée aux frontières de Canaan. À
ce moment-là vient sajouter une composante critique finale à lédifice. Le
texte rapporte :
«
la nuée couvrit la tente dassignation, et la gloire de lÉternel
remplit le tabernacle
Aussi longtemps que durèrent leurs marches, les enfants
dIsraël partaient, quand la nuée sélevait de dessus le tabernacle. Et quand
la nuée ne sélevait pas, ils ne partaient pas, jusquà ce quelle
sélevât. La nuée de lÉternel était de jour sur le tabernacle; et de nuit,
il y avait un feu, aux yeux de toute la maison dIsraël, pendant toutes leurs
marches » (Exode 40:34, 36-38).
Après la construction du tabernacle (mishkan), la nuée (de nouveau anan) repose
sur cette demeure symbolique de Dieu. La colonne de nuée sélevait pour signaler
quil fallait lever le camp et pendant la marche, elle précédait le peuple,
sarrêtant quand celui-ci devait dresser la tente.
Comme Propp le remarque dans sa traduction de lExode pour lAnchor Bible, ce
passage « couronne les nombreuses mentions de nuées et de feu dans lExode
la
colonne de nuée/de feu qui protégeait Israël et lui faisait traverser le désert, cette
même splendeur qui sétait manifestée au Sinaï repose maintenant au-dessus et à
lintérieur du tabernacle, garantie permanente de guidance et de protection » (p.
674). Donc dès la fin de lExode, limage initiale a évolué en un système de
symboles auquel sont associés plusieurs éléments précis : colonne, feu, nuée, gloire
et tabernacle. Limage composite qui en résulte ou une de ses variantes apparaît
donc fréquemment dans le reste du texte biblique pour évoquer de manière puissante
lidée de présence, de direction et de protection divines.
Encore une fois, un bref passage en revue de certaines de ces occurrences, pour montrer
lutilisation régulière de la colonne de feu et de nuée et les images qui y sont
associées, est instructif pour la présente étude, tout dabord dans le reste de
lAncien Testament puis dans le Nouveau.
Les mentions les plus fréquentes apparaissent dans les autres livres du Pentateuque, un
résultat auquel il faut sattendre puisque se rattachant à une image aussi
essentielle à la symbolique de lexode en général. Nombres 9:15 dit que « Le jour
où le tabernacle fut dressé, la nuée couvrit le tabernacle, la tente
dassignation; et, depuis le soir jusquau matin, elle eut sur le tabernacle
lapparence dun feu » (italiques ajoutés). Dans le Deutéronome, le Seigneur
est explicitement décrit comme celui « qui allait devant vous sur la route pour vous
chercher un lieu de campement, la nuit dans un feu afin de vous montrer le chemin où vous
deviez marcher, et le jour dans une nuée » (Deutéronome 1:33).
Un certain nombre de psaumes évoquent cette image, comme par exemple Psaumes 78:14 : «
Il les conduisit le jour par la nuée, Et toute la nuit par un feu éclatant » et Psaumes
105:39 : « Il étendit la nuée pour les couvrir, Et le feu pour éclairer la nuit. »
Les grands prophètes, particulièrement Ésaïe et Ézéchiel, sappuient sur
lidée de la colonne de nuée et de feu et sur ce quelle représente.
Ésaïe a recours à cette image pour symboliser pour les enfants dIsraël
lespoir dun second exode qui les ferait sortir de leur captivité
prophétisée :
« LÉternel établira, sur toute létendue de la montagne de Sion Et sur ses
lieux dassemblées, Une nuée fumante pendant le jour, Et un feu de flammes
éclatantes pendant la nuit; Car tout ce qui est glorieux sera mis à couvert. Il y aura
un abri pour donner de lombre contre la chaleur du jour, Pour servir de refuge et
dasile contre lorage et la pluie » (Ésaïe 4:5-6).
Notez la récurrence des éléments constitutifs de limage : nuée (anan), feu
(esh), gloire (kavôd) et tabernacle (mishkan). Plus loin Ésaïe utilise à nouveau
limage dans un contexte similaire, en faisant cette fois allusion à la fonction
protectrice de la colonne de nuée, déclarant à son auditoire : « Ne sortez pas avec
précipitation, Ne partez pas en fuyant; Car lÉternel ira devant vous, Et le Dieu
dIsraël fermera votre marche » (Ésaïe 52:12).
Le mystère qui entoure la première grande vision dÉzéchiel est quelque peu
mitigé quand on le considère à la lumière de limage de la colonne de nuée/de
feu. La description du vent impétueux, « une grosse nuée, et une gerbe de feu, qui
répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme
de lairain poli, sortant du milieu du feu » (Ézéchiel 1:4) contient les mêmes
images de nuée (anan), de feu (esh) et, par association avec
lexpression « lumière éclatante », de gloire (notez que le mot rendu ici par «
lumière éclatante » [nogah] est le même que celui qui est traduit par « éclatante »
dans Ésaïe 4:5 cité plus haut) et peut donc être compris comme étant encore une
évocation de la présence divine. Dans ses visions ultérieures, les passages où
Ézéchiel dit que la gloire de lÉternel (de nouveau kavôd) séloigne du
temple, une version plus permanente du tabernacle, et y revient plus tard, peuvent aussi
être compris comme des allusions à lidée de la manifestation physique de la
présence divine sur son habitation terrestre (voir par exemple Ézéchiel 11:22-23 et
43:2-5).
Les écrivains postérieurs continuèrent, eux aussi, à utiliser le motif de lexode
« pour transférer limportance de lexode originel à de nouvelles situations
demandant délivrance, obéissance, identité ou foi » (Ryken, p. 254), tout
spécialement limage de la colonne de feu et de nuée, dune manière sans
doute très appropriée au retour de lexil de Babylone. Dans un tableau de la bonté
de Dieu à légard des anciens captifs donné dans Néhémie, les scribes lévites
proclament : « Tu les guidas le jour par une colonne de nuée, et la nuit par une colonne
de feu qui les éclairait dans le chemin quils avaient à suivre » (Néhémie
9:12).
Dernier exemple de son omniprésence, on voit même la colonne de nuée et de feu
apparaître dans les Apocryphes, comme par exemple dans le Livre de la Sagesse. Au
chapitre dix, la personnification féminine de la Sagesse « les conduisit [les
Israélites] par un chemin merveilleux, elle leur tint lieu dabri pendant le jour,
de lumière des étoiles pendant la nuit » (10:17 Bible de Jérusalem).
Il est important de marquer ici un bref temps darrêt pour examiner le but poursuivi
par la symbolique. Erich Auerbach « définit de manière concise la compréhension de
lhistoire à laide de symboles ou de figures comme étant la création
dun lien entre deux événements ou personnes dont le premier porte non
seulement sur lui-même mais aussi sur le second tandis que le second englobe ou accomplit
le premier » (cité dans Tate, p. 247). On a montré que limage de la colonne de
nuée et de feu est utilisée dans lAncien Testament pour représenter
lavènement et la présence du divin parmi les enfants dIsraël. Si lon
considère cette image comme un symbole en soi, selon la définition dAuerbach, elle
doit signifier une seconde ou future manifestation. Cela étant, la question devient : que
signifie le symbole de la colonne de nuée et de feu ? Étant donné que la symbolique de
lexode a aussi une place clef dans le Nouveau Testament, ce qui est amplement
prouvé par la littérature existante, nous allons démontrer que la réponse à la
question est que le symbole de la colonne de nuée et de feu englobe le personnage central
de Jésus-Christ et est accomplie en lui.
Les mentions de limage de la colonne de nuée et de feu proprement dite sont moins
explicites dans le Nouveau Testament, mais elles nen sont pas moins puissantes et
évocatrices. Cette évocation est essentiellement centrée sur les nombreux passages qui
présentent Jésus-Christ comme étant « la lumière », lumière représentant de
manière qualitative le « feu ». Cette substitution devient claire quand on pense au
rôle que le feu jouait probablement dans le Proche-Orient ancien. Étant donné le
climat, on navait pas autant besoin de chauffage que dans des climats plus
septentrionaux et cest ainsi que sur le plan de la métaphore, il est principalement
associé à léclairage. Jésus est donc venu remplir pour les Juifs de Jérusalem
essentiellement la même fonction que la colonne de nuée et de feu pour les errants du
désert du Sinaï : les guider et leur donner de la lumière.
Dès le début de son évangile, Jean fait le lien avec la colonne de feu quand il
rattache la Parole à la lumière, « la véritable lumière, qui, en venant dans le
monde, éclaire tout homme » (Jean 1 :9) et proclame ensuite que « nous avons contemplé
sa gloire » (Jean 1 :14). En quelques versets seulement, Jean mentionne explicitement les
principaux éléments associés à la colonne tels que développés dans lExode :
apport de lumière, présence parmi le peuple et rayonnement glorieux. Plus loin dans le
récit, Jésus lui-même confirme cette association en déclarant : « Je suis la lumière
du monde » (Jean 8:12).
Les Évangiles synoptiques utilisent, eux aussi, le symbole de la lumière, Matthieu et
Luc citant tous les deux Ésaïe à propos de lavènement du Messie : « Ce peuple,
assis dans les ténèbres, A vu une grande lumière; Et sur ceux qui étaient assis dans
la région et lombre de la mort La lumière sest levée » (Matthieu 4:16 et
Luc 1:79). Le prophète Siméon, quant à lui, utilise ensemble deux des idées associées
quand il dit de Jésus quil est « Lumière pour éclairer les nations, Et gloire
dIsraël, ton peuple » (Luc 2:32). On retrouve une mention didées associées
à limage de la colonne de nuée et de feu sur la montagne de la Transfiguration,
où Jésus « fut transfiguré devant eux; son visage resplendit comme le soleil, et ses
vêtements devinrent blancs comme la lumière
Pierre, prenant la parole, dit à
Jésus: Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois
tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, une
nuée lumineuse les couvrit
» (Matthieu 17:2, 4-5). Remarquez de nouveau le recours
aux éléments : la lumière (pour le feu), la nuée et les tentes (pour le tabernacle)
qui, pris ensemble, comme nous lavons montré, suggèrent limage de la
colonne.
Une des dernières mentions de limage de la colonne de nuée dans le Nouveau
Testament se trouve dans les Actes, quand le Christ ressuscité quitte ses apôtres et
retourne au ciel. Rappelant léloignement de la gloire du Seigneur par rapport au
temple, décrit par Ézéchiel, pendant que les apôtres regardent, « il fut élevé
pendant quils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux » (Actes 1:9).
Lutilisation de limage ici remplit une fonction symbolique importante. Tout
comme on peut voir que lévocation et lévolution de la symbolique dans
lAncien Testament préfigure des événements et des personnes dans le Nouveau, leur
réapparition dans le Nouveau Testament fonctionne non pas simplement comme
laccomplissement de ces symboles, mais ils peuvent être en eux-mêmes considérés
comme annonçant un accomplissement final dans des personnes et des événements futurs.
Cest pourquoi, de même que limage de la colonne de nuée et de feu, utilisée
dans lAncien Testament comme symbole de la présence, de la guidance et de la
protection divines, symbolise la venue du Christ promis dans le Nouveau Testament,
limage de la colonne représentée par la présence de lumière, nuée et gloire non
seulement répond à cette attente, mais à son tour annonce un autre accomplissement,
futur celui-là, un événement dans lequel la plupart des chrétiens voient la seconde
venue du Christ. Dans un autre écho dÉzéchiel, le lecteur se retrouve en train
dattendre le retour de la nuée de gloire sur le temple, car les anges promettent
aux apôtres que la présence divine « viendra de la même manière que vous lavez
[vue] allant au ciel » (Actes 1:11). Pourtant le canon chrétien ordinaire reste
essentiellement silencieux quant à tout nouvel accomplissement de ce symbole après ceci.
Ce nest cependant pas la fin, car la symbolique de lexode en général et de
la colonne de nuée et de feu en particulier est conservée et mise à lhonneur dans
les Écritures des saints des derniers jours : le Livre de Mormon, les Doctrine et
Alliances et la Perle de Grand Prix.
Comme cest le cas des études sur la symbolique de lexode dans la Bible, les
savants de lÉglise ont beaucoup fait pour montrer comment cette symbolique unit les
événements, les récits et les messages doctrinaux des Écritures du Rétablissement.
Mais ces recherches sur la symbolique de lexode se sont concentrées exclusivement
sur le Livre de Mormon [1] sans quaucune attention ne soit prêtée à sa présence
ni à sa fonction dans les Doctrine et Alliances et dans la Perle de Grand Prix [2].
Cest regrettable, car la symbolique apparaît en fait dans ces autres Écritures,
remplissant la même fonction que dans la Bible et jouant, comme nous allons le voir, le
rôle précis de symbole tel que défini par Auerbach. Et encore une fois, lune des
images de cette symbolique qui ressort le plus fortement et qui est utilisée le plus
régulièrement est la colonne de nuée et de feu. Une fois de plus, il est éclairant
den passer rapidement en revue les apparitions dans le Livre de Mormon avant de
lexaminer dans les Doctrine et Alliances et dans la Perle de Grand Prix et de tirer
ensuite des conclusions concernant lutilisation et limportance quelle y
joue, pour les saints des derniers jours et pour létude biblique en général.
Limage fait sa première apparition dans les tout premiers versets du Livre de
Mormon. En réponse à une prière fervente du prophète Léhi, « il arriva que tandis
qu'il priait le Seigneur, une colonne de feu vint reposer sur un rocher devant lui » (1
Néphi 1:6). Peu après cet événement, Néphi, fils de Léhi, reçoit lassurance
du Seigneur : « Je serai aussi votre lumière dans le désert, et je préparerai le
chemin devant vous » (1 Néphi 17:13). Plus tard quand il fait lévaluation des
bénédictions que sa famille a eues du Seigneur, Néphi revient sur les événements de
lexode en précisant expressément que le Seigneur allait devant eux, « les
conduisant le jour et leur donnant de la lumière la nuit » (1 Néphi 17:30).
Dautres manifestations divines sont également décrites en utilisant limage
de la colonne comme par exemple quand Alma le Jeune raconte comment il a été visité par
un ange et note que quand lange du Seigneur lui apparut, « il descendit comme dans
une nuée » (Mosiah 27:11). Dans un autre cycle dexode, le texte raconte que
pendant que les Jarédites traversent un désert, « le Seigneur alla devant eux et parla
avec eux, tandis qu'il se tenait dans une nuée, et leur donna des instructions sur la
direction qu'ils devaient prendre » (Éther 2:5).
Tout comme le symbole de la colonne qui dirige les Israélites et éclaire leur chemin
dans lAncien Testament est accompli en la personne divine de Jésus-Christ dans le
Nouveau, lidée de la colonne de nuée et de feu utilisée par les prophètes
néphites au début du Livre de Mormon est englobée dans le récit de la visite du Christ
ressuscité aux croyants comme rapporté plus loin dans le livre, dans 3 Néphi. Et encore
une fois, cest le langage spécifique des images de la colonne qui est utilisé,
comme par exemple quand le texte dit que « lorsque Jésus les eut tous touchés, une
nuée vint et recouvrit la multitude » (3 Néphi 18:38). Jésus lui-même invoque
laspect protecteur de la colonne présenté pour la première fois dans lExode
quand, citant Ésaïe, il assure à la multitude que « le Seigneur ira devant vous, et le
Dieu d'Israël fermera votre marche » (3 Néphi 20:43 ; comparez aussi avec Ésaïe
52:12). Finalement, dune manière qui rappelle la gloire qui quitte le temple dans
Ézéchiel aussi bien que la façon dans laquelle il quitte les apôtres à Jérusalem,
Jésus quitte la multitude néphite : «
Et tandis qu'elle était recouverte [par
la nuée], il la quitta et monta au ciel. Et les disciples virent et témoignèrent qu'il
était remonté au ciel » (3 Néphi 18:39). Et dans une situation similaire à celle du
lecteur dans lexpectative du livre des Actes dans le Nouveau Testament, le lecteur
du Livre de Mormon se retrouve lui aussi à ce stade dans lexpectative de
laccomplissement futur du symbole, la seconde venue de Jésus-Christ, symbolisée
par le retour de la colonne de nuée et de feu pour demeurer de nouveau parmi les enfants
dIsraël. Cest ici que les Écritures modernes donnent une réponse
génératrice despoir là où la Bible est silencieuse.
Nous avons montré dans cet article que les symboles qui ont une fonction dans
lAncien Testament trouvent leur accomplissement dans le Nouveau et que les symboles
qui ont une fonction au début du Livre de Mormon trouvent leur accomplissement vers la
fin du livre. Mais il est également possible de considérer le Livre de Mormon comme une
unité littéraire unique, comme lAncien Testament, et de rechercher la réalisation
des symboles annoncés dans un autre ouvrage. Dans ce cas, les Doctrine et Alliances et la
Perle de Grand Prix serviront déquivalent du Nouveau Testament et le lecteur qui
fait la recherche peut les consulter pour voir que les symboles donnés dans le Livre de
Mormon trouvent véritablement leur accomplissement dans les pages et les prophéties de
ces livres.
Nous lavons dit plus haut : aucune étude approfondie na été faite pour
mettre en évidence la présence et lutilisation dune symbolique complète de
lexode dans les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix et pareille étude
est tout à fait en dehors de lobjectif de ce bref article. Néanmoins, dans
loptique de notre sujet, il est possible de démontrer lutilisation dun
aspect au moins de lensemble du symbole, limage de la colonne de nuée et de
feu, et de montrer que limage est utilisée pour exprimer les mêmes idées que dans
les Ancien et Nouveau Testaments et dans le Livre de Mormon symbole de la présence
et de la protection divines ainsi que pour montrer quelle fonctionne comme un
vrai symbole, créant un lien entre deux événements ou personnes en répondant aux
attentes générées par les occurrences antérieures tout en annonçant des événements
ou des personnes futurs.
Loccurrence la plus importante de limage est aussi sa première apparition
chronologique, qui se situe dans Joseph SmithHistoire dans la Perle de Grand Prix.
Ce texte contient le récit de la première vision de Joseph Smith. Remarquez les termes
utilisés par Joseph pour décrire son expérience :
«
je vis, exactement au-dessus de ma tête, une colonne de lumière, plus
brillante que le soleil, descendre peu à peu jusqu'à tomber sur moi. À peine
était-elle apparue que je me sentis délivré de l'ennemi qui m'enserrait. Quand la
lumière se posa sur moi, je vis deux Personnages dont l'éclat et la gloire défient
toute description, et qui se tenaient au-dessus de moi dans les airs » (Joseph
SmithHistoire vv. 16-17).
Ce bref passage contient la plupart des grands thèmes qui sont toujours associés à
limage densemble de la colonne : la colonne elle-même, la lumière, la
protection (représentée ici par la délivrance, elle-même élément majeur de
lexode) et la gloire. On y trouve aussi les buts littéraux et figurés présents
depuis la première manifestation de la colonne à Étham dans le désert du Sinaï :
Joseph prie pour être éclairé et reçoit à la fois une lumière physique et une
direction divine.
Cet épisode dans la Perle de Grand Prix est un élément clef dans la présente étude de
la fonction de limage de la colonne de nuée et de feu en tant que symbole dans les
Écritures modernes, car on peut voir quelle répond aux attentes générées par le
Nouveau Testament et par le Livre de Mormon tout en impliquant dautres
manifestations futures.
Cette idée est également étayée par le nombre de passages des Doctrine et Alliances
qui prophétisent lavènement futur du Christ, utilisant à nouveau des images
explicitement associées à la colonne de nuée et de feu. Il nest que de citer
quelques-uns de ces passages pour le montrer. Décrivant ce qui se passera lors de sa
venue, le Christ déclare dans D&A 29 : «
les Douze qui étaient avec moi dans
mon ministère à Jérusalem, se tiendront à ma droite le jour de ma venue dans une
colonne de feu, revêtus d'une robe de justice, une couronne sur la tête, en gloire, tout
comme je le suis » (D&A 29:12). Parlant encore de son retour imminent, le Christ
affirme à la section 34 que « le temps est proche où je viendrai dans une nuée avec
puissance et une grande gloire » (D&A 34:7). Enfin, il y a lexhortation de la
section 84 : « Car, en vérité, cette génération ne passera pas entièrement qu'une
maison ne soit bâtie pour le Seigneur et qu'une nuée ne repose sur elle, nuée qui sera
la gloire même du Seigneur, qui remplira la maison » (D&A 84:5). Quand cet
événement se produira enfin, le symbole sera vraiment clôturé et accompli, car la
colonne de nuée, dans laquelle resplendira la gloire du Seigneur, sera revenue pour
reposer sur sa demeure terrestre « aux yeux de toute la maison dIsraël, pendant
toutes leurs marches » (Exode 40:38).
Limage de la colonne de nuée et de feu utilisée dans la Bible est forte et lourde
de sens puisquelle symbolise la présence et la protection du divin. Comme nous
lavons brièvement démontré, on retrouve cette même image dans les mêmes
contextes et elle est utilisée pour représenter les mêmes idées dans le Livre de
Mormon, les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix. Lusage fréquent et
similaire de limage montre une correspondance évidente entre le canon chrétien
ordinaire et les Écritures modernes. La valeur de cette correspondance est claire, comme
le dit George Tate : « Comprise dans ce sens, la symbolique implique la croyance que de
telles correspondances ne sont ni accidentelles ni arbitraires mais quelles
constituent un système important de coordonnées intelligibles dans lélaboration
graduelle du dessein historique de Dieu » (Tate, p. 247).
Oui, dans un certain sens, Jésus-Christ est revenu de la même manière quon
la vu partir, comme le décrit Joseph Smith, mais ce nest pas là la venue
ultime. Ceux qui lisent et croient la Bible et les Écritures modernes attendent encore
laccomplissement final de tous les symboles et types employés dans les écrits
sacrés pour les préparer à reconnaître et à accepter la présence divine quand elle
résidera de nouveau parmi eux lors de la seconde venue de Jésus-Christ.
NOTE
[1] Voir, par exemple, George S. Tate, The Typology of the Exodus Pattern in the
Book of Mormon, pp. 245-262 dans Literature of Belief: Sacred Scripture and
Religious Experiences, édité par Neal E. Lambert, Provo, Utah, BYU Religious Studies
Center, 1981, pp. 245-262; Terrence L. Szink, To a Land of Promise (1 Né
16-18), dans Studies in Scripture: Volume 7, 1 Nephi to Alma 29, dir. de publ. Kent
P. Jackson, Salt Lake City, Deseret Book, 1987, pp. 60-72; S. Kent Brown, The Exodus
Pattern in the Book of Mormon, BYU Studies, été 1990, pp. 112-126; Bruce J. Boehm,
Wanderers in the Promised Land: A Study of the Exodus Motif in the Book of Mormon
and Holy Bible, JBMS, printemps 1994; Mark J. Johnson, The Exodus of Lehi
Revisited, JBMS, automne 1994, pp. 123-126. Parmi les appréciations littéraires
récentes du Livre de Mormon, il faut citer Mailyne Arnold, Sweet Is the Word
Reflections on the Book of Mormon Its Narrrative, Teachings and People, American
Fork, Covenant, 1996; Eugene England, A Second Witness for the Logos, dans By
Study and Also by Faith: Essays in Honor of Hugh W. Nibley, 2:91-125; Richard Dilworth
Rust, Feasting on the Word: The Literary Testimony oif the Book of Mormon, Salt Lake City,
Deseret Book et FARMS, 1997. Cette courte bibliographie est citée par Peterson, p. 24.
[2] Le seul traitement important de la symbolique de lExode dans les Doctrine et
Alliances que lauteur connaisse est Russell M. Nelson, « The Exodus Repeated »,
dans Brigham Young University Speeches 1997-1998.
Ouvrages cités
Peterson, Daniel C., « Mounting Evidence for the Book of Mormon », Ensign, janv. 2000,
pp. 19-24.
Propp, William H. C. Anchor Bible, Exodus 1-18, A New Translation and Commentary, New
York, Doubleday, 1998.
Ryken Leland, James C. Wilhoit et Tremper Longman III, Dictionary of Biblical Imagery,
Downers Grove, Illinois, InterVarsity Press, 1998.
Tate, George S., The Typology of the Exodus Pattern in the Book of Mormon, pp.
245-262 dans Literature of Belief: Sacred Scripture and Religious Experiences, édité par
Neal E. Lambert, Provo, Utah, BYU Religious Studies Center, 1981.
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