Qu'est-ce qui est doctrine mormone « officielle » ?

Un grand nombre de critiques anti-mormones se fondent sur l'argument fallacieux suivant : Le dirigeant mormon « D » a fait la déclaration « X ». Puisqu'on a montré que « X » est une erreur, cela prouve que le mormonisme est faux. Est-ce que quelque chose est doctrine mormone « officielle » parce qu'une Autorité générale ou un prophète l'a dit ? Qu’est-ce qui est, qu’est-ce qui n’est pas doctrine mormone « officielle » ?

1. Les prophètes sont infaillibles

Infaillible signifie « incapable de se tromper. » 1 Les catholiques croient que le pape est infaillible en matière de doctrine et certains protestants croient que la Bible est « infaillible ». Mais les saints d'aujourd'hui ne croient pas que les prophètes, qu’ils soient passés ou présents, sont infaillibles. Le président Charles W. Penrose, de la Première Présidence, par exemple, a écrit un jour : « Nous ne croyons pas en l’infaillibilité de l'homme. Quand Dieu révèle quelque chose, c'est la vérité, et la vérité est infaillible. Aucun président n'a revendiqué l'infaillibilité. » 2

La Bible ne dit pas que les prophètes sont infaillibles. Écrivant au sujet du prophète Élie de l’Ancien Testament, Jacques dit qu'il était « un homme de la même nature que nous » (Jacques 5:17). Jérémie se met dans une telle colère contre Dieu qu'il accuse le Seigneur de l’avoir trompé et jure qu'il ne parlera plus en son nom (voir Jérémie 20:7, 9.) Même Pierre et Paul ont des désaccords (voir Galates 2:11-14).

Joseph Smith comprenait qu'il était faillible quand il a écrit : « Un prophète n’était un prophète que quand il agissait comme tel. » 3 À une autre occasion, il dit : « Je suis sujet aux mêmes passions que les autres hommes, comme les prophètes des temps anciens. » 4 Il a également déclaré : « Je leur ai dit que je n'étais qu’un homme, et qu’ils ne devaient pas s'attendre à ce que je sois parfait ; s'ils attendaient la perfection de ma part, je devrais l'attendre de la leur ; mais s'ils prenaient patience avec mes infirmités et les infirmités des frères, je prendrais, moi aussi, patience avec leurs infirmités. » Lorenzo Snow, qui avait le témoignage que Joseph était un prophète, a néanmoins écrit qu'il avait vu « les imperfections » de Joseph et a « remercié Dieu d’avoir mis sur un homme qui avait ces imperfections le pouvoir et l'autorité qu'il avait placés sur lui… car je savais que j’avais moi-même des faiblesses, et je pensais qu'il y avait une chance pour moi… » 6 « Nous sommes tous exposés à nous tromper, écrit Brigham Young, et beaucoup peuvent penser qu'un homme dans ma position doit être parfait ; il n’en est rien. » 7

2. Prophètes et croyances contemporaines

Non seulement les prophètes bibliques avaient parfois tort, mais souvent ils croyaient aux idées reçues, et parfois incorrectes, de leur temps. De même, les premiers mormons comprenaient les choses différemment de nous aujourd'hui. Tout comme les personnages bibliques avaient une conception étrange de la forme de la terre (Ésaïe 11:12) et du mouvement des planètes (Josué 10:12-13) de même certains des premiers dirigeants de l’Église avaient des idées incorrectes. Joseph Smith et d'autres parmi les premiers saints des derniers jours, par exemple, croyaient très probablement que l'Amérique du Nord était le pays situé du côté du nord et que l'Amérique du Sud était le pays situé du côté du sud dans le Livre de Mormon. Le Livre de Mormon lui-même ne confirme pas cette conception (qui confirme l’affirmation que Joseph n'était pas l’ « auteur » du Livre de Mormon).8 Comme les autres habitants de la « frontière » américaine de l’époque, Joseph et les premiers saints ne faisaient aucune distinction entre les Indiens de leur continent. Par conséquent, pour les premiers saints, un « Lamanite » était n'importe quel Indien.9 Nous savons maintenant que cette conception est incorrecte.

Les prophètes ne sont pas éduqués dans un vide culturel. Ce ne fut le cas ni de Moïse, ni d’Abraham, ni de Joseph, Brigham ou Gordon B. Hinckley. Des savants non mormons ont reconnu que les prophètes bibliques étaient dans l’erreur dans certaines croyances culturelles. Le révérend J. R. Dummelow note que les prophètes bibliques avaient chacun leurs « particularités propres », leur « instruction ou leur manque d’instruction » et qu'ils étaient « influencés chacun différemment… par des expériences différentes… » « Leur inspiration, explique-t-il, n’impliquait pas que leurs facultés normales étaient suspendues … qu'elle ne les transformait pas en machines; ils restaient des hommes. Par conséquent, nous trouvons que leur connaissance n’était parfois pas plus élevée que celle de leurs contemporains…. » Pour ce qui concerne l'auteur de la Genèse, il remarque : « Sa connaissance scientifique peut être limitée à l'horizon de l'époque où il vivait, mais les vérités religieuses qu'il enseigne sont irréfutables et éternelles. » 10

Brigham Young comprenait apparemment cette notion de la perspective culturelle quand il affirma sa croyance que des nombreuses révélations que Dieu a données à l'Église, il n'y avait pas « une seule révélation qui soit parfaite dans sa plénitude. » « Les révélations de Dieu contiennent une doctrine correcte et principale, explique-t-il, mais il est impossible que… les habitants faibles de la terre reçoivent la révélation… dans toute sa perfection. Il [Dieu] doit nous parler d’une manière qui correspond à nos capacités. » 11 Brigham précise même que de son vivant Joseph « n'a pas reçu tout ce qui a trait à la doctrine de la rédemption … » 12 Ce que Joseph a reçu, il l’a reçu de façon disparate, dit Joseph Fielding Smith. « Cela ne lui a pas été révélé en bloc. » 13

Une Église qui évolue, grandit et vit garantit pratiquement qu’on ne connaîtra pas toute la vérité sur toutes les choses en tout temps. Et quand des révélations sont reçues, quand de nouvelles informations sont données, il n’est que logique que ces nouvelles informations soient interprétées selon la compréhension du jour.

3. Doctrine « officielle » de l’Église

Tout ce que toutes les Autorités générales disent ne constitue pas une doctrine « officielle ». « Il y a beaucoup de sujets », lisons-nous dans l’Encyclopédie du Mormonisme, un ouvrage autorisé par la Première Présidence « sur lesquels les écritures saintes ne sont pas claires et à propos desquels l'Église n'a fait aucune déclaration officielle. Dans ce genre de sujets, on peut trouver des divergences de vue parmi les membres et les dirigeants de l’Église. Tant que la révélation ne fait pas connaître la vérité à ce propos, il y a de la place pour différents niveaux de compréhension et d'interprétation des questions non résolues. » 14
Les déclarations des dirigeants peuvent être utiles et vraies, mais quand elles sont « exprimées en dehors des paramètres prophétiques fixés », elles « ne représentent pas la doctrine ou la position officielle de l’Église. » 15 Ceci inclut les discours donnés lors de la conférence générale. Les discours de conférence, bien que certainement salutaires pour l'édification spirituelle des saints, sont généralement centrés sur des vérités révélées officielles. Ce n’est pas parce qu’elles sont données lors de la conférence qu’elles exposent une doctrine « officielle ». Comme Harold B. Lee l’a dit: « Il ne faut pas croire que chaque mot prononcé par les Autorités générales est inspiré ou qu'ils sont poussés par le Saint-Esprit dans tout ce qu’ils écrivent. » 16 Affirmer que tout ce qui est enseigné lors de la conférence générale est doctrine « officielle », note J. F. McConkie, « c’est faire de l'endroit où quelque chose est dit le critère de la vérité plutôt que ce qui est dit. Et quelque chose n’est pas non plus doctrine simplement parce que cela a été dit par quelqu'un qui détient un office ou un poste particulier. La vérité n'est pas un office ou un poste auquel on est ordonné. » 17

Comment savons-nous alors ce qui est « doctrine » et ce qui ne l'est pas ? D'abord cela doit d’une manière générale se conformer à ce qui a déjà été révélé. « Peu importe ce qui est écrit ou ce que quelqu’un a dit, écrit J. Fielding Smith, si ce qui a été dit est en conflit avec ce que le Seigneur a révélé, nous pouvons le mettre de côté. » Les ouvrages canoniques, explique-t-il, sont « les critères ou les contrôles par lesquels nous mesurons la doctrine de tout homme. »13

Harold B. Lee exprime le même genre d’opinion quand il enseigne qu’une doctrine, quelle qu’elle soit, qui que ce soit qui l’avance, quel que soit son poste, qui n'est pas soutenue par les ouvrages canoniques, « vous pouvez savoir que ce qu’il dit n’est que son avis personnel. » Il reconnaissait que le prophète pouvait donner de nouvelles doctrines, mais « quand il le fait, [il] déclare que c’est une révélation de Dieu » après quoi elle sera soutenue par l’ensemble de l’Église.19

Le prophète peut ajouter aux écritures saintes, mais ces ajouts sont présentés par la Première Présidence à l’ensemble de l'Église et sont acceptés par consentement commun (par vote de soutien) en tant que doctrine de l'Église faisant force de loi (voir D&A 26:2; 107:27-31) 20. Par contre, tant que ces doctrines ou opinions ne sont pas soutenues par vote en conférence, elles « ne font pas force de loi ni ne sont doctrine officielle de l’Église. » 21

Comment pouvons-nous savoir si des enseignements, qui n'ont pas été votés, sont vrais ? J. Reuben Clark explique que quand « nous, nous-mêmes, sommes `poussés par le Saint-Esprit' », nous savons que les orateurs enseignent de la vraie doctrine. « D'une certaine manière, ceci transfère complètement d’eux à nous la responsabilité de déterminer quand ils parlent de cette façon. » 22

Il est probable que le Seigneur a permis (et continuera à permettre) à ses serviteurs de commettre des erreurs. Cela fait partie de la progression et du processus de croissance. Nous ne sommes pas forcés d'accepter des enseignements avec lesquels nous sommes en désaccord. Nous sommes censés recevoir la confirmation de l'esprit si ce qui est enseigné est la doctrine de Dieu, et naturellement c’est nous qui nous mettons en péril si nous n'acceptons pas les choses qui seront une bénédiction pour nous.

NOTES

[1] Webster’s Super New School and Office Dictionary, Greenwich, Connecticut: Fawcett Publications, 1974.
[2] Editor’s Table, Improvement Era septembre 1912, p. 1045.
[3] HC, 5:265.
[4] HC, 5:516.
[5] HC, 5:181.
[6] Lorenzo Snow, journal intime, cité dans Neal A. Maxwell, “Out of Obscurity”, Ensign, novembre 1984, p. 10.
[7] JD 10:212.
[8] Voir John L. Sorenson, The Geography of Book of Mormon Events: A Source Book, Provo, Utah, FARMS, 1992.
[9] Id., 9.
[10] J.R. Dummelow, dir. de publ. One Volume Bible Commentary, New York: Macmillan, 1936, cxxxv.
[11] JD 2:314.
[12] Brigham Young, Millennial Star n° 8, 1 octobre 1845, 6:119–123.
[13] Joseph Fielding Smith, Doctrines of Salvation 3 vols., Salt Lake City, Bookcraft, 1955, 2:168.
[14] M. Gerald Bradford et Larry E. Dahl, “Doctrine”, Encyclopedia of Mormonism, dir. de publ. par Daniel H. Ludlow, New York, Macmillan, 1992, 1:395.
[15] Brent L. Top, Larry E. Dahl et Walter D. Bowen, Follow the Living Prophets, Salt Lake City, Bookcraft, 1993, p. 118.
[16] Harold B. Lee, Stand Ye in Holy Places, Salt Lake City, Deseret Book Company, 1974, p. 162.
[17] Joseph Fielding McConkie, Answers: Straightforward Answers to Tough Gospel Questions, Salt Lake City, Deseret Book Company, 1998, p. 213–214.
[18] Joseph Fielding Smith, Doctrines of Salvation, 3 vols., Salt Lake City, Bookcraft, 1955, 3:203.
[19] John A. Tvedtnes, “The Nature of Prophets and Prophecy” non publié, 1999, exemplaire en ma possession)
[20] Voir aussi Bradford et Dahl, p. 395.
[21] Stephen E. Robinson, Are Mormons Christian? Salt Lake City, Bookcraft, 1992, p.15.
[22] J. Reuben Clark, Jr., “When are the Writings or Sermons of Church Leaders Entitled to the Claim of Scripture?” discours prononcé le 7 juillet 1954 à BYU, publié le 31 juillet 1954 dans le Church News; réimprimé dans Dialogue, 12:2, p. 68–69.