LA NOUVELLE NAISSANCE : QU’EST-CE QUE C’EST ?
Marcel Kahne
« Il y eut un homme d'entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des
Juifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit: Rabbi, nous
savons que tu es un docteur venu de Dieu; car personne ne peut faire ces
miracles que tu fais, si Dieu n'est avec lui. Jésus lui répondit: En
vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne
peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit: Comment un homme peut-il
naître quand il est vieux? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et
naître? Jésus répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne
naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean
3:1-5).
Lorsque Nicodème rend visite à Jésus pour en savoir plus sur lui, celui-ci,
avec une de ces formules percutantes dont il est coutumier, le conduit
directement au cœur même du message chrétien : Sans transformation
radicale par rapport à ce qu’il est, l’homme naturel ne peut pas se faire
la moindre idée de ce que c’est que le royaume de Dieu (le « voir ») et
sans le baptême et le don du Saint-Esprit, il ne peut y entrer.
Tout est là. La gloire du christianisme a été l’œuvre de ceux qui ont
opéré cette nouvelle naissance, la honte du christianisme a été l’œuvre de
ceux (malheureusement infiniment plus nombreux) qui n’ont pas compris sa
nécessité, restant au niveau du rituel, des observances de surface et du
culturel.
En quoi consiste la nouvelle naissance ?
Le Nouveau Testament, par l’intermédiaire des apôtres Paul et Pierre, nous
la définit comme un engagement à changer radicalement de mode de vie,
engagement concrétisé par le rite du baptême :
« Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin
que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même
nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes
devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le
serons aussi par la conformité à sa résurrection, sachant que notre vieil
homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit,
pour que nous ne soyons plus esclaves du péché » (Romains 6:4, 6).
« Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses
anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2
Corinthiens 5 :17).
« Mais vous, ce n'est pas ainsi que vous avez appris Christ, si du moins
vous l'avez entendu, et si, conformément à la vérité qui est en Jésus,
c'est en lui que vous avez été instruits à vous dépouiller, eu égard à
votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises
trompeuses » (Éphésiens 4:20-22).
« Ne mentez pas les uns aux autres, vous étant dépouillés du vieil homme
et de ses œuvres, et ayant revêtu l'homme nouveau, qui se renouvelle, dans
la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé » (Colossiens
3:9-10).
Et qu’est-ce que le « vieil homme » ? Paul nous dresse une liste non
exhaustive de ses défauts : « égoïstes, amis de l'argent, fanfarons,
hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux,
insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des
gens de bien, traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus
que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la
force » (2 Timothée 3 :2-5).
« Cette eau était une figure du baptême, qui n'est pas la purification des
souillures du corps, mais l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu
» (1 Pierre 3:21).
Ces passages nous expliquent pourquoi le baptême doit se faire par
immersion. C’est un rite qui symbolise notre volonté de faire mourir notre
vieil homme (nous nous engageons à éliminer de nos pensées et de notre
comportement tout ce qui va à l’encontre de l’enseignement du Christ) et
dans lequel nous faisons naître (en sortant de l’eau comme le bébé sort du
ventre de sa mère) la nouvelle personne que nous voulons et devons être.
Comme le dit Pierre, la nouvelle naissance est un engagement envers Dieu,
ce qui implique un effort délibéré et constant de la part du chrétien pour
calquer sa vie sur l’Évangile. Le Livre de Mormon a beaucoup à dire
là-dessus.
La nouvelle naissance vue par le Livre de Mormon
Le Livre de Mormon établit un contraste entre « l’homme naturel » et le «
saint » : « Car l'homme naturel est ennemi de Dieu, et l'est depuis la
chute d'Adam, et le sera pour toujours et à jamais, à moins qu'il ne se
rende aux persuasions de l'Esprit-Saint, et ne se dépouille de l'homme
naturel, et ne devienne un saint par l'expiation du Christ, le Seigneur,
et ne devienne semblable à un enfant, soumis, doux, humble, patient, plein
d'amour, disposé à se soumettre à tout ce que le Seigneur juge bon de lui
infliger, tout comme un enfant se soumet à son père » (Mosiah 3:19).
L’homme naturel, c’est ce que Paul appelle « l’homme animal » :
« Mais l'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car
elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que
c'est spirituellement qu'on en juge » (1 Corinthiens 2:14).
L’homme animal, c’est Monsieur Tout-le-Monde, qui ne s’occupe pas de Dieu,
sauf quand il se trouve dans des situations qui le dépassent, auquel cas
il se tourne vers lui soit pour le supplier, soit pour le maudire. Comme
le dit Jésus-Christ à Joseph Smith en citant Ésaïe 29:13 : « Ils
s'approchent de moi des lèvres, mais leur cœur est éloigné de moi »
(JS–Histoire 1:19). L’homme animal (ou naturel) est plus préoccupé de ses
droits que de ses devoirs, du quotidien que de son devenir éternel, de
juger les autres que de se juger lui-même, d’acquérir des biens matériels
plutôt que des biens spirituels, de se servir des autres, voire de les
piétiner plutôt que de se soucier de leur bien-être. Il veut être libre de
toute contrainte extérieure, particulièrement en ce qui concerne la
Divinité, et devient forcément, de ce fait, son ennemi.
Le « saint », au contraire, est celui qui a renoncé à tout ce qui est
animal, qui s’humilie devant Dieu, c’est-à-dire qu’il reconnaît la
suprématie divine, accepte de se soumettre à Dieu, de « recevoir les
choses de l’Esprit de Dieu », de se laisser prendre en mains par lui, de
se remettre en question en profondeur, de s’engager sur le chemin de la
perfection. Cette nouvelle naissance est rendue possible, d’une part, par
« l’engagement d’une bonne conscience », pour reprendre l’expression de
Paul, et d’autre part par l’action de l’Esprit de Dieu sur le croyant.
Néphi précise en quoi cet engagement doit consister : « [Suivre] le Fils
d'un cœur pleinement résolu, ne commettant ni hypocrisie ni tromperie
devant Dieu, mais avec une intention réelle, vous repentant de vos péchés,
témoignant au Père que vous êtes disposés à prendre sur vous le nom du
Christ par le baptême » (2 Néphi 31:13).
À la fin de ce qui a probablement été une fête des tabernacles, la foule,
s’adressant au roi Benjamin, qui vient de lui parler, s’écrie « d'une
seule voix, disant: Oui, nous croyons toutes les paroles que tu nous as
dites; et aussi, nous savons qu'elles sont sûres et vraies, à cause de
l'Esprit du Seigneur Omnipotent, qui a produit un grand changement en nous,
ou dans notre cœur, de sorte que nous n'avons plus de disposition à faire
le mal, mais à faire continuellement le bien Et nous sommes disposés à
conclure avec notre Dieu l'alliance de faire sa volonté et d'être
obéissants à ses commandements dans tout ce qu'il nous commandera, tout le
reste de nos jours… » À quoi Benjamin répond : « À cause de l'alliance que
vous avez faite, vous serez appelés enfants du Christ, ses fils et ses
filles; car voici, aujourd'hui il vous a engendrés spirituellement; car
vous dites que votre cœur est changé par la foi en son nom; c'est pourquoi,
vous êtes nés de lui et êtes devenus ses fils et ses filles » (Mosiah
5:2). Nous trouvons, dans ce passage, un indicateur concret nous
permettant de savoir si nous sommes vraiment nés de nouveau.
Alma l’Ancien était incontestablement une autorité sur la question de la
nouvelle naissance, puisqu’il en avait fait l’expérience d’une manière
spectaculaire (voir les détails dans Alma 36). Il dit : « Toute l'humanité,
oui, les hommes et les femmes, toutes les nations, tribus, langues et
peuples doivent naître de nouveau; oui, naître de Dieu, changer de leur
état charnel et déchu à un état de justice, étant rachetés par Dieu,
devenant ses fils et ses filles; et ainsi, ils deviennent de nouvelles
créatures; et s'ils ne font pas cela, ils ne peuvent en aucune façon
hériter le royaume de Dieu. Je vous le dis, si tel n'est pas le cas, ils
sont rejetés » (Mosiah 27:25-27).
Le chapitre 5 du livre d’Alma (il s’agit d’Alma le Jeune, fils d’Alma
l’Ancien) examine d’une manière beaucoup plus détaillée la question de la
nouvelle naissance. En fait, Alma 5 est un test approfondi, qui nous
permet d’évaluer, en 42 questions, si nous sommes vraiment nés de nouveau.
Il commence par citer l’expérience personnelle de son père, Alma l’Ancien
: « Et selon sa foi, un grand changement s'est produit dans son cœur.
Voici, je vous dis que tout cela est vrai. Et voici, il a prêché la parole
à vos pères, et un grand changement s'est aussi produit dans leur cœur, et
ils se sont humiliés et ils ont placé leur confiance dans le Dieu vrai et
vivant. Et voici, ils ont été fidèles jusqu'à la fin; c'est pourquoi ils
ont été sauvés » (Alma 5:12-13).
Puis il enchaîne en posant les questions suivantes : « Et maintenant,
voici, je vous demande, mes frères de l'Église, êtes-vous nés
spirituellement de Dieu? Votre visage est-il empreint de son image?
Avez-vous éprouvé ce grand changement dans votre cœur? » (id. v. 14.)
La première de ces trois questions doit retenir notre attention, car il la
pose à des personnes qui ont été baptisées et sont membres de l’Église
d’Alma. Cela veut dire que l’on peut très bien être baptisé et membre de
l’Église sans être né de nouveau. La nouvelle naissance n’est pas
automatiquement liée au baptême, même si celui-ci la symbolise. Il n’y a
nouvelle naissance que s’il y a eu « ce grand changement dans votre cœur
», lequel est le fruit, rappelons-le, de l’engagement ferme que nous
prenons de mettre l’Évangile en application dans notre vie, ce qui permet
au Saint-Esprit d’agir sur nous.
La seconde question est également intéressante : « Votre visage est-il
empreint de son image? » C’est le fameux : « Cela se voit sur sa figure »
ou « On le lit sur son visage ». C’est la question par excellence qui doit
nous inciter à ne pas croire trop vite que « nous sommes arrivés ».
Sommes-nous à ce point proches de Dieu que cela se lise sur notre visage ?
Comment les autres nous perçoivent-ils ?
Plus loin, une autre question doit nous arrêter, car elle met en évidence
le fait que même si l’on est passé par l’expérience de la nouvelle
naissance, celle-ci n’a rien de définitif : « Et maintenant, voici… mes
frères, si vous avez connu un changement de cœur… je vous le demande:
pouvez-vous le ressentir maintenant? » (v. 26). Cette question doit nous
rappeler que même si notre vie a connu un ou plusieurs pics de proximité
avec Dieu, l’effet d’érosion causé par le train-train quotidien peut nous
amener à perdre de vue l’idéal chrétien auquel nous avons adhéré, que la
nouvelle naissance n’est pas un acquis et doit se conserver au prix d’un
effort constant.
Ailleurs, Alma s’en prend à deux grands moteurs du comportement humain, le
complexe de supériorité, qui se traduit par l’orgueil, et son contraire,
le complexe d’infériorité, qui se traduit par l’envie : « Voici, êtes-vous
dépouillés de l'orgueil? Je vous le dis, si vous ne l'êtes pas, vous
n'êtes pas préparés à rencontrer Dieu. Voici, je le dis, y en a-t-il un
parmi vous qui n'est pas dépouillé de l'envie? Je vous dis qu'un tel homme
n'est pas préparé; et je voudrais qu'il se prépare rapidement, car l'heure
est proche, et il ne sait pas quand le moment viendra; car un tel homme
n'est pas tenu pour innocent. » Est-il besoin de rappeler que l’orgueil et
l’envie sont intimement liés à beaucoup de nos problèmes relationnels ?
La dernière question du test est particulièrement d’actualité : « Et je
vous le dis encore, y en a-t-il un parmi vous qui se moque de son frère ou
qui l'accable de persécutions? Malheur à un tel homme, car il n'est pas
préparé, et le moment est proche où il doit se repentir, sinon il ne peut
être sauvé! » (Alma 5:30-31). On songe au harcèlement sur le lieu du
travail, dont on parle si souvent maintenant. On songe aussi aux drames
qui ne se produisent que trop souvent dans les familles où l’un des
membres est le souffre-douleur des autres. Et, tout spécialement, on songe
à l’acharnement, contre l’Église, d’antimormons qui appartiennent
généralement à des mouvements protestants fondamentalistes, qui se
targuent, par ailleurs, d’être des « born-again Christians », des
chrétiens nés de nouveau.
Que faut-il faire pour « marcher en nouveauté de vie » (Romains 6:4) ?
Il est assez fréquent, dans les milieux chrétiens, de donner la
prééminence à l’action de la grâce divine et de minimiser ou de nier
totalement le rôle de l’intervention de l’homme dans son propre salut.
Nous avons démontré ailleurs (voir sur Idumea :
La foi ou les œuvres?) que
les Écritures ne soutiennent pas ce point de vue et que le Livre de Mormon
propose la formule parfaite en la matière : « C'est par la grâce que nous
sommes sauvés, après tout ce que nous pouvons faire » (2 Néphi 25:23),
formule dans laquelle se révèle la sagesse d’un Dieu qui attend de l’homme
qu’il fasse ce qu’il est capable de faire, la grâce représentant
l’intervention divine pour ce que l’homme n’est pas capable de faire, à
savoir l’Expiation, la Rédemption et la Résurrection.
Et qu’est-ce que Dieu attend de l’homme qu’il fasse pour « marcher en
nouveauté de vie » ? Faire ce qu’il dit : « Pourquoi m'appelez-vous
Seigneur, Seigneur! et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6:46).
« Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le
royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui
est dans les cieux… C'est pourquoi, quiconque entend ces paroles que je
dis et les met en pratique [il s’agit du sermon sur la montagne, qui
constitue les chapitres 5 à 7 de Matthieu ; la citation se trouve à la fin
du sermon], sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le
roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé
et se sont jetés contre cette maison: elle n'est point tombée, parce
qu'elle était fondée sur le roc. Mais quiconque entend ces paroles que je
dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui
a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont
venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison: elle est tombée,
et sa ruine a été grande » (Matthieu 7:21, 24-27. Italiques ajoutés.)
Le Livre de Mormon présente la chose d’une manière plus frappante encore.
Dans 3 Néphi 11-14, le sermon au temple, équivalent du sermon sur la
montagne, est littéralement encadré aux deux extrémités par cet
avertissement.
Le chapitre 11 se termine comme ceci : « Et je vous le dis encore, vous
devez vous repentir, et être baptisés en mon nom, et devenir semblables à
un petit enfant, ou vous ne pouvez en aucune façon hériter le royaume de
Dieu. En vérité, en vérité, je vous dis que c'est ma doctrine, et
quiconque bâtit là-dessus bâtit sur mon roc, et les portes de l'enfer ne
prévaudront pas contre lui. Et quiconque annonce plus ou moins que cela et
l'établit comme étant ma doctrine, celui-là vient du mal et n'est pas bâti
sur mon roc; mais il construit sur une fondation de sable, et les portes
de l'enfer seront ouvertes pour le recevoir lorsque les torrents viendront
et que les vents s'abattront sur lui. C'est pourquoi, allez vers ce peuple
et annoncez les paroles que j'ai dites, jusqu'aux extrémités de la terre »
(vv. 38-41)
Le sermon commence au chapitre 12 et se termine au chapitre 14 par le
passage suivant : « C'est pourquoi, quiconque entend ces paroles que je
dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti
sa maison sur le roc — et la pluie est tombée, et les torrents sont venus,
et les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison; et elle
n'est point tombée, parce qu'elle était fondée sur le roc. Et quiconque
entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera
semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable — et la
pluie est tombée, et les torrents sont venus, et les vents ont soufflé et
ont battu cette maison; et elle est tombée, et sa ruine a été grande »
(vv. 24-27).
Le message est donc clair : Quiconque se réclame du Christ est tenu
d’appliquer le sermon dans sa vie. Le sermon sur la montagne n’est pas un
recueil de pensées édifiantes qu’on lit mais qu’on n’applique que
facultativement, c’est une véritable feuille de route à laquelle le
chrétien est censé se tenir.
« Vous ferez avec soin ce que l'Éternel, votre Dieu, vous a ordonné;
vous ne vous en détournerez ni à droite, ni à gauche » (Deutéronome 5:32.
Italiques ajoutés).
« Tu as prescrit tes ordonnances, pour qu'on les observe avec soin
» (Psaumes 119:4. Italiques ajoutés).
Si les chrétiens avaient appliqué cette règle, avec le soin demandé, au
cours des deux mille dernières années, le monde aurait un autre visage.
« Prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les
jours de ta vie, de peur que tu n'oublies les choses que tes yeux ont
vues, et qu'elles ne sortent de ton cœur » (Deutéronome 4:9).
Outre l’étude des Écritures, et singulièrement du sermon sur la montagne/sermon
au temple, et leur application soigneuse à leur vie, la Bible recommande
aux disciples du Christ une autre source vers laquelle se tourner dans
leurs efforts pour « marcher en nouveauté de vie » :
« Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les
autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour
le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de
l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous
parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu,
à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ,
afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout
vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les
moyens de séduction, mais que, professant la vérité dans la charité,
nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ » (Éphésiens
4:11-15. Italiques ajoutés).
Paul est clair : le Christ a voulu l’Église avec, entre autres, ses
apôtres et ses prophètes, jouissant de la révélation, pour assurer le
perfectionnement des saints et les amener au niveau de « la stature
parfaite de Christ ». Sans l’Église et ses dirigeants inspirés, les hommes
ne sont plus que « des enfants, flottants et emportés à tout vent de
doctrine ». Cette affirmation est particulièrement pertinente à une époque
où beaucoup de gens, avides de liberté, veulent faire leur propre religion
et rejettent ce qu’ils appellent « les religions organisées ».
Une mise en garde indispensable
La remise en question de soi-même et l’acquisition de vertus intangibles
sont des entreprises difficiles et la tentation est grande, chez les
hommes, de se focaliser plutôt sur des pratiques extérieures et
quantifiables. Mais c’est sacrifier l’essentiel à l’accessoire et c’est se
leurrer en faisant passer l’accessoire pour l’essentiel. C’est le reproche
principal que Jésus fait aux scribes et aux pharisiens. Parlant du
paiement de la dîme, il dit :
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous payez
la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui
est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité:
c'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses.
Conducteurs aveugles! qui coulez le moucheron, et qui avalez le chameau »
(Matthieu 23:23-24).
Parlant des prescriptions alimentaires, il enseigne :
« Il n'est hors de l'homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller;
mais ce qui sort de l'homme, c'est ce qui le souille. Si quelqu'un a des
oreilles pour entendre, qu'il entende. Lorsqu'il fut entré dans la maison,
loin de la foule, ses disciples l'interrogèrent sur cette parabole. Il
leur dit: Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence? Ne comprenez-vous
pas que rien de ce qui du dehors entre dans l'homme ne peut le souiller?
Car cela n'entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s'en va
dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments. Il dit encore: Ce
qui sort de l'homme, c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du dedans,
c'est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères,
les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés,
la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la
folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l'homme
» (Marc 7:15-23).
Et Paul, parlant de la tolérance en matière d’habitudes alimentaires,
conclut : « Car le royaume de Dieu, ce n'est pas le manger et le boire,
mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit » (Romains
14:17).
Ce qui précède doit avoir un écho dans l’esprit des saints des derniers
jours. Nous payons également la dîme et nous nous sommes engagés à
respecter la parole de sagesse ainsi qu’à faire l’œuvre pour les morts, à
remplir des appels dans l’Église, etc. Il ne s’agit naturellement pas ici
de minimiser la nécessité de respecter ces observances, mais de leur
attribuer la place qui leur revient réellement dans la vie d’un disciple
du Christ. Comme le dit le Maître : « C'est là ce qu'il fallait pratiquer
(les vertus évangéliques), sans négliger les autres choses (telles que la
dîme, etc.). » C’est bien d’être minutieux dans le respect de la dîme, du
jeûne ou de la parole de sagesse à condition de l’être tout autant dans
l’observance des règles que le Sauveur nous a données dans le sermon sur
la montagne.
Un outil puissant : la prière
Les Écritures et les dirigeants de l’Église ont beaucoup à dire sur la
façon chrétienne de vivre nos relations avec Dieu, avec nous-mêmes et avec
les autres et, d’une manière générale, le bien-fondé de cet enseignement
paraît évident à chacun. La véritable difficulté surgit quand il faut
mettre ces beaux principes en pratique dans la vie courante. Autant il est
facile de confesser son prochain autant il est difficile de se voir
soi-même. De là le fossé qui existe souvent entre ce que le chrétien croit
et ce qu’il pratique effectivement.
Le miroir que nous présentent les autres dans la perception qu’ils ont de
nous peut être un instrument d’évaluation utile, mais il est souvent rendu
inefficace par nos réactions instinctives : l’exhortation peut être perçue
comme concernant les autres et pas nous ; la réprimande directe peut vexer
ou blesser. Dans les deux cas, le processus de repentir ou de correction
de trajectoire ne s’enclenche pas. Le meilleur processus est le travail
que l’on entreprend délibérément sur soi-même.
La prière, bien utilisée, peut être un outil puissant dans la solution de
ce problème crucial. Dieu n’a pas besoin de nos prières, mais nous, nous
avons besoin de prier. Pourquoi ? Parce que la prière véritable,
contrairement à la prière machinale, qui n’est qu’une répétition de
formules que la routine a vidées de leur sens, est un dialogue avec Dieu.
Or, pareil dialogue implique forcément un dialogue avec soi-même. Il n’est
pas question ici de la prière à l’église ni même de la prière en famille,
mais de la prière privée, celle dans laquelle on se confesse à Dieu,
confession qui n’est possible que si l’on se confesse aussi à soi-même.
La prière-dialogue aborde ainsi le processus que nous avons le plus de mal
à entreprendre : faire un examen de conscience personnel quotidien, sans
complaisance, sans excuses, mais aussi sans culpabilisation destructrice,
un état des lieux où notre responsabilité personnelle trouve, avec autant
de précision que possible, la place exacte qui lui incombe.
La meilleure illustration de ce processus est ce qui se passe lors de
l’envoi d’une fusée ou d’une navette dans l’espace. Les astronautes à bord
du vaisseau spatial sont en communication constante avec leur base
terrestre, faisant rapport, évaluant, corrigeant, recevant des
instructions. La réussite de leur mission et de leur retour à bon port sur
la terre en dépendent. Nous sommes, nous aussi, des astronautes. Nous
avons débarqué sur une planète lointaine et, pour que notre mission soit
une réussite, nous devons, nous aussi, rester en contact régulier avec
notre base, qui est Dieu, pour faire rapport, évaluer, faire des
rectifications de trajectoire en fonction de ce qui nous est recommandé.
Vue sous cette optique, la prière peut être un processus en deux étapes
dont la première est la prière du soir et la seconde, celle du matin.
Pour être efficace, la prière du soir doit comporter deux volets, d’abord
le dialogue avec soi-même, ensuite le dialogue avec Dieu. Le premier volet,
le plus délicat, consiste à passer en revue les événements de la journée
et à évaluer notre comportement dans les situations dans lesquelles nous
nous sommes trouvés. Il exige de nous une connaissance suffisante des
Écritures pour pouvoir instantanément avoir à l’esprit le principe
concerné dans chaque situation. Il faut alors décider si notre attitude,
dans chaque situation, a été celle que nous aurions adoptée si le Christ
avait assisté à l’événement et nous avait observés. Il est indispensable
de le faire honnêtement et équitablement, sans chercher d’excuses ni de
faux-fuyants et sans autojustification. Notre jugement doit être celui-là
même que nous passerions sur une autre personne ayant eu la même attitude
que nous dans la même situation.
Ayant confessé à nous-même, il devient alors important de passer au second
volet, d’avouer à Dieu, de lui demander pardon et de demander son aide
pour ne plus recommencer. Le fait de formuler les faits sous forme de
phrases dans la prière contribue à donner corps à notre prise de
conscience et est un pas important dans le processus de « correction de la
trajectoire ».
Il y a, chez tous les êtres humains, un sentiment de peur face à l’univers
qui les entoure, sentiment qui suscite un déséquilibre et les pousse à
rechercher instinctivement une prise de position rassurante. Admettre
l’erreur, c’est recréer le déséquilibre, au moins temporairement, et
plutôt que de chercher à retrouver l’équilibre en se corrigeant, on est
souvent tenté de se replier sur des positions qui empêchent le
déséquilibre de se produire, notamment en refusant d’admettre tout ce qui
peut obliger à une remise en question. On ferme donc les portes, on se
refuse à regarder et à écouter, on élimine le dialogue avec soi-même. Plus
les années passent, plus il devient difficile d’entreprendre ce dialogue,
car la crainte d’ouvrir des portes longtemps fermées grandit avec
l’inconnu qui s’accumule derrière elles au fil des années.
C’est là que l’exercice quotidien de l’introspection, du dialogue avec
soi-même dans le cadre de la prière, trouve sa raison d’être. Répété
chaque jour, trois cent soixante-cinq fois par an, il va graduellement
entrouvrir toutes ces portes. L’habitude prise, les choses deviennent plus
faciles.
La prière du matin, dans laquelle on reprend la conversation de la veille,
constitue l’indispensable suivi. Elle est l’occasion de demander l’aide de
Dieu au cours de la journée pour ne plus commettre, au cours de la journée
qui commence, l’erreur ou les erreurs qui ont fait l’objet de la
confession du soir précédent et pour effectuer les correctifs nécessaires
(obtenir le pardon ou la réconciliation, réparer, etc.).
Conclusion
La nouvelle naissance, telle que l’envisage le Christ, consiste en une
réforme profonde et permanente de soi-même sous l’action d’un « grand
changement de cœur », pour s’aligner sur les principes enseignés par le
Christ, dans une volonté de communion avec Dieu et avec le Saint-Esprit et
dans le désir d’aimer sincèrement et véritablement son prochain comme
soi-même. Elle est au cœur même de l’Évangile et est indispensable au
salut.
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