Je suis mormone parce que je suis
féministe
par Valerie
Hudson Cassler Meridian, lundi 22 avril 2013
Je me suis
convertie du catholicisme à l’Église mormone et j’ai acquis mon témoignage
à la suite d’expériences spirituelles que je ne peux pas nier. Dans cet
essai, je vais cependant expliquer plutôt pourquoi, en tant que féministe,
je reste un membre fidèle de l’Église de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours.
Il est très difficile, une fois qu’on a été élevée
dans l’une des religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam),
comme je l’ai été, sans en retirer quelques conclusions assez déplaisantes
sur les femmes. Selon la religion et la secte concernée, l’on peut
s’entendre dire que la première femme était faible d’esprit ou une
meurtrière et que toutes ses filles en sont contaminées, que le corps de
la femme est impur, que Dieu voulait que les femmes se soumettent à leurs
maris et, d’une manière générale, soient subordonnées aux hommes, et que
la Divinité est masculine, rien que masculine. (On trouve, bien entendu,
aussi des échos de ces enseignements dans d’autres traditions religieuses
que l’abrahamique.)
Après avoir étudié pendant des décennies la
doctrine mormone concernant les femmes (et avoir soigneusement fait la
distinction avec les pratiques et les interprétations culturelles des
saints, qui, dans un certain nombre de cas, contredisent cette doctrine),
j’ai été libérée comme femme des croyances erronées et nuisibles sur les
femmes qui hantent ceux qui sont élevés dans les traditions abrahamiques.
Je trouve encore toujours remarquable et, dans un certain sens ironique,
d’avoir connu la « libération de la femme » par ma conversion au
mormonisme !
Je vais tout d’abord passer en revue les principaux
points de doctrine qui, à mes yeux, font du mormonisme le plus féministe
de tous les christianismes et ensuite je referai le récit de l’histoire du
jardin d’Éden telle que la conçoit l’Évangile rétabli de Jésus-Christ.
L’Évangile rétabli enseigne que le terme « Dieu » signifie une femme
exaltée et un homme exalté mariés dans la nouvelle alliance éternelle (D&A
132:19-20). On nous enseigne qu’il n’y a pas de Dieu sans hommes et femmes
qui s’aiment comme des égaux. Notre Père céleste n’est pas un éternel
célibataire ; il est marié avec notre Mère céleste. En fait, s’il y en a
un qui est un éternel célibataire, c’est Satan.
Deuxièmement,
l’Évangile rétabli enseigne que tous auront leur corps masculin ou féminin
pour toujours. Ce n’est pas une malédiction, mais un grand don et une
bénédiction que chaque âme a dû se montrer digne d’avoir. Lectrices, vos
seins, votre ventre, vos ovaires ne sont pas des malédictions impures ; ce
sont des bénédictions. Et l’Évangile rétabli m’enseigne aussi que je serai
mariée pour toujours et que j’aurai des enfants pour toujours, et que la
vie de femme mariée avec mon bien-aimé ayant des enfants pour toujours est
la vie qui m’apportera la joie la plus complète dans l’éternité — comme
ici-bas. En troisième lieu, la doctrine mormone enseigne qu’hommes et
femmes sont égaux devant le Seigneur et l’un par rapport à l’autre. « Égal
» ne signifie pas « identique » — par exemple, il n’y a pas deux hommes
qui soient identiques et pourtant ils sont égaux entre eux et devant le
Seigneur. Peut-on imaginer une compréhension de l’égalité qui signifie
qu’un homme et une femme, quoique différents, peuvent être égaux devant le
Seigneur et entre eux ? C’est la vision de l’égalité qu’enseigne
l’Évangile rétabli.
L. Tom Perry, un apôtre de l’Église, a déclaré
en 2004 : « Il n’y a pas un président et une vice-présidente dans une
famille. Nous avons des coprésidents, collaborant éternellement pour le
bien de leur famille... Ils sont sur un pied d’égalité. Ils planifient et
organisent conjointement et à l’unanimité les affaires de la famille
tandis qu’ils vont de l’avant [1]. » Quelle vision incroyable, surtout
pour une de ces confessions chrétiennes dont beaucoup croient en une
certaine forme de soumission des épouses à leurs maris. Les saints des
derniers jours ne prêchent pas la soumission des épouses.
À mon
avis, nous ne pouvons pas comprendre pleinement cette doctrine
révolutionnaire de l’Église mormone sans en revenir à l’histoire du jardin
d’Éden. Encore une fois, commençons par trois différences principales dans
la narration de cette histoire du point de vue de l’Évangile rétabli.
Premièrement, les saints des derniers jours ne croient pas que la
Chute ait été une grande tragédie. Nous pensons, au contraire, que la
Chute a été préordonnée, que c’était pour notre progression et que, par
conséquent, la Chute a été une bénédiction. Deuxièmement, les saints ne
croient pas qu’Ève ait péché en prenant du fruit du Premier Arbre, l’arbre
de la connaissance du bien et du mal. Et troisièmement, parce que les
saints ne croient pas qu’Ève ait péché, nous ne croyons pas non plus
qu’Ève ait été punie par Dieu pour avoir pris du fruit, mais qu’elle a
plutôt été récompensée.
Le Grand Plan du bonheur conçu pour les
enfants de Dieu exigeait qu’ils quittent leur foyer céleste, reçoivent un
corps mortel comme bénédiction, reçoivent un libre arbitre complet en
étant séparés de Dieu et puis retournent dans leur foyer céleste pour être
jugés sur la façon dont ils ont utilisé leur libre arbitre. Autrement dit,
le Plan devait être un « circuit » si vous voulez : il devait nous emmener
loin de notre foyer céleste et, si nous suivions bien ce chemin, le plan
devait nous ramener à notre foyer céleste, maintenant beaucoup plus
semblables à nos Parents célestes, avec beaucoup plus de connaissance, un
libre arbitre plus complet, le désir de choisir le bien, avec bien plus
que nous ne pourrions en avoir acquis si nous étions restés au ciel avec
une version pâle ou diluée du libre arbitre.
Seuls les enfants
pouvaient choisir de partir et de réaliser la séparation d’avec leurs
parents divins. Et c’est ainsi qu’ont été placés dans le jardin un fils et
une fille de Dieu et deux arbres. Deux personnes, deux arbres.
Les
deux arbres représentaient des portes le long du voyage du Grand Plan. Le
Premier Arbre, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, symbolisait
la porte menant du ciel et l’ordonnance de l’entrée dans la condition
mortelle avec un corps mortel, l’acquisition d’un libre arbitre complet et
l’éveil, au-dedans de nous, de la lumière du Christ. Le Deuxième Arbre,
l’arbre de la vie éternelle, symbolisait les ordonnances du salut et de
l’exaltation et la porte d’accès à notre foyer céleste.
Ève a donc
été créée en second lieu, non pas parce qu’elle provenait d’Adam, mais
pour mettre en évidence que, dans le Grand Plan, c’était aux femmes qu’il
revenait d’offrir le don du Premier Arbre [2]. C’est par l’intermédiaire
des femmes que les âmes entreprennent leur voyage dans la condition
mortelle et acquièrent leur libre arbitre et en général c’est grâce à
l’éducation donnée par les femmes, leur amour nourricier pour leurs
enfants, que la lumière du Christ s’éveille en chaque âme. Et dans cette
liste des âmes, nous devons inclure Jésus-Christ. Même le Christ, notre
Seigneur, a été escorté dans la condition mortelle et revêtu de chair
grâce au don d’une femme, a été nourri au sein de sa mère et éveillé à
tout ce qui est bon et doux dans le monde. Les femmes escortent chaque âme
à travers le voile vers la condition mortelle et le libre arbitre complet.
Il est intéressant de penser que même Adam, qui a été créé avant Ève, est
entré dans la condition mortelle totale et le libre arbitre complet en
acceptant le don du Premier Arbre de la main d’une femme. Dans un certain
sens, Adam est lui-même né d’Ève. Si, dans le cadre de son intendance
dans le Grand Plan, Ève a été préordonnée pour offrir ce bon don, alors
elle n’a pas péché — et c’est la doctrine mormone. Comme l’a dit Dallin H.
Oaks, un apôtre de l’Église, « certains chrétiens condamnent Ève pour son
acte, concluant que c’est, pour elle et ses filles, une sorte de tare. Pas
les saints des derniers jours ! Instruits la révélation, nous nous
félicitons du geste d’Ève et nous honorons sa sagesse et son courage dans
le grand épisode appelé la Chute [3]. » Nous croyons que nos Parents
célestes et aussi tout le reste des enfants de Dieu ont été heureux et
reconnaissants qu’Ève ait offert son cadeau.
Ève n’a donc pas été
la pire des femmes, elle a été la meilleure ! Elle a été la plus
courageuse, la plus remplie de foi. Il n’était donc que juste que le
premier être mortel auquel Jésus ressuscité s’est révélé n’ait pas été un
homme, mais une femme. L’accomplissement de l’Expiation par Jésus a été la
récompense de la foi de notre mère Ève au Plan, du courage qu’elle a eu
d’ouvrir la porte représentée par le Premier Arbre.
Dieu a-t-il
maudit Ève ? Nous savons que le sol a été maudit à cause d’Adam et Ève —
est-ce une malédiction d’Adam et Ève ? Dans les enseignements de l’Église
mormone, nous ne pensons pas que c’était une malédiction destinée à les
punir — c’était une malédiction qui devait mettre en action la loi des
opposés qui sous-tend le libre arbitre : la vertu et le vice, le plaisir
et la souffrance, la lumière et les ténèbres, la vérité et le mensonge (2
Néphi 2:11-13). Il fut dit à Ève qu’elle enfanterait avec douleur —
était-ce une malédiction d’Ève ? Encore une fois, selon la conception
mormone, absolument pas. Avoir des enfants, pouvoir donner pleinement le
don d’Ève, est une des parties les plus épanouissantes de la vie d’une
femme qu’elle puisse connaître que ce soit ici-bas ou dans l’au-delà si
les circonstances l’ont empêché ici.
Selon la Bible, le Seigneur
dit à Ève que, dans le cadre de sa punition, Adam dominerait sur elle.
Est-ce ce que croient les saints ? En fait non. Bruce C. Hafen, un
soixante-dix dans l’Église, dit : « Genèse 3:16 déclare qu’Adam ‘dominera
sur’ Ève, mais... ‘sur’ dans ‘dominer sur’ utilise l’hébreu ‘bet’, qui
signifie dominer avec, pas dominer sur... Le concept de partenaires
interdépendants égaux est bien fondé dans la doctrine de l’Évangile
rétabli [iv]. »
Donc seuls parmi toutes les religions chrétiennes,
les saints des derniers jours affirment que non seulement Ève n’a pas
péché, mais qu’elle a été récompensée pour son courage et sa sagesse, et
ce que Dieu a fait, cela a été de lui assurer que, tout comme elle a
rempli son rôle dans le Grand Plan du Bonheur, Adam ferait sa part dans ce
Grand Plan, ce qui lui permettrait de dominer avec elle. C’est là une
doctrine absolument révolutionnaire et étonnante parmi tous les
christianismes !
Quel don Adam va-t-il faire pour faire avancer le
Grand Plan ? Les saints croient qu’Adam et ses fils feront le don du fruit
du Deuxième Arbre aux enfants de Dieu, à ceux qui sont dignes de le
recevoir, tout comme Ève et ses filles donnent le fruit du Premier Arbre à
tous ceux qui sont dignes d’en prendre. Le fruit du Deuxième Arbre, ce
sont les ordonnances du salut et de l’exaltation administrées par les fils
de Dieu. Tout comme la porte d’entrée à travers le voile dans cette vie
est administrée et gardée par les femmes, les filles de Dieu, de même la
porte à travers le voile qui nous ramène à la maison est administrée et
gardée par les fils de Dieu. Et ceux qui ont accepté le don du Deuxième
Arbre des mains des fils de Dieu vont passer à travers ce voile et
retourner dans ce lieu céleste où ils peuvent être une fois de plus avec
leurs Parents.
Tout comme Adam a été invité à écouter Ève et a reçu
le fruit du Premier Arbre, Dieu demande à Ève d’écouter Adam et d’accepter
le fruit du Deuxième Arbre. Nous ferions preuve de négligence si nous ne
voyions pas qu’il y a eu deux écoutes, deux dons offerts, deux dons reçus,
deux intendances.
Cela signifie que la prêtrise, telle que la
voient les saints des derniers jours, n’est pas un extra donné aux hommes
et refusé aux femmes. La prêtrise est l’apprentissage de l’homme pour
devenir un père céleste, et il ressort clairement de la doctrine mormone
que les femmes ont leur propre apprentissage pour devenir comme leur mère
céleste. Les ordonnances — et ce sont des ordonnances — du corps et du
libre arbitre — la grossesse, l’accouchement, l’allaitement — les
ordonnances spirituelles du Premier Arbre ne sont pas moins puissantes ou
spirituelles que les ordonnances du Deuxième Arbre [5]. Les femmes ont
leur propre pouvoir divin.
Certains ont estimé par erreur que
l’Église et ses dirigeants masculins président sur les familles des
membres et qu’en quelque sorte cela signifie que les hommes doivent
dominer sur les femmes. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.
L’Évangile rétabli nous permet de voir que l’Église est censée être le don
que les fils de Dieu offrent à la famille, tout comme les filles de Dieu
offrent un grand don à la famille. L’Église n’est donc qu’un auxiliaire de
la famille, qui se situe au-dessus d’elle dans le plan éternel. Jeffrey R.
Holland, apôtre de l’Église mormone, a dit : « Il pourrait y avoir des
paroisses et des pieux dans le ciel — je ne sais rien là-dessus — ou il
pourrait très bien y avoir une autre organisation dont nous ne savons
rien. Ce que nous savons qui existera dans le ciel, c’est la famille. Et
l’essentiel de ce qui a été révélé sur notre vie après la mort, notre vie
éternelle, notre vie céleste, est centré sur l’organisation familiale...
[6] » La famille est l’organisation divine, et la doctrine mormone nous
apprend que, dans la famille, les femmes et les hommes gouvernent en tant
qu’égaux. Le président James E. Faust, de la Première Présidence de
l’Église, dit: « Tout père est pour sa famille un patriarche et chaque
mère une matriarche, tous les deux égaux dans leur rôle parental respectif
[7i]. » Remarquez encore une fois le martèlement de l’égalité.
Je
reste un membre fidèle de l’Église mormone, parce que, pour la première
fois de ma vie, je comprends pourquoi ce n’est pas une malédiction de
naître femme et comment on peut affirmer avec le plus grand sérieux
qu’hommes et femmes se tiennent devant Dieu et les uns devant les autres
comme véritables égaux. Je comprends maintenant que les femmes sont pour
avoir la joie (2 Néphi 2:25). Et, aussi étrange que cela puisse paraître à
certains, je crois qu’un des actes les plus profondément féministes que
l’on puisse poser est de parler aux autres de l’Évangile rétabli de
Jésus-Christ. L’Évangile rétabli restaure non seulement des relations
correctes entre l’homme et Dieu, mais aussi des relations correctes entre
hommes et femmes, ce qui en fait la force la plus puissante et la plus
progressiste pour les femmes dans le monde d’aujourd’hui.
Notes
[1] L. Tom Perry, “Fatherhood—An Eternal Calling”,
Church News, 10 avril 2004, p. 15, seulement dans la version écrite ; la
formulation originelle est dans la version audio du discours à la
conference générale d’avril 2004 sur
http://broadcast.lds.org/genconf/2004/apr/4/4_2english.mp3 [2] Alma Don
Sorensen, “The Story of Eve”, dans Alma Don Sorensen et Valerie Hudson
Cassler, Women in Eternity, Women of Zion, Springville, Utah, Cedar Fort,
2004, p. 68-101 [3] Dallin H. Oaks, “The Great Plan of Happiness,”
Ensign, novembre 1993, p. 72-75 [4] Bruce C. Hafen et Marie K. Hafen,
“Crossing Thresholds and Becoming Equal Partners”, Ensign, août 2007, p.
24-29 [5] Analiesa Leonhardt, “The Sacrament of Birth”, SquareTwo, Vol.
3 No. 1, Spring 2010, http://squaretwo.org/Sq2ArticleLeonhardtBirth.html
[6] Réunion mondiale de formation des dirigeants, 9 février 2008, p. 12
[7] James E. Faust, “The Prophetic Voice,” Ensign, May 1996, p.4
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