LE BAPTÊME DES PETITS ENFANTS EN
MÉSOAMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE
FARMS Update n° 165
Vol. 23 - 2003
Dans
une lettre à son fils Moroni, Mormon lance une mise en garde contre le
baptême des petits enfants. Il dénonce deux thèses erronées de son époque
utilisées pour justifier le baptême des petits enfants : les petits
enfants naissent avec le péché (voir Moroni 8:8) et subiront le châtiment
divin en enfer s’ils meurent sans avoir été baptisés (voir Moroni 8:13).
On ne connaît pas la nature exacte de cette pratique déviante, mais elle
était apparemment suffisamment connue chez les Néphites de l’époque de
Mormon pour justifier une condamnation prompte et sans équivoque de la
part du prophète. Mormon décrit le rite comme particulièrement pervers et
erroné à la lumière de l’Évangile de Jésus-Christ.
Quand les Espagnols sont arrivés au Nouveau Monde, au milieu du XVIe
siècle, les Mésoaméricains pratiquaient plusieurs espèces de rites de
purification par l’eau sur les petits enfants. Bernardino de Sahagun
signale que les sages-femmes aztèques baignaient rituellement les nouveau-nés,
invoquant le pouvoir purificateur de la déesse Chalchiuhtlicue. La
pratique impliquait que les enfants peuvent hériter du mal et de
l’impureté à la naissance, comme le montrent les paroles prononcées par la
sage-femme pendant la cérémonie :
« Peut-être vient-il chargé de mal ; qui sait de quelle manière il vient
chargé des fardeaux mauvais de sa mère ou de son père ? Avec quelle tare,
quelle souillure, quel mal de la mère, du père le bébé arrive-t-il chargé
? Il est entre tes mains. Reçois-le, purifie-le, lave-le, car il t’est
spécialement confié, car il est livré entre tes mains. Enlève la tare, la
souillure, le mal de sa mère, de son père ! Peut-être vient-il chargé de
vil [sic]. Puisse la chose avec laquelle il est chargé, le mal, le mauvais
être lavé, être détruit… Puisse la souillure être lavée ! Puisse-t-elle
être lavée, puisse-t-elle être détruite de la façon qui a été désignée
[1]. »
De la prière de la sage-femme se dégage aussi la croyance que les petits
enfants peuvent être purifiés de ces péchés et de ces impuretés
intrinsèques par un lavage rituel avec de l’eau : « Puisse-t-elle [la
déesse Chalchiuhtlicue] te recevoir ! Puisse-t-elle te laver,
puisse-t-elle te purifier !… Puisse-t-elle purifier ton cœur ;
puisse-t-elle le rendre bon ! Puisse-t-elle te donner une bonne conduite !
[2] » Après le baptême, on disait : « Maintenant le bébé vit de nouveau ;
il naît de nouveau ; maintenant il devient propre, il devient de nouveau
pur [3]. »
Le codex Nuttall, un livre d’images peintes de la région d’Oaxaca (Mexique),
montre ce qui semble être un baptême par immersion mixtèque. Le dessin
représente une femme sous l’eau sortant d’une coquille de tortue, une
manière de représenter la nouvelle naissance (voir illustration) [4].
Selon le frère Diego de Landa, les Mayas du Yucatan pratiquaient un rituel
précolombien de purification par l’eau appelé caput sihil, ce qui veut
dire « naître de nouveau ». Personne ne pouvait se marier ou devenir
prêtre maya sans avoir été ainsi purifié. Des enfants ont pu être ainsi
baptisés dès l’âge de trois ans [5]. Landa écrit à propos de l’ancienne
communauté maya jadis située dans ce qui est aujourd’hui Mérida (Mexique)
: « Ils croyaient que si quelqu’un mourait sans baptême, il devrait subir
davantage de tourments en enfer qu’une personne baptisée [6]. »
Ainsi donc, l’idée que les petits enfants qui meurent sans avoir été
baptisés connaîtront des tourments pour le mal ou l’impureté dont ils ont
hérité n’était pas limitée au discours américain du début du XIXe siècle,
comme l’ont prétendu certains détracteurs du Livre de Mormon [7]. Selon
toute évidence, elle était également courante en Mésoamérique
précolombienne. Le Livre de Mormon nous apprend que les croyances
sous-jacentes à la pratique de baptiser les petits enfants étaient connues
dans le Nouveau Monde au moins dès le IVe siècle de notre ère.
* * * * * * *
[1] Bernardino de Sahagun, Florentine Codex : General History of the
Things of New Spain, trad. angl. Arthur J. O. Anderson et Charles E.
Dibble, 1969, livre VI, sec. 32, pp. 175-176.
[2] Idem, p. 175.
[3] Idem, p. 202.
[4] The Codex Nuttall : A Picture Manuscript from Ancient Mexico, dir. de
publ. Zelia Nuttall, 1975, folio 16.
[5] Voir Alfred M. Tozzer, trad., Landa’s Relacion de las Cosas de
Yucatan, 1941, p. 102.
[6] Idem, n. 462.
[7] Alexander Campbell, par exemple, le dit dans « Delusions », Millennial
Harbinger 2, 7 février 1831, p. 93.
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